Université d'Auvergne Clermont I
Faculté de droit et de Science Politique
La liberté de la presse et les droits de la personne en
France et en Écosse: influence de la Convention Européenne des
Droits de l'Homme
Abderrahman BENYAHYA Mémoire
réalisé sous la direction de Madame
Marie-Élisabeth Baudoin, maître de conférences en droit
public, en vue de l'obtention du DU Études Juridiques et
Politiques Comparées, pays européens.
Année académique 2006-2007
Remerciements
À Madame Marie-Élisabeth Baudoin pour son soutien
pédagogique
à Fatima Ouahman pour le soutien moral et les
encouragements, ainsi qu'à Ramzi Naffa et Sajid Farouk. Je remercie
aussi ma famille pour tout.
Liste des abréviations et sigles
AC: Appeal Case
ALL ER: All England Report
All ERR:
Bull crim : Bulletin Criminel
CA Cour d'appel
Cass. Civ: Cour de cassation, chambre civile
Cass. Crim: Cour de cassation, chambre criminelle
CE: Conseil d'Etat
Com EDH: Commission Européenne des Droits de l'Homme
CEDH: Cour Européenne des droits de l'Homme
Cons Constit: Conseil Constitutionnel
Crim LR: Criminal Law Review
DDHC: Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen
EHHR: European Human Rights Reports
FSR: Fleet Street Report
HRA: Human Rights Act
JC: Justiciary Cases (Scotland)
KB: Kings Bench
NLJ: New Law Journal
QB: Queens Bench
RPC: Reports of Patents Cases
SA: Scotland Act 1998
SC: Session Cases (HL: House of Lord - PC: Privy Council)
SCCR: Scottish Criminal Case Report
SLT: Scots Law Times
WLR: Weekly Law Report
Introduction
La liberté de la presse - ou liberté de
produire, dans les écrits, livres, brochures, journaux, ses
idées, ses opinions sur toute matière, sans subir aucune censure
préalable1(*) - est
une liberté essentielle pour une société libre. En effet,
composante de la libre communication des idées et des opinions, elle
permet d'informer les citoyens sur la situation politique et apporte les outils
nécessaires pour exercer un esprit critique vis-à-vis des
gouvernants.2(*) En ce sens,
la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans son arrêt
Lingens c/ Autriche indique que: « la liberté de la
presse fournit à l'opinion publique l'un des meilleurs moyens de
connaître et juger les idées et attitudes des dirigeants. Plus
généralement, le libre jeu du débat politique se trouve au
coeur même de la notion de société
démocratique»3(*) et souligne dans son arrêt Sunday Times c/
Royaume-Uni que la presse joue un rôle indispensable de
« chien de garde »4(*). Il faut noter par ailleurs qu'en plus d'être
témoin, la presse est aussi l'un des acteurs principaux de
l'actualité, et, l'année écoulée des
développements importants ont bouleversé la matière.
Pourtant, paradoxalement, la liberté de la presse ne
serait pas tant menacée par les interventions des autorités
publiques que par l'exercice des droits et libertés individuels. Ainsi,
selon le dernier rapport annuel de Reporters Sans Frontières, en ce qui
concerne les pays d'Europe, « la tentation de l'interdit »
s'est caractérisée principalement par « l'affaire des
caricatures » qui a cristallisé l'opposition « entre
partisans de la liberté d'expression et défenseurs des
sensibilités religieuses »5(*) . La liberté de religion, le droit au
respect à la vie privée et le droit à la
présomption d'innocence apparaissent dans le rapport de la situation
française6(*) comme
les principales menaces pesant sur la presse. Cette constatation est bien
éloignée de l'idée exprimée par Mirabeau selon
laquelle la liberté de la presse est une liberté «sans
laquelle les autres ne peuvent être conquises»7(*). Elle n'est pas propre à
la France8(*) car au
Royaume-Uni, l'idée de la promotion du développement personnel
des individus par la liberté de la presse est non seulement
affirmée par les théoriciens9(*) mais aussi rappelée par la Chambre des Lords:
dans une affaire de la Chambre des Lords statuant en tant que Cour d'appel
R v Secretary of States for the Home Department, le Lord Steyn
explique que la liberté d'expression « promeut le
développement personnel des individus dans la
société »10(*).
Si la liberté de la presse est une condition
nécessaire pour l'exercice des autres droits et libertés, comment
dès lors expliquer que ces derniers puissent la limiter voire menacer
son existence ? Cette interrogation se dissipe si l'on considère le
fameux adage « la liberté des uns s'arrête là
où commence celle des autres »11(*) et si l'on se rappelle que la liberté de la
presse est essentiellement exercée par des acteurs privés tenus
par des devoirs et des responsabilités inhérents à
l'exercice de toute liberté.
Les spécificités inhérentes aux
systèmes juridiques écossais et français ne vont pas sans
se répercuter sur la liberté de la presse, et sa mise en balance
avec la protection des droits de la personne. S'il l'ont se fie au rapport de
Reporters Sans Frontière, le Royaume-Uni accorde un meilleur sort
à la presse, et c'est en France où les droit de la personne sont
perçus comme un danger pour la liberté de l'information. Mais
cette situation est plus révélatrice de la situation politique et
des facteurs explicatifs de la diversité que de la logique juridique des
deux pays. Il convient donc de s'interroger sur la variété des
pratiques juridiques en France et en Écosse sur la mise en balance de la
liberté de la presse avec les droits de la personne. Les deux pays sont
des parties contractantes à la Convention Européennes des Droits
de l'Homme et s'engagent par la même à mettre en oeuvre les
obligations qui y sont inscrites. La Cour Européenne influence
directement la législation des pays membres dans les affaires les
impliquant, mais aussi indirectement par sa jurisprudence sur la liberté
d'expression aux prises avec « les droits d'autrui ».
Dès lors, l'appréciation de la diversité des
législations ne peut être complète sans intégrer le
rôle harmonisateur du droit de la Convention. Il faut donc exposer les
principes qui permettent de la situer dans son rapport avec les droits de la
presse français et écossais.
Ainsi, au sein de la Convention Européenne, si le
premier paragraphe de l'article 10 énonce le principe de la
liberté d'expression (« la liberté d'opinion et la
liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontière »), le
second en relativise néanmoins le contenu en admettant entre-autre la
limitation pour la « protection de la réputation ou des droits
d'autrui ».
Afin de parer aux dangers à la fois de l'autoritarisme
et de la dissolution du lien social,12(*) la mise en balance des deux principes est
effectuée par la Cour de Strasbourg conformément au principe de
nécessité et de proportionnalité. En outre, l'article 17
permet de contrer toute utilisation malveillante d'un droit inscrit à la
Convention pour détruire les fondements démocratiques de la
société européenne.13(*) Si la liberté de la presse est un fondement
essentiel de la démocratie, la protection de la réputation et des
droits d'autrui peut justifier l'ingérence de la puissance publique,
pour autant que prévue par la loi, elle soit nécessaire dans une
« société démocratique » à la
réalisation de ces buts. Pour remplir la première condition, la
seule présence d'un texte législatif ou même d'une
jurisprudence ne suffit pas : la Cour Européenne exige de ceux-ci
qu'ils soient « suffisamment accessible[s] » et
« énoncé[s] avec assez de précision pour
permettre au citoyen de régler sa conduite ». Elle concède
cependant que la prévisibilité ne peut être absolue pour
éviter la « rigidité excessive»14(*). Concernant la
« société démocratique » elle se
caractérise selon la Cour de Strasbourg par la promotion de valeurs
telles que « le pluralisme, la tolérance et l'esprit
d'ouverture»: ainsi, la liberté d'expression « vaut non
seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou
considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais
aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou
une fraction quelconque de la population»15(*). L'adjectif « nécessaire »
quant à lui suppose l'existence d'un « besoin social
impérieux »16(*) qui sera, dit la Cour, appréciée par
les juridictions des États bien que doublée d'un contrôle
européen minimum. La jurisprudence européenne ne s'est pas
limitée à ces garde-fous pour s'assurer de la protection de la
liberté de la presse et du droit a l'information: en effet, le but
légitime de protection de la réputation et des droits d'autrui
peut être exploité par les hommes politiques et les fonctionnaires
pour entraver toute critique à leur encontre. C'est la raison pour
laquelle la Cour Européenne accorde à la liberté de la
presse une protection renforcée lorsqu'il s'agit de l'expression
politique. Dans l'affaire Lingens, la cour affirme que dans le cadre
de la mise en balance entre protection de la réputation d'un homme
politique et liberté de la presse pour ce qui de la libre discussion des
questions politiques, « les limites de la critique admissible sont
plus larges »17(*). L'application de ces principes fondamentaux en droit
européen est en premier lieu de la responsabilité des
juridictions internes des États contractants. En effet, du fait de son
caractère international, la Convention Européenne de Sauvegarde
des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales donne en premier
lieu compétence aux États et, la Cour ne peut être saisie
qu'après épuisement des voies de recours internes.18(*)
Les sources du droit et les institutions politiques
écossais étant peu familières pour le lecteur
français, il semble nécessaire de développer ici quelques
spécificités qui permettront d'avoir une compréhension
plus affûtée de la problématique et, de préciser les
différences de contexte juridique existant en Écosse et en
France.
Les sources législatives du droit de la presse
En Écosse, s'il n'existe pas de proclamation solennelle
de la liberté de la presse19(*), la pratique jurisprudentielle (la Common Law) la
définit comme le droit d'écrire et de publier opinions et
informations librement à la condition de respecter `la loi` qui justifie
les restrictions par une nécessité absolue.20(*) Il n'existe pas non plus de
texte de loi unique qui en réglemente l'exercice: la législation
est éparpillée entre Common Law et texte législatif.
Ainsi, vont naître de façon prétorienne des limitations
à la liberté de la presse par les droits d'autrui avec des
principes comme la confidentialité (doctrine `Breach of confidence`
développée dans l'affaire Coco v AN Clark21(*)) ou encore l'interdiction du
blasphème22(*). Il
existe par ailleurs un certain nombre de statuts ou lois édictées
par les parlements de Westminster et d'Ecosse qui vont limiter la
liberté de la presse: le Contempt of Court Act23(*) est ainsi utilisé afin
de protéger à la fois l'impartialité des tribunaux et la
présomption d'innocence contre l'ingérence des médias.
Tandis qu'en France le législateur conserve une place
prépondérante avec la loi sur la liberté de la presse du
29 Juillet 1881 qui contient à la fois la proclamation de la
liberté de la presse24(*) (absence d'autorisation préalable) et la
répression des délits par voie de presse.25(*) En dehors des exigences
procédurières protectrices (prescription des actions publiques et
civile de 3 mois26(*)), la
loi de 1881 contient un certain nombre de dispositions d'ordre pénal
limitant l'exercice effectif de la liberté de la presse pour assurer la
protection des droits d'autrui.
Les sources constitutionnelles de la liberté de la
presse
Ces différences au niveau législatif se
retrouvent également au niveau constitutionnel puisque le Royaume-Uni
contrairement à la France ne connaît pas de constitution
identifiable dans un seul document. Il est en effet incorrect de dire que la
constitution est non écrite car en réalité il s'agit d'un
agrégat de diverses sources aussi bien écrites que non
écrites: on les retrouve dans les législations
parlementaires27(*) mais
aussi dans la Common Law28(*) et les 'conventions constitutionnelles'. Pour ce qui
est de l'Écosse nous pouvons considérer comme constitutionnel le
Scotland Act de 1998, loi de dévolution qui donne
compétence à un nouveau parlement écossais pour toutes les
matières ayant trait au gouvernement local et aux fonctions des
autorités locales. Le parlement écossais contrairement à
son homologue de Westminster n'a pas de pouvoir absolu et est lié tant
par la procédure que par le contenu: il ne peut pas
légiférer dans les matières réservées au
parlement britannique, modifier certaines législations
fondamentales29(*)
incluant le Scotland Act 1998, et ne peut pas non plus voter de lois
contraires à la Convention Européenne des Droits de
l'Homme30(*) : donc
au niveau écossais nous pouvons affirmer que l'article 10 a une valeur
constitutionnelle. La difficulté réside dans le fait que toutes
les lois votées par le parlement central (Westminster) ont une
même force juridique et ne connaissent pas la hiérarchie des
normes car la doctrine de la souveraineté du parlement encore en cours
exige qu'il puisse faire et défaire les lois et qu'il ne soit pas
lié par ses propres textes31(*). Toutefois, les limites de cette doctrine ont
été relevées concernant l'acte fondateur du parlement de
Westminster (les Traités d'union pour l'écosse 1707 et l'Irlande
1800) et par le fait que le Parlement soit lié par sa législation
concernant la forme et la procédure de vote des lois32(*). Ainsi les juridictions ne
refusent pas de vérifier qu'une loi est votée selon la
procédure parlementaire.33(*) Cependant, elles ont toujours refusé
d'examiner le moyen selon lequel la législation est invalide et donc
d'entreprendre le contrôle de constitutionnalité des
lois.34(*) Il est
inconcevable que la loi « expression de la souveraineté
populaire » puisse être contrôlée par un corps non
élu et non représentatif.
La France avait connu la même situation jusqu'à
la création du Conseil Constitutionnel et la décision 16 Juillet
1971 qui a permis de donner valeur constitutionnelle au
préambule.35(*) La
Constitution de 1958 faisant référence à la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, son article 11 relatif
à la liberté de la presse se trouve par conséquent
consacré au niveau le plus élevé de la hiérarchie
des normes. Le Conseil Constitutionnel a eu plusieurs fois l'occasion de se
prononcer sur la portée des dispositions législatives ayant pour
objet la régulation de l'exercice de la liberté de
communication36(*). Elle a
reçu le titre de liberté fondamentale par le Conseil
Constitutionnel: elle ne peut être soumise à une autorisation
préalable et, pour pouvoir s'exercer, ne peut être
réglementée par la législation qu'en vue de rendre la
protection plus effective. Enfin, elle ne peut être soumise à une
réglementation locale.37(*) Cette qualification permet de restreindre les
interventions législatives aux seuls cas où elles permettent de
rendre plus effectif l'exercice de cette liberté ou pour la concilier
avec des règles et principes de valeur constitutionnelle. Ainsi, le
Conseil Constitutionnel a déclaré que le pluralisme des
quotidiens d'informations est un objectif à valeur constitutionnelle
sans lequel, l'exercice de la liberté de communication ne pourrait
être effectif: en effet, du point du vue du destinataire, la
liberté proclamée à l'article 11 de la DDHC a pour
objectif de garantir la diversité des publications afin que le lecteur
soit en position d'exercer le libre choix. De même, l'objectif de
transparence permet de renforcer l'exercice de cette liberté car elle
donne aux lecteurs les moyens de connaître les méthodes
d'informations dont il dispose et ainsi d'adopter un choix
éclairé. Ces objectifs à valeur constitutionnelle servent
à exercer sur le législateur une obligation positive de
protection effective et adéquate de la liberté de la presse et,
la qualification de liberté fondamentale par le Conseil Constitutionnel
permet de garantir une plus grande protection à travers le temps et de
parer à tout risque de régression de la liberté sans
justification.
