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Liberté de la presse et droits fondamentaux en France et en Ecosse: influence de la CEDH

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par Abderrahman BENYAHYA
Université d'Auvergne Clermont I - DU Etudes Juridiques et Politiques Comparées 2007
  

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Université d'Auvergne Clermont I

Faculté de droit et de Science Politique

La liberté de la presse et les droits de la personne en France et en Écosse: influence de la Convention Européenne des Droits de l'Homme

Abderrahman BENYAHYA Mémoire réalisé sous la direction de Madame Marie-Élisabeth Baudoin, maître de conférences en droit public, en vue de l'obtention du DU Études Juridiques et Politiques Comparées, pays européens.

Année académique 2006-2007

Remerciements

À Madame Marie-Élisabeth Baudoin pour son soutien pédagogique

à Fatima Ouahman pour le soutien moral et les encouragements, ainsi qu'à Ramzi Naffa et Sajid Farouk. Je remercie aussi ma famille pour tout.

Liste des abréviations et sigles

AC: Appeal Case

ALL ER: All England Report

All ERR:

Bull crim : Bulletin Criminel

CA Cour d'appel

Cass. Civ: Cour de cassation, chambre civile

Cass. Crim: Cour de cassation, chambre criminelle

CE: Conseil d'Etat

Com EDH: Commission Européenne des Droits de l'Homme

CEDH: Cour Européenne des droits de l'Homme

Cons Constit: Conseil Constitutionnel

Crim LR: Criminal Law Review

DDHC: Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

EHHR: European Human Rights Reports

FSR: Fleet Street Report

HRA: Human Rights Act

JC: Justiciary Cases (Scotland)

KB: Kings Bench

NLJ: New Law Journal

QB: Queens Bench

RPC: Reports of Patents Cases

SA: Scotland Act 1998

SC: Session Cases (HL: House of Lord - PC: Privy Council)

SCCR: Scottish Criminal Case Report

SLT: Scots Law Times

WLR: Weekly Law Report

Introduction

La liberté de la presse - ou liberté de produire, dans les écrits, livres, brochures, journaux, ses idées, ses opinions sur toute matière, sans subir aucune censure préalable1(*) - est une liberté essentielle pour une société libre. En effet, composante de la libre communication des idées et des opinions, elle permet d'informer les citoyens sur la situation politique et apporte les outils nécessaires pour exercer un esprit critique vis-à-vis des gouvernants.2(*) En ce sens, la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans son arrêt Lingens c/ Autriche indique que: « la liberté de la presse fournit à l'opinion publique l'un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants. Plus généralement, le libre jeu du débat politique se trouve au coeur même de la notion de société démocratique»3(*) et souligne dans son arrêt Sunday Times c/ Royaume-Uni que la presse joue un rôle indispensable de « chien de garde »4(*). Il faut noter par ailleurs qu'en plus d'être témoin, la presse est aussi l'un des acteurs principaux de l'actualité, et, l'année écoulée des développements importants ont bouleversé la matière.

Pourtant, paradoxalement, la liberté de la presse ne serait pas tant menacée par les interventions des autorités publiques que par l'exercice des droits et libertés individuels. Ainsi, selon le dernier rapport annuel de Reporters Sans Frontières, en ce qui concerne les pays d'Europe, « la tentation de l'interdit » s'est caractérisée principalement par « l'affaire des caricatures » qui a cristallisé l'opposition « entre partisans de la liberté d'expression et défenseurs des sensibilités religieuses »5(*) . La liberté de religion, le droit au respect à la vie privée et le droit à la présomption d'innocence apparaissent dans le rapport de la situation française6(*) comme les principales menaces pesant sur la presse. Cette constatation est bien éloignée de l'idée exprimée par Mirabeau selon laquelle la liberté de la presse est une liberté «sans laquelle les autres ne peuvent être conquises»7(*). Elle n'est pas propre à la France8(*) car au Royaume-Uni, l'idée de la promotion du développement personnel des individus par la liberté de la presse est non seulement affirmée par les théoriciens9(*) mais aussi rappelée par la Chambre des Lords: dans une affaire de la Chambre des Lords statuant en tant que Cour d'appel R v Secretary of States for the Home Department, le Lord Steyn explique que la liberté d'expression « promeut le développement personnel des individus dans la société »10(*).

Si la liberté de la presse est une condition nécessaire pour l'exercice des autres droits et libertés, comment dès lors expliquer que ces derniers puissent la limiter voire menacer son existence ? Cette interrogation se dissipe si l'on considère le fameux adage « la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres »11(*) et si l'on se rappelle que la liberté de la presse est essentiellement exercée par des acteurs privés tenus par des devoirs et des responsabilités inhérents à l'exercice de toute liberté.

Les spécificités inhérentes aux systèmes juridiques écossais et français ne vont pas sans se répercuter sur la liberté de la presse, et sa mise en balance avec la protection des droits de la personne. S'il l'ont se fie au rapport de Reporters Sans Frontière, le Royaume-Uni accorde un meilleur sort à la presse, et c'est en France où les droit de la personne sont perçus comme un danger pour la liberté de l'information. Mais cette situation est plus révélatrice de la situation politique et des facteurs explicatifs de la diversité que de la logique juridique des deux pays. Il convient donc de s'interroger sur la variété des pratiques juridiques en France et en Écosse sur la mise en balance de la liberté de la presse avec les droits de la personne. Les deux pays sont des parties contractantes à la Convention Européennes des Droits de l'Homme et s'engagent par la même à mettre en oeuvre les obligations qui y sont inscrites. La Cour Européenne influence directement la législation des pays membres dans les affaires les impliquant, mais aussi indirectement par sa jurisprudence sur la liberté d'expression aux prises avec « les droits d'autrui ». Dès lors, l'appréciation de la diversité des législations ne peut être complète sans intégrer le rôle harmonisateur du droit de la Convention. Il faut donc exposer les principes qui permettent de la situer dans son rapport avec les droits de la presse français et écossais.

Ainsi, au sein de la Convention Européenne, si le premier paragraphe de l'article 10 énonce le principe de la liberté d'expression (« la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière »), le second en relativise néanmoins le contenu en admettant entre-autre la limitation pour la « protection de la réputation ou des droits d'autrui ».

Afin de parer aux dangers à la fois de l'autoritarisme et de la dissolution du lien social,12(*) la mise en balance des deux principes est effectuée par la Cour de Strasbourg conformément au principe de nécessité et de proportionnalité. En outre, l'article 17 permet de contrer toute utilisation malveillante d'un droit inscrit à la Convention pour détruire les fondements démocratiques de la société européenne.13(*) Si la liberté de la presse est un fondement essentiel de la démocratie, la protection de la réputation et des droits d'autrui peut justifier l'ingérence de la puissance publique, pour autant que prévue par la loi, elle soit nécessaire dans une « société démocratique » à la réalisation de ces buts. Pour remplir la première condition, la seule présence d'un texte législatif ou même d'une jurisprudence ne suffit pas : la Cour Européenne exige de ceux-ci qu'ils soient « suffisamment accessible[s] » et « énoncé[s] avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ». Elle concède cependant que la prévisibilité ne peut être absolue pour éviter la « rigidité excessive»14(*). Concernant la « société démocratique » elle se caractérise selon la Cour de Strasbourg par la promotion de valeurs telles que « le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture»: ainsi, la liberté d'expression « vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population»15(*). L'adjectif « nécessaire » quant à lui suppose l'existence d'un « besoin social impérieux »16(*) qui sera, dit la Cour, appréciée par les juridictions des États bien que doublée d'un contrôle européen minimum. La jurisprudence européenne ne s'est pas limitée à ces garde-fous pour s'assurer de la protection de la liberté de la presse et du droit a l'information: en effet, le but légitime de protection de la réputation et des droits d'autrui peut être exploité par les hommes politiques et les fonctionnaires pour entraver toute critique à leur encontre. C'est la raison pour laquelle la Cour Européenne accorde à la liberté de la presse une protection renforcée lorsqu'il s'agit de l'expression politique. Dans l'affaire Lingens, la cour affirme que dans le cadre de la mise en balance entre protection de la réputation d'un homme politique et liberté de la presse pour ce qui de la libre discussion des questions politiques, « les limites de la critique admissible sont plus larges »17(*). L'application de ces principes fondamentaux en droit européen est en premier lieu de la responsabilité des juridictions internes des États contractants. En effet, du fait de son caractère international, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales donne en premier lieu compétence aux États et, la Cour ne peut être saisie qu'après épuisement des voies de recours internes.18(*)

Les sources du droit et les institutions politiques écossais étant peu familières pour le lecteur français, il semble nécessaire de développer ici quelques spécificités qui permettront d'avoir une compréhension plus affûtée de la problématique et, de préciser les différences de contexte juridique existant en Écosse et en France.

Les sources législatives du droit de la presse

En Écosse, s'il n'existe pas de proclamation solennelle de la liberté de la presse19(*), la pratique jurisprudentielle (la Common Law) la définit comme le droit d'écrire et de publier opinions et informations librement à la condition de respecter `la loi` qui justifie les restrictions par une nécessité absolue.20(*) Il n'existe pas non plus de texte de loi unique qui en réglemente l'exercice: la législation est éparpillée entre Common Law et texte législatif. Ainsi, vont naître de façon prétorienne des limitations à la liberté de la presse par les droits d'autrui avec des principes comme la confidentialité (doctrine `Breach of confidence` développée dans l'affaire Coco v AN Clark21(*)) ou encore l'interdiction du blasphème22(*). Il existe par ailleurs un certain nombre de statuts ou lois édictées par les parlements de Westminster et d'Ecosse qui vont limiter la liberté de la presse: le Contempt of Court Act23(*) est ainsi utilisé afin de protéger à la fois l'impartialité des tribunaux et la présomption d'innocence contre l'ingérence des médias. Tandis qu'en France le législateur conserve une place prépondérante avec la loi sur la liberté de la presse du 29 Juillet 1881 qui contient à la fois la proclamation de la liberté de la presse24(*) (absence d'autorisation préalable) et la répression des délits par voie de presse.25(*) En dehors des exigences procédurières protectrices (prescription des actions publiques et civile de 3 mois26(*)), la loi de 1881 contient un certain nombre de dispositions d'ordre pénal limitant l'exercice effectif de la liberté de la presse pour assurer la protection des droits d'autrui.

Les sources constitutionnelles de la liberté de la presse

Ces différences au niveau législatif se retrouvent également au niveau constitutionnel puisque le Royaume-Uni contrairement à la France ne connaît pas de constitution identifiable dans un seul document. Il est en effet incorrect de dire que la constitution est non écrite car en réalité il s'agit d'un agrégat de diverses sources aussi bien écrites que non écrites: on les retrouve dans les législations parlementaires27(*) mais aussi dans la Common Law28(*) et les 'conventions constitutionnelles'. Pour ce qui est de l'Écosse nous pouvons considérer comme constitutionnel le Scotland Act de 1998, loi de dévolution qui donne compétence à un nouveau parlement écossais pour toutes les matières ayant trait au gouvernement local et aux fonctions des autorités locales. Le parlement écossais contrairement à son homologue de Westminster n'a pas de pouvoir absolu et est lié tant par la procédure que par le contenu: il ne peut pas légiférer dans les matières réservées au parlement britannique, modifier certaines législations fondamentales29(*) incluant le Scotland Act 1998, et ne peut pas non plus voter de lois contraires à la Convention Européenne des Droits de l'Homme30(*) : donc au niveau écossais nous pouvons affirmer que l'article 10 a une valeur constitutionnelle. La difficulté réside dans le fait que toutes les lois votées par le parlement central (Westminster) ont une même force juridique et ne connaissent pas la hiérarchie des normes car la doctrine de la souveraineté du parlement encore en cours exige qu'il puisse faire et défaire les lois et qu'il ne soit pas lié par ses propres textes31(*). Toutefois, les limites de cette doctrine ont été relevées concernant l'acte fondateur du parlement de Westminster (les Traités d'union pour l'écosse 1707 et l'Irlande 1800) et par le fait que le Parlement soit lié par sa législation concernant la forme et la procédure de vote des lois32(*). Ainsi les juridictions ne refusent pas de vérifier qu'une loi est votée selon la procédure parlementaire.33(*) Cependant, elles ont toujours refusé d'examiner le moyen selon lequel la législation est invalide et donc d'entreprendre le contrôle de constitutionnalité des lois.34(*) Il est inconcevable que la loi « expression de la souveraineté populaire » puisse être contrôlée par un corps non élu et non représentatif.

La France avait connu la même situation jusqu'à la création du Conseil Constitutionnel et la décision 16 Juillet 1971 qui a permis de donner valeur constitutionnelle au préambule.35(*) La Constitution de 1958 faisant référence à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, son article 11 relatif à la liberté de la presse se trouve par conséquent consacré au niveau le plus élevé de la hiérarchie des normes. Le Conseil Constitutionnel a eu plusieurs fois l'occasion de se prononcer sur la portée des dispositions législatives ayant pour objet la régulation de l'exercice de la liberté de communication36(*). Elle a reçu le titre de liberté fondamentale par le Conseil Constitutionnel: elle ne peut être soumise à une autorisation préalable et, pour pouvoir s'exercer, ne peut être réglementée par la législation qu'en vue de rendre la protection plus effective. Enfin, elle ne peut être soumise à une réglementation locale.37(*) Cette qualification permet de restreindre les interventions législatives aux seuls cas où elles permettent de rendre plus effectif l'exercice de cette liberté ou pour la concilier avec des règles et principes de valeur constitutionnelle. Ainsi, le Conseil Constitutionnel a déclaré que le pluralisme des quotidiens d'informations est un objectif à valeur constitutionnelle sans lequel, l'exercice de la liberté de communication ne pourrait être effectif: en effet, du point du vue du destinataire, la liberté proclamée à l'article 11 de la DDHC a pour objectif de garantir la diversité des publications afin que le lecteur soit en position d'exercer le libre choix. De même, l'objectif de transparence permet de renforcer l'exercice de cette liberté car elle donne aux lecteurs les moyens de connaître les méthodes d'informations dont il dispose et ainsi d'adopter un choix éclairé. Ces objectifs à valeur constitutionnelle servent à exercer sur le législateur une obligation positive de protection effective et adéquate de la liberté de la presse et, la qualification de liberté fondamentale par le Conseil Constitutionnel permet de garantir une plus grande protection à travers le temps et de parer à tout risque de régression de la liberté sans justification.

La transposition du droit de la Convention en droit interne

Toutefois étant donné que le juge constitutionnel n'est pas habilité par la Constitution à exercer un contrôle sur toute les lois votées mais uniquement sur celles qui lui sont déférées par l'une des autorités permises- le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs - aujourd'hui seulement environ 10 % des lois y sont déférées38(*). La protection constitutionnelle de la liberté de la presse s'en trouve donc forcément limitée: l'on peut s'interroger sur la réelle constitutionnalité de certaines lois adoptées sans avoir reçu la sanction des Sages. Étant donné qu'il n'existe pas à ce jour de contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois par les juridictions ordinaires, il semble bien que la Convention Européenne des droits de l'Homme soit un instrument indispensable pour combler cette lacune du droit. En effet, non seulement, la Cour Européenne de Strasbourg exerce par ses arrêts une influence majeure dans la protection des libertés fondamentales, mais, il faut aussi noter que du fait du contrôle de conventionnalité exercé par les juridictions internes, ces dernières ont trouvé une parade pour déjouer l'interdiction du contrôle constitutionnel des lois.

Le droit de la Convention européenne n'a pas eu besoin en France d'être transposé par l'intermédiaire d'une loi pour pouvoir s'appliquer directement et être invocable par les particuliers devant les cours. Il en va différemment de l'Écosse car le système britannique contrairement à la France se définit clairement comme dualiste entre l'ordre juridique international et l'ordre juridique interne: les sources internationales du droit ne peuvent être appliquées qu'après incorporation en droit interne par le vote du parlement d'une loi reprenant les dispositions internationales. Ceci est un corollaire du principe de la souveraineté du parlement (le parlement ne reconnaît pas de lois supérieures auxquelles il doit être lié et ne pourrait accepter l'application de règles juridiques de valeur législative sans son consentement préalable39(*)). Subséquemment, avant l'incorporation de la Convention Européenne des droits de l'Homme par l'Human Rights Act de 1998 et le Scotland Act de 1998, les cours écossaises refusaient de prendre en considération le droit européen dans leur jugement d'affaires concernant les libertés individuelles. Dans un arrêt de principe Surjit Kaur v Lord Advocate40(*), Lord Ross avait affirmé que « les cours écossaises ne peuvent pas tenir compte de la Convention jusqu'à ce que ses dispositions soient reprises dans un Statut ». Cet obiter dictum sera repris par la haute juridiction écossaise dans un arrêt Moore v Secretary of State of Scotland41(*). Cette approche restrictive a découragé toute référence à la Convention Européenne dans les jugements écossais pendant de nombreuses années bien que certaines allusions apparaissent dans le discours de la Chambre des Lords.42(*)

Ceci contraste avec l'attitude adoptée par les juridictions en Angleterre et en Pays de Galles. En effet, dans les arrêts anglais de la Chambre des Lords, il est établi que dans l'interprétation de dispositions nationales ambiguës, les cours devaient présumer que le parlement a voulu légiférer en conformité avec la Convention (doctrine du Lord Bridge)43(*).

Il faut noter toutefois que la Convention a commencé à avoir un impact indirect sur les cours écossaises du fait d'un certain nombre de décisions de la Cour Européenne des droits de l'Homme ayant trait au contentieux pénal écossais.44(*)

Lord Hope après sa désignation en tant que Lord President et Lord Justice-General a décidé dans le célèbre arrêt T, Petitioner de revoir le statut de la Convention dans le droit écossais en déclarant « l'opinion de Lord Ross (...) est de plus en plus considérée a la lumière d'une évolution subséquente comme étant dépassée et, selon mon opinion, (...) il est temps de l'abandonner expressément. ». Il a conclu que la distinction à ce sujet entre les cours écossaises et le reste du Royaume Uni ne pouvait plus être justifiée et a demandé l'adoption par les juridictions écossaises de la doctrine du Lord Bridge.45(*)

à partir de cet arrêt, la Convention a été citée de plus en plus fréquemment par les cours écossaises particulièrement par la High Court of Justiciary mais principalement comme une aide pour l'interprétation.46(*) Mais c'est avec le SA et l'HRA que la Convention est devenu invocable devant les tribunaux : la première loi permet d'éviter que le parlement écossais puisse voter une législation contraire à la Convention47(*) par une procédure complexe d'examen avant l'introduction du projet de loi au parlement écossais, par l'exécutif écossais et un officier indépendant et, avant l'envoi pour sanction royale48(*) par un comité judiciaire qui peut mettre fin à la procédure. En plus de ce contrôle a priori et abstrait le SA dispose que les juridictions doivent considérer lors de leur procédure si un acte du parlement écossais entre bien dans sa compétence49(*). Et, une personne peut soulever le moyen de la violation de ses droits inscrits dans la Convention par un tel acte à condition toutefois qu'elle en soit victime au sens de l'article 34 de la Convention50(*). Si une juridiction décide que l'acte du parlement écossais n'est pas une loi, elle a le pouvoir d'émettre un ordre qui en supprime ou limite les effets.51(*)

De la même façon pour l'exécutif écossais, le transfert des fonctions ministérielles existantes aux ministres écossais n'est possible que s'il n'est pas contraire à la Convention52(*) et, les membres de l'exécutif écossais n'ont pas le droit d'agir de façon incompatible avec la Convention53(*) et si c'est le cas, les cours pourront en traiter durant la procédure et émettre54(*) un ordre qui en supprime les effets.

Au plan central, l'HRA entré en vigueur un an après le SA permet aux habitants britanniques de revendiquer leurs droits inscrits dans la Convention devant les juridictions nationales et d'éviter ainsi d'augmenter coût et retard en allant devant la Cour Européenne des droits de l'Homme55(*). Cette législation a introduit l'obligation pour les juridictions de lire et de donner effet, `autant que possible`, à la législation de façon compatible avec la Convention56(*), de faire une `déclaration d'incompatibilité` lorsqu'elle constate la contradiction entre les deux textes57(*), de ne pas agir de façon contraire à la convention (tout comme les autorités publiques) et à la jurisprudence de la Cour Européenne dans leurs décisions58(*) et enfin d'exercer un contrôle de compatibilité des actes des autorités publiques (à l'exception du parlement écossais) si le requérant est victime au sens de l'article 34 de la Convention59(*).

La doctrine de la souveraineté du parlement britannique vient encore une fois limiter l'importance de cette réforme: contrairement aux actes du parlement écossais, les lois votées par le parlement de Westminster ne sont pas sujet au contrôle de constitutionnalité ni de conventionnalité. Avant que le projet ne devienne loi, le ministre parrain doit fournir une déclaration qui indique que la loi est conforme à la Convention des droits mais, si la non-conformité est déclarée elle n'a pas d'effet sur la procédure si le gouvernement veut faire passer la loi.60(*) Toutefois, cette déclaration sera prise en compte par les juridictions pour apporter la preuve que le gouvernement a agi consciemment en contradiction avec la Convention et empêchera de donner une interprétation conforme: Si les cours61(*) ont la capacité d'adresser une « déclaration d'incompatibilité » de cette loi, l'HRA affirme dans la section 3(2) b que sa validité et sa mise à exécution n'en seront pas affectées et, elle n'a aucun effet juridique même entre les parties au jugement62(*). Ainsi, même les actes de l'exécutif pris en application de cette loi ne pourront être sujets au contrôle de conventionnalité par les cours (c'est une sorte de théorie de la loi écran qu'on retrouve en France). Cette déclaration pourra être prise en compte par le parlement qui garde sa pleine souveraineté: le ministre en question a le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures correctives en émettant ordre qui doit être approuvé par les deux chambres du parlement.63(*)

En France comme en Écosse donc, la Convention Européenne est appelé à jouer un rôle de « substitut » pour exercer un contrôle de constitutionnalité qui autrement est impossible: le juge est amené à interpréter à la foi Convention et droit national dans la mise en balance entre liberté de la presse et droits de la personne. Par conséquent, il reste nécessaire de scruter les législations nationales française et écossaise afin de connaître la différence dans la réception du droit européen et son rôle potentiel d'uniformisation des limites juridiques à la liberté de la presse par les droits individuels.

Pour ce faire il faut dans ce domaine faire la distinction entre d'une part la divulgation d'informations et d'autre part l'expression d'opinions car selon la Cour Européenne, si la première peut être soumise à l'exigence d'exactitude, la seconde connaît un régime juridique plus souple64(*). En effet, imposer la preuve de la matérialité des jugements de valeur revient en fait à porter atteinte à la liberté d'opinion du fait que cette exigence est irréalisable.65(*) Cette liberté d'opinion se heurte au droit de ne pas être outragé dans ses convictions religieuses, à la non discrimination et au droit de ne pas être attaqué sur des fondements racistes et enfin, à la protection de la moralité individuelle: dans ces domaines, la jurisprudence européenne paradoxalement laisse une large marge d'appréciation aux États. De ce fait, les pratiques juridiques entre France et Écosse dans ses domaines reflètent bien les différents choix de valeur sociétale (chapitre I). En revanche dans le domaine de l'information et particulièrement celle de nature politique, la Cour Européenne impose une plus stricte analyse de la compatibilité des limites inhérentes aux droits individuels avec les principes de nécessité et de proportionnalité: l'influence de la jurisprudence européenne dans la convergence des droits écossais et français est nettement plus prégnante dans la mise en balance entre la liberté d'information du public et les droits d'autrui. (Chapitre II)

Chapitre 1: La diversité des approches en matière de liberté d'opinion

Le principe de la marge d'appréciation, création prétorienne de la Commission66(*) et reprise par la Cour Européenne des Droits de l'Homme67(*), permet de reconnaître aux Etat une marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre des obligations inscrites dans la Convention. Corollaire du principe de subsidiarité, il se justifie par le fait que « la Cour n'a point pour tâche de se substituer aux juridictions internes compétentes »68(*) et le fait que « [g]râce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l'État se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur le contenu »69(*). Bien que cette marge d'appréciation n'est pas illimitée et soumise à la surveillance de la Cour, il est notable que certains domaines disposent d'une plus grande latitude.

Parmi les éléments d'appréciation du degré de liberté accordée aux États, l'existence d'un droit et d'une pratique consensuelle semble la plus pertinente au regard de la jurisprudence européenne concernant la presse70(*). La marge d'appréciation accordée est d'autant plus vaste qu'il y a absence de consensus dans un domaine donnée telle que la place de la morale et de la religion dans la société ou l'Ecosse accorde une protection plus importante que ne le fait la France(Titre I). D'autre part, comme l'indique Howard Charles Yourow dans son article sur la marge d'appréciation71(*), celle-ci a joué un rôle central dans la mise en balance avec le droit à la non-discrimination. Dans ce domaine, cette fois, c'est la France qui réprime plus sévèrement l'expression d'opinions racistes et négationnistes(Titre II).