La transposition du droit de la Convention en droit
interne
Toutefois étant donné que le juge
constitutionnel n'est pas habilité par la Constitution à exercer
un contrôle sur toute les lois votées mais uniquement sur celles
qui lui sont déférées par l'une des autorités
permises- le Président de la République, le Premier Ministre, le
Président de l'Assemblée Nationale, le Président du
Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs -
aujourd'hui seulement environ 10 % des lois y sont
déférées38(*). La protection constitutionnelle de la liberté
de la presse s'en trouve donc forcément limitée: l'on peut
s'interroger sur la réelle constitutionnalité de certaines lois
adoptées sans avoir reçu la sanction des Sages. Étant
donné qu'il n'existe pas à ce jour de contrôle a posteriori
de la constitutionnalité des lois par les juridictions ordinaires, il
semble bien que la Convention Européenne des droits de l'Homme soit un
instrument indispensable pour combler cette lacune du droit. En effet, non
seulement, la Cour Européenne de Strasbourg exerce par ses arrêts
une influence majeure dans la protection des libertés fondamentales,
mais, il faut aussi noter que du fait du contrôle de
conventionnalité exercé par les juridictions internes, ces
dernières ont trouvé une parade pour déjouer
l'interdiction du contrôle constitutionnel des lois.
Le droit de la Convention européenne n'a pas eu besoin
en France d'être transposé par l'intermédiaire d'une loi
pour pouvoir s'appliquer directement et être invocable par les
particuliers devant les cours. Il en va différemment de l'Écosse
car le système britannique contrairement à la France se
définit clairement comme dualiste entre l'ordre juridique international
et l'ordre juridique interne: les sources internationales du droit ne peuvent
être appliquées qu'après incorporation en droit interne par
le vote du parlement d'une loi reprenant les dispositions internationales. Ceci
est un corollaire du principe de la souveraineté du parlement (le
parlement ne reconnaît pas de lois supérieures auxquelles il doit
être lié et ne pourrait accepter l'application de règles
juridiques de valeur législative sans son consentement
préalable39(*)).
Subséquemment, avant l'incorporation de la Convention Européenne
des droits de l'Homme par l'Human Rights Act de 1998 et le
Scotland Act de 1998, les cours écossaises refusaient de
prendre en considération le droit européen dans leur jugement
d'affaires concernant les libertés individuelles. Dans un arrêt de
principe Surjit Kaur v Lord Advocate40(*), Lord Ross avait affirmé que « les
cours écossaises ne peuvent pas tenir compte de la Convention
jusqu'à ce que ses dispositions soient reprises dans un
Statut ». Cet obiter dictum sera repris par la haute
juridiction écossaise dans un arrêt Moore v Secretary of State
of Scotland41(*).
Cette approche restrictive a découragé toute
référence à la Convention Européenne dans les
jugements écossais pendant de nombreuses années bien que
certaines allusions apparaissent dans le discours de la Chambre des
Lords.42(*)
Ceci contraste avec l'attitude adoptée par les
juridictions en Angleterre et en Pays de Galles. En effet, dans les
arrêts anglais de la Chambre des Lords, il est établi que dans
l'interprétation de dispositions nationales ambiguës, les cours
devaient présumer que le parlement a voulu légiférer en
conformité avec la Convention (doctrine du Lord
Bridge)43(*).
Il faut noter toutefois que la Convention a commencé
à avoir un impact indirect sur les cours écossaises du fait d'un
certain nombre de décisions de la Cour Européenne des droits de
l'Homme ayant trait au contentieux pénal écossais.44(*)
Lord Hope après sa désignation en tant que Lord
President et Lord Justice-General a décidé dans le
célèbre arrêt T, Petitioner de revoir le statut de
la Convention dans le droit écossais en déclarant
« l'opinion de Lord Ross (...) est de plus en plus
considérée a la lumière d'une évolution
subséquente comme étant dépassée et, selon mon
opinion, (...) il est temps de l'abandonner expressément. ».
Il a conclu que la distinction à ce sujet entre les cours
écossaises et le reste du Royaume Uni ne pouvait plus être
justifiée et a demandé l'adoption par les juridictions
écossaises de la doctrine du Lord Bridge.45(*)
à partir de cet arrêt, la Convention a
été citée de plus en plus fréquemment par les cours
écossaises particulièrement par la High Court of
Justiciary mais principalement comme une aide pour
l'interprétation.46(*) Mais c'est avec le SA et l'HRA que
la Convention est devenu invocable devant les tribunaux : la
première loi permet d'éviter que le parlement écossais
puisse voter une législation contraire à la Convention47(*) par une procédure
complexe d'examen avant l'introduction du projet de loi au parlement
écossais, par l'exécutif écossais et un officier
indépendant et, avant l'envoi pour sanction royale48(*) par un comité
judiciaire qui peut mettre fin à la procédure. En plus de ce
contrôle a priori et abstrait le SA dispose que les juridictions
doivent considérer lors de leur procédure si un acte du parlement
écossais entre bien dans sa compétence49(*). Et, une personne peut
soulever le moyen de la violation de ses droits inscrits dans la Convention par
un tel acte à condition toutefois qu'elle en soit victime au sens de
l'article 34 de la Convention50(*). Si une juridiction décide que l'acte du
parlement écossais n'est pas une loi, elle a le pouvoir d'émettre
un ordre qui en supprime ou limite les effets.51(*)
De la même façon pour l'exécutif
écossais, le transfert des fonctions ministérielles existantes
aux ministres écossais n'est possible que s'il n'est pas contraire
à la Convention52(*) et, les membres de l'exécutif écossais
n'ont pas le droit d'agir de façon incompatible avec la
Convention53(*) et si
c'est le cas, les cours pourront en traiter durant la procédure et
émettre54(*) un
ordre qui en supprime les effets.
Au plan central, l'HRA entré en vigueur un an
après le SA permet aux habitants britanniques de revendiquer
leurs droits inscrits dans la Convention devant les juridictions nationales et
d'éviter ainsi d'augmenter coût et retard en allant devant la Cour
Européenne des droits de l'Homme55(*). Cette législation a introduit l'obligation
pour les juridictions de lire et de donner effet, `autant que possible`,
à la législation de façon compatible avec la
Convention56(*), de faire
une `déclaration d'incompatibilité` lorsqu'elle constate la
contradiction entre les deux textes57(*), de ne pas agir de façon contraire à la
convention (tout comme les autorités publiques) et à la
jurisprudence de la Cour Européenne dans leurs décisions58(*) et enfin d'exercer un
contrôle de compatibilité des actes des autorités publiques
(à l'exception du parlement écossais) si le requérant est
victime au sens de l'article 34 de la Convention59(*).
La doctrine de la souveraineté du parlement britannique
vient encore une fois limiter l'importance de cette réforme:
contrairement aux actes du parlement écossais, les lois votées
par le parlement de Westminster ne sont pas sujet au contrôle de
constitutionnalité ni de conventionnalité. Avant que le projet ne
devienne loi, le ministre parrain doit fournir une déclaration qui
indique que la loi est conforme à la Convention des droits mais, si la
non-conformité est déclarée elle n'a pas d'effet sur la
procédure si le gouvernement veut faire passer la loi.60(*) Toutefois, cette
déclaration sera prise en compte par les juridictions pour apporter la
preuve que le gouvernement a agi consciemment en contradiction avec la
Convention et empêchera de donner une interprétation conforme: Si
les cours61(*) ont la
capacité d'adresser une « déclaration
d'incompatibilité » de cette loi, l'HRA affirme dans
la section 3(2) b que sa validité et sa mise à exécution
n'en seront pas affectées et, elle n'a aucun effet juridique même
entre les parties au jugement62(*). Ainsi, même les actes de l'exécutif
pris en application de cette loi ne pourront être sujets au
contrôle de conventionnalité par les cours (c'est une sorte de
théorie de la loi écran qu'on retrouve en France). Cette
déclaration pourra être prise en compte par le parlement qui garde
sa pleine souveraineté: le ministre en question a le pouvoir
discrétionnaire de prendre des mesures correctives en émettant
ordre qui doit être approuvé par les deux chambres du
parlement.63(*)
En France comme en Écosse donc, la Convention
Européenne est appelé à jouer un rôle de
« substitut » pour exercer un contrôle de
constitutionnalité qui autrement est impossible: le juge est
amené à interpréter à la foi Convention et droit
national dans la mise en balance entre liberté de la presse et droits
de la personne. Par conséquent, il reste nécessaire de scruter
les législations nationales française et écossaise afin de
connaître la différence dans la réception du droit
européen et son rôle potentiel d'uniformisation des limites
juridiques à la liberté de la presse par les droits
individuels.
Pour ce faire il faut dans ce domaine faire la distinction
entre d'une part la divulgation d'informations et d'autre part l'expression
d'opinions car selon la Cour Européenne, si la première peut
être soumise à l'exigence d'exactitude, la seconde connaît
un régime juridique plus souple64(*). En effet, imposer la preuve de la
matérialité des jugements de valeur revient en fait à
porter atteinte à la liberté d'opinion du fait que cette exigence
est irréalisable.65(*) Cette liberté d'opinion se heurte au droit de
ne pas être outragé dans ses convictions religieuses, à la
non discrimination et au droit de ne pas être attaqué sur des
fondements racistes et enfin, à la protection de la moralité
individuelle: dans ces domaines, la jurisprudence européenne
paradoxalement laisse une large marge d'appréciation aux États.
De ce fait, les pratiques juridiques entre France et Écosse dans ses
domaines reflètent bien les différents choix de valeur
sociétale (chapitre I). En revanche dans le domaine de l'information et
particulièrement celle de nature politique, la Cour Européenne
impose une plus stricte analyse de la compatibilité des limites
inhérentes aux droits individuels avec les principes de
nécessité et de proportionnalité: l'influence de la
jurisprudence européenne dans la convergence des droits écossais
et français est nettement plus prégnante dans la mise en balance
entre la liberté d'information du public et les droits d'autrui.
(Chapitre II)
Chapitre 1: La diversité des approches en
matière de liberté d'opinion
Le principe de la marge
d'appréciation, création prétorienne de la
Commission66(*) et reprise
par la Cour Européenne des Droits de l'Homme67(*), permet de reconnaître
aux Etat une marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre des obligations
inscrites dans la Convention. Corollaire du principe de subsidiarité, il
se justifie par le fait que « la Cour n'a point pour tâche de
se substituer aux juridictions internes compétentes »68(*) et le fait que
« [g]râce à leurs contacts directs et constants avec les
forces vives de leur pays, les autorités de l'État se trouvent en
principe mieux placées que le juge international pour se prononcer sur
le contenu »69(*). Bien que cette marge d'appréciation n'est pas
illimitée et soumise à la surveillance de la Cour, il est notable
que certains domaines disposent d'une plus grande latitude.
Parmi les éléments d'appréciation du
degré de liberté accordée aux États, l'existence
d'un droit et d'une pratique consensuelle semble la plus pertinente au regard
de la jurisprudence européenne concernant la presse70(*). La marge
d'appréciation accordée est d'autant plus vaste qu'il y a absence
de consensus dans un domaine donnée telle que la place de la morale et
de la religion dans la société ou l'Ecosse accorde une protection
plus importante que ne le fait la France(Titre I). D'autre part, comme
l'indique Howard Charles Yourow dans son article sur la marge
d'appréciation71(*), celle-ci a joué un rôle central dans la
mise en balance avec le droit à la non-discrimination. Dans ce domaine,
cette fois, c'est la France qui réprime plus sévèrement
l'expression d'opinions racistes et négationnistes(Titre II).
Titre 1: Religion et moralité: protection
renforcée en Écosse
Pour ce qui est de l'obscénité et du
blasphème, le juge européen accorde aux juridictions nationales
une large part de marge d'appréciation car aucun consensus n'a
émergé au niveau européen pour leur donner une
définition acceptable par tous: L'arrêt Wingrove
résume parfaitement l'état de la jurisprudence
« Une plus grande marge d'appréciation est
généralement laissée aux États contractants
lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression sur des questions
susceptibles d'offenser des convictions intimes, dans le domaine de la morale
et, spécialement, de la religion. Du reste, comme dans le domaine de la
morale, et peut-être à un degré plus important encore, les
pays européens n'ont pas une conception uniforme des exigences
afférentes à "la protection des droits d'autrui" s'agissant des
attaques contre des convictions religieuses. Ce qui est de nature à
offenser gravement des personnes d'une certaine croyance religieuse varie fort
dans le temps et dans l'espace, spécialement à notre
époque caractérisée par une multiplicité croissante
de croyances et de confessions »72(*)
Ainsi, l'Ecosse se singularise par rapport à la France
pour la religion par l'existence d'un délit de blasphème (Section
I) et pour la moralité par une répression accrue de
l'obscénité (Section II)
Section I: Entre blasphème et
provocation à la haine religieuse
Contrairement à la France, la Grande-Bretagne n'est pas
un Etat laïc et, l'Eglise conserve une place d'importance dans le
développement juridique : la Common Law sur le blasphème
(déclaration verbale) et la diffamation blasphématoire
(publication sous une forme permanente) demeure de rigueur ce qui ne va pas
sans s'interroger sur sa compatibilité avec la société
démocratique (paragraphe 1). Malgré l'affirmation d'une
laïcité stricte par la société française, il
est frappant de constater que le débat autour des caricatures de
Mohammed a eu une envergure et un impact plus important qu'au sein de la
société écossaise (paragraphe 2).
Paragraphe 1: le délit de blasphème:
spécificité anglo-saxonne anachronique?
Le délit de blasphème vise à interdire
l'expression d'opinion qui heurte les croyances et la pratique de l'Eglise. Des
lors, il convient de s'interroger sur sa compatibilité avec les
conditions de nécessité et de proportionnalité
posées par le droit européen (A). En outre cette
législation pose le problème d'une discrimination
instaurée entre les religions qui met en cause la neutralité de
l'Etat (B).
A- Le délit de
blasphème: une limitation nécessaire dans une
société démocratique?
Le blasphème et la diffamation blasphématoire
sont des infractions qui peuvent donner lieu a des poursuites judiciaires et
à des peines d'amendes voire d'emprisonnement. A la base, cette
infraction a été crée pour `la protection de la
tranquillité du Royaume`73(*) et tombait sous la compétence des juridictions
ecclésiastiques. Historiquement les liens entre l'Eglise et l'Etat
étaient si étroits qu'une attaque contre la première
semblait nécessairement impliquer une attaque contre le second.
Toutefois en ce qui concerne l'Ecosse, la dernière
condamnation pour délit de blasphème remonte à
184374(*). Ce qui fait
penser à certains auteurs que du fait qu'il soit extrêmement
improbable qu'une poursuite aboutisse, le blasphème n'est plus
considéré comme une offense75(*). En effet contrairement à l'Angleterre et au
Pays de Galles, le délit de blasphème pour donner lieu à
des poursuites requiert la présence d'un intérêt personnel
à agir. Au surplus, selon le rapport du comité sur les offenses
religieuses en Angleterre et au Pays de Galles76(*), l'Etat est peu enclin à engager des
poursuites sur ce fondement. Toutefois, la prise en compte des plaintes
déposées pour blasphème contre la diffusion par la BBC
d'une exhibition du très controversée Jerry Springer77(*) et contre des affiches pour un
festival érotique78(*) démontrent que le délit n'est pas
lettre morte. Et, il est éclairant de se référer aux
développements contemporains dans la loi anglaise pour en
connaître la compatibilité avec les principes européens.
Aujourd'hui, cette réglementation a connu une
évolution et il n'est plus suffisant de simplement renier la doctrine
chrétienne pour se voir infliger une sanction pour diffamation
blasphématoire. Dans l'affaire R v Lemon79(*), Lord Scarman a affirmé
que les critères contemporains en matière de blasphème
sont formulés dans l'ouvrage de Stephen, Digest of the Criminal
Law:
« Une publication revêt un caractère
blasphématoire lorsqu'elle contient un quelconque élément
de mépris, d'injure, de grossièreté ou de ridicule
aÌ l'égard de Dieu, de Jésus-Christ, de la Bible ou du
rituel de l'Eglise d'Angleterre tel qu'établi par la loi. N'est pas
blasphématoire le fait de prononcer ou de publier des opinions hostiles
aÌ la religion chrétienne, ou de nier l'existence de Dieu,
dès lors que la publication est libellée en un langage
décent et mesureì. »
Cette affaire concernait la publication d'un poème et
d'un dessin dans une édition du Gay News qui attribuait au
Christ des pratiques homosexuelles durant sa vie et décrivait en
détail certains actes sexuels avec son corps après sa mort. La
publication a été jugée blasphématoire car
susceptible de porter outrage et insulte aux convictions religieuses
chrétiennes. Les critères appliqués tentent de restreindre
l'application de la loi sur le blasphème à la protection
individuelle c'est-à-dire le droit d'être protégé
contre les insultes et les attaques à ses convictions religieuses. Il
semble bien que les conditions du paragraphe 2 de l'article 10
« prévue par la loi » et « poursuivant un
but légitime» sont remplies: la restriction à la
liberté de la presse est bien encadrée par une jurisprudence
assez claire et prévisible et, elle correspond à la protection du
droit d'autrui de ne pas être outragé dans sa conviction
religieuse. Il convient de s'interroger sur le respect de la troisième
exigence « nécessaire dans une société
démocratique »
Cette affaire a été portée devant la
Commission Européenne des Droits de l'Homme dans une décision
Gay News et Lemon c/ Royaume Uni80(*) qui va nous permettre de connaître la position
européenne. Elle confirme tout d'abord que le délit de
blasphème se conforme aux exigences d'accessibilité et de
clarté de la loi et, poursuit le but légitime `de protéger
les droits des citoyens de ne pas être offensés dans [leur]
convictions religieuses par une publication`81(*). Ensuite elle estime que « le fait
d'ériger le blasphème en infraction pénale ne suscite en
soi aucun doute quant à sa nécessité: si l'on admet que
les sentiments religieux du citoyen méritent protection contre les
attaques jugées indécentes sur des questions que
l'intéressé estime sacrées, on peut alors également
juger nécessaire, dans une société démocratique, de
stipuler que ces attaques, lorsqu'elles atteignent une certaine gravité,
constituent une infraction pénale dont la personne offensée peut
saisir le juge ». Par conséquent, au vue de la
législation présente au Royaume-Uni, le délit de
blasphème n'est pas disproportionné par rapport au but poursuivi.
Cette jurisprudence a été reprise concernant la diffusion de
Vision d'Ecstasy: la Cour Européenne rappelle qu'
« il n'y a pas encore, dans les ordres juridiques et sociaux des
États membres du Conseil de l'Europe, une concordance de vues suffisante
pour conclure qu'un système permettant aÌ un Etat d'imposer des
restrictions aÌ la propagation d'articles réputés
blasphématoires n'est pas en soi nécessaire dans une
société démocratique, et s'avère par
conséquent incompatible avec la Convention ».82(*) Par ailleurs, le haut
degré de profanation exigé permet à l'exigence de
proportionnalité de l'ingérence dans la liberté
d'expression d'être remplie.
Toutefois, la jurisprudence de la Cour Européenne des
Droits de l'Homme pourrait évoluer selon la doctrine de
l'interprétation vivante de la Convention (« living
instrument ») dans le sens de l'incompatibilité du
blasphème avec la liberté d'expression: ainsi, dans d'autres
domaines (la suppression de châtiments corporels83(*), l'égalité de
traitement entre enfants légitimes et enfants naturels84(*), la décriminalisation
de l'homosexualité85(*)) où les sociétés modernes ont
adopté un même standard, la doctrine de la marge
d'appréciation a été écartée par la Cour
pour prendre en compte les «conditions de vie actuelles».
De plus, comme le souligne elle-même la Cour de
Strasbourg, « de puissants arguments militent en faveur de la
suppression des règles sur le blasphème
par exemple leur nature discriminatoire aÌ l'égard de certaines
confessions »86(*) : en effet, l'Eglise détient un
privilège car, la seule religion visée par les textes est le
christianisme. Cette distinction est à même d'enfreindre le
principe de non discrimination ensemble des articles 10 et 9 de la Convention.
B- La discrimination entre l'Eglise et les autres
religions
En effet, la Divisional Court a confirmé dans une
affaire R. v. Chief Metropolitan Stipendiary Magistrate87(*) qu' « Il ne
fait aucun doute pour nous que la loi dans son état actuel ne
s'étend pas aux religions autres que le christianisme » :
il s'agissait en l'espèce de l'ouvrage de Salman Rushdie dont l'action
en justice pour blasphème a été rejetée car la cour
a estimé qu'il n'était pas de son pouvoir d'établir une
nouvelle législation afin de se conformer aux conditions sociales du XX
siècle, ce pouvoir appartenant plutôt au parlement. En outre, la
redéfinition d'un crime et délit dans un sens plus
répressif (avec l'élargissement du délit de
blasphème aux autres religions) va à l'encontre, d'une part, de
l'exigence que l'ingérence soit « prévue par la
loi » et, d'autre part, elle viole clairement l'article 7 de la
Convention qui consacre le principe de la légalité des
délits et des peines. Et depuis l'incorporation, l'article 6(3) (a) de
l'HRA il est de la responsabilité des cours de donner des jugements
compatibles avec la Convention et la jurisprudence européenne. Par
conséquent, selon l'avis de la majorité des auteurs, cette
législation est non seulement dépassée mais en outre elle
est directement en violation avec le principe de non discrimination inscrit a
l'article 14 de la Convention. C'est pourquoi la Law Commission a
recommandé son abolition pure et simple en 198588(*)
Le comité sur les offenses religieuses note à ce
titre « il est incertain qu'une justification objective et
raisonnable sur la différence de traitement entre les différentes
croyances et religions puisse être étayée, de ce fait, il y
a un risque significatif que la législation sur le blasphème
viole l'article 14 pris ensemble avec les articles 9 et 10 ». Ce qui
implique après l'incorporation de la Convention Européenne que
les juridictions nationales puissent déclarer elle-même la mort de
ce délit. Mais, entre temps aucune décision n'a été
prise et, les procès pour diffamation blasphématoire sont
restés plus que rares (le dernier en cause reste celui de 1991).
La mort du délit de blasphème et son absence du
fait de la laïcité en France n'empêche pas une possible
limitation de la liberté de la presse sur le fondement de l'atteinte aux
sentiments religieux comme il en a été fait l'expérience
récemment lors de l'affaire des caricatures.
Paragraphe 2 : La variété des
réactions quant à l'outrage a la religion
Si la France et l'Écosse disposent d'une
législation sensiblement semblable quant à la diffamation et
à l'injure sur le fondement religieux, la dernière a
préféré la politique de l'apaisement sociale (B) au profit
d'un débat public et juridique intense connu en Hexagone (A).
A- La France : La mise en forme d'un débat
public
La publication de 12 caricatures89(*) représentant le
prophète de l'Islam par le journal danois Jyllands-Posten en Septembre
2005 a provoqué de vives réactions et une indignation mondiale au
sein de la population musulmane qui s'est sentie injuriée. Dans le
même temps, des intellectuels et journalistes ont refusé que la
liberté de la presse soit restreinte au nom d'une religion. C'est dans
ce contexte que le débat a surgi en France après la reprise par
certains journaux de ces caricatures90(*). Une proposition de loi a même
été déposée par le député M.
Jean-Marc Roubaud91(*)
pour interdire « tout discours, cri, menace, écrit,
imprimé, dessin ou affiche outrageant, portant atteinte volontairement
aux fondements des religions ». Les associations musulmanes Union des
Organisations Islamiques de France, la LigueIislamique mondiale et la Grande
Mosquée de Paris ont engagé une procédure pénale
devant le tribunal correctionnel de Paris contre le quotidien Charlie Hebdo
pour « injure publique à l'égard d'un groupe de
personnes à raison de leur religion » inscrite à
l'article 33 de la loi de 1881. Parmi les caricatures, trois sont visées
par les plaignants: celle de Cabu représentant le prophète
déclarant : "c'est dur d'être aimé par des cons", les
deux autres dessins repris du journal danois Jyllands-Posten, le
représentent portant un turban en forme de bombe et refoulant des
kamikazes au paradis avec la légende : "Arrêtez, arrêtez,
nous n'avons plus de vierges". Cette affaire a suscité une grande
agitation dépassant le cadre du procès: de nombreuses
personnalités politiques ont été citées comme
témoins par la défense transformant ce procès en
véritable tribune politique. Le tribunal correctionnel de Paris a
jugé que les caricatures publiées par Charlie Hebdo
n'étaient pas offensantes pour les musulmans car ne s'en prenant pas
à l'Islam mais aux intégristes.92(*) Toutefois, la décision précise que la
caricature représentant le prophète affublé d'une bombe
dans son turban « laissait clairement entendre que la violence
terroriste serait inhérente à la communauté
musulmane » et que ce dessein « par sa portée
était de nature à outrager l'ensemble des musulmans ».
Mais du fait de l'absence chez le journal d'intention de blesser, il n'a pas
été condamné.
Cette décision n'est pas en soi une innovation
juridique et, il semble bien qu'au regard des précédents,
l'affaire des caricatures ait été surexploitée de part et
d'autres pour faire valoir une supposée liberté d'expression
absolue ou un respect absolu des croyances. Sont en réalité en
jeu deux droits fondamentaux protégés aussi bien par les droits
national et européen: la liberté de croyance et sa protection
contre les injures et l'outrage et la liberté de la presse. En droit
interne, la Cour de cassation a déjà eu à se prononcer sur
ce genre d'espèces, même s'il est vrai qu'il est rare qu'elle
reconnaisse que la restriction à la liberté d'expression soit
justifiée. En effet, les termes utilisés doivent entrer dans les
catégories de la diffamation ou de l'injure ou de la provocation et ce
contre un groupe particulier ou un individu a raison de sa religion, et le
simple fait que la publication puisse heurter n'est pas suffisant: il faut
qu'elle dépasse les limites admissibles de la liberté
d'expression93(*). Ainsi
a-t-elle décidé dans un arrêt récent que
« la seule parodie de la forme donnée à la
représentation de la Cène qui n'avait pas pour objectif
d'outrager les fidèles de confession catholique, ni de les atteindre
dans leur considération en raison de leur obédience, ne constitue
pas l'injure, attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de
personnes en raison de leur appartenance religieuse »94(*). Mais il existe des cas dans
lesquels, les propos ont un caractère manifestement illicite car ils
mettent en cause une communauté particulière à raison de
sa religion.95(*) Au
niveau européen, le fait de se sentir outragé dans sa croyance
est considéré par la Cour de Strasbourg comme une justification
de l'atteinte à la liberté de la presse: « dans le
contexte des croyances religieuses, peut légitimement figurer
l'obligation d'éviter autant que faire se peut des expressions qui sont
gratuitement offensantes pour autrui et profanatrices »96(*) et, la restriction de la
liberté d'expression peut se justifier comme nécessaire dans une
société démocratique au sens de l'article 10 par. 2.
Nous pouvons conclure que l'émergence de ce
débat n'est pas tant dû aux implications juridiques qu'au contexte
international mêlant risque de confrontation des civilisations et
montée des extrémismes religieux et antireligieux. Cette tension
qui s'est transposée au niveau national à une mesure moindre a
été évitée dans le contexte anglo-saxon plus en
recherche de faire cohabiter les différentes religions dans une
société multiculturelle pacifiée.
B- Écosse : Une tentative d'apaisement
social
En effet, le ministre des affaires étrangères
britannique a déclaré que « la nouvelle publication de
ces caricatures n'était pas nécessaire. Elle a été
indélicate et témoigne d'un manque de respect » et il a
ajouté qu' « il n'y a pas d'obligation d'insulter ou
d'être gratuitement incendiaire »97(*). Par ailleurs, la presse
britannique a pris la décision volontaire et unanime de ne pas publier
les caricatures pour des raisons non seulement de sécurité mais
aussi pour éviter d'offenser gratuitement les musulmans et a
ajouté que ces caricatures pourraient être rejetées sur le
seul fondement qu'elles sont de mauvaises qualité98(*): le Guardian explique que si
le journal avait le droit de publier les caricatures, il n'y avait aucun devoir
d'outrager gratuitement les sensibilités religieuses, et
spécialement dans le contexte international de « clash des
civilisations ».99(*) Dans le même temps, a ressurgi le débat
sur la pertinence de la législation sur le blasphème et, une
législation qui s'applique à toute croyance a été
votée100(*) : un amendement a été
inséré le 16 Février 2006 au Public Order Act par
le Racial and Religious Hatred Act 2006101(*) qui crée une nouvelle
infraction d'incitation à la haine religieuse bien qu'elle ne s'applique
pas à l'Ecosse102(*) (le parlement écossais avait voté
le 20 Février 2003 une loi sur la justice criminelle qui inclut un
article relatif à l'aggravation des peines pour les crimes et
délits commis sur des fondements religieux). Celle-ci est
caractérisée lorsqu'« une personne qui utilise des
menaces ou adopte un comportement menaçant ou diffuse tout document
écrit menaçant est coupable de l'infraction s'il avait
l'intention d'inciter à la haine religieuse »103(*). Elle est limitée
par une disposition qui prévoit que cette loi ne doit pas être
interprétée de façon à réduire ou supprimer
la libre expression (incluant l'insulte) ni le prosélytisme.104(*) Ce qui laisse penser qu'elle
n'aura aucun effet pratique sur la situation juridique.105(*)
Ainsi, bien que le respect des convictions religieuses fasse
partie des domaines pour lesquelles la Cour Européenne des Droits de
l'Homme applique de façon large la doctrine de la marge
d'appréciation, le degré d'atteinte exigée en France et en
Écosse pour limiter la liberté de la presse est
élevé et ce malgré les différences de
modèles sociaux.