Titre 1: Religion et moralité: protection renforcée en Écosse

Pour ce qui est de l'obscénité et du blasphème, le juge européen accorde aux juridictions nationales une large part de marge d'appréciation car aucun consensus n'a émergé au niveau européen pour leur donner une définition acceptable par tous: L'arrêt Wingrove résume parfaitement l'état de la jurisprudence

« Une plus grande marge d'appréciation est généralement laissée aux États contractants lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression sur des questions susceptibles d'offenser des convictions intimes, dans le domaine de la morale et, spécialement, de la religion. Du reste, comme dans le domaine de la morale, et peut-être à un degré plus important encore, les pays européens n'ont pas une conception uniforme des exigences afférentes à "la protection des droits d'autrui" s'agissant des attaques contre des convictions religieuses. Ce qui est de nature à offenser gravement des personnes d'une certaine croyance religieuse varie fort dans le temps et dans l'espace, spécialement à notre époque caractérisée par une multiplicité croissante de croyances et de confessions »72(*) 

Ainsi, l'Ecosse se singularise par rapport à la France pour la religion par l'existence d'un délit de blasphème (Section I) et pour la moralité par une répression accrue de l'obscénité (Section II)

Section I: Entre blasphème et provocation à la haine religieuse

Contrairement à la France, la Grande-Bretagne n'est pas un Etat laïc et, l'Eglise conserve une place d'importance dans le développement juridique : la Common Law sur le blasphème (déclaration verbale) et la diffamation blasphématoire (publication sous une forme permanente) demeure de rigueur ce qui ne va pas sans s'interroger sur sa compatibilité avec la société démocratique (paragraphe 1). Malgré l'affirmation d'une laïcité stricte par la société française, il est frappant de constater que le débat autour des caricatures de Mohammed a eu une envergure et un impact plus important qu'au sein de la société écossaise (paragraphe 2). 

Paragraphe 1: le délit de blasphème: spécificité anglo-saxonne anachronique?

Le délit de blasphème vise à interdire l'expression d'opinion qui heurte les croyances et la pratique de l'Eglise. Des lors, il convient de s'interroger sur sa compatibilité avec les conditions de nécessité et de proportionnalité posées par le droit européen (A). En outre cette législation pose le problème d'une discrimination instaurée entre les religions qui met en cause la neutralité de l'Etat (B).

A- Le délit de blasphème: une limitation nécessaire dans une société démocratique?

Le blasphème et la diffamation blasphématoire sont des infractions qui peuvent donner lieu a des poursuites judiciaires et à des peines d'amendes voire d'emprisonnement. A la base, cette infraction a été crée pour `la protection de la tranquillité du Royaume`73(*) et tombait sous la compétence des juridictions ecclésiastiques. Historiquement les liens entre l'Eglise et l'Etat étaient si étroits qu'une attaque contre la première semblait nécessairement impliquer une attaque contre le second.

Toutefois en ce qui concerne l'Ecosse, la dernière condamnation pour délit de blasphème remonte à 184374(*). Ce qui fait penser à certains auteurs que du fait qu'il soit extrêmement improbable qu'une poursuite aboutisse, le blasphème n'est plus considéré comme une offense75(*). En effet contrairement à l'Angleterre et au Pays de Galles, le délit de blasphème pour donner lieu à des poursuites requiert la présence d'un intérêt personnel à agir. Au surplus, selon le rapport du comité sur les offenses religieuses en Angleterre et au Pays de Galles76(*), l'Etat est peu enclin à engager des poursuites sur ce fondement. Toutefois, la prise en compte des plaintes déposées pour blasphème contre la diffusion par la BBC d'une exhibition du très controversée Jerry Springer77(*) et contre des affiches pour un festival érotique78(*) démontrent que le délit n'est pas lettre morte. Et, il est éclairant de se référer aux développements contemporains dans la loi anglaise pour en connaître la compatibilité avec les principes européens.

Aujourd'hui, cette réglementation a connu une évolution et il n'est plus suffisant de simplement renier la doctrine chrétienne pour se voir infliger une sanction pour diffamation blasphématoire. Dans l'affaire R v Lemon79(*), Lord Scarman a affirmé que les critères contemporains en matière de blasphème sont formulés dans l'ouvrage de Stephen, Digest of the Criminal Law:

« Une publication revêt un caractère blasphématoire lorsqu'elle contient un quelconque élément de mépris, d'injure, de grossièreté ou de ridicule aÌ l'égard de Dieu, de Jésus-Christ, de la Bible ou du rituel de l'Eglise d'Angleterre tel qu'établi par la loi. N'est pas blasphématoire le fait de prononcer ou de publier des opinions hostiles aÌ la religion chrétienne, ou de nier l'existence de Dieu, dès lors que la publication est libellée en un langage décent et mesureì. »

Cette affaire concernait la publication d'un poème et d'un dessin dans une édition du Gay News qui attribuait au Christ des pratiques homosexuelles durant sa vie et décrivait en détail certains actes sexuels avec son corps après sa mort. La publication a été jugée blasphématoire car susceptible de porter outrage et insulte aux convictions religieuses chrétiennes. Les critères appliqués tentent de restreindre l'application de la loi sur le blasphème à la protection individuelle c'est-à-dire le droit d'être protégé contre les insultes et les attaques à ses convictions religieuses. Il semble bien que les conditions du paragraphe 2 de l'article 10 « prévue par la loi » et « poursuivant un but légitime» sont remplies: la restriction à la liberté de la presse est bien encadrée par une jurisprudence assez claire et prévisible et, elle correspond à la protection du droit d'autrui de ne pas être outragé dans sa conviction religieuse. Il convient de s'interroger sur le respect de la troisième exigence « nécessaire dans une société démocratique »

Cette affaire a été portée devant la Commission Européenne des Droits de l'Homme dans une décision Gay News et Lemon c/ Royaume Uni80(*) qui va nous permettre de connaître la position européenne. Elle confirme tout d'abord que le délit de blasphème se conforme aux exigences d'accessibilité et de clarté de la loi et, poursuit le but légitime `de protéger les droits des citoyens de ne pas être offensés dans [leur] convictions religieuses par une publication`81(*). Ensuite elle estime que « le fait d'ériger le blasphème en infraction pénale ne suscite en soi aucun doute quant à sa nécessité: si l'on admet que les sentiments religieux du citoyen méritent protection contre les attaques jugées indécentes sur des questions que l'intéressé estime sacrées, on peut alors également juger nécessaire, dans une société démocratique, de stipuler que ces attaques, lorsqu'elles atteignent une certaine gravité, constituent une infraction pénale dont la personne offensée peut saisir le juge ». Par conséquent, au vue de la législation présente au Royaume-Uni, le délit de blasphème n'est pas disproportionné par rapport au but poursuivi. Cette jurisprudence a été reprise concernant la diffusion de Vision d'Ecstasy: la Cour Européenne rappelle qu' « il n'y a pas encore, dans les ordres juridiques et sociaux des États membres du Conseil de l'Europe, une concordance de vues suffisante pour conclure qu'un système permettant aÌ un Etat d'imposer des restrictions aÌ la propagation d'articles réputés blasphématoires n'est pas en soi nécessaire dans une société démocratique, et s'avère par conséquent incompatible avec la Convention ».82(*) Par ailleurs, le haut degré de profanation exigé permet à l'exigence de proportionnalité de l'ingérence dans la liberté d'expression d'être remplie.

Toutefois, la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme pourrait évoluer selon la doctrine de l'interprétation vivante de la Convention (« living instrument ») dans le sens de l'incompatibilité du blasphème avec la liberté d'expression: ainsi, dans d'autres domaines (la suppression de châtiments corporels83(*), l'égalité de traitement entre enfants légitimes et enfants naturels84(*), la décriminalisation de l'homosexualité85(*)) où les sociétés modernes ont adopté un même standard, la doctrine de la marge d'appréciation a été écartée par la Cour pour prendre en compte les «conditions de vie actuelles».

De plus, comme le souligne elle-même la Cour de Strasbourg, « de puissants arguments militent en faveur de la suppression des règles sur le blasphème  par exemple leur nature discriminatoire aÌ l'égard de certaines confessions »86(*) : en effet, l'Eglise détient un privilège car, la seule religion visée par les textes est le christianisme. Cette distinction est à même d'enfreindre le principe de non discrimination ensemble des articles 10 et 9 de la Convention.

B- La discrimination entre l'Eglise et les autres religions

En effet, la Divisional Court a confirmé dans une affaire R. v. Chief Metropolitan Stipendiary Magistrate87(*) qu' « Il ne fait aucun doute pour nous que la loi dans son état actuel ne s'étend pas aux religions autres que le christianisme » : il s'agissait en l'espèce de l'ouvrage de Salman Rushdie dont l'action en justice pour blasphème a été rejetée car la cour a estimé qu'il n'était pas de son pouvoir d'établir une nouvelle législation afin de se conformer aux conditions sociales du XX siècle, ce pouvoir appartenant plutôt au parlement. En outre, la redéfinition d'un crime et délit dans un sens plus répressif (avec l'élargissement du délit de blasphème aux autres religions) va à l'encontre, d'une part, de l'exigence que l'ingérence soit « prévue par la loi » et, d'autre part, elle viole clairement l'article 7 de la Convention qui consacre le principe de la légalité des délits et des peines. Et depuis l'incorporation, l'article 6(3) (a) de l'HRA il est de la responsabilité des cours de donner des jugements compatibles avec la Convention et la jurisprudence européenne. Par conséquent, selon l'avis de la majorité des auteurs, cette législation est non seulement dépassée mais en outre elle est directement en violation avec le principe de non discrimination inscrit a l'article 14 de la Convention. C'est pourquoi la Law Commission a recommandé son abolition pure et simple en 198588(*)

Le comité sur les offenses religieuses note à ce titre « il est incertain qu'une justification objective et raisonnable sur la différence de traitement entre les différentes croyances et religions puisse être étayée, de ce fait, il y a un risque significatif que la législation sur le blasphème viole l'article 14 pris ensemble avec les articles 9 et 10 ». Ce qui implique après l'incorporation de la Convention Européenne que les juridictions nationales puissent déclarer elle-même la mort de ce délit. Mais, entre temps aucune décision n'a été prise et, les procès pour diffamation blasphématoire sont restés plus que rares (le dernier en cause reste celui de 1991).

La mort du délit de blasphème et son absence du fait de la laïcité en France n'empêche pas une possible limitation de la liberté de la presse sur le fondement de l'atteinte aux sentiments religieux comme il en a été fait l'expérience récemment lors de l'affaire des caricatures.

Paragraphe 2 : La variété des réactions quant à l'outrage a la religion

Si la France et l'Écosse disposent d'une législation sensiblement semblable quant à la diffamation et à l'injure sur le fondement religieux, la dernière a préféré la politique de l'apaisement sociale (B) au profit d'un débat public et juridique intense connu en Hexagone (A).

A- La France : La mise en forme d'un débat public

La publication de 12 caricatures89(*) représentant le prophète de l'Islam par le journal danois Jyllands-Posten en Septembre 2005 a provoqué de vives réactions et une indignation mondiale au sein de la population musulmane qui s'est sentie injuriée. Dans le même temps, des intellectuels et journalistes ont refusé que la liberté de la presse soit restreinte au nom d'une religion. C'est dans ce contexte que le débat a surgi en France après la reprise par certains journaux de ces caricatures90(*). Une proposition de loi a même été déposée par le député M. Jean-Marc Roubaud91(*) pour interdire « tout discours, cri, menace, écrit, imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement aux fondements des religions ». Les associations musulmanes Union des Organisations Islamiques de France, la LigueIislamique mondiale et la Grande Mosquée de Paris ont engagé une procédure pénale devant le tribunal correctionnel de Paris contre le quotidien Charlie Hebdo pour « injure publique à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur religion » inscrite à l'article 33 de la loi de 1881. Parmi les caricatures, trois sont visées par les plaignants: celle de Cabu représentant le prophète déclarant : "c'est dur d'être aimé par des cons", les deux autres dessins repris du journal danois Jyllands-Posten, le représentent portant un turban en forme de bombe et refoulant des kamikazes au paradis avec la légende : "Arrêtez, arrêtez, nous n'avons plus de vierges". Cette affaire a suscité une grande agitation dépassant le cadre du procès: de nombreuses personnalités politiques ont été citées comme témoins par la défense transformant ce procès en véritable tribune politique. Le tribunal correctionnel de Paris a jugé que les caricatures publiées par Charlie Hebdo n'étaient pas offensantes pour les musulmans car ne s'en prenant pas à l'Islam mais aux intégristes.92(*) Toutefois, la décision précise que la caricature représentant le prophète affublé d'une bombe dans son turban « laissait clairement entendre que la violence terroriste serait inhérente à la communauté musulmane » et que ce dessein « par sa portée était de nature à outrager l'ensemble des musulmans ». Mais du fait de l'absence chez le journal d'intention de blesser, il n'a pas été condamné.

Cette décision n'est pas en soi une innovation juridique et, il semble bien qu'au regard des précédents, l'affaire des caricatures ait été surexploitée de part et d'autres pour faire valoir une supposée liberté d'expression absolue ou un respect absolu des croyances. Sont en réalité en jeu deux droits fondamentaux protégés aussi bien par les droits national et européen: la liberté de croyance et sa protection contre les injures et l'outrage et la liberté de la presse. En droit interne, la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer sur ce genre d'espèces, même s'il est vrai qu'il est rare qu'elle reconnaisse que la restriction à la liberté d'expression soit justifiée. En effet, les termes utilisés doivent entrer dans les catégories de la diffamation ou de l'injure ou de la provocation et ce contre un groupe particulier ou un individu a raison de sa religion, et le simple fait que la publication puisse heurter n'est pas suffisant: il faut qu'elle dépasse les limites admissibles de la liberté d'expression93(*). Ainsi a-t-elle décidé dans un arrêt récent que « la seule parodie de la forme donnée à la représentation de la Cène qui n'avait pas pour objectif d'outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse »94(*). Mais il existe des cas dans lesquels, les propos ont un caractère manifestement illicite car ils mettent en cause une communauté particulière à raison de sa religion.95(*) Au niveau européen, le fait de se sentir outragé dans sa croyance est considéré par la Cour de Strasbourg comme une justification de l'atteinte à la liberté de la presse: « dans le contexte des croyances religieuses, peut légitimement figurer l'obligation d'éviter autant que faire se peut des expressions qui sont gratuitement offensantes pour autrui et profanatrices »96(*) et, la restriction de la liberté d'expression peut se justifier comme nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 10 par. 2.

Nous pouvons conclure que l'émergence de ce débat n'est pas tant dû aux implications juridiques qu'au contexte international mêlant risque de confrontation des civilisations et montée des extrémismes religieux et antireligieux. Cette tension qui s'est transposée au niveau national à une mesure moindre a été évitée dans le contexte anglo-saxon plus en recherche de faire cohabiter les différentes religions dans une société multiculturelle pacifiée.

B- Écosse : Une tentative d'apaisement social

En effet, le ministre des affaires étrangères britannique a déclaré que « la nouvelle publication de ces caricatures n'était pas nécessaire. Elle a été indélicate et témoigne d'un manque de respect » et il a ajouté qu' « il n'y a pas d'obligation d'insulter ou d'être gratuitement incendiaire »97(*). Par ailleurs, la presse britannique a pris la décision volontaire et unanime de ne pas publier les caricatures pour des raisons non seulement de sécurité mais aussi pour éviter d'offenser gratuitement les musulmans et a ajouté que ces caricatures pourraient être rejetées sur le seul fondement qu'elles sont de mauvaises qualité98(*): le Guardian explique que si le journal avait le droit de publier les caricatures, il n'y avait aucun devoir d'outrager gratuitement les sensibilités religieuses, et spécialement dans le contexte international de « clash des civilisations ».99(*) Dans le même temps, a ressurgi le débat sur la pertinence de la législation sur le blasphème et, une législation qui s'applique à toute croyance a été votée100(*: un amendement a été inséré le 16 Février 2006 au Public Order Act par le Racial and Religious Hatred Act 2006101(*) qui crée une nouvelle infraction d'incitation à la haine religieuse bien qu'elle ne s'applique pas à l'Ecosse102(*) (le parlement écossais avait voté le 20 Février 2003 une loi sur la justice criminelle qui inclut un article relatif à l'aggravation des peines pour les crimes et délits commis sur des fondements religieux). Celle-ci est caractérisée lorsqu'« une personne qui utilise des menaces ou adopte un comportement menaçant ou diffuse tout document écrit menaçant est coupable de l'infraction s'il avait l'intention d'inciter à la haine religieuse »103(*). Elle est limitée par une disposition qui prévoit que cette loi ne doit pas être interprétée de façon à réduire ou supprimer la libre expression (incluant l'insulte) ni le prosélytisme.104(*) Ce qui laisse penser qu'elle n'aura aucun effet pratique sur la situation juridique.105(*)

Ainsi, bien que le respect des convictions religieuses fasse partie des domaines pour lesquelles la Cour Européenne des Droits de l'Homme applique de façon large la doctrine de la marge d'appréciation, le degré d'atteinte exigée en France et en Écosse pour limiter la liberté de la presse est élevé et ce malgré les différences de modèles sociaux.

Section II : entre obscénité et protection de la jeunesse

Si historiquement la morale était liée à la religion et à la protection de l'ordre social, l'outrage aux bonnes moeurs et les lois sur l'obscénité ont laissé place à une acception plus individualiste (Paragraphe 1) qui se fonde principalement sur la protection de l'enfance (paragraphe 2).

Paragraphe 1: La moralité: notion évolutive par excellence

A- la jurisprudence européenne : une marge nationale d'appréciation large mais non illimitée

L'arrêt Handyside106(*) fonde les principes directeurs en matière d'appréciation de la moralité comme but légitime de limitation de la liberté d'expression : il s'agissait en l'occurrence du "petit livre rouge à l'usage des écoliers" dont la publication britannique a fait l'objet de restriction et de poursuites sur le fondement de l'obscénité. La Cour a souligné l'importance de la liberté d'expression dans une société démocratique (la liberté d'expression vaut aussi pour les "informations" ou "idées" qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population) mais n'a pas constaté la violation de l'article 10 car la protection de la morale bénéficie d'une large marge d'appréciation du fait de l'absence de définition européenne uniforme et de la diversité des pratiques. Elle met l'accent sur le fait qu'à « notre époque caractérisée par une évolution rapide et profonde des opinions en la matière » l'idée de la morale varie dans le temps. Cette jurisprudence très souple sera réitérée dans le cadre d'une exposition d'art contemporain avec l'accent mis sur l'accès libre aux enfants107(*).

En ce qui concerne directement les publications, la Cour Européenne a eu l'occasion de se prononcer dans l'affaire Open Door et Dublin Well Woman c/ Irlande.108(*) Il s'agissait en l'espèce de l'interdiction en Irlande d'une brochure critiquant la législation qui permet d'interdire de dispenser des services de conseil non directif sur les possibilités d'avorter à l'étranger et celle qui empêche une femme de se rendre a l'étranger dans l'unique but de se faire avorter. La cour a rejeté l'existence d'un pouvoir discrétionnaire absolu des États dans le domaine de la protection de la morale bien qu'ils jouissent d'une large marge nationale d'interprétation soumise au respect du critère de proportionnalité. Il est inacceptable selon la cour d'interdire une publication de manière absolue sans tenir compte de la situation du destinataire (âge et état de santé) de sorte que la restriction imposée est disproportionnée par rapport au but poursuivi. Au surplus les informations sont facilement disponibles dans d'autres sources ce qui démontre l'absence d'un besoin social impérieux de l'ingérence.

Il ressort de ces arrêts que bien qu'en ce domaine, le Cour concède une large marge d'appréciation aux États membres, il n'en reste pas moins qu'elle établit les limites de la liberté qui leur est accordée en appliquant le principe de proportionnalité. Dans son appréciation, elle met en avant la nature du public destinataire de l'expression visée: la restriction sera d'autant plus justifiée qu'il est composé d'enfants ou de jeunes. En outre, la publication visée doit représenter un réel danger pour la morale afin d'éviter l'arbitraire: l'accessibilité du contenu de la publication concernée est un élément pertinent pour l'appréciation du critère du besoin social impérieux.109(*)

B- Contexte national: entre l'abrogation et interprétation évolutive de la notion de morale

La France pendant longtemps a connu le délit d'outrage aux bonnes moeurs qui permettait sur le fondement de l'ordre public, de mettre en cause les publications de caractère obscène. Aujourd'hui, cette notion a laissé la place à un principe centré sur le droit de l'individu: le droit au respect de la dignité de la personne qui est une forme modernisée de la morale (1). Le droit écossais a quant à lui conservé le concept d'obscénité même si le juge par une interprétation évolutive en fait muer la notion (2).

1. De l'outrage aux bonnes moeurs au principe de dignité en France

En 1819, fut créé le délit d'outrage aux bonnes moeurs et à la moralité publique et religieuse. Ainsi des poursuites ont été intentées sur ce fondement contre Flaubert pour l'écriture de Madame Bovary et contre Baudelaire en raison de son recueil de poème les Fleurs du Mal.110(*) Bien que le premier fut acquitté de justesse, le tribunal a déploré certains passages soient à même de porter atteinte «à de légitimes et honorables susceptibilités ». Quant au second, il fut condamné à une amende et les 6 poèmes incriminés interdits en raison de passages obscènes et immoraux. Il sera tout efois réhabilité par une loi du 25 Septembre 1946 et un arrêt de la Cour de Cassation.111(*) La loi de 1881 avait transformé cette infraction en outrage aux bonnes moeurs puis elle en sera extraite pour intégrer le Code pénal. Il en sera fait utilisation contre la réédition des oeuvres de Sade qualifiées par la cour d'appel de Paris d'obscène et « de nature à choquer (...) même chez les personnes les plus tolérantes »112(*) . Le nouveau code pénal a supprimé l'outrage aux bonnes moeurs mais la moralité en tant que composante de l'ordre public s'est muée en atteinte à la dignité de la personne humaine.

Cette proximité des deux notions peut être soulignée dans la mesure où elles se définissent comme une violation des tabous sociaux, de valeurs morales intangibles. Une bonne illustration de ce fait réside dans l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge du Conseil d'Etat dans lequel il a déclaré que « l'attraction de `lancer de nain`(...) porte atteinte à la dignité de la personne humaine »113(*). En ce qui concerne la presse, la Cour de cassation, pour justifier de l'illicéité de la photographie représentant «le corps et le visage du préfet assassiné, gisant sur la chaussée d'une rue d'Ajaccio » a affirmé que «cette image était attentatoire à la dignité de la personne humaine »114(*).

Mais c'est un jugement de la Cour de Paris qui semble le plus en ligne avec notre analyse:115(*) il s'agissait en l'espèce, de l'interdiction sur le fondement de l'atteinte à la dignité de la personne humaine d'une publicité (notamment par voie de presse) de Benetton qui représentait des parties de corps nus simplement « marqués » du signe « HIV positive ». En effet, la Cour a justifié sa décision car la publicité avait utilisé « une symbolique de stigmatisation dégradante pour la dignité des personnes ».

La dignité de la personne a d'ailleurs été inséré dans le nouveau code pénal en lien avec la protection de l'enfance en interdisant les messages « à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine (...) lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur»116(*). Cette législation vient renforcer la loi relative aux publications destinée à la jeunesse qui sera étudiée après l'analyse de la situation écossaise.

2. L'évolution du concept d'obscénité en Ecosse

En Écosse la législation sur l'obscénité se justifie par le besoin de protéger la société ou les individus contre le fait d'être choqué où offensé par des publications à caractère sexuel principalement: elle a été d'abord développée par la Common Law et plus récemment par intervention du législateur. Elle a été définie par la Common Law comme `possédant la faculté de corrompre et de dépraver la morale publique`117(*). La dernière condamnation fondée sur la Common Law date de 1843 et précise que l'offense consiste à « publier, vendre, diffuser ou, contribuer à publier, à vendre ou à diffuser tout livre ou toute oeuvre imprimée obscènes, orduriers, impurs ou grossiers conçus, inventés, et dans l'intention délibérée de corrompre et de saper la morale des sujets, en particulier les jeunes et les enfants des deux sexes, pour déclencher et créer dans leurs esprits des désirs luxurieux et démesurés »118(*). On retrouve ici un mélange entre protection de l'ordre moral avec la référence à la morale publique, protection de la moralité des individus (des sujets, dans le texte: `lieges`) et la protection de l'enfance. Cette offense de la Common Law a été restreinte dans son application dans les cas de vente et de diffusion effectives des publications obscènes avec la ferme intention de saper les fondements de la morale. En vérité, il n'existe pas de précédents contemporains de condamnation d'éditeur uniquement sur le fondement de l'obscénité contrairement à l'Angleterre.119(*)

Un autre crime de Common Law trouve à jouer dans la restriction de la liberté de la presse : l'outrage aux bonnes moeurs (« shameless indencency » à la base « outrage public à la pudeur ») est commise par la vente et l'exposition a la vente d'articles obscènes « susceptibles de dépraver ou de corrompre la morale des sujets et de créer dans leur esprit des désirs luxurieux et excessifs »120(*). Contrairement à la précédente, cette offense ne semble pas destinée à protéger un public particulier: il suffit de démontrer l'intention ou la connaissance du caractère dépravant de la publication sur les personnes visées.121(*) Le fait que l'exposition se soit restreinte au plus de 18 ans, loin d'être exonératoire, est en fait un élément de preuve de la connaissance par l'auteur du caractère obscène de la publication.122(*)

La définition de l'obscénité va dépendre des critères contemporains du sens de la décence et de la moralité, et se prête donc à une grande évolution aussi bien dans l'espace que dans le temps. Ainsi, ce qui était choquant il y a une trentaine d'année est aujourd'hui banal. Les cours par une jurisprudence évolutive pourront faire concorder droit et demande sociale: les documents destinés aux adultes par exemple ne seront pas considérés comme obscènes s'ils comportent seulement des éléments érotiques car, il faut en plus, la présence d'éléments incitant aux comportements violents et pervertis123(*). D'autre part, il est reconnu par la jurisprudence qu'une publication sera considérée comme obscène ou non selon qu'elle touche un enfant, un adolescent ou un adulte124(*). L'affaire Dean v John Menzies a fortement restreint la portée de l'offense: le mens rea (l'élément moral) du crime ne peut être assigné à une société.L'outrage aux bonnes moeurs ne peut être attribué à une personne morale car selon Lord Stott et Lord Maxwell, c'est `un comportement que seul l'être humain est capable [d'adopter]`. Enfin, il est imprudent d'étendre le champ de l'offense sans en référer au parlement.125(*) La jurisprudence semble être revenue à une acception traditionnelle de la notion de « shameless indencency » comme « attentat a la pudeur »126(*) : il ne suffit pas que le magazine soit obscène ou indécent pour déclencher la responsabilité pénale, il est nécessaire de démontrer au surplus que la publication en cause soit susceptible de corrompre et de dépraver127(*)

En ce qui concerne la législation d'origine parlementaire, l'Indecent Displays (Control) Act de 1981 prohibe toute exposition indécente dans les lieux publics.128(*) le Civil Government (Scotland) Act de 1982 énonce qu'est considéré comme délit `le fait pour une personne de publier, vendre ou distribuer ou en vue de son éventuelle vente ou distribution, produire, imprimer ou détenir tout matériel obscène`129(*) : étant compris que matériel désigne entre-autre livres, magasines et photographie. Si généralement l'obscénité a été confinée à la sexualité, il existe une jurisprudence John Calder (Publications) Ltd v. Powell130(*) qui l'a étendue à l'incitation à la prise de drogue. Cette législation s'applique même aux documents textuels selon la jurisprudence Ross (Crawford David) v H.M Advocate131(*). On ne peut échapper à la condamnation qu'en prouvant qu'il a été fait usage de toute diligence possible pour éviter de commettre ce délit: ainsi, la responsabilité du distributeur des documents obscènes en cause ne sera pas engagée s'il prouve qu'il n'a pas examiné l'article en question ou qu'il n'avait aucune raison de suspecter son caractère obscène132(*).