Section II : entre
obscénité et protection de la jeunesse
Si historiquement la morale était liée à
la religion et à la protection de l'ordre social, l'outrage aux bonnes
moeurs et les lois sur l'obscénité ont laissé place
à une acception plus individualiste (Paragraphe 1) qui se fonde
principalement sur la protection de l'enfance (paragraphe 2).
Paragraphe 1: La moralité: notion
évolutive par excellence
A- la jurisprudence européenne : une marge
nationale d'appréciation large mais non illimitée
L'arrêt Handyside106(*) fonde les principes directeurs en matière
d'appréciation de la moralité comme but légitime de
limitation de la liberté d'expression : il s'agissait en
l'occurrence du "petit livre rouge à l'usage des écoliers" dont
la publication britannique a fait l'objet de restriction et de poursuites sur
le fondement de l'obscénité. La Cour a souligné
l'importance de la liberté d'expression dans une société
démocratique (la liberté d'expression vaut aussi pour les
"informations" ou "idées" qui heurtent, choquent ou inquiètent
l'État ou une fraction quelconque de la population) mais n'a pas
constaté la violation de l'article 10 car la protection de la morale
bénéficie d'une large marge d'appréciation du fait de
l'absence de définition européenne uniforme et de la
diversité des pratiques. Elle met l'accent sur le fait qu'à
« notre époque caractérisée par une
évolution rapide et profonde des opinions en la
matière » l'idée de la morale varie dans le temps.
Cette jurisprudence très souple sera réitérée dans
le cadre d'une exposition d'art contemporain avec l'accent mis sur
l'accès libre aux enfants107(*).
En ce qui concerne directement les publications, la Cour
Européenne a eu l'occasion de se prononcer dans l'affaire Open Door
et Dublin Well Woman c/ Irlande.108(*) Il s'agissait en l'espèce de l'interdiction
en Irlande d'une brochure critiquant la législation qui permet
d'interdire de dispenser des services de conseil non directif sur les
possibilités d'avorter à l'étranger et celle qui
empêche une femme de se rendre a l'étranger dans l'unique but de
se faire avorter. La cour a rejeté l'existence d'un pouvoir
discrétionnaire absolu des États dans le domaine de la protection
de la morale bien qu'ils jouissent d'une large marge nationale
d'interprétation soumise au respect du critère de
proportionnalité. Il est inacceptable selon la cour d'interdire une
publication de manière absolue sans tenir compte de la situation du
destinataire (âge et état de santé) de sorte que la
restriction imposée est disproportionnée par rapport au but
poursuivi. Au surplus les informations sont facilement disponibles dans
d'autres sources ce qui démontre l'absence d'un besoin social
impérieux de l'ingérence.
Il ressort de ces arrêts que bien qu'en ce domaine, le
Cour concède une large marge d'appréciation aux États
membres, il n'en reste pas moins qu'elle établit les limites de la
liberté qui leur est accordée en appliquant le principe de
proportionnalité. Dans son appréciation, elle met en avant la
nature du public destinataire de l'expression visée: la restriction sera
d'autant plus justifiée qu'il est composé d'enfants ou de jeunes.
En outre, la publication visée doit représenter un réel
danger pour la morale afin d'éviter l'arbitraire: l'accessibilité
du contenu de la publication concernée est un élément
pertinent pour l'appréciation du critère du besoin social
impérieux.109(*)
B- Contexte national: entre l'abrogation et
interprétation évolutive de la notion de morale
La France pendant longtemps a connu le délit d'outrage
aux bonnes moeurs qui permettait sur le fondement de l'ordre public, de mettre
en cause les publications de caractère obscène. Aujourd'hui,
cette notion a laissé la place à un principe centré sur le
droit de l'individu: le droit au respect de la dignité de la personne
qui est une forme modernisée de la morale (1). Le droit écossais
a quant à lui conservé le concept d'obscénité
même si le juge par une interprétation évolutive en fait
muer la notion (2).
1. De l'outrage aux bonnes moeurs au principe de
dignité en France
En 1819, fut créé le délit d'outrage aux
bonnes moeurs et à la moralité publique et religieuse. Ainsi des
poursuites ont été intentées sur ce fondement contre
Flaubert pour l'écriture de Madame Bovary et contre Baudelaire
en raison de son recueil de poème les Fleurs du Mal.110(*) Bien que le premier fut
acquitté de justesse, le tribunal a déploré certains
passages soient à même de porter atteinte «à de
légitimes et honorables susceptibilités ». Quant au
second, il fut condamné à une amende et les 6 poèmes
incriminés interdits en raison de passages obscènes et immoraux.
Il sera tout efois réhabilité par une loi du 25 Septembre 1946 et
un arrêt de la Cour de Cassation.111(*) La loi de 1881 avait transformé cette
infraction en outrage aux bonnes moeurs puis elle en sera extraite pour
intégrer le Code pénal. Il en sera fait utilisation contre la
réédition des oeuvres de Sade qualifiées par la cour
d'appel de Paris d'obscène et « de nature à choquer
(...) même chez les personnes les plus
tolérantes »112(*) . Le nouveau code pénal a supprimé
l'outrage aux bonnes moeurs mais la moralité en tant que composante de
l'ordre public s'est muée en atteinte à la dignité de la
personne humaine.
Cette proximité des deux notions peut être
soulignée dans la mesure où elles se définissent comme une
violation des tabous sociaux, de valeurs morales intangibles. Une bonne
illustration de ce fait réside dans l'arrêt Commune de
Morsang-sur-Orge du Conseil d'Etat dans lequel il a déclaré que
« l'attraction de `lancer de nain`(...) porte atteinte à la
dignité de la personne humaine »113(*). En ce qui concerne la
presse, la Cour de cassation, pour justifier de l'illicéité de la
photographie représentant «le corps et le visage du préfet
assassiné, gisant sur la chaussée d'une rue d'Ajaccio »
a affirmé que «cette image était attentatoire à la
dignité de la personne humaine »114(*).
Mais c'est un jugement de la Cour de Paris qui semble le plus
en ligne avec notre analyse:115(*) il s'agissait en l'espèce, de l'interdiction
sur le fondement de l'atteinte à la dignité de la personne
humaine d'une publicité (notamment par voie de presse) de Benetton qui
représentait des parties de corps nus simplement
« marqués » du signe « HIV
positive ». En effet, la Cour a justifié sa décision
car la publicité avait utilisé « une symbolique de
stigmatisation dégradante pour la dignité des
personnes ».
La dignité de la personne a d'ailleurs
été inséré dans le nouveau code pénal en
lien avec la protection de l'enfance en interdisant les messages
« à caractère violent ou pornographique ou de nature
à porter gravement atteinte à la dignité
humaine (...) lorsque ce message est susceptible d'être vu ou
perçu par un mineur»116(*). Cette législation vient renforcer la loi
relative aux publications destinée à la jeunesse qui sera
étudiée après l'analyse de la situation écossaise.
2. L'évolution du concept d'obscénité en
Ecosse
En Écosse la législation sur
l'obscénité se justifie par le besoin de protéger la
société ou les individus contre le fait d'être
choqué où offensé par des publications à
caractère sexuel principalement: elle a été d'abord
développée par la Common Law et plus récemment par
intervention du législateur. Elle a été définie par
la Common Law comme `possédant la faculté de corrompre et de
dépraver la morale publique`117(*). La dernière condamnation fondée sur
la Common Law date de 1843 et précise que l'offense consiste
à « publier, vendre, diffuser ou, contribuer à
publier, à vendre ou à diffuser tout livre ou toute oeuvre
imprimée obscènes, orduriers, impurs ou grossiers conçus,
inventés, et dans l'intention délibérée de
corrompre et de saper la morale des sujets, en particulier les jeunes et les
enfants des deux sexes, pour déclencher et créer dans leurs
esprits des désirs luxurieux et
démesurés »118(*). On retrouve ici un mélange entre protection
de l'ordre moral avec la référence à la morale publique,
protection de la moralité des individus (des sujets, dans le texte:
`lieges`) et la protection de l'enfance. Cette offense de la Common
Law a été restreinte dans son application dans les cas de vente
et de diffusion effectives des publications obscènes avec la ferme
intention de saper les fondements de la morale. En vérité, il
n'existe pas de précédents contemporains de condamnation
d'éditeur uniquement sur le fondement de l'obscénité
contrairement à l'Angleterre.119(*)
Un autre crime de Common Law trouve à jouer
dans la restriction de la liberté de la presse : l'outrage aux
bonnes moeurs (« shameless indencency » à
la base « outrage public à la pudeur ») est commise
par la vente et l'exposition a la vente d'articles obscènes
« susceptibles de dépraver ou de corrompre la morale des
sujets et de créer dans leur esprit des désirs luxurieux et
excessifs »120(*). Contrairement à la précédente,
cette offense ne semble pas destinée à protéger un public
particulier: il suffit de démontrer l'intention ou la connaissance du
caractère dépravant de la publication sur les personnes
visées.121(*) Le
fait que l'exposition se soit restreinte au plus de 18 ans, loin d'être
exonératoire, est en fait un élément de preuve de la
connaissance par l'auteur du caractère obscène de la
publication.122(*)
La définition de l'obscénité va
dépendre des critères contemporains du sens de la décence
et de la moralité, et se prête donc à une grande
évolution aussi bien dans l'espace que dans le temps. Ainsi, ce qui
était choquant il y a une trentaine d'année est aujourd'hui
banal. Les cours par une jurisprudence évolutive pourront faire
concorder droit et demande sociale: les documents destinés aux adultes
par exemple ne seront pas considérés comme obscènes s'ils
comportent seulement des éléments érotiques car, il faut
en plus, la présence d'éléments incitant aux comportements
violents et pervertis123(*). D'autre part, il est reconnu par la jurisprudence
qu'une publication sera considérée comme obscène ou non
selon qu'elle touche un enfant, un adolescent ou un adulte124(*). L'affaire Dean v John
Menzies a fortement restreint la portée de l'offense: le mens rea
(l'élément moral) du crime ne peut être assigné
à une société.L'outrage aux bonnes moeurs ne peut
être attribué à une personne morale car selon Lord Stott et
Lord Maxwell, c'est `un comportement que seul l'être humain est capable
[d'adopter]`. Enfin, il est imprudent d'étendre le champ de l'offense
sans en référer au parlement.125(*) La jurisprudence semble être revenue à
une acception traditionnelle de la notion de « shameless
indencency » comme « attentat a la
pudeur »126(*) : il ne suffit pas que le magazine soit
obscène ou indécent pour déclencher la
responsabilité pénale, il est nécessaire de
démontrer au surplus que la publication en cause soit susceptible de
corrompre et de dépraver127(*)
En ce qui concerne la législation d'origine
parlementaire, l'Indecent Displays (Control) Act de 1981 prohibe toute
exposition indécente dans les lieux publics.128(*) le Civil Government
(Scotland) Act de 1982 énonce qu'est considéré comme
délit `le fait pour une personne de publier, vendre ou distribuer ou en
vue de son éventuelle vente ou distribution, produire, imprimer ou
détenir tout matériel obscène`129(*) : étant compris
que matériel désigne entre-autre livres, magasines et
photographie. Si généralement l'obscénité a
été confinée à la sexualité, il existe une
jurisprudence John Calder (Publications) Ltd v. Powell130(*) qui l'a étendue
à l'incitation à la prise de drogue. Cette législation
s'applique même aux documents textuels selon la jurisprudence Ross
(Crawford David) v H.M Advocate131(*). On ne peut échapper à la condamnation
qu'en prouvant qu'il a été fait usage de toute diligence
possible pour éviter de commettre ce délit: ainsi, la
responsabilité du distributeur des documents obscènes en cause ne
sera pas engagée s'il prouve qu'il n'a pas examiné l'article en
question ou qu'il n'avait aucune raison de suspecter son caractère
obscène132(*).
Paragraphe 2: La protection de la jeunesse
En France, la disparition de l'outrage aux bonnes moeurs n'a
pas seulement donné naissance à la profusion du principe de
respect de la dignité de la personne humaine, mais a aussi
renforcé la législation sur les publications destinées
à la jeunesse. Mais contrairement à l'Écosse où la
législation générale sur l'obscénité s'est
peu à peu restreinte aux publications visant la jeunesse (A), la France
a vu sa législation spécifique être détournée
de son but aux dépends de la liberté de la presse (B)
A- La jeunesse comme une cible à
protéger des influences démoralisantes et violentes
1. Écosse : L'évolution du délit
d'obscénité à des fins de protection de l'enfant
Le philosophe grec Platon avait déjà
exprimé son inquiétude au sujet de l'influence des poèmes
dramatiques sur les « esprits impressionnables » des jeunes
personnes. Depuis les différentes formes que prennent les médias
ont été considérées comme source de
dépravation de la jeunesse : au dix neuvième siècle, il
s'agissait de la littérature romantique, aux vingtième
siècle les films, les bandes dessinées ainsi que les 'mangas' qui
ont été la cibles d'attaques du fait de la violence de leur
scène qui s'insinue dans l'esprit du public jeune: la délinquance
juvénile a pour partie été expliquée par la
profusion dans les médias de ce type de productions. 133(*)
Concernant la Common Law, le crime d'outrage aux
bonnes moeurs requiert de la publication qu'elle ait un « effet
pernicieux » sur la personne destinataire c'est-à-dire qu'elle
mène à un « dévoiement
moral »134(*).
L'interprétation requiert une appréciation in abstracto
selon le critère du «bon père de famille » :
ainsi le fait qu'une publication provoque une réponse sexuelle normale
chez un public adulte ne suffit pas à remplir la condition de l'effet
pernicieux.135(*) Dans
cette affaire le sheriff a observé que « dans les conditions
modernes, cela doit signifier qu'on exige plus que le simple fait de stimuler
les désirs sexuels normaux chez les adultes » et ajoute que
« l'opinion publique actuelle garde encore en vue le fait qu'une
activité sexuelle avec la participation d'enfants soit de la
perversité ». Par l'utilisation de la technique de
l'instrument vivant, la Common Law a restreint l'infraction d'outrage aux
bonnes moeurs aux enfants et adolescents.
Elle a été complétée par des
Statuts: la protection dès lors n'est pas seulement garantie contre le
risque de la publication obscène mais, le législateur a aussi
prévu la punition d'une mise en scène sexuelle de l'enfant. Pour
ce qui est du premier volet de la protection de l'enfance, l'Indecent
Displays Act reconnaît parmi les dérogations à
l'interdiction d'exposer du matériel impudique quand les personnes de
moins de 18 ans ne sont pas autorisées. 1.le fait que l'accès du
lieu soit payant sur le fondement du caractère indécent de la
publication, 2.l'accès à la boutique qui vend de tels produits
soit signalé d'un avertissement adéquat.
Afin de combattre la pédophilie, la législation
sur la protection de l'enfance interdit de prendre une photographie
indécente d'un enfant (personne de moins de 16 ans), au surplus il est
prohibé de la distribuer, montrer, posséder avec l'intention de
distribution et d'en faire la publicité. L'article 160 du Criminal
Justice Act de 1988 dispose en outre que : « la possession de
photographies indécentes ou de pseudo-photographies d'un enfant est une
infraction grave punissable d'une peine de maximale de six mois
d'emprisonnement». Cette disposition a été utilisée
avec succès dans de nombreuses condamnation pour possession de
photographie de pornographie infantile.
2. France: la persistance du régime préventif au
nom de la protection de l'enfant
La loi du 16 juillet 1949 sur les publications
destinées à la jeunesse a la particularité de mettre en
place un régime répressif exorbitant du droit commun: elle met en
place un système préventif qui met en péril le
caractère fondamental de la liberté de la presse tel que
définie par le Conseil Constitutionnel dans la décision
précité `Entreprise de presse`. C'est donc une arme dangereuse
qui peut réhabiliter la censure connue avant la loi de 1881.
La loi de 1849 est entrée en vigueur avec la
publication d'un décret du 1er Février 1950: elle est
destinée à restreindre la liberté d'expression pour les
publications principalement destinées à la jeunesse sur le
fondement de la protection de la moralité. Ainsi l'article 2 dispose que
les publications « ne doivent comporter aucune illustration, aucun
récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion
présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la
paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes
qualifiés crimes ou délits ou de nature à
démoraliser l'enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir
des préjugés ethniques » et ne « doivent
comporter aucune publicité ou annonce pour des publications de nature
à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ». Pour veiller
à l'application de ces mesures, une commission est instituée au
ministère de la justice à l'article 3 pour signaler aux
autorités compétentes les infractions à la loi. En outre,
l'article 14 de cette loi donne la compétence au ministère de
l'intérieur d'interdire la diffusion, la vente, l'exposition en public
et la publicité à des mineurs de moins de 18 ans de publications
à caractère licencieux et protection de la jeunesse
pornographique ou qui présentent un danger du fait « de la
place faite au crime ou à la violence, à la discrimination ou
à la haine raciale, à l'incitation, à l'usage, à la
détention ou au trafic de stupéfiants ». Ce
régime juridique quoique autoritaire (interdiction préalable) a
été considéré conforme à l'article 10 de la
convention européenne par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 19
Janvier 1990136(*) et
confirmé postérieurement.137(*)
Ainsi cette loi a été utilisée par le
ministre de l'intérieur dans une série d'affaires du fait du
caractère pornographique138(*) et du prosélytisme envers la pédophile
des publications139(*).
Récemment le ministre s'est prévalu de cette législation
pour interdire par arrêté à la revue BRUT d'être
proposée, donnée, vendue aux mineurs et exposée par les
éditions de presse : il reprochait à cette publication
« la place faite à la violence dans cette revue », ainsi
que « le danger qu'elle représente pour les mineurs qui pourraient
l'acquérir ». Le Conseil d'Etat a refusé l'annulation d'une
telle décision qui trouve sa justification du fait « de
nombreuses photographies de cadavres mutilés, à la suite
d'agressions ou d'accidents destinés à choquer le lecteur par
leur caractère violent ainsi que des photographies
pornographiques ». Par ailleurs, le moyen tiré de la violation
de l'article 10 est inopérant dans la mesure où l'atteinte
apportée à la liberté d'expression entre dans le champ
d'application de l'article 10 (2) et n'est pas disproportionnée.
B- les risques de détournement de la loi de
1949
Cette conclusion semble inquiétante car la
législation a été détournée maintes fois de
son objectif initial pour desservir des buts plus inavouables : la revue
satirique Hara-kiri fut ainsi frappée d'interdiction de vente aux
mineurs et d'exposition pour avoir fait un commentaire ironique sur la mort du
Général de Gaulle. Il s'agissait du prédécesseur de
Charlie Hebdo connu pour sa tendance cynique et parfois grivoise avec pour sous
titre provocateur <journal bête et méchant>. Il faut savoir
qu'il avait été interdit deux fois en 1961 et en 1966. En
novembre 1970, il a titré après la mort du General De Gaulle:
« Bal tragique a Colombey: 1 mort » en
référence à un incendie d'un dancing à la
même date ou plus de 100 personnes ont perdu la vie. Le terme
« Bal tragique » avait été maintes fois
utilisé pour décrire ce fait divers une semaine avant le
décès du Général de Gaulle. C'est de façon
parodique que l'expression a été reprise par Hara-kiri. Ce
numéro sera le dernier car la loi de 1949 a servi de fondement juridique
pour interdire toute nouvelle publication. On peut s'interroger sur
l'utilisation de la législation dans cette affaire: la loi dispose
clairement en son premier article qu'elle s'applique
aux« publications périodiques ou non qui, par leur
caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme
principalement destinées aux enfants et adolescents » et il
reste douteux que tel était le cas en l'espèce. On pourrait
craindre l'institution d'une véritable censure d'Etat avec le
détournement de cette réglementation: toutefois ce n'est pas dans
la presse qu'une utilisation outrancière a vu le jour mais dans le monde
du 9eme art: la bande dessinée140(*).
Bien que le juge administratif exerce un contrôle entier
sur les interdictions prononcées, il reste cependant le fait que cette
législation donne à l'administration un immense pouvoir au nom de
la préservation de la moralité. Cette tentation de l'interdit se
profile de la même façon au nom de la lutte contre le racisme et
le négationnisme encore une fois plus dans le système
français qu'écossais.
Titre 2 : Propos racistes et
négationnistes: traitement plus répressif en France
Conformément à la jurisprudence de la Cour
européenne, la répression des publications à
caractère raciste ou à l'encontre d'un groupe
déterminé de la société constitue un but
légitime de protection de la réputation et des droits d'autrui
nécessaire dans une société démocratique 141(*) mais une affaire Jersild
c/ Danemark est venue jeter le trouble sur cette dernière exigence
bien qu'en réalité il s'agisse d'une apparence (Section I). Reste
que comme le soulève le dernier rapport de RSF la prohibition des
thèses négationnistes, sous marge d'appréciation des
États, suscite des interrogations quant à l'existence d'un besoin
social impérieux la justifiant. Bien que la Cour Européenne se
soit prononcée en faveur de son maintien (Section II).
Section I : L'incitation à la haine raciale et
à la discrimination
Le droit des autres de ne pas souffrir de la haine raciale et
de la discrimination est une justification légitime de la limitation de
la liberté de la presse dans le droit de la Convention Européenne
si on relie l'article 10 avec l'article 14 qui interdit toute discrimination
fondée « sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine
nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation ». En outre, L'article
17 de la Convention Européenne qui condamne l'abus de droit justifie
que l'article 10 ne peut être utilisé pour s'en prendre aux
valeurs de pluralisme de tolérance et l'ouverture d'esprit sans lequel
selon la Cour Européenne142(*) il n'est pas de "société
démocratique". Ainsi, l'article 10 ne peut être utilisé
pour protéger la littérature promouvant la haine
raciale143(*) comme le
prévoient les législations française et
écossaise.(paragraphe 1). Toutefois, ce principe trouve sa limitation
dans l'arrêt Jersild: la diffusion par les médias de propos
racistes dans le cadre d'un reportage sur les groupes extrémistes n'est
pas de nature à justifier une ingérence dans la liberté
d'expression 144(*)(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Étendue diversifiée
de la protection de la personne
Avec la protection de la morale, la prohibition de la
discrimination fait partie des notions à « double
visage » au sens où on peut les entendre comme partie
intégrante de la protection de l'intérêt public et, en
même temps en tant que protection des droits de la personne. Si les deux
systèmes reconnaissent cette particularité, il est notable qu'en
ce qui concerne le délit de presse, la France a penché pour une
approche plus « individualiste » avec l'utilisation de la
législation relative à la diffamation et à l'injure (B),
tandis que l'Écosse réprime les expressions racistes dans le
cadre de la protection de l'ordre public (A). On pourrait analyser cette
différence en notant que l'Écosse en tant que pays anglo-saxons a
choisi le modèle du multiculturalisme ou elle reconnaît
l'existence de minorités, alors que la France, forte de la
laïcité et de l'indivisibilité de la Nation ne
reconnaît, que des citoyens égaux devant la loi.
A- En Écosse: la protection dans le cadre de
l'ordre public
En droit interne, le Public Order Act145(*) est la législation
pertinente bien qu'elle ait trait à l'ordre public car, elle contient
les règles générales concernant l'incitation à la
haine raciale: ce texte dispose qu'il est interdit de s'exprimer ou d'agir
dans un lieu public d'une manière susceptible d'encourager la haine
raciale: le fait d'utiliser sciemment ou de diffuser sur papier des propos
insultant, dangereux ou abusif qui développent la haine contre un groupe
racial est un délit.146(*) Le groupe racial est défini comme tout groupe
de personnes par référence à la couleur la race, la
nationalité, l'ethnie ou les origines nationales.
La loi a été conçue de telle
manière qu'elle ne puisse pas inclure parmi les personnes
protégées les sionistes car c'est une appellation plus politique
qu'ethnique ou nationale147(*), et, les musulmans protégés ailleurs
par la loi sur les circonstances aggravantes des délits et des peines de
2003.148(*) Il faut
noter que cette législation a été critiquée car
elle n'apporte pas de solution concernant les manifestations et marches
pacifiques à motivation raciste.149(*)
Ces limitations ne sont pas absolues et sont donc l'objet
d'exceptions150(*) : il y a une exonération complète
si l'élément moral est absent c'est-à-dire que l'auteur de
la publication n'avait pas eu pour intention d'inciter à la haine
raciale et qu'il ne pensait pas que les mots utilisés ou son
comportement aient pu être menaçants, abusifs ou insultants. Par
ailleurs, il a été pris en compte le fait que les comptes-rendus
parlementaires ne puissent faire l'objet de poursuite151(*).
Cette législation est critiquée par Geoffrey
Robertson et Andrew Nicol dans leur manuel Media Law: en effet, selon
eux, « la législation sur la haine raciale peut
potentiellement réprimer l'expression d'opinions politiques
sincères bien que formulées en des termes vulgaires ou
insultants ». Ils prennent en exemple l'affaire R. v. Malik
dont laquelle la première personne visée par ces textes fut
Michael X, condamné par un jury blanc en 1967 pour avoir tenu des propos
de militant des Black Power. Ils soulignent que paradoxalement, celui-ci fut
remplacé par un autre activiste interdit de séjour en
Grande-Bretagne et qui sera 30 années plus tard salué pour avoir
identifié un racisme institutionnel! Par ailleurs toujours selon les
auteurs, condamner des idées racistes c'est en fait contribuer à
leur faire de la publicité et transformer des coupables en
martyrs.152(*)
Toutefois, d'une part il semble inacceptable de justifier la tenue de propos
racistes par le fait d'être victime d'un autre racisme: dans ce contexte,
il n'y a plus de place pour la coexistence et la tolérance et, les
revendications politiques des minorités oppressées ne peuvent que
paraître déplacées du fait de cette position. En outre, la
publicité qu'un procès entraîne peut s'analyser de
façon tout à fait inverse: à savoir que la peine a une
force dissuasive et montre la désapprobation de la société
dans son entier. Il appairait clairement que la législation est
justifiée même si les effets qu'elle engendre peuvent
paraître inattendus.
Hormis cette législation, le parlement a voté
une loi, le Sex Discrimination Act 153(*) qui rend illégale toute publicité
discriminatoire fondée sur le sexe: même l'utilisation de termes
connotés pour la description d'un emploi (`barman`, `sales girl`)
contrevient à cette loi. L'Equal Opportunities Commission a
été créée pour intenter des actions contre
l'éditeur de telles publicité dans les six mois qui suivent la
publication.
Cette législation fondée sur l'ordre public
n'est pas toujours satisfaisante en soi car elle amène en quelque sorte
à mettre tous les faits divers à caractère raciste au
devant de la scène publique: il est parfois préférable
d'identifier le problème dans son contexte à des fins uniques de
protection des droits de la personne lésées comme c'est le cas en
France.
B- En France: la protection contre la diffamation et
l'injure raciale
Le droit français a tardé à incriminer
les propos à caractère raciste: la réforme la plus
significative remonte à la loi du 1e juillet 1972 qui a
été adoptée suite a la ratification de la Convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
En matière de presse, la loi de 1881 interdit outre la
diffamation et l'injure commise a l'égard de personne à raison de
son appartenance à un groupe déterminé154(*), la promotion de la
discrimination et l'incitation à la haine ou à la violence
à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur
origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une
ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, à
raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap (article
24). Il est exclusif de bonne foi dès lors que les paroles
incriminées tant par leur sens que par leur portée tendent
à inciter le public à la discrimination envers un groupe de
personnes déterminées. Ainsi sont aussi bien
protégés sur ce fondement les personnes prises ut
singuli que les groupes de personnes lorsque le discours incriminé
a une portée 1) diffamatoire ou injurieuse : c'est-à-dire
une atteinte par l'imputation d'un fait ou non à la considération
ou à l'honneur des personnes visées ; et 2) une connotation
raciale, ethnique ou religieuse. L'appréciation du contenu des propos
est une question de fait : elle est donc laissée au pouvoir
souverain des juges du fond, sous le contrôle de la cour de
cassation155(*). A ce
titre, les tribunaux font preuve de réticence en donnant une
interprétation extrêmement restrictive de ces conditions156(*) : ainsi les attaques
visant les étrangers ou les immigrés en général ne
constituent pas l'infraction à l'article 24. De même, la cour de
cassation dans un arrêt récent a précisé que ne sont
pas constitutifs d'une diffamation antisémite « les propos
(...) isolés au sein d'un article critiquant la politique menée
par le gouvernement d'Israël à l'égard des
Palestiniens ». En effet, ils « n'imputent aucun fait
précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à
la considération de la communauté juive dans son ensemble en
raison de son appartenance à une nation ou à une religion, mais
sont l'expression d'une opinion qui relève du seul débat
d'idées »157(*). En faisant la distinction entre la critique d'une
politique d'un État et la provocation ou l'incitation directe à
la haine et à la discrimination raciale, le droit français
s'inscrit dans la droite ligne des vues de la Cour Européenne dans son
arrêt Jersild: la lutte contre le racisme et la discrimination ne doivent
pas empêcher l'instauration d'un espace public de libre discussion ou,
lorsqu'est en jeu le droit à l'information.