Paragraphe 2: La protection de la jeunesse

En France, la disparition de l'outrage aux bonnes moeurs n'a pas seulement donné naissance à la profusion du principe de respect de la dignité de la personne humaine, mais a aussi renforcé la législation sur les publications destinées à la jeunesse. Mais contrairement à l'Écosse où la législation générale sur l'obscénité s'est peu à peu restreinte aux publications visant la jeunesse (A), la France a vu sa législation spécifique être détournée de son but aux dépends de la liberté de la presse (B)

A- La jeunesse comme une cible à protéger des influences démoralisantes et violentes

1. Écosse : L'évolution du délit d'obscénité à des fins de protection de l'enfant

Le philosophe grec Platon avait déjà exprimé son inquiétude au sujet de l'influence des poèmes dramatiques sur les « esprits impressionnables » des jeunes personnes. Depuis les différentes formes que prennent les médias ont été considérées comme source de dépravation de la jeunesse : au dix neuvième siècle, il s'agissait de la littérature romantique, aux vingtième siècle les films, les bandes dessinées ainsi que les 'mangas' qui ont été la cibles d'attaques du fait de la violence de leur scène qui s'insinue dans l'esprit du public jeune: la délinquance juvénile a pour partie été expliquée par la profusion dans les médias de ce type de productions. 133(*)

Concernant la Common Law, le crime d'outrage aux bonnes moeurs requiert de la publication qu'elle ait un « effet pernicieux » sur la personne destinataire c'est-à-dire qu'elle mène à un « dévoiement moral »134(*). L'interprétation requiert une appréciation in abstracto selon le critère du «bon père de famille » : ainsi le fait qu'une publication provoque une réponse sexuelle normale chez un public adulte ne suffit pas à remplir la condition de l'effet pernicieux.135(*) Dans cette affaire le sheriff a observé que « dans les conditions modernes, cela doit signifier qu'on exige plus que le simple fait de stimuler les désirs sexuels normaux chez les adultes » et ajoute que « l'opinion publique actuelle garde encore en vue le fait qu'une activité sexuelle avec la participation d'enfants soit de la perversité ». Par l'utilisation de la technique de l'instrument vivant, la Common Law a restreint l'infraction d'outrage aux bonnes moeurs aux enfants et adolescents.

Elle a été complétée par des Statuts: la protection dès lors n'est pas seulement garantie contre le risque de la publication obscène mais, le législateur a aussi prévu la punition d'une mise en scène sexuelle de l'enfant. Pour ce qui est du premier volet de la protection de l'enfance, l'Indecent Displays Act reconnaît parmi les dérogations à l'interdiction d'exposer du matériel impudique quand les personnes de moins de 18 ans ne sont pas autorisées. 1.le fait que l'accès du lieu soit payant sur le fondement du caractère indécent de la publication, 2.l'accès à la boutique qui vend de tels produits soit signalé d'un avertissement adéquat.

Afin de combattre la pédophilie, la législation sur la protection de l'enfance interdit de prendre une photographie indécente d'un enfant (personne de moins de 16 ans), au surplus il est prohibé de la distribuer, montrer, posséder avec l'intention de distribution et d'en faire la publicité. L'article 160 du Criminal Justice Act de 1988 dispose en outre que : « la possession de photographies indécentes ou de pseudo-photographies d'un enfant est une infraction grave punissable d'une peine de maximale de six mois  d'emprisonnement». Cette disposition a été utilisée avec succès dans de nombreuses condamnation pour possession de photographie de pornographie infantile.

2. France: la persistance du régime préventif au nom de la protection de l'enfant

La loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse a la particularité de mettre en place un régime répressif exorbitant du droit commun: elle met en place un système préventif qui met en péril le caractère fondamental de la liberté de la presse tel que définie par le Conseil Constitutionnel dans la décision précité `Entreprise de presse`. C'est donc une arme dangereuse qui peut réhabiliter la censure connue avant la loi de 1881.

La loi de 1849 est entrée en vigueur avec la publication d'un décret du 1er Février 1950: elle est destinée à restreindre la liberté d'expression pour les publications principalement destinées à la jeunesse sur le fondement de la protection de la moralité. Ainsi l'article 2 dispose que les publications « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques » et ne « doivent comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ». Pour veiller à l'application de ces mesures, une commission est instituée au ministère de la justice à l'article 3 pour signaler aux autorités compétentes les infractions à la loi. En outre, l'article 14 de cette loi donne la compétence au ministère de l'intérieur d'interdire la diffusion, la vente, l'exposition en public et la publicité à des mineurs de moins de 18 ans de publications à caractère licencieux et protection de la jeunesse pornographique ou qui présentent un danger du fait « de la place faite au crime ou à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale, à l'incitation, à l'usage, à la détention ou au trafic de stupéfiants ». Ce régime juridique quoique autoritaire (interdiction préalable) a été considéré conforme à l'article 10 de la convention européenne par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 19 Janvier 1990136(*) et confirmé postérieurement.137(*)

Ainsi cette loi a été utilisée par le ministre de l'intérieur dans une série d'affaires du fait du caractère pornographique138(*) et du prosélytisme envers la pédophile des publications139(*). Récemment le ministre s'est prévalu de cette législation pour interdire par arrêté à la revue BRUT d'être proposée, donnée, vendue aux mineurs et exposée par les éditions de presse : il reprochait à cette publication « la place faite à la violence dans cette revue », ainsi que « le danger qu'elle représente pour les mineurs qui pourraient l'acquérir ». Le Conseil d'Etat a refusé l'annulation d'une telle décision qui trouve sa justification du fait « de nombreuses photographies de cadavres mutilés, à la suite d'agressions ou d'accidents destinés à choquer le lecteur par leur caractère violent ainsi que des photographies pornographiques ». Par ailleurs, le moyen tiré de la violation de l'article 10 est inopérant dans la mesure où l'atteinte apportée à la liberté d'expression entre dans le champ d'application de l'article 10 (2) et n'est pas disproportionnée.

B- les risques de détournement de la loi de 1949

Cette conclusion semble inquiétante car la législation a été détournée maintes fois de son objectif initial pour desservir des buts plus inavouables : la revue satirique Hara-kiri fut ainsi frappée d'interdiction de vente aux mineurs et d'exposition pour avoir fait un commentaire ironique sur la mort du Général de Gaulle. Il s'agissait du prédécesseur de Charlie Hebdo connu pour sa tendance cynique et parfois grivoise avec pour sous titre provocateur <journal bête et méchant>. Il faut savoir qu'il avait été interdit deux fois en 1961 et en 1966. En novembre 1970, il a titré après la mort du General De Gaulle: « Bal tragique a Colombey: 1 mort » en référence à un incendie d'un dancing à la même date ou plus de 100 personnes ont perdu la vie. Le terme « Bal tragique » avait été maintes fois utilisé pour décrire ce fait divers une semaine avant le décès du Général de Gaulle. C'est de façon parodique que l'expression a été reprise par Hara-kiri. Ce numéro sera le dernier car la loi de 1949 a servi de fondement juridique pour interdire toute nouvelle publication. On peut s'interroger sur l'utilisation de la législation dans cette affaire: la loi dispose clairement en son premier article qu'elle s'applique aux« publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents » et il reste douteux que tel était le cas en l'espèce. On pourrait craindre l'institution d'une véritable censure d'Etat avec le détournement de cette réglementation: toutefois ce n'est pas dans la presse qu'une utilisation outrancière a vu le jour mais dans le monde du 9eme art: la bande dessinée140(*).

Bien que le juge administratif exerce un contrôle entier sur les interdictions prononcées, il reste cependant le fait que cette législation donne à l'administration un immense pouvoir au nom de la préservation de la moralité. Cette tentation de l'interdit se profile de la même façon au nom de la lutte contre le racisme et le négationnisme encore une fois plus dans le système français qu'écossais.

Titre 2 : Propos racistes et négationnistes: traitement plus répressif en France

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne, la répression des publications à caractère raciste ou à l'encontre d'un groupe déterminé de la société constitue un but légitime de protection de la réputation et des droits d'autrui nécessaire dans une société démocratique 141(*) mais une affaire Jersild c/ Danemark est venue jeter le trouble sur cette dernière exigence bien qu'en réalité il s'agisse d'une apparence (Section I). Reste que comme le soulève le dernier rapport de RSF la prohibition des thèses négationnistes, sous marge d'appréciation des États, suscite des interrogations quant à l'existence d'un besoin social impérieux la justifiant. Bien que la Cour Européenne se soit prononcée en faveur de son maintien (Section II).

Section I : L'incitation à la haine raciale et à la discrimination

Le droit des autres de ne pas souffrir de la haine raciale et de la discrimination est une justification légitime de la limitation de la liberté de la presse dans le droit de la Convention Européenne si on relie l'article 10 avec l'article 14 qui interdit toute discrimination fondée « sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ». En outre, L'article 17 de la Convention Européenne qui condamne l'abus de droit justifie que l'article 10 ne peut être utilisé pour s'en prendre aux valeurs de pluralisme de tolérance et l'ouverture d'esprit sans lequel selon la Cour Européenne142(*) il n'est pas de "société démocratique". Ainsi, l'article 10 ne peut être utilisé pour protéger la littérature promouvant la haine raciale143(*) comme le prévoient les législations française et écossaise.(paragraphe 1). Toutefois, ce principe trouve sa limitation dans l'arrêt Jersild: la diffusion par les médias de propos racistes dans le cadre d'un reportage sur les groupes extrémistes n'est pas de nature à justifier une ingérence dans la liberté d'expression 144(*)(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Étendue diversifiée de la protection de la personne

Avec la protection de la morale, la prohibition de la discrimination fait partie des notions à « double visage » au sens où on peut les entendre comme partie intégrante de la protection de l'intérêt public et, en même temps en tant que protection des droits de la personne. Si les deux systèmes reconnaissent cette particularité, il est notable qu'en ce qui concerne le délit de presse, la France a penché pour une approche plus « individualiste » avec l'utilisation de la législation relative à la diffamation et à l'injure (B), tandis que l'Écosse réprime les expressions racistes dans le cadre de la protection de l'ordre public (A). On pourrait analyser cette différence en notant que l'Écosse en tant que pays anglo-saxons a choisi le modèle du multiculturalisme ou elle reconnaît l'existence de minorités, alors que la France, forte de la laïcité et de l'indivisibilité de la Nation ne reconnaît, que des citoyens égaux devant la loi.

A- En Écosse: la protection dans le cadre de l'ordre public

En droit interne, le Public Order Act145(*) est la législation pertinente bien qu'elle ait trait à l'ordre public car, elle contient les règles générales concernant l'incitation à la haine raciale: ce texte dispose qu'il est interdit de s'exprimer ou d'agir dans un lieu public d'une manière susceptible d'encourager la haine raciale: le fait d'utiliser sciemment ou de diffuser sur papier des propos insultant, dangereux ou abusif qui développent la haine contre un groupe racial est un délit.146(*) Le groupe racial est défini comme tout groupe de personnes par référence à la couleur la race, la nationalité, l'ethnie ou les origines nationales.

La loi a été conçue de telle manière qu'elle ne puisse pas inclure parmi les personnes protégées les sionistes car c'est une appellation plus politique qu'ethnique ou nationale147(*), et, les musulmans protégés ailleurs par la loi sur les circonstances aggravantes des délits et des peines de 2003.148(*) Il faut noter que cette législation a été critiquée car elle n'apporte pas de solution concernant les manifestations et marches pacifiques à motivation raciste.149(*)

Ces limitations ne sont pas absolues et sont donc l'objet d'exceptions150(*) : il y a une exonération complète si l'élément moral est absent c'est-à-dire que l'auteur de la publication n'avait pas eu pour intention d'inciter à la haine raciale et qu'il ne pensait pas que les mots utilisés ou son comportement aient pu être menaçants, abusifs ou insultants. Par ailleurs, il a été pris en compte le fait que les comptes-rendus parlementaires ne puissent faire l'objet de poursuite151(*).

Cette législation est critiquée par Geoffrey Robertson et Andrew Nicol dans leur manuel Media Law: en effet, selon eux, « la législation sur la haine raciale peut potentiellement réprimer l'expression d'opinions politiques sincères bien que formulées en des termes vulgaires ou insultants ». Ils prennent en exemple l'affaire R. v. Malik dont laquelle la première personne visée par ces textes fut Michael X, condamné par un jury blanc en 1967 pour avoir tenu des propos de militant des Black Power. Ils soulignent que paradoxalement, celui-ci fut remplacé par un autre activiste interdit de séjour en Grande-Bretagne et qui sera 30 années plus tard salué pour avoir identifié un racisme institutionnel! Par ailleurs toujours selon les auteurs, condamner des idées racistes c'est en fait contribuer à leur faire de la publicité et transformer des coupables en martyrs.152(*) Toutefois, d'une part il semble inacceptable de justifier la tenue de propos racistes par le fait d'être victime d'un autre racisme: dans ce contexte, il n'y a plus de place pour la coexistence et la tolérance et, les revendications politiques des minorités oppressées ne peuvent que paraître déplacées du fait de cette position. En outre, la publicité qu'un procès entraîne peut s'analyser de façon tout à fait inverse: à savoir que la peine a une force dissuasive et montre la désapprobation de la société dans son entier. Il appairait clairement que la législation est justifiée même si les effets qu'elle engendre peuvent paraître inattendus.

Hormis cette législation, le parlement a voté une loi, le Sex Discrimination Act 153(*) qui rend illégale toute publicité discriminatoire fondée sur le sexe: même l'utilisation de termes connotés pour la description d'un emploi (`barman`, `sales girl`) contrevient à cette loi. L'Equal Opportunities Commission a été créée pour intenter des actions contre l'éditeur de telles publicité dans les six mois qui suivent la publication.

Cette législation fondée sur l'ordre public n'est pas toujours satisfaisante en soi car elle amène en quelque sorte à mettre tous les faits divers à caractère raciste au devant de la scène publique: il est parfois préférable d'identifier le problème dans son contexte à des fins uniques de protection des droits de la personne lésées comme c'est le cas en France.

B- En France: la protection contre la diffamation et l'injure raciale

Le droit français a tardé à incriminer les propos à caractère raciste: la réforme la plus significative remonte à la loi du 1e juillet 1972 qui a été adoptée suite a la ratification de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

En matière de presse, la loi de 1881 interdit outre la diffamation et l'injure commise a l'égard de personne à raison de son appartenance à un groupe déterminé154(*), la promotion de la discrimination et l'incitation à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap (article 24). Il est exclusif de bonne foi dès lors que les paroles incriminées tant par leur sens que par leur portée tendent à inciter le public à la discrimination envers un groupe de personnes déterminées. Ainsi sont aussi bien protégés sur ce fondement les personnes prises ut singuli que les groupes de personnes lorsque le discours incriminé a une portée 1) diffamatoire ou injurieuse : c'est-à-dire une atteinte par l'imputation d'un fait ou non à la considération ou à l'honneur des personnes visées ; et 2) une connotation raciale, ethnique ou religieuse. L'appréciation du contenu des propos est une question de fait : elle est donc laissée au pouvoir souverain des juges du fond, sous le contrôle de la cour de cassation155(*). A ce titre, les tribunaux font preuve de réticence en donnant une interprétation extrêmement restrictive de ces conditions156(*) : ainsi les attaques visant les étrangers ou les immigrés en général ne constituent pas l'infraction à l'article 24. De même, la cour de cassation dans un arrêt récent a précisé que ne sont pas constitutifs d'une diffamation antisémite « les propos (...) isolés au sein d'un article critiquant la politique menée par le gouvernement d'Israël à l'égard des Palestiniens ». En effet, ils « n'imputent aucun fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la communauté juive dans son ensemble en raison de son appartenance à une nation ou à une religion, mais sont l'expression d'une opinion qui relève du seul débat d'idées »157(*). En faisant la distinction entre la critique d'une politique d'un État et la provocation ou l'incitation directe à la haine et à la discrimination raciale, le droit français s'inscrit dans la droite ligne des vues de la Cour Européenne dans son arrêt Jersild: la lutte contre le racisme et la discrimination ne doivent pas empêcher l'instauration d'un espace public de libre discussion ou, lorsqu'est en jeu le droit à l'information.

Paragraphe 2: Les limites adoptées par la CEDH

La Cour Européenne des Droits de l'Homme s'est exprimée sur ce sujet dans l'arrêt précité Jersild c/ Danemark: bien que cette affaire eut porté sur un programme télévisé, les principes énoncés et l'argumentation sous-jacente donne un regard éclairant sur le point de vue de la Cour en ce domaine. Il s'agissait en l'espèce d'un journaliste danois condamné pour complicité de propos racistes pour avoir diffusé une émission dans la laquelle il avait laissé s'exprimer librement des jeunes ouvertement racistes et xénophobes (les blousons verts). La Cour a recueilli la demande du journaliste de constater que la condamnation a enfreint l'article 10 de la Convention: elle rappelle ainsi que dans le cadre du droit à l'information, préférence est donnée à la liberté d'expression (A), toutefois, elle souligne les devoirs et responsabilités des journalistes: l'objectivité et la prise de distance vis-à-vis des expressions interdites (B)

A- Renforcement de la liberté de la presse dans sa contribution aux discussions de problèmes d'intérêt général

Dans la jurisprudence en cause, la Cour de Strasbourg semble s'écarter de la doctrine de la large marge d'appréciation des États accordées à ces derniers dans les domaines de l'expression d'opinions qui heurtent les sensibilités personnelles mais, en réalité, l'affaire ne met pas en cause la tenue de propos racistes aux prises avec la liberté d'expression. Il s'agit en réalité de savoir si la retranscription d'expression de haine raciale peut s'inscrire dans le cadre de l'information.

La cour répond en affirmant que «les reportages d'actualités axés sur des entretiens, mis en forme ou non, représentent l'un des moyens les plus importants sans lesquels la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de "chien de garde" public»158(*). Ainsi, la diffusion de propos racistes émanant de tiers peut participer de « la contribution de la presse aux discussions de problèmes d'intérêt général »159(*). Dans cette affaire, le reportage s'inscrivait dans un contexte de débat public sur le racisme au Danemark et, a été diffusé dans le cadre d'une émission d'actualité danoise sérieuse.

C'est une jurisprudence constante et réitérée que la Cour Européenne reprend pour justifier son contrôle restreint dans le domaine de la presse d'information: en effet, elle a maintes fois affirmé qu' «assurément, l'article 10 par. 2 de la Convention (art. 10-2) ne laisse guère de place pour des restrictions aÌ la liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou de questions d'intérêt général »160(*). En effet, selon la doctrine de la Cour Européenne, la presse joue un rôle essentiel dans une société démocratique161(*) car il lui incombe de communiquer les informations au public sur les questions d'intérêt public: par ce biais, elle a non seulement une fonction de diffusion mais, elle permet aussi au public de jouir du droit de recevoir l'information162(*).

Toutefois, afin de ne pas donner aux journalistes la possibilité de se retirer derrière ces principes pour faire l'apologie du racisme, la Cour Européenne a souligné qu'il était important pour le journaliste de respecter un certain nombre de devoirs et est tenu par des responsabilités: il ne doit pas épouser les thèses exprimées par les personnes interrogées.

B- Devoirs et responsabilités du journaliste dans la transmission de propos racistes

Dans son appréciation de la portée des devoirs et responsabilités qui incombent au journaliste, la Cour Européenne a mis l'accent sur deux éléments: l'attitude du journaliste et la réaction prévisible du public visé.

La Cour souligne comme élément de grande importance le fait que le journaliste ne profère pas lui-même les déclarations incriminées mais, a uniquement aidé à leur diffusion. Toutefois, du fait de l'impact potentiel que les médias exercent sur la population, le journaliste doit prendre toutes les précautions nécessaires au vu des effets que peuvent produire son reportage. Ainsi, il ne doit pas poursuivre un but caché de propager des idées ou opinions racistes mais, au contraire, il doit se limiter à « exposer, analyser et expliquer » les origines de celles-ci et non à les endosser. Ainsi, il semble suffisant pour la Cour de s'en tenir à des faits sans ajouter de commentaires explicites qui marquent la prise de distance du journaliste vis-à-vis des propos exprimés. Elle considère comme acceptable l'absence d'un avertissement qui rappel que l'incitation à la haine raciale est immorale, dangereuse et illégale. Le devoir d'objectivité suffit à lui seul à le dédouaner. Cette interprétation de la cour a été critiquée par les opinions dissidentes: le journaliste a le devoir de rappeler le caractère intolérable de déclarations racistes dans une société démocratique d'autant qu'en l'espèce, le journaliste a joué un rôle en provoquant par l'entretien les déclarations racistes. En effet, l'absence de réaction significative du journaliste constituerait une «incitation au mépris» vis-à-vis des groupes visés par les propos racistes.

Pour en juger ainsi, la Cour de Strasbourg souligne le fait que le public visé soit bien informé et que, pris dans son ensemble le reportage faisait passer le message que ces propos sont le fait d'une attitude antisociale. Elle épouse ainsi la thèse du requérant selon laquelle les propos injurieux avaient plutôt pour effet de ridiculiser leurs auteurs que de promouvoir leurs thèses racistes: dans cette perspective, le simple fait de diffuser ces propos sans commentaires revient en réalité à les combattre par le dégoût qu'il suscite au sein de la population. Mais là encore, les opinions dissidentes ne se satisfont pas de ce jugement car, selon elles, se fier aux saines réactions de rejet parmi les destinataires est une preuve « d'optimisme (...) que l'expérience dément» : du fait de son désespoir une grande partie de la population accueille favorablement ce genre de propos dans leur recherche de boucs émissaires.

Si en ce qui concerne les propos racistes, la cour considère comme disproportionnée l'interdiction de toute transmission objective, il est plus problématique d'adopter les mêmes critères pour ce qui est des thèses négationnistes: en effet, c'est sous le couvert de la recherche historique et de l'objectivité que s'exprime ce type de racisme.

Section II: La spécificité française dans la lutte contre le négationnisme

Dans ce domaine, il n'existe pas de pratique uniforme parmi les pays membres du Conseil de l'Europe.Toutefois, le protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité entré en vigueur le 1er Mars 2006 requiert des États contractants qu'ils érigent en infractions pénales la diffusion par voie informatique de « matériel qui nie, minimise de manière grossière, approuve ou justifie des actes constitutifs de génocide ou de crimes contre l'humanité ». Mais il faut relativiser la portée de cet engagement international car, seuls onze pays membres du Conseil de l'Europe l'ont ratifié. Ainsi, le Royaume-Uni qui ne connaît pas une telle législation criminelle ne fait même pas partie des États signataires. Donc, conformément à la doctrine de la marge d'appréciation, les États ont dans ce domaine une large marge de manoeuvre et la Cour Européenne reconnaît la nécessité de telles mesures dans une société démocratique (paragraphe1) toutefois il est intéressant de noter qu'un certain nombre de craintes ont été exprimées dans l'édification d'une vérité historique officielle (paragraphe2)

Paragraphe 1 : la conformité de la pénalisation du négationnisme à la Convention

La législation visant à pénaliser les thèses négationnistes entre directement en conflit avec l'article 10 de la Convention Européenne mais il a été jugé aussi bien par les juridictions nationales (A) que par la Cour Européenne (B) que cette ingérence poursuit des buts légitimes de protection des droits d'autrui et, correspond à un besoin social impérieux.

A- Le contexte national de la répression du négationnisme

La loi 90-615 dite Gayssot du 13 Juillet 1990 (modifiée par la loi n°92-1336 du 16 Décembre 1992) visant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe avait introduit un nouveau délit en son article 9 qui pénalise le Révisionnisme. Elle a modifié l'article 24 bis qui dispose qu'est considéré comme un crime le fait de contester « l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 Août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale». L'article 6163(*) du Statut du Tribunal Militaire International énonce trois types de crimes soumis à sa juridiction : crime contre la paix, crime de guerre et crime contre l'humanité. Cela vise exclusivement donc l'extermination et la persécution des Juifs durant la seconde guerre mondiale. Par ailleurs, la Cour de cassation164(*) a précisé que « la minoration outrancière du nombre [de victimes de la politique d'extermination] caractérise le délit de contestation de crimes contre l'humanité prévu et puni (...) , lorsqu'elle est faite de mauvaise foi ». En outre, la contestation de l'existence de la Shoah entre dans les prévisions de la loi même « même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation»165(*), lorsqu'un journaliste expose sans s'approprier explicitement les thèses soutenues par un auteur révisionniste. Enfin, elle est également constituée lorsqu'elle est présentée sous couvert de recherche supposée d'une vérité historique lorsqu'elle mène à la négation de crimes contre l'humanité commis par les nazis à l'encontre de la communauté juive.166(*)

Le juge national a dû se pencher sur la légalité et la nécessité de cette loi qui pourrait porter une atteinte non seulement à la liberté d'expression mais aussi à la recherche scientifique. Ainsi, la cour de cassation dans un arrêt du 23 Février 1993167(*) a confirmé la condamnation du directeur de la revue mensuelle Révision pour la parution dans ce périodique d'un certains nombres de passage qui nient la réalité de l'holocauste. Elle a affirmé que la loi Gayssot dans sa répression du négationnisme n'est pas contraire à l'article 10 de la convention dans la mesure où: « le principe de la liberté d'expression, posé par l'alinéa 1er de l'article 10 de ladite Convention, comporte certaines exceptions prévues par son alinéa 2 et que l'incrimination des infractions, prévues par les articles précités de la loi modifiée du 29 Juillet 1881, sanctionne des comportements attentatoires à l'ordre public et aux droits des individus ; que, dès lors, ne sont pas excédées les limites fixées par le second alinéa de l'article 10 précité ».

Parmi les éléments justificatifs évoqués dans les arrêts de la Cour de cassation nous trouvons que la pénalisation des opinions négationnistes poursuit le but légitime de protection des droits d'autrui prévu a l'article 10 paragraphe 2. De plus, il répond au besoin impérieux de lutte contre le racisme: elles «portent atteinte à la mémoire des victimes du nazisme et sont susceptibles de troubler la coexistence harmonieuse des personnes au sein de l'Etat français du fait qu'ils propagent des idées tendant à réhabiliter la doctrine et la politique de discriminations raciales nazies»168(*) Enfin la Cour de cassation pour justifier de la conventionalité de la loi Gayssot se réfère à la jurisprudence de la Cour Européenne selon « laquelle l'holocauste entre dans la catégorie des faits historiques clairement établis et dont la négation ou la révision est soustraite par l'article 17 à la protection de l'article 10 ; que tout propos dirigé contre les valeurs qui sous-tendent la Convention Européenne ne saurait bénéficier de la protection de l'article 10 »169(*)

B- Jurisprudence européenne favorable

En effet, La Cour Européenne l'a affirmé dans un arrêt Lehideux c/ France 170(*) en adéquation avec la jurisprudence de la Cour de cassation. La Commission dans une jurisprudence abondante avait déjà établis les principes auparavant en affirmant qu' « (,,,) ainsi que la nécessité de protéger la réputation et les droits d'autrui l'emportant, dans une société démocratique, sur la liberté du requérant de diffuser des publications déniant l'existence du gazage des Juifs sous le régime nazi ». Dans un arrêt récent concernant l'affaire Garaudy, la Cour Européenne précise que le négationnisme a pour objectif de réhabiliter le régime nazi et d'accuser de falsification historique les victimes elles-mêmes. Par conséquent, « la contestation de crimes contre l'humanité apparaît comme l'une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les Juifs et d'incitation à la haine à leur égard »171(*). Ces actes sont incompatibles avec promotion de la démocratie et les droits de l'homme, objectifs de la Convention Européenne: conformément à l'article 17 de la Convention, on ne peut donc se prévaloir de l'article 10 pour des propos tendant à la contestation du génocide juif.

Cette attitude inflexible vis à vis de toute remise en cause de « faits historiques clairement établis » bien que justifier par la volonté de mener un combat actif contre le racisme et faire échouer toute tentative de restauration de régime nazi n'est pas sans poser de risques pour la démocratie elle-même.

Paragraphe 2 : Les risques inhérents aux lois mémorielles

Elles ont été critiquées non seulement par Reporters Sans Frontière, mais il existe aussi un mouvement d'historiens qui craignent l'instauration d'une vérité historique (B) malgré les limites posées par la Cour Européenne dans son arrêt Lehideux c/ France (A).

A- Les limites juridiques dans l'affaire Lehideux

Dans cette affaire, la France a été sanctionnée pour violation de l'article 10 pour avoir condamné la parution d'un article dans Le Monde pour apologie des crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi inscrit aux articles 23 et 24 de la loi de 1881 .Cet article avait pour titre «Français, vous avez la mémoire courte» et se donnait pour ambition de réhabiliter le maréchal Pétain aussi bien pour les actions militaires que politiques présentées comme salutaires pour le peuple français (sur la période 1940-1945). Ainsi la cour de cassation avait retenu la condamnation car « en présentant comme digne d'éloge une personne condamnée pour intelligence avec l'ennemi, l'écrit a magnifié son crime et, ainsi, fait l'apologie dudit crime » et, par ailleurs, elle a rejeté le moyen selon lequel cette sanction méconnaîtrait l'article 10 de la Convention Européenne. Cette décision nous intéresse bien qu'elle ne soit pas directement reliée au délit de contestation de crimes contre l'humanité: elle met en balance la liberté de la presse avec l'expression d'opinions hétérodoxe sur l'histoire.

En effet, le gouvernement a invoqué devant la Cour Européenne l'incompatibilité de cette expression avec les dispositions de la Convention en vertu de son article 17 pour justifier de l'absence de violation de l'article 10. En effet, selon lui, la publication du texte incriminé avait pour but inacceptable la révision de la condamnation de Philippe Pétain et aurait au surplus présenté de façon éronnée certains évènements historiques soit en déformant la réalité ou en omettant de souligner une partie comme la collaboration du régime de Vichy avec les nazis172(*). La Cour Européenne se refuse toutefois d'arbitrer la question historique car elle relève « d'un débat toujours en cours entre historiens sur le déroulement et l'interprétation des événements dont il s'agit ». Elle la différentie ainsi de la contestation des « faits historiques clairement établis - tel l'Holocauste - » soustraite à la protection de l'article 10 par l'article 17. En l'espèce, ce n'était pas le cas mais les requérants ont soutenu la thèse dite du « double jeu » ou de la politique « suprêmement habile » de Philippe Pétain. La Cour a dû se prononcer sur le caractère unilatéral de la publication et le silence sur des événements qui participent directement de l'Holocauste s'ils justifient de l'ingérence.

La Cour retient que si la justification d'une politique nazie ne saurait bénéficier de la protection de l'article 10, la publication incriminée s'est démarquée des « atrocités » et des « persécutions nazies » ainsi que de la « toute-puissance allemande et [de] sa barbarie ». Toutefois le silence gardé sur la contribution et la responsabilité de Philippe Pétain dans la commission de ces crimes contre l'humanité quoique condamnable moralement n'est pas en soi suffisant pour justifier de la condamnation pénale jugée disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Elle affirme un principe fondamental:

Même si des propos tels que ceux des requérant sont toujours de nature à ranimer la controverse et à raviver des souffrances dans la population, le recul du temps entraîne qu'il ne conviendrait pas, quarante ans après, de leur appliquer la même sévérité que dix ou vingt ans auparavant. Cela participe des efforts que tout pays est appelé à fournir pour débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire. (...) la liberté d'expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique ».

Ainsi, en refusant de reconnaître l'application de l'article 17 à cette affaire, la Cour Européenne pose les garanties essentielles pour empêcher l'imposition d'une histoire officielle en élargissant la pénalisation des thèses négationnistes aux opinions controversées sur les faits historiques ne faisant pas l'objet de consensus. Ce garde-fou indispensable ne semble pourtant pas suffisant car, c'est l'existence même du délit de contestation de crimes contre l'humanité qui est critiquée d'autant qu'il y a tentative d'élargir le champ d'application des lois mémorielles à d'autres génocides et à d'autres évènements historiques.

B- Les craintes d'une vérité imposée

En effet, la loi Gayssot a été critiquée pour son application restrictive à l'holocauste. C'est pourquoi après la reconnaissance du génocide arménien par la loi n°2001-70 du 29 Janvier 2001, plusieurs propositions de lois ont été déposées pour étendre l'application de l'article 24bis à tous génocides et crimes contre l'humanité173(*) mais aucune d'entre elles n'a réussi à être adoptée. Toutefois, le 12 Octobre 2006, la proposition 3030 qui vise à compléter la loi de 2001 en punissant « comme indiqué à l'article 24 bis de la loi du 29 Juillet 1881 sur la liberté de la presse ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23 de ladite loi, l'existence du génocide arménien de 1915 » a été adoptée par l'Assemblée Nationale en première lecture. D'autres lois dites mémorielles tendent non seulement à reconnaître des faits historiques mais imposent aussi une certaine vision historique officielle de l'Etat français.174(*)

Ces législations ne vont pas sans poser de problème quant à la vérité historique et, elles ont soulevé une vague de contestation parmi les historiens qui ont rédigé un appel175(*) et un certain nombre de juristes176(*) qui ont en demandé l'abrogation. Pierre Nora craint lui aussi que ces lois puissent aboutir a « une criminalisation générale du passé, surtout national, qui constituerait comme essentiellement coupable notre identité historique. »177(*). En effet, si l'on se fie à la théorie exprimée par John Stuart Mill il importe que le débat soit ouvert pour arriver à la découverte de la vérité, et la censure des opinions erronées ou extrémistes est inappropriée car cela signifierait que l'Etat disposerait d'une hypothétique infaillibilité178(*). La suppression des expressions indésirables et nuisibles réduit la capacité pour leurs opposants de défendre la vérité par la logique et les arguments et donc les discrédite en les érigeant en tant que tyrans: car ils utilisent à la place l'intimidation et la violence de l'Etat pour faire valoir leur opinions.

Toutefois, il n'est pas certain que tous les participants aux débats ainsi que la société soient en recherche de la vérité: cela supposerait que les acteurs agissent de façon rationnelle mais, c'est oublié l'importance de l'émotion, du sensationnel et de la passion dans le débat public d'où peut surgir comme par exemple en Allemagne entre les deux guerres la négation pure et simple de la raison. C'est-à-dire qu'une liberté d'expression illimitée peut déboucher sur une tentation totalitaire et sa fin pure et simple. Il semblerait donc opportun non de pénaliser le négationnisme en lui-même mais plutôt l'incitation à la haine raciale et la promotion du régime nazi qu'il sous-tend. C'est à dire qu'il faut distinguer entre l'expression d'opinions bannies et le débat public et scientifique sur l'histoire et les faits d'actualité: concernant les derniers, une plus grande liberté d'expression doit valoir du fait du caractère matériel des preuves rationnelles avancées qui doivent pouvoir faire l'objet du débat contradictoire.

En effet, contrairement à l'expression de jugements de valeurs contraires à la Convention, la jurisprudence de la CEDH reste inflexible concernant l'information et les faits principalement politiques. Dans cette perspective, la Cour Européenne effectue un contrôle renforcé de la liberté de la presse en réduisant la marge nationale d'appréciation. Par conséquent les législations écossaises et françaises s'uniformisent sous l'impulsion de la Cour de Strasbourg.

Chapitre II: L'uniformisation des limites de la liberté de communication des informations.

Contrairement à l'expression pure d'opinions qui peuvent heurter les droits d'autrui, les informations dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au droit de la personne sont confrontées à un contrôle renforcé de la Cour Européenne et bénéficient d'une marge d'appréciation restreinte: la presse en tant que «chien de garde» est tenue par une obligation de fournir des informations en particulier sur les questions débattues dans l'arène politique et tout secteur d'intérêt public179(*). Cet aspect de la liberté de la presse se trouve au coeur même de la notion de société démocratique ultime but du droit conventionnel: par conséquent, les limitations doivent avoir un caractère exceptionnel et le test de proportionnalité se déplace à la faveur de la liberté de la presse. Ainsi, aussi bien en Écosse qu'en France, la Convention Européenne et particulièrement la jurisprudence de la Cour Européenne ont apporté des évolutions juridiques qui ont rapproché les deux droits nationaux. Toutefois, contrairement au droit à un procès équitable (titre II) , l'influence européenne a été perçue très différemment en ce qui concerne la protection de la réputation et du droit de la vie privée du fait de législations nationales (titre I).

Titre I: Convergence des législations protectrices de la réputation et du droit a la vie privée

En Écosse comme c'est le cas dans de nombreux pays anglo-saxons, le droit au respect de la vie privée est moins protecteur que celui de la France: c'est pourquoi le développement du droit européen (plus protecteur de la vie privée) par incorporation a été perçu comme une menace à la liberté de la presse (section1). Quant à la protection de la réputation d'autrui, l'influence de la Cour Européenne s'est particulièrement faite ressentir en France pour ce qui est de la diffamation envers les personnages publics (section2)

Section 1: la protection de la vie privée: menace par ou sur la liberté de la presse?

Le droit au respect de la vie privée inscrit à l'article 8 de la Convention Européenne figure parmi les droits d'autrui qui justifient l'ingérence dans la liberté de la presse. Du fait de l'absence d'un réel droit au respect de la vie privée, l'incorporation de la Convention par les lois 'Human Rights Act et 'Scotland Act' a été perçue comme une menace pour la liberté de presse (paragraphe 1). Au contraire de la France pour qui l'influence de la Cour Européenne va apporter de nouvelles atténuations pour les hommes politiques et les débats d'intérêt public (paragraphe 2)

Paragraphe 1: L'Ecosse: des craintes suscitées par l'incorporation de la Convention sur la liberté de la presse

En effet, la question de l'impact de l'incorporation de la Convention dans le droit interne sur la liberté de la presse a soulevé une grande inquiétude parmi les parlementaires lors du vote de l'HRA180(*). Certains ont considéré qu'il y aurait un risque que les cours écossaises accordent par une approche activiste de l'interprétation de l'article 8, une protection exagérée au droit au respect de la vie privée au détriment de la liberté de la presse.181(*) Car, avec l'intégration de droit de la convention, l'exercice de la liberté de la presse se retrouve au même rang que celui du droit au respect de la vie privée et familiale, ce qui n 'était pas le cas antérieurement (A). Mais une analyse de la jurisprudence européenne et de celle des juridictions écossaises post-HRA amène à plus de circonspection (B) car s'il y a une évolution, elle demeure peu perceptible.

A- Raison de l'inquiétude: l'absence de législation sur la vie privée

L'écosse est connue, avant l'intégration, pour son incapacité judiciaire et son refus législatif de traiter de l'immixtion des médias dans la vie privée. Pour preuve, elle n'a pas réussit à mettre en place une législation générale régissant ce domaine: la jurisprudence reconnaît elle-même la non existence au Royaume Uni d'un droit spécifique au respect de la vie privée dans l'arrêt Kaye v Robertson 182(*)« il n'y a pas de recours possible contre la violation de la vie privée d'une personne » Elle a par ailleurs, une approche minimaliste de la protection du droit à la vie privée: les seules règles juridiques conditionnant ce domaine sont dispersées entre les législations sur les perquisitions policières, la violation de propriété privée, le droit d'auteur et le droit de la confidentialité et de la calomnie. Et, le droit a la vie privée est traditionnellement défini en Grande-Bretagne de façon très restrictive comme la protection contre « la publicité indésirable ». Concernant la liberté de la presse, la jurisprudence ne reconnaissait de limitation à la liberté de la presse que rarement lors d'une contradiction entre ces deux droits.

C'est pourquoi l'HRA 1998 exige dans la section 12 que les juridictions britanniques tiennent compte de l'importance de la liberté d'expression lors des affaires qu'elles traitent en établissant des règles de procédures plus strictes et en mettant l'accent sur l'intérêt public et sur tout code sur la vie privée.183(*) Ce dernier fait référence au `Press Complaints Commission's Code of Practice` qui demeure plus un code de conduite qu'une législation à proprement parler comme son nom l'indique. En effet il a été crée par l'industrie de la presse siégeant en Press Complaint Commission, autorité indépendante sans personnalité juridique et qui a pour vocation d'être « la pierre angulaire du système d'autorégulation que l'industrie s'est engagée à respecter ». Il contient ainsi des dispositions régissant le droit à la vie privée dans son rapport avec la liberté de la presse. Ainsi, dans sa clause 3, il dispose que « chacun à droit au respect de sa vie privée et familiale, son domicile, sa santé et sa correspondance » et ajoute qu'«est exigée d'une publication de justifier toute immixtion dans la vie privée d'un individu sans consentement ». Toutefois, cette limitation se trouve réduite par la présence à la clause 1 d'une disposition qui fournit des exceptions à cette obligation quand `l'intérêt public` peut être démontré. Certes, aucune de ces règles n'est très éloignée des exigences des articles 8 et 10 de la Convention. Mais, ce système est extrajudiciaire et ne peut satisfaire à l'exigence d'un recours effectif car la Commission n'a pas le pouvoir de sanction ni l'habilitation d'allouer des dommages-intérêts aux victimes de la violation du Code. 184(*)

L'intégration de la section 12 dans l'HRA avait aussi pour but de restreindre la capacité des juges de limiter la liberté de la presse par une lecture trop protectrice du droit à la vie privée. Le problème avec cette disposition c'est qu'elle ne suffit pas pour atteindre ce but car les juridictions sont dans l'obligation de se conformer non seulement à la Convention mais aussi à la jurisprudence de la cour de Strasbourg. Par ailleurs, comme l'a indiqué le Lord Chancellor à la Chambre des communes, la Press Complaints Commission devrait être considérée comme l'une des autorités publiques et devrait donc se conformer à l'article 6(3) qui exige d'elles la prise en compte dans leurs décisions de la jurisprudence de la Cour Européenne.185(*) Donc, l'intégration du droit européen devrait apporter malgré cette tentative, un changement conséquent à la situation en Écosse en poussant au développement constructif du droit à la vie privée contre la liberté de la presse.

Ainsi, la définition du droit à la vie privée dans l'arsenal juridique européen est bien plus vaste que celle connue au Royaume Uni (droit d'être protégé contre toute intrusion non désirée). Elle comprend non seulement les 4 piliers - vie privée, vie familiale, domicile et correspondance - mais, aussi un nombre de sujets aussi divers que l'orientation sexuelle186(*), la garde d'enfant et la correspondance des prisonniers. Dans un arrêt Niemietz, la Cour est allée jusqu'à refuser de donner une définition exhaustive et à affirmer que « le respect de la vie privée doit aussi englober, dans une certaine mesure, le droit pour l'individu de nouer et développer des relations avec ses semblables » et, elle a établi que la distinction entre les sphères privée et non-privée ne peut se fonder sur la distinction entre activités professionnelle ou commerciale et non professionnelle187(*). La Convention Européenne de plus, exige de l'État non seulement des obligations négatives de ne pas interférer avec le droit au respect de la vie privée, mais aussi des obligations positives pour s'assurer que la législation encourage et garantit un respect effectif. Par conséquent, un État peut être en infraction avec l'article 8 de Convention car il ne fournit pas les garanties légales suffisantes ou est incapable de faire respecter ce droit: il est évident que l'absence de législation globale régissant le droit à la vie privée et l'approche restrictive prise par la Grande-Bretagne pourraient être perçues lors d'une ingérence dans la vie privée par les médias comme une violation de l'obligation positive de l'article 8.

B- Une évolution mitigée de la protection du droit à la vie privée

Mais, c'est oublier que la Convention établit comme exceptions à l'obligation positive le fait que l'intrusion dans la vie privée soit « prévue par la loi », « nécessaire » « dans une société démocratique ». Et, en analysant ces différentes conditions à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, on s'aperçoit que l'approche du droit à la vie privée prise par le Royaume-Uni n'est pas forcement très éloignée de celle de la Cour Européenne: tout d'abord, la condition « prévue par la loi » ne nécessite ni qu'elle soit écrite et codifiée ni qu'elle soit d'une prévisibilité ou d'une certitude absolue, il suffit que la loi ait une base en droit interne188(*) et qu'elle soit suffisamment accessible et prévisible pour le citoyen à un degré raisonnable189(*). De ce fait, dans le système de la Common Law, la jurisprudence suffit à indiquer l'existence d'une loi justifiant l'ingérence, et donc, l'absence d'une loi générale régissant les conditions d'exercice de l'article 8 de la Convention n'est pas en soi en infraction avec le droit européen; le juge écossais a ainsi utilisé les législations relatives à la divulgation d'informations confidentielles et à la diffamation pour combler cette lacune juridique190(*). Mais il est vrai qu'elles ne permettaient pas de couvrir la globalité incluse dans la définition de la vie privée donnée par le juge européen: certains aspects de la vie privée peuvent être violés sans pour autant qu'il s'agisse d'informations confidentielles ou que les allégations produites par une publication soit fausses.191(*) La surveillance de la loi nationale par la Cour de Strasbourg est limitée et reste principalement du domaine des juridictions nationales.192(*) En ce qui concerne la nécessité de l'ingérence dans une société démocratique, elle renvoie à la liste fournie au second paragraphe de l'article 8193(*). Mais, il faut noter que la Cour de Strasbourg dans ce domaine applique le principe de proportionnalité et traite les différentes affaires au cas par cas en tenant compte de la situation qui prévaut dans la majorité des États membres du Conseil de l'Europe194(*). Toutefois concernant ce dernier point, le principe de proportionnalité est utilisé par la Cour pour donner aux États une certaine « marge d'appréciation » même si elle est restreinte dans le domaine de l'information. Toutes ces limitations prouvent bien que les cours écossaises pourraient interpréter et mettre en oeuvre les actes d'incorporation de la Convention Européenne sans pour autant changer la situation existante. Et, finalement, la disposition de la section 12 HRA n'est pas si impertinente et inutile car elle s'intègre parfaitement dans la doctrine de la «marge d'appréciation » développée par la Cour de Strasbourg et permet de justifier les spécificités du droit britannique dans cette matière.

Par ailleurs, au sein même de la machinerie européenne, la liberté de la presse dispose d'un statut particulier car, elle est considérée comme l'instrument pour l'amélioration de la société démocratique. Dans l'affaire Handyside, la Cour souligne l'importance de la liberté d'expression comme « fondement essentielle » de la société démocratique en mettant en exergue les valeurs de « pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture  ». Et, elle la considère comme étant une « des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun » (référence aux théories de la justification de la liberté d'expression)195(*). Par conséquent la liberté d'expression et, plus particulièrement la liberté de la presse requièrent un très haut niveau de protection par rapport au droit à la vie privée qui n'a pas dans la jurisprudence acquis le même statut. Dans l'arrêt Lingens, la Cour de Strasbourg distingue la liberté de la presse dans un contexte de débat politique en lui donnant une valeur supérieure dans son rapport avec le droit a la vie privée: « les limites de la critique admissible sont plus larges à l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que d'un simple particulier » car « la liberté de la presse fournit à l'opinion publique l'un des meilleurs moyens de connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants »196(*). Par ailleurs dans un arrêt récent contre la France, à propos du livre sur F. Mitterrand « le Grand Secret », la Cour considère que la publication d'un ouvrage révélant « les affections graves dont souffre le chef de l'état » « s'inscrivait dans un débat d'intérêt général » et son interdiction « pose la question d'intérêt public de la transparence de la vie politique »197(*) ce qui brouille encore plus la frontière entre les vies privée et publique des dirigeants politiques. La Grande-Bretagne est connue pour sa « presse people » ou tabloïd qui font étalage des ragots et de la vie privée des dirigeants politiques et autres personnalités publiques, et il semble bien que cette jurisprudence de la Cour Européenne puisse être avancée comme un argument décisif pour justifier l'inertie des juridictions et du parlement britannique pour adopter une évolution juridique.

Toutefois, depuis l'incorporation, la jurisprudence nationale reste très disparate, il reste donc difficile de mesurer précisément l'ampleur de son impact. En effet, tandis qu'un arrêt Ashdown v Telegraph Group198(*) rejette l'argument selon lequel lors d'un litige impliquant l'article 10, l'accent doit être mis sur la nécessité de l'ingérence dans une société démocratique, dans l'arrêt Loutchansky v Times Newspapers,199(*) la même Cour d'appel dit l'inverse. Toutefois l'arrêt de principe Douglas v `Hello!`200(*) énonce la règle selon laquelle la section 12 de l'HRA n'exige pas de la cour qu'elle donne une priorité a l'article 10 sur les autres droits mais indique simplement que des égards doivent être portés à l'importance de l'affaire traitée. La jurisprudence Ashdown précitée ajoute que « la section 12 n'a d'autre objet que de souligner la nécessité de prendre en considération le contexte dans lequel [la cour Européenne] a donné un poids particulier à la liberté d'expression »201(*). Par ailleurs, les règles de procédure spécifiques au média ne pourront pas s'appliquer s'il n'y pas de facteurs qui penchent clairement en faveur de la liberté d'expression dans son rapport avec le droit au respect de la vie privée.202(*) Toutefois, concernant les figures politiques, la jurisprudence nationale n'a pas été affectée du fait de sa concordance avec celle Strasbourg203(*).

Par conséquent, nous pouvons conclure, comme l'affirme Tanya Aplin dans son article, que les juridictions ne considèrent plus la liberté de la presse comme une «valeur monolithique intangible» (monolithic, context-less value) et l'équilibre entre liberté de la presse et droit à la vie privée est recherché plus à travers le prisme des articles 8 et 10 qu'en ayant recours à la jurisprudence nationale antérieure. 204(*) Ainsi du fait de l'incorporation de la Convention, le droit écossais limite par là même la liberté de la presse pour ce qui de l'investigation et la publication d'informations concernant les individus qui n'ont pas de fonction politique: Sedley L.J. dans l'affaire Douglas v `Hello!` a observé qu'on « reconnaît le droit au respect à la vie privée comme un principe juridique à part entière »205(*) et, la chambre des Lords confirme dans Campbell v MGN206(*) que la suprématie automatiquement donnée antérieurement à la liberté d'expression sur le droit au respect de la vie privée n'est plus de mise. Ainsi, malgré l'absence de vote d'une nouvelle législation sur le droit à la vie privée, les juridictions ont su utiliser habilement le droit de la confidentialité (breach of confidence) pour s'assurer de la compatibilité du droit écossais avec la Convention: la convergence entre le droit écossais et le droit français doit s'analyser plus dans une perspective matérielle que formelle car le premier n'a pas eu à développer comme en France une législation générale protectrice de la vie privée.