Paragraphe 2: Les limites adoptées par la
CEDH
La Cour Européenne des Droits de l'Homme s'est
exprimée sur ce sujet dans l'arrêt précité
Jersild c/ Danemark: bien que cette affaire eut porté sur un
programme télévisé, les principes énoncés et
l'argumentation sous-jacente donne un regard éclairant sur le point de
vue de la Cour en ce domaine. Il s'agissait en l'espèce d'un journaliste
danois condamné pour complicité de propos racistes pour avoir
diffusé une émission dans la laquelle il avait laissé
s'exprimer librement des jeunes ouvertement racistes et xénophobes (les
blousons verts). La Cour a recueilli la demande du journaliste de constater que
la condamnation a enfreint l'article 10 de la Convention: elle rappelle ainsi
que dans le cadre du droit à l'information, préférence est
donnée à la liberté d'expression (A), toutefois, elle
souligne les devoirs et responsabilités des journalistes:
l'objectivité et la prise de distance vis-à-vis des expressions
interdites (B)
A- Renforcement de la liberté de la presse dans
sa contribution aux discussions de problèmes d'intérêt
général
Dans la jurisprudence en cause, la Cour de Strasbourg semble
s'écarter de la doctrine de la large marge d'appréciation des
États accordées à ces derniers dans les domaines de
l'expression d'opinions qui heurtent les sensibilités personnelles mais,
en réalité, l'affaire ne met pas en cause la tenue de propos
racistes aux prises avec la liberté d'expression. Il s'agit en
réalité de savoir si la retranscription d'expression de haine
raciale peut s'inscrire dans le cadre de l'information.
La cour répond en affirmant que «les reportages
d'actualités axés sur des entretiens, mis en forme ou non,
représentent l'un des moyens les plus importants sans lesquels la presse
ne pourrait jouer son rôle indispensable de "chien de garde"
public»158(*).
Ainsi, la diffusion de propos racistes émanant de tiers peut participer
de « la contribution de la presse aux discussions de problèmes
d'intérêt général »159(*). Dans cette affaire, le
reportage s'inscrivait dans un contexte de débat public sur le racisme
au Danemark et, a été diffusé dans le cadre d'une
émission d'actualité danoise sérieuse.
C'est une jurisprudence constante et
réitérée que la Cour Européenne reprend pour
justifier son contrôle restreint dans le domaine de la presse
d'information: en effet, elle a maintes fois affirmé
qu' «assurément, l'article 10 par. 2 de la Convention (art.
10-2) ne laisse guère de place pour des restrictions aÌ la
liberté d'expression dans le domaine du discours politique ou de
questions d'intérêt général »160(*). En effet, selon la doctrine
de la Cour Européenne, la presse joue un rôle essentiel dans une
société démocratique161(*) car il lui incombe de communiquer les informations
au public sur les questions d'intérêt public: par ce biais, elle a
non seulement une fonction de diffusion mais, elle permet aussi au public de
jouir du droit de recevoir l'information162(*).
Toutefois, afin de ne pas donner aux journalistes la
possibilité de se retirer derrière ces principes pour faire
l'apologie du racisme, la Cour Européenne a souligné qu'il
était important pour le journaliste de respecter un certain nombre de
devoirs et est tenu par des responsabilités: il ne doit pas
épouser les thèses exprimées par les personnes
interrogées.
B- Devoirs et responsabilités du journaliste
dans la transmission de propos racistes
Dans son appréciation de la portée des devoirs
et responsabilités qui incombent au journaliste, la Cour
Européenne a mis l'accent sur deux éléments: l'attitude du
journaliste et la réaction prévisible du public visé.
La Cour souligne comme élément de grande
importance le fait que le journaliste ne profère pas lui-même les
déclarations incriminées mais, a uniquement aidé à
leur diffusion. Toutefois, du fait de l'impact potentiel que les médias
exercent sur la population, le journaliste doit prendre toutes les
précautions nécessaires au vu des effets que peuvent produire son
reportage. Ainsi, il ne doit pas poursuivre un but caché de propager des
idées ou opinions racistes mais, au contraire, il doit se limiter
à « exposer, analyser et expliquer » les origines de
celles-ci et non à les endosser. Ainsi, il semble suffisant pour la Cour
de s'en tenir à des faits sans ajouter de commentaires explicites qui
marquent la prise de distance du journaliste vis-à-vis des propos
exprimés. Elle considère comme acceptable l'absence d'un
avertissement qui rappel que l'incitation à la haine raciale est
immorale, dangereuse et illégale. Le devoir d'objectivité suffit
à lui seul à le dédouaner. Cette interprétation de
la cour a été critiquée par les opinions dissidentes: le
journaliste a le devoir de rappeler le caractère intolérable de
déclarations racistes dans une société démocratique
d'autant qu'en l'espèce, le journaliste a joué un rôle en
provoquant par l'entretien les déclarations racistes. En effet,
l'absence de réaction significative du journaliste constituerait une
«incitation au mépris» vis-à-vis des groupes
visés par les propos racistes.
Pour en juger ainsi, la Cour de Strasbourg souligne le fait
que le public visé soit bien informé et que, pris dans son
ensemble le reportage faisait passer le message que ces propos sont le fait
d'une attitude antisociale. Elle épouse ainsi la thèse du
requérant selon laquelle les propos injurieux avaient plutôt pour
effet de ridiculiser leurs auteurs que de promouvoir leurs thèses
racistes: dans cette perspective, le simple fait de diffuser ces propos sans
commentaires revient en réalité à les combattre par le
dégoût qu'il suscite au sein de la population. Mais là
encore, les opinions dissidentes ne se satisfont pas de ce jugement car, selon
elles, se fier aux saines réactions de rejet parmi les destinataires est
une preuve « d'optimisme (...) que l'expérience
dément» : du fait de son désespoir une grande partie de
la population accueille favorablement ce genre de propos dans leur recherche de
boucs émissaires.
Si en ce qui concerne les propos racistes, la cour
considère comme disproportionnée l'interdiction de toute
transmission objective, il est plus problématique d'adopter les
mêmes critères pour ce qui est des thèses
négationnistes: en effet, c'est sous le couvert de la recherche
historique et de l'objectivité que s'exprime ce type de racisme.
Section II: La spécificité française
dans la lutte contre le négationnisme
Dans ce domaine, il n'existe pas de pratique uniforme parmi
les pays membres du Conseil de l'Europe.Toutefois, le protocole additionnel
à la Convention sur la cybercriminalité entré en vigueur
le 1er Mars 2006 requiert des États contractants qu'ils
érigent en infractions pénales la diffusion par voie informatique
de « matériel qui nie, minimise de manière
grossière, approuve ou justifie des actes constitutifs de
génocide ou de crimes contre l'humanité ». Mais il faut
relativiser la portée de cet engagement international car, seuls onze
pays membres du Conseil de l'Europe l'ont ratifié. Ainsi, le Royaume-Uni
qui ne connaît pas une telle législation criminelle ne fait
même pas partie des États signataires. Donc, conformément
à la doctrine de la marge d'appréciation, les États ont
dans ce domaine une large marge de manoeuvre et la Cour Européenne
reconnaît la nécessité de telles mesures dans une
société démocratique (paragraphe1) toutefois il est
intéressant de noter qu'un certain nombre de craintes ont
été exprimées dans l'édification d'une
vérité historique officielle (paragraphe2)
Paragraphe 1 : la conformité de la
pénalisation du négationnisme à la Convention
La législation visant à pénaliser les
thèses négationnistes entre directement en conflit avec l'article
10 de la Convention Européenne mais il a été jugé
aussi bien par les juridictions nationales (A) que par la Cour
Européenne (B) que cette ingérence poursuit des buts
légitimes de protection des droits d'autrui et, correspond à un
besoin social impérieux.
A- Le contexte national de la répression du
négationnisme
La loi 90-615 dite Gayssot du 13 Juillet 1990 (modifiée
par la loi n°92-1336 du 16 Décembre 1992) visant à
réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe avait
introduit un nouveau délit en son article 9 qui pénalise le
Révisionnisme. Elle a modifié l'article 24 bis qui dispose qu'est
considéré comme un crime le fait de contester
« l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels
qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire
international annexé à l'accord de Londres du 8 Août
1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une
organisation déclarée criminelle en application de l'article 9
dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une
juridiction française ou internationale». L'article 6163(*) du Statut du Tribunal
Militaire International énonce trois types de crimes soumis à sa
juridiction : crime contre la paix, crime de guerre et crime contre
l'humanité. Cela vise exclusivement donc l'extermination et la
persécution des Juifs durant la seconde guerre mondiale. Par ailleurs,
la Cour de cassation164(*) a précisé que « la
minoration outrancière du nombre [de victimes de la politique
d'extermination] caractérise le délit de contestation de crimes
contre l'humanité prévu et puni (...) , lorsqu'elle est faite de
mauvaise foi ». En outre, la contestation de l'existence de la Shoah
entre dans les prévisions de la loi même « même si
elle est présentée sous une forme déguisée ou
dubitative ou par voie d'insinuation»165(*), lorsqu'un journaliste expose sans s'approprier
explicitement les thèses soutenues par un auteur révisionniste.
Enfin, elle est également constituée lorsqu'elle est
présentée sous couvert de recherche supposée d'une
vérité historique lorsqu'elle mène à la
négation de crimes contre l'humanité commis par les nazis
à l'encontre de la communauté juive.166(*)
Le juge national a dû se pencher sur la
légalité et la nécessité de cette loi qui pourrait
porter une atteinte non seulement à la liberté d'expression mais
aussi à la recherche scientifique. Ainsi, la cour de cassation dans un
arrêt du 23 Février 1993167(*) a confirmé la condamnation du directeur de
la revue mensuelle Révision pour la parution dans ce
périodique d'un certains nombres de passage qui nient la
réalité de l'holocauste. Elle a affirmé que la loi Gayssot
dans sa répression du négationnisme n'est pas contraire à
l'article 10 de la convention dans la mesure où: « le principe
de la liberté d'expression, posé par l'alinéa 1er de
l'article 10 de ladite Convention, comporte certaines exceptions prévues
par son alinéa 2 et que l'incrimination des infractions, prévues
par les articles précités de la loi modifiée du 29 Juillet
1881, sanctionne des comportements attentatoires à l'ordre public et aux
droits des individus ; que, dès lors, ne sont pas excédées
les limites fixées par le second alinéa de l'article 10
précité ».
Parmi les éléments justificatifs
évoqués dans les arrêts de la Cour de cassation nous
trouvons que la pénalisation des opinions négationnistes poursuit
le but légitime de protection des droits d'autrui prévu a
l'article 10 paragraphe 2. De plus, il répond au besoin impérieux
de lutte contre le racisme: elles «portent atteinte à la
mémoire des victimes du nazisme et sont susceptibles de troubler la
coexistence harmonieuse des personnes au sein de l'Etat français du fait
qu'ils propagent des idées tendant à réhabiliter la
doctrine et la politique de discriminations raciales nazies»168(*) Enfin la Cour de cassation
pour justifier de la conventionalité de la loi Gayssot se
réfère à la jurisprudence de la Cour Européenne
selon « laquelle l'holocauste entre dans la catégorie des
faits historiques clairement établis et dont la négation ou la
révision est soustraite par l'article 17 à la protection de
l'article 10 ; que tout propos dirigé contre les valeurs qui
sous-tendent la Convention Européenne ne saurait
bénéficier de la protection de l'article 10 »169(*)
B- Jurisprudence européenne favorable
En effet, La Cour Européenne l'a affirmé dans un
arrêt Lehideux c/ France 170(*) en adéquation avec la jurisprudence de la
Cour de cassation. La Commission dans une jurisprudence abondante avait
déjà établis les principes auparavant en affirmant qu'
« (,,,) ainsi que la nécessité de protéger la
réputation et les droits d'autrui l'emportant, dans une
société démocratique, sur la liberté du
requérant de diffuser des publications déniant l'existence du
gazage des Juifs sous le régime nazi ». Dans un arrêt
récent concernant l'affaire Garaudy, la Cour Européenne
précise que le négationnisme a pour objectif de
réhabiliter le régime nazi et d'accuser de falsification
historique les victimes elles-mêmes. Par conséquent,
« la contestation de crimes contre l'humanité apparaît
comme l'une des formes les plus aiguës de diffamation raciale envers les
Juifs et d'incitation à la haine à leur
égard »171(*). Ces actes sont incompatibles avec promotion de la
démocratie et les droits de l'homme, objectifs de la Convention
Européenne: conformément à l'article 17 de la Convention,
on ne peut donc se prévaloir de l'article 10 pour des propos tendant
à la contestation du génocide juif.
Cette attitude inflexible vis à vis de toute remise en
cause de « faits historiques clairement établis »
bien que justifier par la volonté de mener un combat actif contre le
racisme et faire échouer toute tentative de restauration de
régime nazi n'est pas sans poser de risques pour la démocratie
elle-même.
Paragraphe 2 : Les risques inhérents aux
lois mémorielles
Elles ont été critiquées non seulement
par Reporters Sans Frontière, mais il existe aussi un mouvement
d'historiens qui craignent l'instauration d'une vérité historique
(B) malgré les limites posées par la Cour Européenne dans
son arrêt Lehideux c/ France (A).
A- Les limites juridiques dans l'affaire Lehideux
Dans cette affaire, la France a été
sanctionnée pour violation de l'article 10 pour avoir condamné la
parution d'un article dans Le Monde pour apologie des crimes ou
délits de collaboration avec l'ennemi inscrit aux articles 23 et 24 de
la loi de 1881 .Cet article avait pour titre «Français, vous avez
la mémoire courte» et se donnait pour ambition de
réhabiliter le maréchal Pétain aussi bien pour les actions
militaires que politiques présentées comme salutaires pour le
peuple français (sur la période 1940-1945). Ainsi la cour de
cassation avait retenu la condamnation car « en présentant
comme digne d'éloge une personne condamnée pour intelligence avec
l'ennemi, l'écrit a magnifié son crime et, ainsi, fait l'apologie
dudit crime » et, par ailleurs, elle a rejeté le moyen selon
lequel cette sanction méconnaîtrait l'article 10 de la Convention
Européenne. Cette décision nous intéresse bien qu'elle ne
soit pas directement reliée au délit de contestation de crimes
contre l'humanité: elle met en balance la liberté de la presse
avec l'expression d'opinions hétérodoxe sur l'histoire.