Paragraphe 2: France: Une législation fortement protectrice du droit à la vie privée atténuée par le droit à l'information

La législation sur le droit à la vie privée fait partie des réglementations hors loi de 1881 car elle se développe principalement dans le cadre civil même s'il existe aussi une protection pénale réservée aux cas les plus graves d'atteinte au respect de la vie privée (d'espionnage de personne privée )207(*). Si le champ de la protection de la vie privée n'est pas en soi problématique (A), son intensité dans le cadre d'un débat public s'avère contraire a la jurisprudence de la Cour Européenne qui a sanctionné le pays dans l'arrêt Société Plon c/ France (B).

A- L'étendu du champ de protection de la vie privée

L'article 9 du Code civil issu de la loi du 17 juillet 1970 proclame que « Chacun a droit au respect de sa vie privée. ». Parmi les éléments protégés au titre de la vie privée on trouve la révélation de la vie sentimentale et sexuelle, les relations familiales, l'état de santé et plus généralement tout comportement intime de la personne. Cette protection accordée à ce droit subjectif peut se heurter à la liberté de la presse et principalement dans la presse sensationnelle dont la fonction essentielle est d'épier la vie privée des personnalités pour en livrer les révélations les plus intimes. Cette attitude n'est pas l'apanage des « tabloïds » ou de la « presse people », parfois, les nécessités du débat politique et l'information des citoyens peuvent rendre légitimes la divulgation d'informations personnelles surtout lorsqu'est sont un enjeu de société.

En droit national, le droit au respect de la vie privée dispose d'une protection étendu puisque l'article 9 non seulement utilise des termes généraux mais, il met aussi l'accent sur le caractère indiscriminé de ce droit. Son application a été étendue au droit à l'image par la jurisprudence, en l'absence de texte formel : « selon [l'article 9 du Code civil,] chacun a le droit de s'opposer à la reproduction de son image »208(*) . La Cour de cassation dans un arrêt de 1990 relatif à la publication par un hebdomadaire d'article sur la vie privée d'un prince énonce que « toute personne, quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée» et rejette l'argument selon lequel la curiosité publique née d'une telle position puisse en elle même réduire le champ d'application de leur vie privée. Il en a été considéré de même concernant le droit a l'image défini comme le droit exclusif de s'opposer à sa publication sans autorisation expresse, préalable et spéciale et ce même si la personne visée est une célébrité209(*). Par ailleurs la protection s'étend même au cas de manifestation publique lorsque la photographie représente la victime isolée du contexte de l'événement et prise pour elle même210(*).

Pour faire respecter ce droit, le juge peut prononcer des mesures préventives telles qu'énoncées à l'article 9§2: « Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée: ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ». C'est un pouvoir redoutable et très attentatoire à la liberté de la presse qui par principe ne peut connaître d'interdiction à-priori. C'est la raison pour laquelle les tribunaux ont été très réticents à avoir recours à ce type de mesures: une doctrine antérieure au vote de la loi du 17 Juillet 1970 confortée et maintenue constante exige pour faire application de la mesure exceptionnelle de saisie, un cas d'urgence: uniquement lorsque l'atteinte portée à la vie privée présente « un caractère intolérable » et « cause un dommage que l'allocation ultérieure de dommages-intérêts par le juge du fond ne saurait compenser »211(*). La gravité de l'atteinte à la vie privée sera caractérisée si la victime est un mineur ou si la révélation est particulièrement choquante. En outre, l'interdiction de publier un ouvrage non encore écrit (à propos d'un projet de biographie concernant la vie privée d'Alain Delon) a été jugée disproportionnée et incompatible avec les exigences de la liberté d'expression212(*). La plupart du temps, le juge allouera une indemnité à titre provisionnel qui réparera l'atteinte portée à la vie privée.

B- Une reconnaissance insuffisante de la supériorité du débat public

Conformément à la jurisprudence européenne, le droit national admet que le respect dû à la vie privé ne peut être invoqué lorsque l'information entre dans le domaine publique: ainsi la Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt Lingens, distingue la liberté de la presse dans un contexte de débat politique en lui donnant une valeur supérieure dans son rapport avec le droit à la vie privée213(*). Mais dans ce cas, l'information révélée doit être en rapport avec les fonctions publiques exercées par l'homme politique en question.214(*) En outre, en ce qui concerne les personnalités n'exerçant pas de fonctions officielles comme la princesse de Monaco, l'impératif de protection de la vie privée doit l'emporter sur la liberté d'expression quelque soit la curiosité du public si aucun débat d'intérêt public n'est en cause et, si la personne en question doit pouvoir bénéficier d'une « espérance légitime » de protection et de respect de sa vie privée.215(*) La frontière entre vie publique et vie privée s'appréciera des lors au regard de la nécessité de l'information divulguée pour le débat publique: soit qu'elle concerne un événement d'actualité soit qu'elle concerne une personnalité publique lorsqu'elle peut avoir une incidence sur la vie publique.

Ainsi, l'exigence d'informer le public passe par la publication de photographies qui peuvent porter atteinte au droit dû à la vie privée: c'est pourquoi, selon la Cour de cassation, la liberté de communication de l'information rend légitime la publication de photographies de personnes impliquées dans un événement d'actualité a condition de respecter la dignité de la personne humaine. La cour de cassation se prononçant sur la publication d'une photographie d'une personne victime de l'attentat à la station Saint-Michel du RER, le 25 juillet 1995 a jugé qu'elle était « dépourvue de recherche du sensationnel et de toute indécence et qu'ainsi, elle ne portait pas atteinte à la dignité de la personne représentée ».216(*) La jurisprudence considère licite la publication de photographies de personnes qui figurent sur les lieux de manière inopinée et accessoire par rapport au sujet, mêlé à l'événement par l'effet d'une coïncidence due à des circonstances tenant exclusivement à leur vie professionnelle.217(*) Par, ailleurs, concernant les personnalités publiques, la jurisprudence redonnait la légitimité de la publication de renseignement d'ordre patrimonial218(*).

Cependant, une divergence de vue est née entre cours nationales et européenne quant à l'appréciation de la frontière entre ce qui relève de la vie strictement privée de la personne et de l'information indispensable dans le débat publique. En effet, dans l'affaire « Le Grand Secret »219(*), la cour de cassation avait jugé que la révélation par l'ancien médecin de F. Mitterrand des affections graves dont souffrait l'ancien chef de l'état constituait outre une violation du secret médical, une atteinte au respect de la vie privée qui justifiaient l'allocation de dommages-intérêts et une interdiction de diffusion du livre en question. Elle a par là même rejeté le moyen selon lequel cette information ressortissait du sujet politique auquel l'article 10 de la Convention Européenne accorde une prééminence sur le respect de la vie privée. Cette analyse a été critiquée par la Cour Européenne des droits de l'Homme dans son arrêt Société Plon c/ France220(*) dont lequel elle énonce que la révélation de ces informations « s'inscrivait dans un débat d'intérêt général (...) portant en particulier sur le droit des citoyens d'être, le cas échéant, informés des affections graves dont souffre le chef de l'état, et sur l'aptitude à la candidature à la magistrature suprême d'une personne qui se sait gravement malade. ». Elle a considéré que si la responsabilité civile pour faute et la condamnation pour dommages-intérêts ne sont pas incompatibles en eux-mêmes avec les exigences de l'article 10 de la Convention Européenne, l'interdiction définitive de l'ouvrage constituait une mesure disproportionnée et ne correspondait plus à un besoin social impérieux du fait du temps écoulé.

Ainsi, cette arrêt a mis en lumière le caractère très liberticide de l'interdiction en référée en tant que méthode préventive : lorsqu'est en jeu un débat d'intérêt public, son détournement peut s'apparenter à de la censure.

Section 2: Le droit de la diffamation et le droit à la critique

La protection de la réputation d'autrui dans le cadre du droit de la presse constitue une limitation au droit non seulement à l'information mais aussi à l'expression d'opinion: les assertions diffamatoires qui sont l'expression de jugements de valeur s'appuient généralement sur l'imputation de faits. Si la Cour européenne reconnaît la légitimité de la protection de la réputation d'autrui (paragraphe 1), la marge d'appréciation qu'elle reconnaît aux États est restreinte ce qui lui permet d'influencer profondément les droits nationaux pour promouvoir les valeurs inhérentes à la société démocratique (paragraphe 2)

Paragraphe 1: Étendue de la protection de la réputation des personnes

La jurisprudence de la Cour Européenne, si elle reconnaît la protection de la réputation d'autrui comme un but légitime de restriction de la liberté de la presse (A) , rappelle que les auteurs d'assertions diffamatoires doivent pouvoir s'exonérer de leur responsabilité en établissant leur bonne foi et, s'agissant d'assertions de faits, en prouvant la véracité de ceux-ci221(*) . En outre, l'impossibilité de faire jouer cette exception constitue, selon elle, une mesure excessive pour protéger la réputation et les droits d'une personne222(*). Les deux systèmes juridiques écossais et français convergent en ce domaine (B).

A- L'interdiction des propos calomnieux et diffamatoires

La presse est tenue de respecter la réputation d'autrui selon la Convention ce qui implique l'interdiction des propos calomnieux: l'objectif est de protéger les individus contre les allégations mensongères dont le but est de porter atteinte à leur honneur.223(*)

Dans ce domaine, le droit écossais (et plus généralement britannique) connaît une législation spécifique bien avant l'incorporation réalisée avec l'HRA mais critiquée car elle ne fournissait pas une protection adéquate aux individus victimes de l'ingérence des médias dans leur vie privée, et, le processus pour l'obtention de dommages-intérêt a été décrit comme trop long et coûteux. La Common Law toutefois met en avant le droit à la réputation lorsqu'il est confronté à la liberté d'expression car, selon la Court of Appeal dans un arrêt Kiam v Neil « l'histoire nous montre de nombreux exemples qui prouvent que l'atteinte à la réputation des opposants à un pouvoir arbitraire ou à un régime oppressif a été utilisée comme une arme par les despotes »224(*). Cette emphase mise sur la réputation a pour effet l'absence dispositions spéciales qui protègent la presse. Cette dernière est donc sujette aux mêmes règles juridiques qui s'appliquent aux individus. Selon une définition classique donnée en Common Law une expression est diffamatoire si elle tend à rabaisser le demandeur dans l'estime portée par les membres de la société225(*) en l'exposant par exemple à haine, au mépris et au ridicule226(*) ; il n'est pas nécessaire que l'énoncé ait produit des effets actuels sur la réputation mais les cours prennent aussi en compte les effets potentiels:227(*) le demandeur n'a pas à prouver la présence d'un dommage. Il appartient au juge de décider non seulement à partir du texte des affirmations mais aussi du contexte entourant l'affaire si les expressions utilisées sont susceptibles de porter atteinte à la réputation.228(*). Sous une forme permanente (par exemple écrite), l'expression diffamatoire est qualifiée de `libel` tandis que dite oralement, le `slander` ne constituera un délit civil que si des dommages actuels peuvent être prouvés.229(*)

Toutefois une protection absolue a été accordée dans certains cas pour éviter que la liberté d'expression ne devienne une menace pour un débat public et ouvert, au parlement et au cours d'affaires judiciaires230(*)

Pour ce qui est des rapports parlementaires ou d'affaires judiciaires, le privilège accordé est qualifié c'est à dire qu'ils disposent d'une protection renforcée contre d'éventuels recours lorsqu'ils sont de bonne foi et contiennent des informations exactes231(*). La Chambre des Lords dans une fameuse jurisprudence Reynolds v Times Newspapers Ltd a refusé d'accorder une telle protection à la presse d'information politique car la création d'une nouvelle catégorie de privilège empêchera de fournir une protection adéquate de la réputation des individus232(*). De plus, dans ce cas, un journal qui couvrirait les nouvelles politiques pourrait en toute impunité publier des affirmations mensongères et; les lecteurs ne pourraient pas distinguer entre vérité et fiction. Toutefois, la Chambre ajoute qu'un privilège qualifié peut jouer si le média en question arrive à établir l'existence d'un `droit de savoir` et, comme l'affirme Lord Hope, il est plus facile de satisfaire à cette exigence lorsque les politiciens sont impliqués.233(*) Lorsqu'est établit le privilège qualifié, le demandeur peut la faire échouer s'il prouve que la publication a été faite par malveillance explicite: le défendeur avait des motifs illégitimes tels que le fait de blesser volontairement le demandeur et la connaissance du caractère inexact des affirmations.234(*)

En ce qui concerne les domaines non couvert par les privilèges, l'approche suivie par les cours se reflète dans la jurisprudence établie Bonnard v Perryman où il est affirmé qu' « aussi longtemps qu'aucune action illicite n'est commise et à moins que la prétendue calomnie soit infondée, aucun délit n'est commis »235(*) Ainsi, les actions en diffamation n'aboutiront que très rarement: une cour a refusé de lever une injonction même lorsque le défendeur a cherché à soustraire au demandeur de l'argent sous la menace de la publication d'allégations certes dommageables mais vraies.236(*) Pour trouver à s'appliquer, la législation prohibant la calomnie exige de la publication qu'elle soit `sous une forme permanente et les mots [utilisés] doivent tendre à avilir la personne et provoquer haine, mépris et le ridicule`237(*). Mais même en ce cas, la calomnie doit être suffisamment grave et non constituée d'insignifiantes allégations. Ainsi par exemple, la Cour d'appel a refusé de considérer comme diffamant la publication d'un article décrivant un comédien comme étant `affreusement laid` et commentant son apparence en le comparant à Frankenstein, car, les mots s'attaquaient plus à son apparence physique qu'à sa réputation !238(*). Pourtant pour déterminer si l'affirmation est diffamatoire, les juridictions écossaises utilisent le critère in abstracto `de bon père de famille` c'est-à-dire que l'évaluation de la faute est déterminée par la compréhension qu'en aurait un individu ordinaire dans les circonstances de l'espèce (lecteur ordinaire, raisonnable et d'intelligence moyenne). Pour cela, les juridictions font usage en affaires civiles du jury qui va avoir en charge de déterminer le sens exactes des affirmations.

Pour ce qui est de la France, l'article 29 de la loi de 1881 dispose que « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Il est intéressant de noter que les peines seront plus lourdes lorsque l'infraction vise des corps constitués239(*) et les fonctionnaires et autres acteurs publics dans l'exercice de leur profession240(*) que dans le cas de simples particuliers241(*). Pour être caractérisée, la diffamation doit être constituée d'allégation « sous la forme d'une articulation précise de faits de nature a être sans difficulté l'objet d'une preuve et d'un débat contradictoire »242(*) de nature à porter atteinte à l'honneur et à la dignité de la personne visée, qui doit être identifiable même si son nom ne figure pas dans la publication243(*) Comme l'intention coupable est présumée244(*), il n'est pas nécessaire d'en apporter la preuve. Par ailleurs, comme en écosse, il existe des immunités de la défense pour les discours tenus dans les assemblées parlementaires245(*) et les discours et écris d'audience et compte rendus judiciaires246(*).

La protection accordée demande en France et en Écosse que les propos incriminés soient précis et porte effectivement à l'honneur ou à la considération de façon évidente. Si ces éléments sont réunis, l'ingérence dans la liberté de la presse se trouve justifiée en l'absence de faits exonératoires (l'exception de vérité et la bonne foi).

B- La vérité des faits diffamatoires et la bonne foi comme faits justificatifs

En effet, il existe des immunités de la défense contre la mise en oeuvre d'action en diffamation: la justification des affirmations sur des fondements réels (1) qui reste un moyen difficile à établir dans les deux pays, les commentaires de bonne foi sur un sujet d'intérêt public (2) en absence de preuve des faits, et en écosse, le fait que l'éditeur ne soit pas responsable du contenu de la publication permettent l'exonération du défendeur.

Concernant ce fait justificatif, le Defamation Act 1996 a introduit dans la législation une nouvelle protection aux parties en s'assurant de la preuve par la partie défenderesse (a) qu'une attention particulière a été prise en relation avec la publication et, (b) qu'elle ne connaissait pas ou n'avait pas de raison de connaître le caractère diffamatoire des affirmations en question.247(*) Les deux conditions sont cumulatives et la charge de la preuve incombe au défendeur. Le fait que le défendeur doit ne pas être responsable du contenu de la publication exclut automatiquement les auteurs, rédacteurs en chef et toute personne responsable en premier fait du contenu et de la décision de publier l'affirmation en question.248(*) Par opposition, les parties dont l'implication se limite aux activités d'impression de production de distribution et de vente se trouvent protégée par cette législation.249(*)

1. L'exception de vérité: des conditions difficiles à réunir

En Écosse, la preuve apportée que les imputations calomnieuses sont réelles constitue une défense complète et c'est l'accusé qui en porte la charge250(*) : la loi présume que l'affirmation est fausse jusqu'à la preuve du contraire par le défendeur. Mais, pour cela, il faut démontrer que toutes les expressions utilisées sont vraies car il suffit au jury de trouver dans une longue publication une seule imputation calomnieuse non prouvée pour que l'action réussisse. Comme l'affirme Lord Keith dans une affaire Derbyshire CC v Times Newspapers Ltd251(*), la preuve des faits justifiant l'expression diffamatoire est difficile à établir bien que dans la plupart des cas, les faits allégués sont réputés être vrais.

En France, l'article 35 de la loi de 1881 consacre comme fait justificatif l'exception de vérité (exceptio veritatis): la publication ne constituera pas un délit pénal ou une faute civile lorsqu'il s'avère que les imputations diffamatoires sont exactes. Par conséquent le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte. Il est précisé qu'en ce qui concerne les personnes exerçant des fonctions publiques et les corps constitués, le diffamateur peut apporter la preuve de ses allégations et s'en servir comme moyen de défense quand l'imputation est relative aux fonctions (35 §1). Il en est de même concernant les directeurs ou administrateurs de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant publiquement appel à l'épargne ou au crédit (§2). Le demandeur dans ce cas sera débouté de sa demande mais il pourra toujours utiliser le droit de réponse reconnu à l'article 13. En revanche, la preuve de la vérité n'est pas acceptée comme fait justificatif lorsque l'imputation porte atteinte à la vie privée (article 35 §3a), ou lorsque les faits remontent a plus de dix ans (§3b: cette disposition est remise en cause par la jurisprudence européenne) et enfin lorsque l'imputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision (article 35 §3c). Toutefois, il est ajouté que même si elle tombe dans les deux premières restrictions, l'imputation de crimes ou délits sexuels sur mineurs peut bénéficier de l'exception de vérité. Il faut savoir qu'en application de l'article 55, à compter de la signification de la citation, le prévenu dispose de dix jours pour apporter la preuve de la vérité de son imputation; en signifiant au ministère public les faits articulés et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la vérité, la copie des pièces , les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve. Par ailleurs, même dans les cas ou la preuve de la vérité n'est pas admise, le juge de diffamation doit surseoir à statuer si elle risque d'apparaître dans le cadre de poursuites engagées contre le fait imputé.252(*) Les documents apportés à titre de preuve doivent porter des faits antérieurs à la perpétration de la diffamation253(*)

Du fait des conditions extrêmement strictes de ce fait justificatif, en France comme en Écosse, le droit a développé comme un second moyen de défense contre l'action en diffamation la bonne foi.

2. la bonne foi: un moyen subsidiaire d'exonération

En France, elle s'est principalement développée dans les cas ou l'exception de vérité est impossible.254(*) Comme la mauvaise foi est présumée, il appartient prévenu de la détruire en rapportant la preuve de sa bonne foi qui se compose de quatre éléments: en effet, la Cour de cassation dans un arrêt du 23 Mars 2003 a déclaré que « la bonne foi de la personne recherchée pour diffamation suppose la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression, ainsi que la fiabilité de l'enquête»255(*).

Enfin, la Cour de cassation a admis implicitement l'impossibilité pour le journaliste de prouver la véracité d'un jugement de valeur car «exiger des journalistes qu'ils apportent la preuve -irréalisable- de tels jugements porte atteinte à la liberté d'opinion »256(*) et donc une condamnation fondée sur l'incapacité à prouver les dires constitue une violation de la liberté de la presse. C'est au juge d'apprécier si les propos et écrits litigieux ressortissent du jugement de valeur ou non et, si le journaliste peut se retrancher derrière cet argument pour échapper à la responsabilité.

La reproduction des imputations diffamatoires même sous forme dubitative est punissable au même titre que la publication elle-même toutefois la preuve apportée que les propos ont été rapportés de bonne foi peut exclure la responsabilité (article 41) car la mauvaise foi est présumée en ce cas ( article 35bis)257(*). L'affaire « Clearstream » qui a bouleversé l'actualité politique ces dernières années a fait l'objet d'un arrêt de la cour de cassation258(*) dans lequel l'hebdomadaire le Point a été poursuivi en diffamation. La décision de la Cour d'appel de Paris qui a décidé de la relaxe des journalistes après leur avoir accordé le bénéfice de la bonne foi a été cassée par la Cour de Cassation car les journalistes n'ont pas satisfait à l'exigence de prudence dans l'expression de la pensée au regard des documents qu'ils avaient en possession.

En Écosse, en l'absence de preuve des faits diffamatoires, le défendeur peut se tourner vers les jugements de bonne foi sur un sujet d'intérêt public: ils ne sont pas considérés comme constituant des imputations calomnieuses. En effet, « le droit du citoyen d'exprimer honnêtement son opinion sincère sur une affaire d'intérêt public » ne doit pas être menacé par une trop grande place donné au droit à la réputation et ce quoique « l'opinion [exprimée] soit fausse exagérée ou préjudiciable »259(*). Cette affirmation de Lord Akner trouve sa racine dans la reconnaissance par les cours de l'importance donnée à la liberté d'opinion.260(*) Par conséquent, on peut échapper à la responsabilité en démontrant que les mots utilisés sont des commentaires plus qu'une simple description de faits: on utilise ici encore le critère du bon père de famille à savoir : `Comment les mots pourraient être compris par un lecteur ordinaire`261(*). Dans ce domaine, la jurisprudence européenne dans l'affaire Lingens met l'accent sur la distinction entre faits et jugements de valeur et affirme que « si la matérialité des premiers peut se prouver, les seconds ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude ». 262(*)Lorsqu'il n'est pas possible de faire la différence entre les deux, on présume que l'affirmation est factuelle.263(*) Par ailleurs, il doit aussi être prouvé que les faits sur lesquels les commentaires sont fondés sont exacts. Toutefois, même en cas d'absence de preuve de la réalité des faits allégés, le défendeur pourra échapper à la responsabilité s'il montre que les commentaires sont loyaux par rapport aux faits connus à l'époque de la publication.264(*) Enfin, la preuve doit être apportée que les commentaires sont loyaux c'est-à-dire qu'ils sont « vraisemblablement de bonne foi »265(*) sinon ils seront considérés comme malveillants et, donc susceptibles de poursuites judiciaires. Cette jurisprudence écossaise est en parfaite adéquation avec la jurisprudence européenne car elle met l'accent sur l'importance de la presse dans les débats politiques et d'intérêt public.

Paragraphe 2: Les limites à protection de la réputation accentuées dans le cadre du débat d'intérêt public

Certes la jurisprudence européenne très favorable à la liberté de la presse dans le cadre du débat politique a trouvé un certain écho dans les droits nationaux: ainsi, la cour de cassation a reconnu en 2000 que « l'intention d'éclairer [les électeurs] sur le comportement d'un candidat est un fait justificatif de bonne foi, lorsque les imputations, exprimées dans le contexte d'un débat politique, concernent l'activité publique de la personne mise en cause, en dehors de toute attaque contre sa vie privée, et à condition que l'information n'ait pas été dénaturée»266(*). Cependant, la France s'est vu condamnée en ce qui concerne la critique d'homme publique (A) et elle a dû abroger la législation sur l'offense envers les chefs d'Etat étrangers (B).

A- Le déplacement de « l'acceptable » en faveur de la critique pour les hommes publiques

La jurisprudence de la Cour Européenne relative aux hommes politiques incite à faire preuve de plus grande tolérance quant aux publications d'article critique à leur égard et spécialement dans le cadre d'élections. En ce domaine, c'est l'arrêt Lingens267(*) qui est le pilier fondateur de la jurisprudence européenne.

En effet, il s'agissait en l'occurrence d'un haut responsable politique (le chancelier fédéral d'Autriche) victime de vives critiques dans deux articles par un journaliste et ce à l'issue d'élections générales. Il s'est vu reproché le fait d'avoir agi en vu d'une coalition incluant un parti dirigé par un ancien nazi. Son comportement a été qualifié d' « immoral et dépourvu de dignité » émanant d'un « opportunisme le plus détestable ». Les propos ont été jugés injurieux et le journaliste a été condamné à une amende. Il s'est prévalu de l'article 10 devant la Cour Européenne pour demander la condamnation de l'Autriche pour mesure disproportionnée par rapport au but poursuivi. Dans le cadre de l'appréciation du caractère « nécessaire dans une société démocratique » de l'ingérence, les juges européens ont élaboré les principes fondamentaux.