En effet, le gouvernement a invoqué devant la Cour
Européenne l'incompatibilité de cette expression avec les
dispositions de la Convention en vertu de son article 17 pour justifier de
l'absence de violation de l'article 10. En effet, selon lui, la publication du
texte incriminé avait pour but inacceptable la révision de la
condamnation de Philippe Pétain et aurait au surplus
présenté de façon éronnée certains
évènements historiques soit en déformant la
réalité ou en omettant de souligner une partie comme la
collaboration du régime de Vichy avec les nazis172(*). La Cour Européenne
se refuse toutefois d'arbitrer la question historique car elle relève
« d'un débat toujours en cours entre historiens sur le
déroulement et l'interprétation des événements dont
il s'agit ». Elle la différentie ainsi de la contestation des
« faits historiques clairement établis - tel l'Holocauste -
» soustraite à la protection de l'article 10 par l'article 17. En
l'espèce, ce n'était pas le cas mais les requérants ont
soutenu la thèse dite du « double jeu » ou de la
politique « suprêmement habile » de Philippe
Pétain. La Cour a dû se prononcer sur le caractère
unilatéral de la publication et le silence sur des
événements qui participent directement de l'Holocauste s'ils
justifient de l'ingérence.
La Cour retient que si la justification d'une politique nazie
ne saurait bénéficier de la protection de l'article 10, la
publication incriminée s'est démarquée des
« atrocités » et des « persécutions
nazies » ainsi que de la « toute-puissance allemande et
[de] sa barbarie ». Toutefois le silence gardé sur la
contribution et la responsabilité de Philippe Pétain dans la
commission de ces crimes contre l'humanité quoique condamnable
moralement n'est pas en soi suffisant pour justifier de la condamnation
pénale jugée disproportionnée par rapport aux buts
poursuivis. Elle affirme un principe fondamental:
Même si des propos tels que ceux des requérant
sont toujours de nature à ranimer la controverse et à raviver des
souffrances dans la population, le recul du temps entraîne qu'il ne
conviendrait pas, quarante ans après, de leur appliquer la même
sévérité que dix ou vingt ans auparavant. Cela participe
des efforts que tout pays est appelé à fournir pour
débattre ouvertement et sereinement de sa propre histoire. (...) la
liberté d'expression vaut non seulement pour les
« informations » ou « idées »
accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou
indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou
inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et
l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de
« société démocratique ».
Ainsi, en refusant de reconnaître l'application de
l'article 17 à cette affaire, la Cour Européenne pose les
garanties essentielles pour empêcher l'imposition d'une histoire
officielle en élargissant la pénalisation des thèses
négationnistes aux opinions controversées sur les faits
historiques ne faisant pas l'objet de consensus. Ce garde-fou indispensable ne
semble pourtant pas suffisant car, c'est l'existence même du délit
de contestation de crimes contre l'humanité qui est critiquée
d'autant qu'il y a tentative d'élargir le champ d'application des lois
mémorielles à d'autres génocides et à d'autres
évènements historiques.
B- Les craintes d'une vérité
imposée
En effet, la loi Gayssot a été critiquée
pour son application restrictive à l'holocauste. C'est pourquoi
après la reconnaissance du génocide arménien par la loi
n°2001-70 du 29 Janvier 2001, plusieurs propositions de lois ont
été déposées pour étendre l'application de
l'article 24bis à tous génocides et crimes contre
l'humanité173(*)
mais aucune d'entre elles n'a réussi à être adoptée.
Toutefois, le 12 Octobre 2006, la proposition 3030 qui vise à
compléter la loi de 2001 en punissant « comme indiqué
à l'article 24 bis de la loi du 29 Juillet 1881
sur la liberté de la presse ceux qui auront contesté, par un des
moyens énoncés à l'article 23 de ladite loi,
l'existence du génocide arménien de 1915 » a
été adoptée par l'Assemblée Nationale en
première lecture. D'autres lois dites mémorielles tendent non
seulement à reconnaître des faits historiques mais imposent aussi
une certaine vision historique officielle de l'Etat français.174(*)
Ces législations ne vont pas sans poser de
problème quant à la vérité historique et, elles ont
soulevé une vague de contestation parmi les historiens qui ont
rédigé un appel175(*) et un certain nombre de juristes176(*) qui ont en demandé
l'abrogation. Pierre Nora craint lui aussi que ces lois puissent aboutir a
« une criminalisation générale du passé, surtout
national, qui constituerait comme essentiellement coupable notre
identité historique. »177(*). En effet, si l'on se fie
à la théorie exprimée par John Stuart Mill il importe que
le débat soit ouvert pour arriver à la découverte de la
vérité, et la censure des opinions erronées ou
extrémistes est inappropriée car cela signifierait que l'Etat
disposerait d'une hypothétique infaillibilité178(*). La suppression des
expressions indésirables et nuisibles réduit la capacité
pour leurs opposants de défendre la vérité par la logique
et les arguments et donc les discrédite en les érigeant en tant
que tyrans: car ils utilisent à la place l'intimidation et la violence
de l'Etat pour faire valoir leur opinions.
Toutefois, il n'est pas certain que tous les participants aux
débats ainsi que la société soient en recherche de la
vérité: cela supposerait que les acteurs agissent de façon
rationnelle mais, c'est oublié l'importance de l'émotion, du
sensationnel et de la passion dans le débat public d'où peut
surgir comme par exemple en Allemagne entre les deux guerres la négation
pure et simple de la raison. C'est-à-dire qu'une liberté
d'expression illimitée peut déboucher sur une tentation
totalitaire et sa fin pure et simple. Il semblerait donc opportun non de
pénaliser le négationnisme en lui-même mais plutôt
l'incitation à la haine raciale et la promotion du régime nazi
qu'il sous-tend. C'est à dire qu'il faut distinguer entre l'expression
d'opinions bannies et le débat public et scientifique sur l'histoire et
les faits d'actualité: concernant les derniers, une plus grande
liberté d'expression doit valoir du fait du caractère
matériel des preuves rationnelles avancées qui doivent pouvoir
faire l'objet du débat contradictoire.
En effet, contrairement à l'expression de jugements de
valeurs contraires à la Convention, la jurisprudence de la CEDH reste
inflexible concernant l'information et les faits principalement politiques.
Dans cette perspective, la Cour Européenne effectue un contrôle
renforcé de la liberté de la presse en réduisant la marge
nationale d'appréciation. Par conséquent les législations
écossaises et françaises s'uniformisent sous l'impulsion de la
Cour de Strasbourg.
Chapitre II: L'uniformisation des limites de la
liberté de communication des informations.
Contrairement à l'expression pure d'opinions qui
peuvent heurter les droits d'autrui, les informations dont la divulgation est
susceptible de porter atteinte au droit de la personne sont confrontées
à un contrôle renforcé de la Cour Européenne et
bénéficient d'une marge d'appréciation restreinte: la
presse en tant que «chien de garde» est tenue par une obligation de
fournir des informations en particulier sur les questions débattues dans
l'arène politique et tout secteur d'intérêt
public179(*). Cet aspect
de la liberté de la presse se trouve au coeur même de la notion de
société démocratique ultime but du droit conventionnel:
par conséquent, les limitations doivent avoir un caractère
exceptionnel et le test de proportionnalité se déplace à
la faveur de la liberté de la presse. Ainsi, aussi bien en Écosse
qu'en France, la Convention Européenne et particulièrement la
jurisprudence de la Cour Européenne ont apporté des
évolutions juridiques qui ont rapproché les deux droits
nationaux. Toutefois, contrairement au droit à un procès
équitable (titre II) , l'influence européenne a été
perçue très différemment en ce qui concerne la protection
de la réputation et du droit de la vie privée du fait de
législations nationales (titre I).
Titre I: Convergence des législations
protectrices de la réputation et du droit a la vie privée
En Écosse comme c'est le cas dans de nombreux pays
anglo-saxons, le droit au respect de la vie privée est moins protecteur
que celui de la France: c'est pourquoi le développement du droit
européen (plus protecteur de la vie privée) par incorporation a
été perçu comme une menace à la liberté de
la presse (section1). Quant à la protection de la réputation
d'autrui, l'influence de la Cour Européenne s'est
particulièrement faite ressentir en France pour ce qui est de la
diffamation envers les personnages publics (section2)
Section 1: la protection de la vie privée: menace
par ou sur la liberté de la presse?
Le droit au respect de la vie privée inscrit à
l'article 8 de la Convention Européenne figure parmi les droits d'autrui
qui justifient l'ingérence dans la liberté de la presse. Du fait
de l'absence d'un réel droit au respect de la vie privée,
l'incorporation de la Convention par les lois 'Human Rights Act et
'Scotland Act' a été perçue comme une
menace pour la liberté de presse (paragraphe 1). Au contraire de la
France pour qui l'influence de la Cour Européenne va apporter de
nouvelles atténuations pour les hommes politiques et les débats
d'intérêt public (paragraphe 2)
Paragraphe 1: L'Ecosse: des craintes suscitées
par l'incorporation de la Convention sur la liberté de la presse
En effet, la question de l'impact de l'incorporation de la
Convention dans le droit interne sur la liberté de la presse a
soulevé une grande inquiétude parmi les parlementaires lors du
vote de l'HRA180(*).
Certains ont considéré qu'il y aurait un risque que les cours
écossaises accordent par une approche activiste de
l'interprétation de l'article 8, une protection exagérée
au droit au respect de la vie privée au détriment de la
liberté de la presse.181(*) Car, avec l'intégration de droit de la
convention, l'exercice de la liberté de la presse se retrouve au
même rang que celui du droit au respect de la vie privée et
familiale, ce qui n 'était pas le cas antérieurement (A). Mais
une analyse de la jurisprudence européenne et de celle des juridictions
écossaises post-HRA amène à plus de circonspection (B) car
s'il y a une évolution, elle demeure peu perceptible.
A- Raison de l'inquiétude: l'absence de
législation sur la vie privée
L'écosse est connue, avant l'intégration, pour
son incapacité judiciaire et son refus législatif de traiter de
l'immixtion des médias dans la vie privée. Pour preuve, elle n'a
pas réussit à mettre en place une législation
générale régissant ce domaine: la jurisprudence
reconnaît elle-même la non existence au Royaume Uni d'un droit
spécifique au respect de la vie privée dans l'arrêt
Kaye v Robertson 182(*)« il n'y a pas de recours possible contre la
violation de la vie privée d'une personne » Elle a par ailleurs,
une approche minimaliste de la protection du droit à la vie
privée: les seules règles juridiques conditionnant ce domaine
sont dispersées entre les législations sur les perquisitions
policières, la violation de propriété privée, le
droit d'auteur et le droit de la confidentialité et de la calomnie. Et,
le droit a la vie privée est traditionnellement défini en
Grande-Bretagne de façon très restrictive comme la protection
contre « la publicité indésirable ». Concernant la
liberté de la presse, la jurisprudence ne reconnaissait de limitation
à la liberté de la presse que rarement lors d'une contradiction
entre ces deux droits.
C'est pourquoi l'HRA 1998 exige dans la section 12 que les
juridictions britanniques tiennent compte de l'importance de la liberté
d'expression lors des affaires qu'elles traitent en établissant des
règles de procédures plus strictes et en mettant l'accent sur
l'intérêt public et sur tout code sur la vie
privée.183(*) Ce
dernier fait référence au `Press Complaints Commission's Code
of Practice` qui demeure plus un code de conduite qu'une
législation à proprement parler comme son nom l'indique. En effet
il a été crée par l'industrie de la presse siégeant
en Press Complaint Commission, autorité indépendante
sans personnalité juridique et qui a pour vocation d'être
« la pierre angulaire du système d'autorégulation que
l'industrie s'est engagée à respecter ». Il contient
ainsi des dispositions régissant le droit à la vie privée
dans son rapport avec la liberté de la presse. Ainsi, dans sa clause 3,
il dispose que « chacun à droit au respect de sa vie
privée et familiale, son domicile, sa santé et sa
correspondance » et ajoute qu'«est exigée d'une
publication de justifier toute immixtion dans la vie privée d'un
individu sans consentement ». Toutefois, cette limitation se trouve
réduite par la présence à la clause 1 d'une disposition
qui fournit des exceptions à cette obligation quand
`l'intérêt public` peut être démontré. Certes,
aucune de ces règles n'est très éloignée des
exigences des articles 8 et 10 de la Convention. Mais, ce système est
extrajudiciaire et ne peut satisfaire à l'exigence d'un recours effectif
car la Commission n'a pas le pouvoir de sanction ni l'habilitation d'allouer
des dommages-intérêts aux victimes de la violation du Code.
184(*)
L'intégration de la section 12 dans l'HRA avait aussi
pour but de restreindre la capacité des juges de limiter la
liberté de la presse par une lecture trop protectrice du droit à
la vie privée. Le problème avec cette disposition c'est qu'elle
ne suffit pas pour atteindre ce but car les juridictions sont dans l'obligation
de se conformer non seulement à la Convention mais aussi à la
jurisprudence de la cour de Strasbourg. Par ailleurs, comme l'a indiqué
le Lord Chancellor à la Chambre des communes, la Press Complaints
Commission devrait être considérée comme l'une des
autorités publiques et devrait donc se conformer à l'article 6(3)
qui exige d'elles la prise en compte dans leurs décisions de la
jurisprudence de la Cour Européenne.185(*) Donc, l'intégration du droit européen
devrait apporter malgré cette tentative, un changement conséquent
à la situation en Écosse en poussant au développement
constructif du droit à la vie privée contre la liberté de
la presse.
Ainsi, la définition du droit à la vie
privée dans l'arsenal juridique européen est bien plus vaste que
celle connue au Royaume Uni (droit d'être protégé contre
toute intrusion non désirée). Elle comprend non seulement les 4
piliers - vie privée, vie familiale, domicile et correspondance - mais,
aussi un nombre de sujets aussi divers que l'orientation sexuelle186(*), la garde d'enfant et la
correspondance des prisonniers. Dans un arrêt Niemietz, la Cour est
allée jusqu'à refuser de donner une définition exhaustive
et à affirmer que « le respect de la vie privée doit
aussi englober, dans une certaine mesure, le droit pour l'individu de nouer et
développer des relations avec ses semblables » et, elle a
établi que la distinction entre les sphères privée et
non-privée ne peut se fonder sur la distinction entre activités
professionnelle ou commerciale et non professionnelle187(*). La Convention
Européenne de plus, exige de l'État non seulement des obligations
négatives de ne pas interférer avec le droit au respect de la vie
privée, mais aussi des obligations positives pour s'assurer que la
législation encourage et garantit un respect effectif. Par
conséquent, un État peut être en infraction avec l'article
8 de Convention car il ne fournit pas les garanties légales suffisantes
ou est incapable de faire respecter ce droit: il est évident que
l'absence de législation globale régissant le droit à la
vie privée et l'approche restrictive prise par la Grande-Bretagne
pourraient être perçues lors d'une ingérence dans la vie
privée par les médias comme une violation de l'obligation
positive de l'article 8.