Tout d'abord, il faut distinguer entre les citoyens ordinaires et les politiciens dans l'appréciation du caractère proportionnel de l'ingérence: les derniers doivent davantage tolérer la critique des médias du fait qu'ils s'exposent inévitablement en leur qualité à un contrôle attentif de leurs faits et gestes tant par les journalistes que par les citoyens. Ce principe se justifie du fait que la presse est tenue d'éclairer les citoyens sur les idées et attitudes des dirigeants dans une société démocratique.

Lorsque sont en jeu les intérêts de la libre discussion des questions politiques, la Cour reconnaît que l'utilisation de termes controversés fait partie du caractère habituel des « durs combats de la vie politique ». Par conséquent la condamnation des auteurs des propos litigieux même si elle n'a pas empêché l'expression constitue une « espèce de censure tendant à l'inciter à ne pas se livrer désormais à des critiques formulées de la sorte » et « est de nature à entraver la presse dans l'accomplissement de sa tâche d'information et de contrôle ».

Enfin en matière de preuve, comme nous l'avons vu multiple fois dans notre développement, la Cour Européenne a insisté sur la distinction entre faits et jugements de valeur: la preuve des jugements de valeurs est une violation de la liberté d'opinion car par essence impossible à apporter. Par conséquent, il n'est pas étonnant de voir la Cour Européenne déclarer la condamnation non nécessaire dans une société démocratique et disproportionnée au but légitime poursuivi.

Ces principes ont été rappelé maintes fois dans d'autres arrêts268(*): la Cour Européenne ajoute que dans la contribution à la discussion de la conduite des hommes politiques et de leur morale politique, il est disproportionné de demander de peser chaque mot pour exclure tout malentendu269(*). Elle va jusqu'à reconnaître à la liberté journalistique le recours possible « à une certaine dose d'exagération, voire même de provocation »270(*).

Dans cette perspective, la France s'est vue condamnée dans l'affaire Mamère271(*) pour violation de l'article 10 dans la condamnation pour diffamation envers un fonctionnaire de propos mettant en cause la politique de la France au moment de la catastrophe de Tchernobyl.

En l'occurrence, il s'agissait de Noël Mamère qui lors d'une émission télévisée « Tout le monde en parle » a vivement critiqué le directeur à l'époque de la catastrophe de Tchernobyl s'est produite, du Service central de Protection contre les Rayons ionisants: il le présentait comme étant un « sinistre personnage (...) qui n'arrêtait pas de nous raconter que la France était tellement forte - complexe d'Astérix - que le nuage de Tchernobyl n'avait pas franchi nos frontières ». Il a donc fait l'objet de poursuites pour complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire et a été déclaré civilement et pénalement responsable. Devant la Cour Européenne des Droits de l'homme, la question était donc de savoir si la condamnation était nécessaire dans une société démocratique: après avoir rappelé les principes fondamentaux qui se dégagent de sa jurisprudence, la Cour affirme que la marge d'appréciation dont disposaient les autorités pour juger de la « nécessité » de la mesure litigieuse était particulièrement restreinte. Étant donné que les propos litigieux tenaient à la fois du jugement de valeur et de l'imputation de fait, l'auteur doit avoir la possibilité de s'exonérer de sa responsabilité par l'exception de vérité et la bonne foi. Or, la déclaration portait sur des faits remontant à plus de dix, ce qui selon l'article 35 de la loi de 1881 empêchait l'intéressé de faire valoir l'exceptio veritatis. Cette disposition se trouve aux yeux de la cour peu justifiable « lorsqu'il s'agit d'événements qui s'inscrivent dans l'Histoire ou relèvent de la science » car, « au fil du temps, le débat se nourrit de nouvelles données susceptibles de permettre une meilleure compréhension de la réalité des choses ». Par ailleurs, en ce qui concerne la bonne foi rejetée comme moyen de défense par les juridictions nationales, la Cour rappelle que « si tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général - tel le requérant en l'espèce - est tenu de ne pas dépasser certaines limites quant - notamment - au respect de la réputation et des droits d'autrui, il lui est permis de recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation (...), c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos ». Elle juge que les propos incriminés restent dans les limites de l'acceptable et ne constituent pas de termes outrageants. Enfin si elle reconnaît le fait que les fonctionnaires puissent bénéficier d'une protection spécifique dans l'exercice de leur fonction, la Cour rappelle qu'ils s'exposent à un contrôle attentif de leurs faits et gestes comme les hommes politiques et donc « les limites de la critique admissible à leur égard dans l'exercice de leurs fonctions officielles peuvent dans certains cas être plus larges que pour un simple particulier ».

Cet arrêt en déclarant la violation de l'article 10 de la convention remet en cause la disposition de la loi de 1881 qui interdit d'évoquer l'exception de vérité des faits diffamatoires de façon générale et absolue: quand sont en jeu le libre espace de discussion et les faits de nature scientifique, cette mesure s'avère disproportionnée par rapport au but légitime poursuivie. Les juridictions internes devront donc tenir compte de cette inflexion apportée par la jurisprudence européenne. A l'heure de la rédaction de ce document il n'existe pas d'arrêts qui puissent démontrer une telle attitude, contrairement au domaine de l'offense aux chef d'État étrangers ou la législation a dû être amendée pour se conformer avec le point de vue de la Cour.

B- L'affaire Colombani et autres c/ France: mise à mort de l'offense envers les chefs d'État étrangers

L'article 36 de la loi de 1881 aujourd'hui abrogée mettait en place un régime dérogatoire de protection en punissant l'offense commise publiquement envers les chefs d'états étrangers, les chefs de gouvernements étrangers et les ministres des affaires étrangères d'un gouvernement étranger. Selon la jurisprudence, l'offense s'entend des injures, diffamations, expressions outrageantes ou de nature à offenser la délicatesse des personnes protégées. La Cour de cassation a précisé que « l'offense envers le chef d'un État (...) est constituée matériellement par toute expression de mépris ou d'invective, ou par toute imputation de nature à l'atteindre dans son honneur ou dans sa dignité à l'occasion de sa vie privée ou de l'exercice de ses fonctions »272(*). Ce régime a été malgré cela libéral: la mauvaise foi contrairement au droit commun en cas de diffamation n'est pas présumée et, la jurisprudence s'est efforcée d'en restreindre l'application aux seuls cas d'abus excessif de la liberté d'expression273(*). Et, les juridictions civiles ont considéré que ce délit ne faisait pas obstacle à la critique de nature politique274(*) et ne peut être invoqué qu'en cas d'attaque personnelle visant la personne même et sa réputation et non la politique mise en oeuvre.275(*) Par ailleurs, dans les circonstances d'une publication satirique, seule une virulence particulière démontrant l'intention de nuire tombe sous le coup de l'article 36.276(*) Toutefois ce libéralisme est compensé par l'exclusion du fait justificatif de l'exception de vérité qui permet d'écarter en cas de diffamation l'application de la peine lorsque les faits allégués sont exacts. De ce fait, la conformité de l'article 36 avec l'article 10 de la Convention Européenne a été remise en cause devant la Cour de cassation.277(*) Car selon ce moyen : « en interdisant que [la] preuve [de la vérité des faits] puisse être rapportée, s'agissant de diffamations et pas seulement d'injures, l'arrêt a consacré une atteinte grave à la liberté d'expression ». Il est ajouté que « l'instauration d'un délit supplémentaire, spécifique aux offenses aux chefs d'état étrangers, dans le cadre d'une loi qui réprime de manière générale et suffisante les diffamations et les injures, constitue une atteinte excessive au principe de la liberté d'expression, que ne justifie pas le souci de préserver les relations internationales de la France ». Mais, la Cour de cassation a rejeté ces arguments en affirmant que l'infraction prévue à l'article 36 entre dans les limites prévues à paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention car il sanctionne « des comportements portant atteinte à l'ordre public, notamment en ce qui concerne les relations diplomatiques, et aux droits et à la réputation des individus».

Ce régime particulier fera l'objet d'un arrêt décisif de la Cour Européenne des droits de l'Homme dans un arrêt Colombani et autres c/ France278(*). Il s'agissait en l'occurrence d'un article du Monde mettant en cause la volonté affichée des autorités marocaines - et en premier lieu du défunt roi - de lutter contre le trafic de haschisch. Condamné pour offense publique au roi du Maroc, les requérants se sont vus rejeter leur pourvoi en cassation279(*) au motif que l'article en question contient une suspicion sur la sincérité du roi de Maroc dans sa lutte contre la drogue et l'imputation de discours pernicieux. Cette appréciation de la Cour de cassation sera censurée par la Cour Européenne des droits de l'homme pour l'impossibilité de rapporter la preuve de la vérité des faits allégués « constitue une mesure excessive pour protéger la réputation et les droits d'une personne, même lorsqu'il s'agit d'un chef d'Etat ou de gouvernement » et rejette l'existence d'un tel privilège qui ne saurait justifier son existence aujourd'hui en tant que besoin social impérieux. Ainsi le législateur a par une loi du 9 Mars 2004280(*) abrogé cette disposition. Mais, étrangement, l'article 26 de la loi de 1881 qui réprime l'offense au Président de la République est resté intact bien qu'inutilisé.

La Cour Européenne a protégé les intérêts supérieurs de l'information et du débat politiques au prise avec les droits au respect de la vie privée et de la réputation d'autrui. Elle a agi de même lorsque est en jeu la protection du droit à un procès équitable: la France comme l'Ecosse ont du assouplir leur législation pour se conformer à la jurisprudence de Strasbourg.

Titre II: L'assouplissement de la protection du droit à un procès équitable

En dehors de l'impartialité de la justice mentionnée à l'article 10(2), et qui est la protection d'un intérêt public, la liberté de la presse peut aussi être en confrontation au cours d'affaires judiciaires avec le droit individuel au procès équitable reconnu à l'article 6(1) qui dispose que « l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès » en mentionnant comme fondement de cette restriction « la protection de la vie privée des parties au procès». En outre, l'article 6(2) qui énonce que « toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. », est aussi parmi les « autres droits d'autrui » qui pourrait justifier les mesures de limitation de la liberté de la presse. La France aussi bien que l'Ecosse dispose de législations très protectrice de la présomption d'innocence (section 1) qui ont été remises en cause par la Cour Européenne au nom d'une protection élevée de la liberté de la presse lorsqu'est en jeu un débat public d'intérêt général où la presse se doit de jouer un rôle de «chien de garde » (section 2).

Section 1: Deux législations nationales très protectrices de la présomption d'innocence

Le système français met l'accent sur la protection de l'intérêt individuel avec des dispositions issus du droit civil (paragraphe 1) contrairement au royaume-uni où le Contempt of Court trouve ses racines dans une notion très anglo-saxonne de l'autorité et de l'impartialité de la justice (paragraphe 2)

Paragraphe 1: le système français de protection de la présomption d'innocence.

La présomption d'innocence est un fondement essentiel du droit individuel à un procès équitable. Elle est aussi bien garantie par l'article 9 de la DDHC « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable »que par l'article 9-1 du code civil « Chacun a droit au respect de la présomption d'innocence ». La Cour de cassation définit l'atteinte à ce principe comme consistant « à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement »281(*). Ainsi la liberté de la presse peut porter une atteinte à ce droit fondamental lorsque les publications doivent rendre compte du suivi d'affaires criminelles. Ainsi, l' « affaire d'Outreau » qui a été rendu célèbre pour les erreurs judiciaires dues aux dysfonctionnements certains de la justice282(*) , il ne faut pas l'oublier, n'aurait pas atteint un tel niveau sans l'influence considérable de la presse.283(*) En effet dans cette affaire, les médias ne se sont pas contentés de rapporter le déroulement du procès mais, la majorité écrasante a condamné sans appel comme coupable de pédophilie ceux qui seront plus tard présentés comme victimes de la faillite judiciaire284(*). Les dommages traumatiques et l'atteinte à l'honneur provoqués par de tels propos obligent à s'interroger sur les limites entre droit à l'information et protection de la présomption d'innocence. La loi du 15 Juin 2000285(*) dite Guigou avait modifié la loi de 1881 et l'article 9-1 du Code civil pour renforcer la répression des atteintes par voie de presse aux droits de la défense. Ainsi, lorsqu'une personne est présentée publiquement comme coupable avant toute condamnation, le juge peut, faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence par des mesures telle que la diffusion d'un communiqué au frais du responsable.286(*) En outre, toute diffusion de l'image d'un prévenu portant des menottes ou entraves ou placé en détention provisoire sans accord préalable est prohibée287(*). De même, la publication ou le commentaire d'une consultation portant sur la culpabilité d'un accusé sont punis288(*). La législation vise aussi à interdire la reproduction des actes d'accusation et de procédure criminelle ou correctionnelle avant lecture publique289(*). Enfin, le code de procédure pénal prévoit que le tribunal puisse ordonner que le procès se déroule en huis clos290(*).

Dans ce domaine, la cour de cassation exige des écrits incriminés plus que de simples imputations sous forme dubitatives: il faut en effet que les allégations puissent être regardées comme « comportant des conclusions définitives tenant pour acquise la culpabilité » de l'accusé.291(*) En outre, lorsque les articles incriminés relatent objectivement les débats judiciaires (sans préjudice de l'article39), « sans appréciation personnelle du journaliste sur la personnalité des accusés », ils bénéficient de l'immunité du compte rendu judiciaire prévue par l'article 41 de la loi de 1881.292(*) En effet pour porter atteinte à la présomption d'innocence, il faut par exemple que les écrits litigieux contiennent uniquement « des témoignages à charge et qu'ils présentent la culpabilité de la personne comme certaine ».293(*)

Lors d'affaires judiciaires, la législation met aussi l'accent sur la protection des victimes et plus particulièrement celles des enfants. Ainsi, la reproduction des circonstances d'un crime ou délit sans l'accord de la victime est interdite si elle porte « gravement atteinte à sa dignité »294(*) , la diffusion de l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime sauf accord écrit295(*). Il est aussi fait mention de l'interdiction de rendre compte de l'audience (prise d'image etc.) et de certain procès dans leur ensemble dans le but de protéger la vie privée des parties (ne s'applique pas aux dispositions). Le pouvoir pour les cours dans les affaires civiles d'interdire le compte-rendu du procès est par ailleurs consacré. 296(*)

Paragraphe 2: Le système écossais de 'Contempt of Court'

Il importe d'observer que la Common Law se singularise par la restriction de la liberté d'expression tendant à garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire, et c'est sous la pression de la Grande-Bretagne qu'elle a été introduite dans la Convention. En effet, une telle restriction est inconnue dans le droit de la plupart des États membres. Au Royaume-Uni, ce sujet est régi par une législation statutaire, The Contempt of Court Act de 1981, utilisée pour protéger le processus judiciaire contre la publicité préjudiciable aux parties au procès. Elle s'applique particulièrement aux publications définies comme tout discours adressé à l'ensemble ou une partie du public297(*). Un exemple de son application est l'affaire H.M. Advocate v NewsPaper Group Newspapers298(*) où deux journaux qui ont publié des articles sensationnels liés à une fusillade et ce, un jour avant l'arrestation du suspect ont été condamnés pour violation de cette loi. L'un d'entre eux a dû payer un amende plus conséquente car dans son article, des allégations précises impliquait la culpabilité du suspect même sans le nommer. En effet, les jurés dans le système judiciaire écossais sont censés ignorer les faits et les accusations liés au crime en question pour protéger le droit à la présomption d'innocence. Ainsi dans une autre affaire, la publication par un journal d'allégations de tentative d'intimidation des témoins par un homme politique accusé de fraude électorale et de tentative de corruption de la justice un temps considérable avant le déroulement du procès est en flagrante infraction avec le Contempt of Court Act car la aussi il y a un risque qu'en lisant l'article les jurés concluent à sa culpabilité.299(*) Par ailleurs, le Judicial Proceedings Act de 1926300(*) interdit la publication de documents `impudique`: ainsi, concernant les affaires de divorces, c'est un délit de publier une action en divorce si ce n'est dans certains domaines particulier spécifiés dans l'Act.

Il existe en outre un certain nombre de dispositions visant à protéger l'identité des parties à un procès tenu en huis clos301(*) et particulièrement dans le cas d'affaires criminelles.302(*) Ainsi, les juridictions retiennent l'identité des témoins dans les affaires de chantage et empêche sa diffusion en émettant des ordres qui sont exécutoires pour quiconque en est informé. En outre, il existe aussi une législation spécifique restreignant la publication des informations concernant les enfants par laquelle les cours peuvent émettre une injonction qui interdit la révélation de l'identité des enfants impliqués dans une affaire judiciaire.303(*)

Normalement, en Écosse, les actions pour Contempt of court sont intentées par le Lord Advocate, mais il est aussi prévu qu'une partie au procès puisse engager des poursuites particulièrement concernant les affaires criminelles: la jurisprudence Robb v Caledonian Newspapers Ltd. précise que la législation qui exige l'accord de l'Attorney General ne s'applique pas à l'Écosse.304(*) Les juridictions peuvent émettre des interdicts pour empêcher la publication de documents. Ils ne peuvent toutefois s'appliquer qu'à ceux qui ont reçu un avertissement.

Il existe toutefois des exceptions à l'application de cette législation: c'est à la défense de prouver qu'à l'époque de la publication ou de la distribution elle ne savait pas que les poursuites judiciaires allaient être engagées305(*). Par ailleurs, un compte rendu impartial et exact d'un procès rendu public et publié de bonne foi n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de son auteur306(*). En outre, la publication de bonne foi d'une discussion publique ou d'un sujet d'intérêt public ne pourra pas soulever de responsabilité si l'impact sur le déroulement du procès est minime307(*).

Ces dispositions démontrent l'importance accordée aux droits de la défense et au bon fonctionnement de la justice: le pouvoir accordé aux juges peut remettre gravement en question le droit à l'information surtout concernant les affaires judiciaire qui portent un intérêt public. C'est pourquoi la Cour Européenne s'est évertuée dans sa jurisprudence à rappeler ses principes et a condamner les deux pays.

Section 2: L'influence de la Cour Européenne: atténuation de la protection de la justice

La Cour européenne est intervenue pour mettre fin en France à l'interdiction générale et absolue de publier des informations concernant les constitutions de parties civiles (paragraphe 1). En outre, en France comme en Écosse, la protection des sources journalistiques a été jugée insuffisante par la Cour lorsqu'est en jeu un débat public d'importance (paragraphe 2).

Paragraphe 1: Le cas particulier français de la constitution de partie civile

Dans le cadre de la protection de la présomption d'innocence, la loi du 2 juillet 1931 interdisait toute publication d'information ayant trait à des constitutions de parties civiles dans le cadre. Cette législation avait pour but de protéger la réputation et le droit d'autrui ainsi que l'impartialité du pouvoir judiciaire en raison d'une utilisation non justifiée de la procédure. Cette interdiction est impérative pendant la durée de l'instruction pour laisser à la justice s'assurer du sérieux de la plainte déposée. Conformément à sa jurisprudence, la cour de cassation a rejeté le moyen fondé sur l'incompatibilité d'une telle mesure avec la Convention Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt de 1996308(*) arguant qu'elle constitue une mesure nécessaire pour la protection du droit d'autrui et de l'impartialité de la justice prévu a l'alinéa 2 de l'article 10. Dans un arrêt Roy et Malaurie c/ France309(*), la Cour Européenne des Droits de l'Homme a sanctionné la France pour violation de l'article 10 de la Convention du fait du caractère général et absolu de l'interdiction posée par la loi de 1931 non nécessaire dans une démocratie. Elle reconnaît les buts légitimes poursuivis par une telle législation pour une bonne administration de la justice et aux fins de respect de la présomption d'innocence. Toutefois, cette législation « entrave de manière totale le droit pour la presse d'informer le public sur des sujets qui, bien que concernant une procédure pénale avec constitution de partie civile, peuvent être d'intérêt public » car elle consiste en une interdiction générale et absolue de publication de tout type d'information. Or cette prohibition ne concerne que les procédures pénales ouvertes sur plainte avec constitution de partie civile à l'exclusion de celles ouvertes sur réquisition du parquet ou sur plainte simple. Selon la Cour, cette différence de traitement ne semble fondée sur aucune raison légitime d'autant qu'il s'agissait en l'espèce de sujets d'intérêt public. Et, la présence d'autre dispositions (article 9-1 du code civil) dans le droit français qui garantissent le respect de la présomption d'innocence rend peu pertinente l'interdiction prévue par la loi de 1931. Par conséquent, la Cour conclut à la violation de l'article 10 de la Convention.

La Cour de cassation dans deux arrêts de 2001310(*) a adopté cette solution en déclarant que « l'article 2 de la loi du 2 juillet 1931, par l'interdiction générale et absolue qu'il édicte, instaure une restriction à la liberté d'expression qui n'est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérés par l'article 10.2 de la Convention».

Paragraphe 2: La protection des sources journalistiques contre le droit à un procès équitable

Pour exercer pleinement leur rôle d'information d'actualité et de forum politique, les journalistes sont parfois tenus à tenir secret l'identité de leurs informateurs: en agissant ainsi, ils peuvent se heurter aux droits d'autrui, et particulièrement au droit à un procès équitable. En effet, il arrive que la révélation de l'informateur soit nécessaire pour pouvoir engager des poursuites judiciaires. Ailleurs, les sources journalistiques peuvent porter atteinte au secret de l'instruction en divulguant des informations confidentielles en cours de procès. Dans ces deux domaines, la Cour européenne a mis l'accent sur l'intérêt capital des sources journalistiques pour le bon fonctionnement de la société démocratique dans une affaire Goodwin c/ Royaume-Uni311(*) (A). Ce libéralisme n'est pas allé sans déplaire aux juridictions françaises dont la résistance a été sanctionnée récemment par la CEDH (B).

A- L' Affaire Goodwin: l'intérêt public capital des sources journalistiques

Le Royaume-Uni a été sanctionné par la Cour Européenne pour violation de l'article 10 de la Convention pour la condamnation d'un journaliste qui a refusé de révéler les sources qui lui ont permis de dévoiler les difficultés financière de la société Tétra. Il faut noter que les informations fournies provenaient d'un projet de plan de développement confidentiel de la société dont l'une des copies a disparu. En effet, parmi les raisons invoquées par le Royaume-Uni, figure celui de l'entrave faite à la société Tetra de connaître l'informateur pour pouvoir lui intenter une procédure en recouvrement du document disparu: en effet, sauf à connaître l'identité de l'informateur, la société ne pouvait pas empêcher les informations confidentielles du plan de se répandre en engageant contre l'intéressé une procédure pour récupérer le document disparu et obtenir une injonction lui interdisant de les divulguer ainsi que des dommages-intérêts. Par ailleurs la société avait pour motif légitime de démasquer un salarié ou collaborateur qui continuerait à pénétrer impunément dans ses locaux. C'est donc pour protéger le droit de la société de mener à bien des poursuites judiciaires que l'ingérence se justifie: est en balance le droit de la société à un procès équitable et la protection des sources journalistiques.

La Cour reconnaît certes comme pertinents les motifs adoptés par le gouvernement britannique mais ajoute que la protection des sources journalistiques est l'une « des pierres angulaires de la liberté de la presse » et que « l'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse aÌ informer le public sur des questions d'inteìre?t geìneìral ». Par conséquent, du fait du caractère liberticide d'une ordonnance de divulgation pour la liberté de la presse, seul un « impératif prépondérant d'intérêt public » peut justifier de la nécessité d'une telle mesure dans une société démocratique. En effet, selon la Cour, les intérêts de la société à engager des poursuites judiciaires sont insuffisants en eux-mêmes pour justifier d'une mesure nécessaire dans une société démocratique: « l'intérêt public capital » que constitue la protection des sources journalistiques l'emporte nécessairement sur les droits individuels de la personne. Par conséquent, toute ingérence fondée sur le droit à un procès équitable pour justifier de la nécessité de la mesure doit être soutenue par la présence d'un intérêt public prépondérant.

B- La résistance des juridictions françaises sanctionnée par le juge européen

L'affaire Fressoz et Roire c/ France312(*) par lequel la France s'est vue censurer pour l'existence du délit de recel peut s'analyser dans la perspective de la protection des sources journalistiques bien que n'était pas en cause le droit à un procès équitable: la Cour a ainsi rappelé sa jurisprudence constante en ce qui concerne le débat public d'intérêt général et le rôle prépondérant joué par la presse. La doctrine, selon L. François313(*), a été très divisée et la jurisprudence a rejeté la jurisprudence libérale du juge européen: il a été reproché à la CEDH de conférer « une certaine impunité à la presse au détriment du droit au respect de la vie privée et du droit au respect de la présomption d'innocence ». Ainsi, la jurisprudence française a manifesté son refus de suivre la jurisprudence de la Cour de Strasbourg lors de l'affaire dite des « écoutes de l'Elysée ».

En effet, il s'agissait en l'espèce de la publication d'un ouvrage « Les oreilles du Président » qui comportait la reproduction de fac-similés d'écoutes téléphoniques provenant de pièces consignées dans la procédure judiciaire. Les auteurs ont été condamnés pour délit de recel de violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel. Pour justifier de la nécessité d'une telle mesure dans « une société démocratique », la cour de cassation a évoqué la protection de la vie personnelle et des droits de la défense de l'accusation dans le procès des écoutes téléphoniques: ces révélations étaient de nature à porter atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne poursuivie en plus de violer les règles fondamentales du fonctionnement de la justice. Elle a donc jugé que le moyen selon lequel la condamnation pour violation du secret de l'instruction était contraire à l'article 10 est non fondé314(*) Cet arrêt de la Chambre criminelle montre son opposition aux arrêts de la CEDH. Elle a en cela approuvé par une partie de la doctrine qui juge que le secret visé dans cette affaire - à savoir le secret de l'instruction - est plus important que le délit le secret fiscal visé dans l'affaire Fressoz et Roire c/ France C'est oublier que la Cour a clairement reconnu que la protection des sources journalistiques dans le débat public d'intérêt général l'emporte nécessairement sur la présomption d'innocence en l'absence d'un intérêt général supérieur.

Cette affaire a fait l'objet dans l'actualité immédiate d'un arrêt de la Cour européenne rendu le 7 Juin 2007: dans l'affaire Dupuis et autres c/ France, la Cour Européenne a jugé que la condamnation constitue bien une violation de l'article 10 de la Convention car disproportionnée par rapport au but poursuivi: si elle reconnaît la légitimité de l'objectif de préservation du secret de l'instruction, la Cour estime cependant qu'en l'espèce, étant donné la large médiatisation de l'affaire des « écoutes de l'Elysée » à l'époque de la publication de l'ouvrage incriminé, et la connaissance de notoriété publique de la mise en examen des prévenus, la divulgation de ces informations n'étaient pas de nature à violer de façon disproportionnée les droits de la défense des inculpés. Par ailleurs, elle ajoute que la plus grande prudence doit s'exercer lors de l'appréciation de la nécessité dans une société démocratique de punir «pour recel de violation de secret de l'instruction ou de secret professionnel des journalistes qui participent à un débat public d'une telle importance, exerçant ainsi leur mission de « chiens de garde » de la démocratie  ».

Conclusion

Le système européen de protection des droits et libertés fondamentales exerce sans conteste une influence majeure dans la définition d'un standard européen du droit de la presse: les buts légitimes de protection de la réputation et des droits d'autrui ne doivent pas remettre en cause le rôle de la presse de «chien de garde» lors de débat public d'intérêt général. La Cour Européenne consacre par la même un haut niveau de protection des idées et de l'information politiques afin -il faut le saluer - de faire face aux détournements des législations protectrices des droits et libertés de la personne à des fins de censure. Dans le même temps, la Cour Européenne sait faire preuve de souplesse grâce à la doctrine de la marge d'appréciation dans les domaines où aucune pratique juridique n'a émergé dans l'ensemble des pays européens comme c'est le cas de la protection de la morale et de la religion plus ou moins intense selon les traditions diverses entre la France et l'Écosse. Toutefois, la Cour de Strasbourg ne donne pas une liberté illimitée aux États et, elle s'évertue à définir des principes généraux qui empêcheront la censure.

Tandis que l'Écosse accorde une protection renforcée à la morale et à la religion, la France se singularise par une législation antiraciste très répressive. Ces différentes pratiques juridiques couvertes par la marge nationale d'appréciation s'expliquent essentiellement par des facteurs extrajuridiques: les sociétés écossaises et françaises ont fait des choix distincts conformément à leur histoire, leur culture et leur système politique. Les relations entre l'Église et l'État et les divergences de vue pour ce qui est des notions de Nation et de l'intégration donnent droit à des limites de « l'acceptable » plus ou moins larges. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les sociétés européennes connaissent une évolution convergente vers la définition d'un standard commun. Ainsi, le délit de blasphème considéré comme dépassé et discriminatoire par la doctrine écossaise et de la Cour de Strasbourg, risque ainsi d'écarter l'application de la doctrine de la marge d'appréciation. En outre, l'expression des opinions personnelles peut parfois entrer en contradiction avec le droit à l'information ou au débat public d'intérêt général. Ainsi, le haut niveau de protection accordée à la presse par la Cour de Européenne dans ce domaine permet de parer aux risques de censure politique.

Le droit au respect de la vie privée, la protection de la réputation et le droit à un procès équitable connaissent une évolution convergente dans les deux pays sous l'impulsion de la Cour de Strasbourg. Cependant, pour ce qui est de la vie privée, l'influence européenne est perçue de façon totalement contradictoire: les pays anglo-saxons connus pour l'absence de législation générale de la vie privée s'opposent au modèle français très protecteur. Ces différences s'atténuent du fait de l'influence contradictoire dans les deux pays.

L'édification du tableau de ces pratiques juridiques montrent à quel point le droit est relié à la société ou il s'établit. Et, la Cour Européenne semble incarnée plus un miroir qu'un réel pouvoir constituant.

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2. l'affaire des caricatures

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Le Monde, « caricatures de Mahomet : le directeur de « Charlie Hebdo » relaxé », 22 Mars 2007.

L'affaire Outreau:

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Le Monde, éditorial, « L'Arménie en otage », 11 Octobre 2006

Roger P., « Arménie: la France légifère à nouveau sur l'Histoire », Le Monde, 12 Octobre 2006

Libération, « Appel Liberté pour l'histoire », 13 Décembre 2005

Rapports et publications officielles:

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< http://www.echr.coe.int/library/digdoc/HR%20handbooks/handbook02_fr.pdf >

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http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/086519A8-B57A-40F4-9E22-3E27564DBE86/0/FrenchFrançais.pdf

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http://www.opsi.gov.uk/ACTS/acts1998/19980042.htm#aofs

Scotland Act

http://www.opsi.gov.uk/ACTS/acts1998/19980046.htm

Loi de 1881

http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEAA.htm

Sites internet:

Cour Européenne des Droits de l'Homme: www.echr.coe.int

Cour de cassation: www.courdecassation.fr

Conseil Européenne : www.coe.int

Légifrance: www.legifrance.com

Office of Public Sector Information: www.opsi.gov.uk

Reporters Sans Frontières: www.rsf.org

Index lexical

A

Abus de droit 39

B

Breach of confidence 8

C

Common Law 8, 9, 32, 35, 59, 68, 85

Conseil Constitutionnel

Liberté fondamentale 10

Objectif de transparence 11

Pluralisme des quotidiens d'informations 11

Constitution française 10

Constitutionnalité des lois 12, 15

Contempt of Court 8

Contrôle de conventionalité 12, 15

Convention Européenne 12

Abus de droit 6

Principe de légalité des délits et des peines 23

Principe de non discrimmination 23

Principe de subsidiarité 17

'prévue par la loi' 7

Cour Européenne des Droits de l'Homme 22

Besoin social impérieux 81

Interprétation vivante, 'living instrument' 22

Marge d'appréciation nationale 16, 17, 18, 22, 28, 44, 47, 54, 60, 78

'besoin social impérieux' 7, 29, 47, 49

'buts légitimes' 7, 21, 49, 87

'chien de garde' 44, 54, 82

'nécessaire dans une société démocratique' 6, 7, 21, 29, 60, 77, 91

'prévue par la loi' 7, 21, 59

D

DDHC 10

Devoir d'objectivité 46

Divulgation d'informations 16

Droit à un procès équitable 82

Affaire des écoutes de l'Elsée 90

Affaire Fressoz et Roire 90

Affaire Goodwin 89

Affaire Outreau 83

Affaire Roy et Malaurie 87

Constitution de parties civiles 87

Contempt of Court 82, 85

Délit de recel 90

Intérêt public capital 90

Présomption d'innocence 83

Secret de l'instruction 90

Droit constitutionnel écossais

Conventions constitutionnelles 9

Déclaration d'incompatibilité 15

Doctrine du Lord Bridge 13

Souveraineté du parlement 10, 12, 15

E

Expression politique 7, 43, 45, 75

Affaire Lingens 4, 61

Critique 80

Débat politique 81

Débat public d'intérêt général 79, 82, 90

Libre discussion des questions politiques 77

H

Human Rights Act 1998 12, 13, 23, 55, 57, 68

J

Jugements de valeur 16, 74, 78

L

Loi de 1881 8

M

Moralité

Affaire Handyside 28

Affaire Hara-kiri 38

Affaire Open Door et Dublin Well Women 29

Attentat à la pudeur 33

Avortement 29

Dignité de la personne humaine 31

Instrument vivant 35

Obscénité 18, 28, 32

Outrage aux bonnes moeurs 30, 32, 33, 35

Protection de la jeunesse 34, 36, 37, 38

N

Négationnisme 47

Abus de droit 50, 51

Affaire Garaudy 50

Affaire Lehideux 49

Apologie des crimes ou délits de collaboration 50

Délit de contestation de crimes contre l'humanité 47, 52

Diffamation raciale 50

Génocide arménien 52

Histoire officielle? 52

Lois mémorielles 53

Nécessité de la répression 49

'faits historiques clairement établis' 51

Non discrimination

Convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale 42

Diffamation, injure 42

Discrimination sexuelle 42

Haine raciale 39

Multiculturalisme 40

P

Protection des sources journalistiques 88

R

Racisme

Affaire Jersild 39, 43, 44

Affaire Lehideux 49

Expression politique 41

Religion

Affaire 'Vision d'Ecstasy' 22

Affaire des caricatures 4, 19, 24

Affaire Gay News 21

Délit de blasphème 8, 18, 19, 27

Diffamation 25

Eglise 19, 22

Incitation à la haine religieuse 27

Injure publique 24

Islam 23, 25, 26

'Clash des civilisations' 27

Reporters Sans Frontières 4

Réputation

Affaire Clearstream 75

Affaire Colombani et autres 80

Affaire Lingens 75, 77

Affaire Mamère 78

Bonne foi 72, 74, 79

Calomnie 68

Diffamation 67, 70, 71

Diffamation publique envers un fonctionnaire 78

Droit de réponse 73

Fonctionnaires 78

Hommes politiques 77

L'exception de vérité 72, 73, 79, 81

Offense publique aux chefs d'état étrangers 80

Satire 80

Réputation

Diffamation 67

S

Scotland Act 1998 9, 12, 13, 55

T

Théories 61

Affaire Handyside 60

Découverte de la vérité 53

Développement personnel 5

Participation citoyenne à la démocratie 4

V

Vie privée 55, 57

Affaire du 'Grand Secret' 61, 66

Breach of confidence 63

Débat d'intérêt public 65

Définition européenne 58

Définition française 63

Droit à l'image 64

Expression politique 66

Incorporation de la convention 56

Personnages publics 61, 62, 64, 65

Press Complaints Commission's Code of Practice 57

Presse people 61, 63

Secret médical 66

Table des matières

Remerciements 2

Liste des abréviations et sigles 3

Introduction 4

Les sources législatives du droit de la presse 8

Les sources constitutionnelles de la liberté de la presse 9

La transposition du droit de la Convention en droit interne 11

Chapitre 1: La diversité des approches en matière de liberté d'opinion 17

Titre 1: Religion et moralité: protection renforcée en Écosse 18

Section I: Entre blasphème et provocation à la haine religieuse 19

Paragraphe 1: le délit de blasphème: spécificité anglo-saxonne anachronique? 19

A- Le délit de blasphème: une limitation nécessaire dans une société démocratique? 19

B- La discrimination entre l'Eglise et les autres religions 23

Paragraphe 2 : La variété des réactions quant à l'outrage a la religion 24

A- La France : La mise en forme d'un débat public 24

B- Écosse : Une tentative d'apaisement social 26

Section II : entre obscénité et protection de la jeunesse 28

Paragraphe 1: La moralité: notion évolutive par excellence 28

A- la jurisprudence européenne : une marge nationale d'appréciation large mais non illimitée 28

B- Contexte national: entre l'abrogation et interprétation évolutive de la notion de morale 30

1.De l'outrage aux bonnes moeurs au principe de dignité en France 30

2.L'évolution du concept d'obscénité en Ecosse 32

Paragraphe 2: La protection de la jeunesse 34

A- La jeunesse comme une cible à protéger des influences démoralisantes et violentes 35

B- les risques de détournement de la loi de 1949 38

Titre 2 : Propos racistes et négationnistes: traitement plus répressif en France 39

Section I : L'incitation à la haine raciale et à la discrimination 39

Paragraphe 1 : Étendue diversifiée de la protection de la personne 40

A- En Écosse: la protection dans le cadre de l'ordre public 40

B- En France: la protection contre la diffamation et l'injure raciale 42

Paragraphe 2: Les limites adoptées par la CEDH 44

A- Renforcement de la liberté de la presse dans sa contribution aux discussions de problèmes d'intérêt général 44

B- Devoirs et responsabilités du journaliste dans la transmission de propos racistes 45

Section II: La spécificité française dans la lutte contre le négationnisme 47

Paragraphe 1 : la conformité de la pénalisation du négationnisme à la Convention 47

A- Le contexte national de la répression du négationnisme 47

B- Jurisprudence européenne favorable 49

Paragraphe 2 : Les risques inhérents aux lois mémorielles 50

A- Les limites juridiques dans l'affaire Lehideux 50

B- Les craintes d'une vérité imposée 52

Chapitre II: L'uniformisation des limites de la liberté de communication des informations. 54

Titre I: Convergence des législations protectrices de la réputation et du droit a la vie privée 55

Section 1: la protection de la vie privée: menace par ou sur la liberté de la presse? 55

Paragraphe 1: L'Ecosse: des craintes suscitées par l'incorporation de la Convention sur la liberté de la presse 56

A- Raison de l'inquiétude: l'absence de législation sur la vie privée 56

B- Une évolution mitigée de la protection du droit à la vie privée 59

Paragraphe 2: France: Une législation fortement protectrice du droit à la vie privée atténuée par le droit à l'information 63

A- L'étendu du champ de protection de la vie privée 63

B- Une reconnaissance insuffisante de la supériorité du débat public 65

Section 2: Le droit de la diffamation et le droit à la critique 67

Paragraphe 1: Étendue de la protection de la réputation des personnes 68

A- L'interdiction des propos calomnieux et diffamatoires 68

B- La vérité des faits diffamatoires et la bonne foi comme faits justificatifs 72

1.L'exception de vérité: des conditions difficiles à réunir 72

2.la bonne foi: un moyen subsidiaire d'exonération 74

Paragraphe 2: Les limites à protection de la réputation accentuées dans le cadre du débat d'intérêt public 76

A- Le déplacement de « l'acceptable » en faveur de la critique pour les hommes publiques 77

B- L'affaire Colombani et autres c/ France: mise à mort de l'offense envers les chefs d'État étrangers 80

Titre II: L'assouplissement de la protection du droit à un procès équitable 82

Section 1: Deux législations nationales très protectrices de la présomption d'innocence 82

Paragraphe 1: le système français de protection de la présomption d'innocence. 82

Paragraphe 2: Le système écossais de 'Contempt of Court' 85

Section 2: L'influence de la Cour Européenne: atténuation de la protection de la justice 87

Paragraphe 1: Le cas particulier français de la constitution de partie civile 87

Paragraphe 2: La protection des sources journalistiques contre le droit à un procès équitable 88

A- L' Affaire Goodwin: l'intérêt public capital des sources journalistiques 89

B- La résistance des juridictions françaises sanctionnée par le juge européen 90

Conclusion 92

Bibliographie 94

Index lexical 100

Table des matières 104

* 1 Dictionnaire de L'Académie française, 8eme Édition (1932-5) Presse (Page 2:405) pour la définition du terme presse on trouve : se dit figurément de l'ensemble des journaux voir la définition donnée dans l'ouvrage `Libertés Publiques`, P. Wacksmann, Dalloz 5eme éd. 2005, p 525 para 470. « Produits de la machine à imprimer, c'est-à-dire les écrits qui en sont issus, sous quelque forme qu'ils se présentent ».

* 2 Voir E. Barendt, Freedom of Speech, Clavendon Press, Oxford (1985), p8-20 ou il développe l'idée de 3 théories explicatives de la liberté d'expression : la découverte de la vérité des utilitaristes comme John Stuart Mill, le développement personnel et, celle qui nous intéresse ici : la participation citoyenne a la démocratie.

* 3 CEDH, Lingens c/ Autriche, 8 Juillet 1986, Série A103, par. 42.

* 4 CEDH, Sunday Times c/ Royaume-Uni, 26 Novembre 1991, Série A217, par. 50.

* 5 Reporters Sans Frontières, La liberté de la presse dans le monde, Rapport annuel 2007, < http://www.rsf.org/IMG/pdf/rapport_fr_bd-2.pdf >, p 110.

* 6 Ibid.

* 7 C-A. Colliard, Libertés Publiques, 4eme édition 1972 p 418.

* 8 Conseil constitutionnel jeudi 11 Octobre 1984   - Décision n° 84-181   DC - Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, Considérant 38 : « liberté fondamentale, d'autant plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale ».

* 9 Préc. note 2.

* 10 R v Secretary of State for the Home Department, ex p Simms [1999] 3 WLR 328, 337: «First, it promotes the self-fulfilment of individuals in society. Secondly, in the famous words of Holmes J. (echoing John Stuart Mill), "the best test of truth is the power of the thought to get itself accepted in the competition of the market:" Abrams v. United States (1919) 250 U.S. 616, 630, per Holmes J. (dissenting). Thirdly, freedom of speech is the lifeblood of democracy. The free flow of information and ideas informs political debate».

* 11 Article 4 de la DDHC: « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

* 12 R. Cabrillac M-A Frison-Roche T. Revet, Libertés et droits fondamentaux, 12eme éd. 2006, p382

* 13 Interdiction de l'abus droit : « Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention ».

* 14 Sunday Times préc. par. 49.

* 15 CEDH, Handyside c/ Royaume-Uni, 7 Décembre 1976 Série A24 par. 48.

* 16 CEDH, Observer et Guardian c/ Royaume-Uni, 26 Novembre 1991 Série A216 para 59c.

* 17 Lingens préc. par. 42.

* 18 Voir Article 26 de la Convention et l'affaire "linguistique belge", 23 juillet 1968, série A no 6, p 35, par. 10 in fine.

* 19 A. V. Dicey, Introduction to the study of the Law of the Constitution, 8eme ed. (liberty Classics, 1982) p 147.

* 20 S. A. Bandaronayake, `Essay on Freedom of Expression`, in Speaking Freely, expression and the Law in the Common Wealth, Robert Martin Editor, Faculty of Law, Irwin Law (1999) Toronto, p3.

* 21 Coco v AN Clark (Engineers) Ltd (1969) 86 RPC 41.

* 22 R v Lemon [1979] 1 All ERR 898.

* 23 Contempt of Court Act 1981.

* 24 Article 5 de la loi du 29 Juillet 1881.

* 25 Toutefois, en plus du droit civil, les infractions de presse ont proliféré en dehors de la loi dans le Code Pénal.

* 26 Article 65. Voir aussi article 35 pour les exceptions au droit commun de l'exercice de l'action publique par le parquet : une plainte préalable doit être déposée lorsque l'infraction en question est dirigée contre une personne.

* 27 Thoburgh v Sunderland City Council [2003] QB 151: «soit ceux qui  conditionnent les relations juridiques entre citoyens et Etat d'une manière exhaustive ou qui élargissent ou diminuent la portée de ce qui est considéré comme étant les droits fondamentaux constitutionnels».

* 28 J.D.B. Mitchell, Constitutionnal Law, Published under the auspices of the Scottish Universities Law Institute by Green, 1964. p.23 : « en tant que sources originale d'un principe ou en tant que sources secondaires, lorsque les courts interprètent les statuts » ; J.Munro, Public law in Scotland, Edinburgh , W. Green (2003), p 7 : « déterminent l'étendue des prérogatives [des différents acteurs politiques]... reconnues mais non trouvées telles quelles dans la Common Law, et qui surveillent leur exercice » ; Dicey, Introduction to the Law of the Constitution, p. 195 : « les principes généraux de la constitution sont le résultat de décisions judiciaires ». 

* 29 Acts of Union, European Communities Act, Human Rights Act.

* 30 Section 29 (2) du Scotland Act 1998.

* 31 H.W.R Wade, «The basis of Legal Sovereignty» 1955 CJL 172; A. V. Dicey, The Law of the Constitution, London, 1959, pp39, 40.

* 32 Voir J. Munro, Op Cité., 2-02 2-03, pp 26-31.

* 33 Lord Campbell in Edinburgh and Dalkeith Ry v Wauchope (1842) 8 C.I and F. 710 « La seule chose qu'une cour de justice puisse faire est de regarder le rôle parlementaire : s'il apparait a partir de la qu'un Bill est voté dans les deux Chambres and a reçu l'assentiment royal, aucune Cour de Justice ne peut enquêter sur la façon dans il a été introduit au parlement ».

* 34 Cheney v Cnn [1968] 1 W.L.R. 242: «ce que les statuts décrètent ne peut être illégal...et ce n'est pas aux cours d'indiquer qu'un acte parlementaire, forme législative la plus élevée du pays, est illégal «.

* 35 Cons. Const., 16 juillet 1971   - Décision n° 71-44   DC « liberté d'association »

* 36 Cons Const, Déc. 84-181 DC, 11 Octobre 1984, Entreprise de Presse ; Cons Const, 27 Juillet 1982 Déc. 82-141 DC, Communication audiovisuelle.  

* 37 Cons. Constit., `Entreprise de presse` : « s'agissant d'une liberté fondamentale (...) la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle ». 

* 38 N. Molfessis, « La dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux », p88 in Libertés et droits fondamentaux 2006 12ème éd. Sous la direction de R. Cabrillac M-A. Frison-Rocho T. Revet, Dalloz, p77-97.

* 39 J. H. Rayner Ltd v Dept of Trade and Industry 1990 2 AC 418.

* 40 Surjit Kaur v Lord Advocate, 1980 SC 319.

* 41 Inner House, Moore v Secretary of State for Scotland, 1985 SLT 38

* 42 Par ex. Lord Advocate v Scotsman Publications Ltd 1989 SC (HL) 122.

* 43 R v Secretary of State for the Home Department, ex p Brind, 1991 1AC 696 voir aussi Salamon v Commissioners of Customs and Excise, 1967 2 QB 116, Diplock L.J «there is a prima facie presumption that Parliament does not intend to act in breach of international law».

* 44 Les juridictions écossaises ont du prendre en compte la jurisprudence de la Cour voir notamment CEDH, Granger v United Kingdom, 1990 A174 et Bonner v UK, 1994 A 300-C.

* 45 T, Petioner, 1997 SLT 724-734.

* 46 McLeod v HM Advocate, 1998 SCCR 77.

* 47 SA 1998, s29 (2) d.

* 48 Ibid., s31 et s32.

* 49 SA 1998 Sch6 para1(a).

* 50 Ibid., s100(1).

* 51 Ibid., s102.

* 52 Ibid., s53.

* 53 Ibid., s57.

* 54 Ibid., s102.

* 55 White Paper Rights Brought home (cm 3782 (1997) p.1).

* 56 Human Rights Act, s3.

* 57 HRA, s4

* 58 HRA 6(1) pris avec 6(3) pour la Convention et s(2) pour la jurisprudence.

* 59 HRA 1998, s7.

* 60 HRA s19.

* 61 Ce n'est pas toutes les cours mais un certains nombre listées HRA s5.

* 62 HRA s6.

* 63 Ibid. s10

* 64 Lingens, précité, par. 46.

* 65 Voir aussi Oberschlick c/ Autriche, 1991 ; Schwabe c/ Autriche, rapport de la Commission du 8 janvier 1991 ; Dalban c/ Roumanie, 1999.

* 66 Affaire de Chypre, Grèce c/ Royaume-Uni du 2 octobre 1958.

* 67 CEDH, affaire "relative a certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en Belgique" c/ Belgique, 23 janvier 1968, Série A6 par. 10 in fine, arrêt Handyside préc. par. 48 CEDH, Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, A25, par. 207.

* 68 Handyside, préc, par. 48.

* 69 Ibid., par. 50.

* 70 Thomas A. O'Donnel, `The Margin of appreciation doctrine standards in the jurisprudence of the European Court of Human Rights`, Human Rights Quarterly, 474, 1982, p479; Cora. S. Feingold, The doctrine of margin of appreciation and the ECHR`, Notre Dame Lawyer October 1977 p106.

* 71 H.C. Yourow, `The margin of appreciation doctrine in the dynamics of European human rights jurisprudence`, Connecticut journal of International Law 111 vol.3 1987-1988, p116.

* 72 CEDH, Wingrove c/ Royaume Uni, 25 Novembre 1996 Recueil 1996-V, para 58.

* 73 Lord Scarman dans R v Lemon [1979] 1 All ERR 898.

* 74 Henry v. Robinson 1843 1 Brown 643.

* 75 Sir G. H. Gordon, Criminal Law of Scotland, 3rd ed. By M. G. A. Christie, W. Green, Edinburgh (2001), par. 41.28, p 671.

* 76 Select committee on religious offences in England and Wales volume I -- report published by authority of the house of lords London - the stationery office limited HL Paper 95-I p 56 disponible a l'adresse http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/ld200203/ldselect/ldrelof/95/95.pdf.

* 77 K. FOSTER, `Springer TV opera faces blasphemy complaint`, The Scotsman, 16 January 2005 < http://news.scotsman.com/topics.cfm?tid=929&id=56322005>;

BBC News, `Group to act over Springer opera`, 10 January, 2005, <http://news.bbc.co.uk/1/hi/entertainment/tv_and_radio/4161109.stm >

* 78 R. EDWARD, `Blasphemy claim over erotic festival posters`, The Scotsman, 2 September 2004, < http://thescotsman.scotsman.com/edinburgh.cfm?id=1029272004 >

* 79 R v Lemon préc.

* 80 Com.EDH Gay News et Lemon c/ Royaume Uni, 7 Mai 1982, (1983) 5 E.H.R.R. 123.

* 81 Ibid, par. 4-11.

* 82 Wingrove préc. par. 57.

* 83 CEDH, Tyrer c/ Royaume Uni, 25 avril 1978, Série A26.

* 84 CEDH, Marckx c/ Belgique, 13 Juin 1979, Série A31.

* 85 CEDH, Dudgeon c/ Royaume-Uni, 22 Octobre 1981, Série A45.

* 86 Ibidem.

* 87 R. v. Chief Metropolitan Stipendiary Magistrate [1991] 1 All ER 306.

* 88 Law Commission Working Paper No 79

* 89 La plus controversée montrait le prophète avec une bombe dans son turban, une autre, le prophète avec une apparence ambiguë d'ange ou de démon

* 90 France soir le 1er Février 2006, Charlie Hebdo 8 Février.

* 91 Proposition de loi N° 2895 visant à interdire les propos et les actes injurieux contre toutes les religions.

* 92 Voir Le Monde, `caricatures de Mahomet : le directeur de « Charlie Hebdo » relaxé`, 22 Mars 2007.

* 93 Cass.Crim., 14 Février 2006, N° de pourvoi : 05-81932.

* 94 Crim., 14 Novembre 2006, N° de pourvoi : 05-15822.

* 95 Crim., 16 Février 2007, N° de pourvoi : 06-81785.

* 96 CEDH, Wingrove préc.

* 97 News Foreign and Commonwealth Office Website, `Straw Comment on Cartoons depicting the prophet Mohammed`, 3 February 2006, <http://www.fco.gov.uk/servlet/Front?pagename=OpenMarket/Xcelerate/ShowPage&c=Page&cid=1007029391629&a=KArticle&aid=1138869062592>

* 98 M. Roche, Le Monde, `Au Royaume-Uni, seul un journal d'étudiants a publié les caricatures`, 12 Février 2006 ;

The Guardian, `Cartoons and their context` édito 3 February 2006. < http://www.guardian.co.uk/cartoonprotests/story/0,,1703551,00.html>;

BBC News, ` BBC's dilemma over cartoons`, 3 February 2006, < http://news.bbc.co.uk/newswatch/ukfs/hi/newsid_4670000/newsid_4678100/4678186.stm>;

Daily Telegraph, `Why we will defend the right to offend`, 3 February 2006, < http://www.telegraph.co.uk/opinion/main.jhtml;jsessionid=FFZZQH4LX4EC1QFIQMFCFFWAVCBQYIV0?xml=/opinion/2006/02/03/dl0301.xml >

* 99 The Guardian, édito :`Common sense and sensibilities`, 30 September 2006: «We believe now as then that it was our right to do so - but not our duty to cause gratuitous offence» disponible sur < http://www.guardian.co.uk/cartoonprotests/story/0,,1884425,00.html>

* 100 Alex Wade, ` Blasphemy: Matter of faith`, Law Society Gazette (2006) LS Gaz, 9 Mar, 16, 9 March 2006.

* 101 Public Order Act, Part III A, s29 «Hatred against Persons on Religious Grounds».

* 102 Public Order Act, Part III A, S3(4).

* 103 Ibid article 29 B (1) «A person who uses threatening words or behaviour, or displays any written material which is threatening, is guilty of an offence if he intends thereby to stir up religious hatred.».

* 104 Public Order Act, Part III A, s29 «Nothing in this Part shall be read or given effect in a way which prohibits or restricts discussion, criticism or expressions of antipathy, dislike, ridicule, insult or abuse of particular religions or the beliefs or practices of their adherents, or of any other belief system or the beliefs or practices of its adherents, or proselytizing or urging adherents of a different religion or belief system to cease practising their religion or belief system.»

* 105 Voir Dr Dawn Watkins,» A state of uncertainty», New Law Journal, 156 NLJ 660, 21 April 2006.

* 106 Handyside c/ Royaume-Uni, préc.

* 107 CEDH, Müller et autres c/ Suisse, 24 mai 1988, Série A133.

* 108 CEDH, Open Door et DublinWell Woman c/ Irlande, 29 octobre 1992, Série A246-A.

* 109 Voir. M. Macovei, `Liberté d'expression, un guide sur la mise en oeuvre de l'article 10 de la Convention Européenne`, Précis sur les droits de l'homme No2, par. 77, p 48-49, Conseil de l'Europe < http://www.echr.coe.int/library/digdoc/HR%20handbooks/handbook02_fr.pdf >

* 110 P. Wacksmann, par. 472 p529.

* 111 Cass. Crim. 31 Mai 1949, JCP 1949.III.4940.

* 112 CA Paris, 12 Mars 1958, D1958, p608.

* 113 CE, Commune de Morsang-sur-Orge 27 Octobre 1995 Rec. Lebon p. 372.

* 114 Cass. Civ1., 20 Décembre 2000, `préfet Erignac` Bulletin 2000 I N° 341 p. 220.
La Semaine juridique, 14 mars 2001, n° 11 p. 547, conclusions et note J. SAINTE-ROSE et J. RAVANAS. Le Dalloz, 15 mars 2001, n° 11 p. 872, note J.P. GRIDEL. Personnes et famille, mars 2001, n° 3 p. 9, note F. COURTRAY. Voir dans le même sens mais cassation Cass. Civ.2, 4 Novembre 2004, Bulletin 2004 II N° 486 p. 414
Le Dalloz, 2005-03-10, n° 10, jurisprudence, p. 696-699, observations Isabelle CORPART.

* 115 CA Paris, 28 mai 1996, Sté Benetton, D., 1996, J. 617, note B.

* 116 Article 227-24 du Code Pénal : Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur.

* 117 G.H. Gordon, Criminal Law of Scotland préc. par. 41.15 p 661 et Ingram v Macari (No2), 1983 S.L.T. 61.

* 118 Henry Robinson (1843) 1 Broun 643.

* 119 R. McCall Smith and D. Sheldon, Scots Criminal Law, 2nd ed., Butterworths, Edinburgh (1997), cite l'exemple de l'affaire anglaise Lady Chatterley's Lover.

* 120 Robertson v Smith, 1980 J.C. 1.

* 121 Dean v John Menzies (holdings) Ltd, 1981 J.C. 23, Lord Cameron par. 32.

* 122 Robertson v Smith préc. Dans le meme sens: Tudhope v Taylor 1979 SLT 51.

* 123 Gellatly v Laird 1953 JC 16, 1953 SLT 67.

* 124 Tudhope v Barlow 1981 SLT (Sh Ct) 94.

* 125 C. Gane, Sexual Offences, Scottish Criminal Law and Practice Series Butterworths, Edinburgh (1992) cite Dean v John Menzies préc., par. 60 per Lord Stott and Lord Maxwell .

* 126 R v HM Advocate 1988 SCCR 254.

* 127 Ingram v Macari 1981 SCCR 184.

* 128 The Indecent Displays (Control) Act 1981, s1-3.

* 129 The Civil Government (Scotland) Act 1982, article 51(2).

* 130 John Calder (Publications) Ltd v. Powell [1965] 1 Q.B. 509.

* 131 Ross (Crawford David) v H.M Advocate (1998), S.L.T. 1313; 1998 SCCR. 359.

* 132 The Civil Government Act, Article 51(4).

* 133 G. Sutter, 'nothing new under the sun': old fears and New Media', International Journal of Law and IT, 1 September 2000, 2000 8 (338).

* 134 Tudhope v Barlow préc., 94.

* 135 Lockhart v Stephen 1982 SCCR 642 p 645-646.

* 136 CE, 19 Janv. 1990, Société Française de revues, AJDA 1990, p124.

* 137 CE, 28 Juillet 1995, Association Alexandre ; du même jour voir aussi Association "les Dioscures" et Association "les amis de gaie France magazine" ; CE, 30 décembre 1998, S.A.R.L. BROADWAY ; CE. Sect., 13 septembre 2006, Société de presse.

* 138 CE, 30/12/1998, 10 / 7 SSR, 198125, Inédit au Recueil Lebon .

* 139 CE, 28/07/1995, Association «Les amis de gaie France magazine»

* 140 Voir T. Crepin et T Groensteen,'on tue a chaque page!', éd. du Temps / musée de la bande dessinée;

* 141 CEDH, Jersild c/ Danemark, 23 Septembre 1994, Série A298, par.30.

* 142 CEDH, Handyside c/ Royaume Uni, par 49.

* 143 Voir Jersild c/ Danemark, 1995.

* 144 Ibid. Para 25-36.

* 145 Public Order Act 1986, Part III s.17.

* 146 Ibid s18.

* 147 Crown Suppliers v. Dawkins [1993] 1 All E.R. 306.

* 148 R v. DPP, ex p. Merton B.C[1999] C.O.D 1961.

* 149 The Law of human Rights, 15.122, p1052.

* 150 P Carey, Media Law, Sweet and Maxwell second edition (1999) P132-133.

* 151 Public Order Act, s25.

* 152 G. Robertson et A. Nicol, Media Law, 4th ed. Pinguin Books, Sweet et Maxwell (2002) p220-2221

* 153 Sex Discrimination Act 1975, s38

* 154 Articles 32 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi de 1881.

* 155 Cass. Crim., 6 Mai 1986, Bull. Crim. 1986 N° 153 p. 396

* 156 Voir P. Wacksmann, Libertés publiques, Dalloz 4 éd. 2005 par.474, p532

* 157 Cass. Civ1, 12 Juillet 2006, N° de pourvoi : 05-17704, Bulletin 2006 I N° 395 p. 340.

* 158 CEDH, Jersild c/ Danemark, 23 Septembre 1994, Série A298, para. 35.

* 159 Ibidem.

* 160 CEDH, Wingrove c/ Royaume-Uni, 25 Novembre 1996, par.58, CEDH 1996-V; CEDH, Sürek c/ Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, par. 61, CEDH 1999-IV; CEDH, Unabhängige Initiative Informationsvielfalt c/ Autriche, 26 Mai 2002, par. 36.

* 161 Handyside préc.

* 162 Sunday Times préc. par. 65

* 163 Article 6 Statut du Tribunal Militaire International <http://www.icrc.org/dih.nsf/52d68d14de6160e0c12563da005fdb1b/ef25b8f448034148c1256417004b1ce6?OpenDocument>

* 164 Cass. Crim. 17 Juin 1997, Bull. crim. 1997 N° 236 p. 786 ; Dalloz, 1998-01-29, n° 4, p. 50, note J-P. Feldman

* 165 Cass. Crim., 29 janvier 1998, No pourvoi : 96-82731

* 166 Cass Crim., 12 Septembre 2000, N° de pourvoi : 98-88204

* 167 Cass. Crim. 23 Février 1993, Bull. crim. 1993 N° 86 p. 208

* 168 Cass. Crim., 20 décembre 1994, Bull. Crim. 1994 N° 424 p. 1031

* 169 Cass. Crim.; 12 Septembre 200, N° de pourvoi : 98-88200

* 170 CEDH, Lehideux c. France, 23/09/1998 Recueil 1998-VII, paragraphe 47; voir aussi Affaire Chauvy et autres c/ France par. 69, 29 juin 2004, Recueil des arrêts et décisions 2004-VI

* 171 CEDH, Garaudy c/ France, 24 Juin 2003 1, CEDH 2003-IX.

* 172 Selon la Cour d'appel: « l'éloge sans réserve de [la] politique [de Montoire] qui n'est autre que celle de la collaboration »

* 173 Proposition 479 du 18 Décembre 2002, Proposition 1359 du 15 Janvier 2004, Proposition 1643 du 8 Juin 2004, Proposition 2135 du 3 Mars 2005, proposition 2778 du 22 Décembre 2005, proposition 2854 du 8 Février 2006. Voir http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rapports/r3074.pdf

* 174 Il en est ainsi de la Loi n° 2005-158 du 23 Février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés qui dans sa version originale (supprimé par décret du 16 Février 2006) disposait en son article 4,2 : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. ». Voir aussi Loi n°2001-434 du 21 Mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité dite « Taubirat »

* 175 Appel Liberté pour l'histoire paru dans Libération le 13 Décembre 2005

* 176 Appel des juristes contre les lois mémorielles, <http://www.liberonslhistoire.com/Appel-des-juristes-contre-les-lois-memorielles_a21.html>

* 177 Discours sur la vertu, par Pierre Nora, Séance publique annuelle de l'académie française, Paris, Palais de l'Institut, le Jeudi 30 Novembre 2006 < http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_SPA/nora_2006.html>

* 178 Voir E. Barendt, Freedom of Speech, Clavendon Press, Oxford (1985), p8-20

* 179 CEDH,Lingens c/ Autriche, préc.

* 180 R. Clayton et H. Tomlinson, The Law of Human Rights, oxford University press, 2000, 15-216 p1087

* 181 J. Murdoch, «Incorporation and interpretation of Guarantees for respect for private life: a threat to press freedom?», p55 in Human Rights, a modern agenda edited by A Miller, T and T Clark (Edinburgh), 2000, p51-65

* 182 Kaye v Robertson [1991] FSR 62 : «there is no right to privacy, and accordingly there is no right of action for breach of a person's privacy »

* 183 1) This section applies if a court is considering whether to grant any relief which, if granted, might affect the exercise of the Convention right to freedom of expression.

(2) If the person against whom the application for relief is made ("the respondent") is neither present nor represented, no such relief is to be granted unless the court is satisfied--

(a) that the applicant has taken all practicable steps to notify the respondent; or

(b) that there are compelling reasons why the respondent should not be notified.

(3) No such relief is to be granted so as to restrain publication before trial unless the court is satisfied that the applicant is likely to establish that publication should not be allowed.

(4) The court must have particular regard to the importance of the Convention right to freedom of expression and, where the proceedings relate to material which the respondent claims, or which appears to the court, to be journalistic, literary or artistic material (or to conduct connected with such material), to--

(a) the extent to which--

(i) the material has, or is about to, become available to the public; or

(ii) it is, or would be, in the public interest for the material to be published;

(b) any relevant privacy code.

(5) In this section--

"court" includes a tribunal; and

"relief" includes any remedy or order (other than in criminal proceedings).

* 184 S. Spilsbury, Opus cité, p 475

* 185 583 HL Deb 786 (24 Nov. 1997)

* 186 CEDH, X et Y c/ Pays-Bas, 26 Mars 1985, Série A91, para 22

* 187 Niemietz c/ Allemagne, 16 Décembre 1992 Série A251-B, para 29

* 188 Voir par exemple l'arrêt Leander du 26 mars 1987, série A no 116, p. 23, par. 50

* 189 CEDH, Sunday Times c/ Royaume-Uni, 26 Avril 1979, Série A 30 para47 et para 49

* 190 S. Spilsbury, Media Law, Cavendish Publishing Limited (London), (2000) P 313

* 191 Lord Mustill dans R v BSC ex p BBC : « La vie privée et la confidentialité ne sont pas interchangeables » voir S. Spilsbury, Opus cité , p 212

* 192 Chappell c/ Royaume-Uni, 30 Mars 1989, série A152-A

* 193 « à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.»

* 194 Voir par exemple l'arrêt Dudgeon c/ Royaume Uni, 22 Octobre 1981, Série A45, para 60

* 195 Handyside, para 49

* 196 CEDH, Lingens c/ Autriche, 8 Juillet 1986, Série A103, para 42

* 197 CEDH, Éditions Plon c/ France 18 Aout 2004 Para 44

* 198 [2002] QB 546, para 15-18

* 199 [2002] QB 321, para 46

* 200 [2001] QB 967, para 149-153

* 201 Opus cité, Ch. 149, para 27

* 202 A v B plc [2002] 3 WLR 542, para 12

* 203 Ibid.

* 204 T Aplin, `the development of the action for breach of confidence in a post-HRA era`, Intellectual Property Quarterly 2007, 1, 19-59

* 205 Précité

* 206 [2004] UKHL 22

* 207 Article 226-1 du nouveau code pénal 

* 208 Cass. Civ1. 13 Janvier 1998 Bulletin 1998 I N° 14 p. 9

* 209 Cass. Civ1. 10/06/1987 N° de pourvoi : 86-16185 : « La publication de la photographie d'une comédienne, à sa sortie d'hôpital, assise dans un fauteuil roulant et poussée par son mari, prise à l'insu des intéressés et divulguée sans leur autorisation, porte atteinte au respect de la vie privée aussi bien qu'au droit à l'image de l'actrice et de son époux »

* 210 Cass. Civ1. 12/12/2000, N° de pourvoi : 98-21311, bulletin 2000 I N° 322 p. 209

* 211 TGI Paris, 21 Février 1970, JCP 1970.II.16293

* 212 TGI Paris, 18 Novembre 1998

* 213 CEDH, Lingens c/ Autriche, 8 Juillet 1986, Série A103, para 42

* 214 CEDH, Schwabe c. Autriche, 28/08/1992, Série A242-B

* 215 Von Hannover c. Allemagne, 24 Juin 2004, para 69-75

* 216 Civ1 20/02/2001 N° de pourvoi : 98-23471, Bulletin 2001 I N° 42 p. 26 Le Dalloz, 12 avril 2001, n° 15 p. 1199, note J.P. GRIDEL. La Semaine juridique, 2001-05-23, n° 21/22 p. 1049, note J. RAVANAS

* 217 Civ1 25/01/2000, N° de pourvoi : 97-15163, bulletin 2000 I N° 27 p. 17
Semaine juridique, 2000-03-01, n° 9, p. 351, conclusions J. SAINTE-ROSE. ; Cass. Civ1. 13 Novembre 2003, Bulletin 2003 I N° 231 p. 183 ; Cass. Civ2. 30 Juin 2004 Bulletin 2004 II N° 341 p. 287

* 218 Cass. civ. 1, 20/11/1990, Bull. civ.1 n° 257 "la fortune des grands industriels", Cass. civ. 1, 28/05/1991, Bull. civ. 1, n° 173 : "le plus riche des Caldoches (qui) ne paye pas d'impôts" et Cass. civ. 1, 20/10/1993, Bull. civ. 1, n° 295 "les français les plus riches"

* 219 Cass. Crim. 14 décembre 1999, N° de pourvoi : 97-15756 Bulletin 1999 I N° 345 p. 224
Le Dalloz, 2000-04-27, n° 17, p. 372, note B. BEIGNIER.

* 220 CEDH, Éditions Plon c/ France 18 Aout 2004 Para 44

* 221 CEDH, Castells c/ Espagne du 23 avril 1992, série A no 236, § 48; voir aussi l'arrêt Mamère c/ France, 7 novembre 2006, par. 23

* 222 CEDH, Colombani et autres c. France du 25 juin 2002, no 51279/99, CEDH 2002-V, § 66 CEDH

* 223 C Ashton et V. Finch, Opus cité, 8-09 p243-245

* 224 The Law of Human Rights 15.24 p1014

* 225 Lord Atkin dans Sim v Strecht [1936] 2 All ER 1237 voir aussi Report of the Committee on Defamation, Cmnd 5909, 1975 Para 65

* 226 Parmiter v Coupland [1840] 6 M et W 105, p108.

* 227 Hough v London Express Newspapers Ltd [1940] 2KB 507, 515

* 228 Gillik v BBC [1996] EMLR 267

* 229 S Spilsbury, Media Law, Cavendish Publishing Ltd London (2000), p76

* 230 SA 1998, s41 Bill of Rights 1689

* 231 Defamation Act 1996, s15

* 232 Reynolds v Times Newspapers Ltd [1999] 3 WLR 1010, 1017F-G

* 233 Ibid Lord Hope

* 234 Horrocks v Lowe [1975] AC 135

* 235 Bonnard v Perryman (1891) 2 Ch 269

* 236 Holley v Smyth (1998) QB 726

* 237 Goldsmith v Pressdram (1977) QB 83, 87

* 238 Berkoff v Burchill [1996] 4 All ER 1010

* 239 Article 30

* 240 Article 31

* 241 Article 32

* 242 Cass. crim., 3 Déc. 1963, N° de pourvoi : 62-93121 Bulletin criminel 1963 N° 345

* 243 Cass. Crim 22 Mars 1966, Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 108

* 244 35bis Loi de 1881

* 245 Article 41§1 et §2

* 246 Article 41§3

* 247 Defamation Act 1996, s1

* 248 Ibid, S1(1) a)

* 249 Ibid S1(3)

* 250 Dibgy v Financial News [1907] 1 KB 502

* 251 Derbyshire CC v Times Newspapers Ltd [1993] AC 534

* 252 Article 35 in fine et Crim., 10 Décembre 1985, n° de pourvoi 85-90.413

* 253 Crim. 22 Mai 1997, n° de pourvoi 94-84.106

* 254 Crim. 21 Février 1967, n° de pourvoi : 65-92437 : « [L]a preuve de la vérité étant légalement impossible, s'agissant de faits remontant à plus de dix ans (article 35), seule subsiste la présomption de mauvaise foi qui frappe les prévenus »

* 255 Cass. Civ2., 27/03/2003, n° de pourvoi : 00-20461

* 256 Crim 24/01/1989 n° de pourvoi : 87-90461

* 257 Crim., 3/05/1966, n° de pourvoi : 65-90515 « l'intention coupable, en matière de diffamation, étant présumée et se déduisant des imputations diffamatoires mêmes »

* 258 Crim 28/11/2006 N° de pourvoi : 06-82260

* 259 Lord Akner dans l'affaire Telnikoff v Matusevitch [1991] 4 All ER 817

* 260 Voir aussi Silkin v Beaverbrook Newspapers Ltd [1958] 2 All ER 817

* 261 Slim v Daily Telegraph Ltd [1968] 2 QB 157

* 262 Cit, Para 46

* 263 S. Spilsbury, Op cit, p91

* 264 Defamation Act 1952, s.6

* 265 Silkin v Beaverbook Newspapers Ltd [1958] 1 WLR 743

* 266 Crim. 24/11/2000 n° de pourvoi : 97-81554

* 267 Lingens c/ Autriche préc.

* 268 Oberschlick c/ Autriche, 1991

* 269 CEDH, Schwabe c/ Autriche, 28 Août 1992, Série A242-B

* 270 Dalban c/ Roumanie, 28 septembre 1999, Recueil des arrêts et décisions 199-VI par. 49

* 271 CEDH, Mamère c/ France, 7Novembre 2006, requête n° 12697/03

* 272 Cass.crim. 17 juillet 1986 (Gaz.Pal. 1986 II somm. 430)

* 273 CA Paris, 2 octobre 1997

* 274 CA Paris, 13 mars 1998

* 275 CA Paris, 27 juin 1995

* 276 Ibid.

* 277 Cass. Crim. 22 Juin 1999, N° de pourvoi : 97-85707

* 278 CEDH, Colombani et autres c/ France, 25 Juillet 2002

* 279 Cass Crim. 20 Octobre 1998, N° de pourvoi : 97-81893, Bull. crim. 1998 N° 267 p. 772

* 280 Article 52 Loi n°2004-204 du 9 mars 2004

* 281 Cass. Civ1, 6 Mars 1996, n° de pourvoi : 93-20478

* 282 A ce titre la réforme législative relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats votée dans ce contexte a été partiellement censurée par Décision n° 2007-551 DC - 1er Mars 2007 du Conseil Constitutionnel

* 283 Acrimed, par T. Cara « Affaire d'Outreau » : Après le « délire » médiatique, l'amnésie collective, mercredi 14 Décembre 2005 < http://www.acrimed.org/article2221.html> Voir aussi `La part de responsabilité des journalistes`, par Jean-Yves Monfort paru dans Le Monde du 7 Février 20006

* 284 G. Balbastre, `Délation, compassion, mépris social : les faits divers, ou le tribunal implacable des médias` dans Le Monde Diplomatique de Décembre 2004 < http://www.monde-diplomatique.fr/2004/12/BALBASTRE/11719>

* 285 Loi No 2000-516 du 15 Juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes

* 286 Article 9-1 du Code Civil

* 287 Article 35 ter I de la loi de 1881

* 288 Ibid. Art 35 quater

* 289 Ibid. Art 38

* 290 Art. 400 du Code de Procédure Pénal

* 291 Cass. Civ1, 21 Février 2006

* 292 Cass. Civ2, 8/03/2001, N° de pourvoi : 99-14995

* 293 Cass Civ2, 20/06/2002, N° de pourvoi : 00-11916

* 294 Article 38 Ter, loi de 1881

* 295 Ibid. Art 39quinquies

* 296 Ibid. Art 39

* 297 Contempt of Court Act 1981, s2(1)

* 298 HM Advocate v News Paper Group Newspapers, 1989 S.C.C.R. 156.

* 299 HM Advocate v Scotsman Publications Ltd, 199 S.L.T 466

* 300 Judicial Proceedings (Regulation or Reports) Act 1926, s1

* 301 Contempt of Court 1981, s11

* 302 Sexual Offences Act 1976, s4

* 303 Children and Young Persons Act 1933, s39

* 304 Robb v Caledonian Newspapers Ltd., 1995 SLT 631

* 305 Contempt of Court Act 1981, s3(1) et (2)

* 306 Contempt of Court 1981, s4 voir aussi HM Advocate v Danskin S.C.C.R. 101: Il n'y a pas de risque substantiel d'atteinte à l'article 6 si le compte rendu du procès est exact et impartial.

* 307 Contempt of Court Act 1981, s5

* 308 Cass. Crim., 19 Mars 1996, Bull crim 1996 N° 117 p. 340. , même solution : Cass. Crim, 14 juin 2000 Bull crim 2000 N° 223 p. 656

* 309 CEDH, Roy et Malaurie c/ France, 3 Octobre 2000

* 310 Cass. Crim., 16 janvier 2001, Bull crim 2001 N° 10 p. 21 et Cass. Crim., 27 Mars 2001, Bull crim 2001 N° 80 p. 263

* 311 CEDH, Goodwin c/ Royaume-Uni, 27 Mars 1996, Recueil 1996-II

* 312 CEDH, Fressoz et Roire c/ France, 21 Janvier 1999, Recueil 1999-I

* 313 L François, 'Le droit de la presse et la diffamation devant la Cour Européenne des droits de l'homme', in Revue du Droit Public N°3 2005

* 314 Cass. Crim., 19 Juin 2001, N° de pourvoi : 99-8518, Bull crim 2001 N° 149 p. 464
La semaine juridique, édition générale, n° 16-17, 17 avril 2002, Jurisprudence, II, 10064, p. 780-786, note Dominique COMMARET et Agathe LEPAGE. Le Dalloz, 13 septembre 2001, n° 31, Jurisprudence, p. 2538 2541, note Bernard BEIGNIER et Bertrand DE LAMY






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