B- Une évolution mitigée de la protection
du droit à la vie privée
Mais, c'est oublier que la Convention établit comme
exceptions à l'obligation positive le fait que l'intrusion dans la vie
privée soit « prévue par la loi »,
« nécessaire » « dans une
société démocratique ». Et, en analysant ces
différentes conditions à la lumière de la jurisprudence de
la Cour de Strasbourg, on s'aperçoit que l'approche du droit à la
vie privée prise par le Royaume-Uni n'est pas forcement très
éloignée de celle de la Cour Européenne: tout d'abord, la
condition « prévue par la loi » ne nécessite
ni qu'elle soit écrite et codifiée ni qu'elle soit d'une
prévisibilité ou d'une certitude absolue, il suffit que la loi
ait une base en droit interne188(*) et qu'elle soit suffisamment accessible et
prévisible pour le citoyen à un degré
raisonnable189(*). De ce
fait, dans le système de la Common Law, la jurisprudence suffit à
indiquer l'existence d'une loi justifiant l'ingérence, et donc,
l'absence d'une loi générale régissant les conditions
d'exercice de l'article 8 de la Convention n'est pas en soi en infraction avec
le droit européen; le juge écossais a ainsi utilisé les
législations relatives à la divulgation d'informations
confidentielles et à la diffamation pour combler cette lacune
juridique190(*). Mais il
est vrai qu'elles ne permettaient pas de couvrir la globalité incluse
dans la définition de la vie privée donnée par le juge
européen: certains aspects de la vie privée peuvent être
violés sans pour autant qu'il s'agisse d'informations confidentielles ou
que les allégations produites par une publication soit
fausses.191(*) La
surveillance de la loi nationale par la Cour de Strasbourg est limitée
et reste principalement du domaine des juridictions nationales.192(*) En ce qui concerne la
nécessité de l'ingérence dans une société
démocratique, elle renvoie à la liste fournie au second
paragraphe de l'article 8193(*). Mais, il faut noter que la Cour de Strasbourg dans
ce domaine applique le principe de proportionnalité et traite les
différentes affaires au cas par cas en tenant compte de la situation qui
prévaut dans la majorité des États membres du Conseil de
l'Europe194(*).
Toutefois concernant ce dernier point, le principe de proportionnalité
est utilisé par la Cour pour donner aux États une certaine
« marge d'appréciation » même si elle est
restreinte dans le domaine de l'information. Toutes ces limitations prouvent
bien que les cours écossaises pourraient interpréter et mettre en
oeuvre les actes d'incorporation de la Convention Européenne sans pour
autant changer la situation existante. Et, finalement, la disposition de la
section 12 HRA n'est pas si impertinente et inutile car elle s'intègre
parfaitement dans la doctrine de la «marge
d'appréciation » développée par la Cour de
Strasbourg et permet de justifier les spécificités du droit
britannique dans cette matière.
Par ailleurs, au sein même de la machinerie
européenne, la liberté de la presse dispose d'un statut
particulier car, elle est considérée comme l'instrument pour
l'amélioration de la société démocratique. Dans
l'affaire Handyside, la Cour souligne l'importance de la liberté
d'expression comme « fondement essentielle » de la
société démocratique en mettant en exergue les valeurs de
« pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture
». Et, elle la considère comme étant une
« des conditions primordiales de son progrès et de
l'épanouissement de chacun » (référence aux
théories de la justification de la liberté
d'expression)195(*). Par
conséquent la liberté d'expression et, plus
particulièrement la liberté de la presse requièrent un
très haut niveau de protection par rapport au droit à la vie
privée qui n'a pas dans la jurisprudence acquis le même statut.
Dans l'arrêt Lingens, la Cour de Strasbourg distingue la liberté
de la presse dans un contexte de débat politique en lui donnant une
valeur supérieure dans son rapport avec le droit a la vie privée:
« les limites de la critique admissible sont plus larges à
l'égard d'un homme politique, visé en cette qualité, que
d'un simple particulier » car « la liberté de la
presse fournit à l'opinion publique l'un des meilleurs moyens de
connaître et juger les idées et attitudes des
dirigeants »196(*). Par ailleurs dans un arrêt récent
contre la France, à propos du livre sur F. Mitterrand « le
Grand Secret », la Cour considère que la publication d'un
ouvrage révélant « les affections graves dont souffre
le chef de l'état » « s'inscrivait dans un
débat d'intérêt général » et son
interdiction « pose la question d'intérêt public de la
transparence de la vie politique »197(*) ce qui brouille encore plus la frontière
entre les vies privée et publique des dirigeants politiques. La
Grande-Bretagne est connue pour sa « presse people » ou
tabloïd qui font étalage des ragots et de la vie privée des
dirigeants politiques et autres personnalités publiques, et il semble
bien que cette jurisprudence de la Cour Européenne puisse être
avancée comme un argument décisif pour justifier l'inertie des
juridictions et du parlement britannique pour adopter une évolution
juridique.
Toutefois, depuis l'incorporation, la jurisprudence nationale
reste très disparate, il reste donc difficile de mesurer
précisément l'ampleur de son impact. En effet, tandis qu'un
arrêt Ashdown v Telegraph Group198(*) rejette l'argument selon
lequel lors d'un litige impliquant l'article 10, l'accent doit être mis
sur la nécessité de l'ingérence dans une
société démocratique, dans l'arrêt Loutchansky v
Times Newspapers,199(*) la même Cour d'appel dit l'inverse. Toutefois
l'arrêt de principe Douglas v `Hello!`200(*) énonce la
règle selon laquelle la section 12 de l'HRA n'exige pas de la cour
qu'elle donne une priorité a l'article 10 sur les autres droits mais
indique simplement que des égards doivent être portés
à l'importance de l'affaire traitée. La jurisprudence
Ashdown précitée ajoute que « la section 12 n'a
d'autre objet que de souligner la nécessité de prendre en
considération le contexte dans lequel [la cour Européenne] a
donné un poids particulier à la liberté
d'expression »201(*). Par ailleurs, les règles de procédure
spécifiques au média ne pourront pas s'appliquer s'il n'y pas de
facteurs qui penchent clairement en faveur de la liberté d'expression
dans son rapport avec le droit au respect de la vie privée.202(*) Toutefois, concernant les
figures politiques, la jurisprudence nationale n'a pas été
affectée du fait de sa concordance avec celle Strasbourg203(*).
Par conséquent, nous pouvons conclure, comme l'affirme
Tanya Aplin dans son article, que les juridictions ne considèrent plus
la liberté de la presse comme une «valeur monolithique
intangible» (monolithic, context-less value) et
l'équilibre entre liberté de la presse et droit à la vie
privée est recherché plus à travers le prisme des articles
8 et 10 qu'en ayant recours à la jurisprudence nationale
antérieure. 204(*)
Ainsi du fait de l'incorporation de la Convention, le droit
écossais limite par là même la liberté de la presse
pour ce qui de l'investigation et la publication d'informations concernant les
individus qui n'ont pas de fonction politique: Sedley L.J. dans l'affaire
Douglas v `Hello!` a observé qu'on « reconnaît
le droit au respect à la vie privée comme un principe juridique
à part entière »205(*) et, la chambre des Lords confirme dans Campbell
v MGN206(*) que la
suprématie automatiquement donnée antérieurement à
la liberté d'expression sur le droit au respect de la vie privée
n'est plus de mise. Ainsi, malgré l'absence de vote d'une nouvelle
législation sur le droit à la vie privée, les juridictions
ont su utiliser habilement le droit de la confidentialité (breach of
confidence) pour s'assurer de la compatibilité du droit écossais
avec la Convention: la convergence entre le droit écossais et le droit
français doit s'analyser plus dans une perspective matérielle que
formelle car le premier n'a pas eu à développer comme en France
une législation générale protectrice de la vie
privée.
Paragraphe 2: France: Une législation fortement
protectrice du droit à la vie privée atténuée par
le droit à l'information
La législation sur le droit à la vie
privée fait partie des réglementations hors loi de 1881 car elle
se développe principalement dans le cadre civil même s'il existe
aussi une protection pénale réservée aux cas les plus
graves d'atteinte au respect de la vie privée (d'espionnage de personne
privée )207(*). Si le champ de la protection de la vie
privée n'est pas en soi problématique (A), son intensité
dans le cadre d'un débat public s'avère contraire a la
jurisprudence de la Cour Européenne qui a sanctionné le pays dans
l'arrêt Société Plon c/ France (B).
A- L'étendu du champ de protection de la vie
privée
L'article 9 du Code civil issu de la loi du 17 juillet 1970
proclame que « Chacun a droit au respect de sa vie
privée. ». Parmi les éléments
protégés au titre de la vie privée on trouve la
révélation de la vie sentimentale et sexuelle, les relations
familiales, l'état de santé et plus généralement
tout comportement intime de la personne. Cette protection accordée
à ce droit subjectif peut se heurter à la liberté de la
presse et principalement dans la presse sensationnelle dont la fonction
essentielle est d'épier la vie privée des personnalités
pour en livrer les révélations les plus intimes. Cette attitude
n'est pas l'apanage des « tabloïds » ou de la
« presse people », parfois, les nécessités du
débat politique et l'information des citoyens peuvent rendre
légitimes la divulgation d'informations personnelles surtout lorsqu'est
sont un enjeu de société.
En droit national, le droit au respect de la vie
privée dispose d'une protection étendu puisque l'article 9 non
seulement utilise des termes généraux mais, il met aussi l'accent
sur le caractère indiscriminé de ce droit. Son application a
été étendue au droit à l'image par la
jurisprudence, en l'absence de texte formel : « selon [l'article
9 du Code civil,] chacun a le droit de s'opposer à la reproduction de
son image »208(*) . La Cour de cassation dans un arrêt de 1990
relatif à la publication par un hebdomadaire d'article sur la vie
privée d'un prince énonce que « toute personne, quel
que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou
à venir, a droit au respect de sa vie privée» et rejette
l'argument selon lequel la curiosité publique née d'une telle
position puisse en elle même réduire le champ d'application de
leur vie privée. Il en a été considéré de
même concernant le droit a l'image défini comme le droit exclusif
de s'opposer à sa publication sans autorisation expresse,
préalable et spéciale et ce même si la personne
visée est une célébrité209(*). Par ailleurs la protection
s'étend même au cas de manifestation publique lorsque la
photographie représente la victime isolée du contexte de
l'événement et prise pour elle même210(*).
Pour faire respecter ce droit, le juge peut prononcer des
mesures préventives telles qu'énoncées à l'article
9§2: « Les juges peuvent, sans préjudice de la
réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que
séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire
cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée: ces
mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en
référé ». C'est un pouvoir redoutable et
très attentatoire à la liberté de la presse qui par
principe ne peut connaître d'interdiction à-priori. C'est
la raison pour laquelle les tribunaux ont été très
réticents à avoir recours à ce type de mesures: une
doctrine antérieure au vote de la loi du 17 Juillet 1970
confortée et maintenue constante exige pour faire application de la
mesure exceptionnelle de saisie, un cas d'urgence: uniquement lorsque
l'atteinte portée à la vie privée présente
« un caractère intolérable » et
« cause un dommage que l'allocation ultérieure de
dommages-intérêts par le juge du fond ne saurait
compenser »211(*). La gravité de l'atteinte à la vie
privée sera caractérisée si la victime est un mineur ou si
la révélation est particulièrement choquante. En outre,
l'interdiction de publier un ouvrage non encore écrit (à propos
d'un projet de biographie concernant la vie privée d'Alain Delon) a
été jugée disproportionnée et incompatible avec les
exigences de la liberté d'expression212(*). La plupart du temps, le juge allouera une
indemnité à titre provisionnel qui réparera l'atteinte
portée à la vie privée.
B- Une reconnaissance insuffisante de la
supériorité du débat public
Conformément à la jurisprudence
européenne, le droit national admet que le respect dû à la
vie privé ne peut être invoqué lorsque l'information entre
dans le domaine publique: ainsi la Cour Européenne des Droits de
l'Homme, dans un arrêt Lingens, distingue la liberté de la presse
dans un contexte de débat politique en lui donnant une valeur
supérieure dans son rapport avec le droit à la vie
privée213(*).
Mais dans ce cas, l'information révélée doit être en
rapport avec les fonctions publiques exercées par l'homme politique en
question.214(*) En
outre, en ce qui concerne les personnalités n'exerçant pas de
fonctions officielles comme la princesse de Monaco, l'impératif de
protection de la vie privée doit l'emporter sur la liberté
d'expression quelque soit la curiosité du public si aucun débat
d'intérêt public n'est en cause et, si la personne en question
doit pouvoir bénéficier d'une « espérance
légitime » de protection et de respect de sa vie
privée.215(*) La
frontière entre vie publique et vie privée s'appréciera
des lors au regard de la nécessité de l'information
divulguée pour le débat publique: soit qu'elle concerne un
événement d'actualité soit qu'elle concerne une
personnalité publique lorsqu'elle peut avoir une incidence sur la vie
publique.
Ainsi, l'exigence d'informer le public passe par la
publication de photographies qui peuvent porter atteinte au droit dû
à la vie privée: c'est pourquoi, selon la Cour de cassation, la
liberté de communication de l'information rend légitime la
publication de photographies de personnes impliquées dans un
événement d'actualité a condition de respecter la
dignité de la personne humaine. La cour de cassation se
prononçant sur la publication d'une photographie d'une personne victime
de l'attentat à la station Saint-Michel du RER, le 25 juillet 1995 a
jugé qu'elle était « dépourvue de recherche du
sensationnel et de toute indécence et qu'ainsi, elle ne portait pas
atteinte à la dignité de la personne
représentée ».216(*) La jurisprudence considère licite la
publication de photographies de personnes qui figurent sur les lieux de
manière inopinée et accessoire par rapport au sujet,
mêlé à l'événement par l'effet d'une
coïncidence due à des circonstances tenant exclusivement à
leur vie professionnelle.217(*) Par, ailleurs, concernant les personnalités
publiques, la jurisprudence redonnait la légitimité de la
publication de renseignement d'ordre patrimonial218(*).
Cependant, une divergence de vue est née entre cours
nationales et européenne quant à l'appréciation de la
frontière entre ce qui relève de la vie strictement privée
de la personne et de l'information indispensable dans le débat publique.
En effet, dans l'affaire « Le Grand Secret »219(*), la cour de cassation avait
jugé que la révélation par l'ancien médecin de F.
Mitterrand des affections graves dont souffrait l'ancien chef de l'état
constituait outre une violation du secret médical, une atteinte au
respect de la vie privée qui justifiaient l'allocation de
dommages-intérêts et une interdiction de diffusion du livre en
question. Elle a par là même rejeté le moyen selon lequel
cette information ressortissait du sujet politique auquel l'article 10 de la
Convention Européenne accorde une prééminence sur le
respect de la vie privée. Cette analyse a été
critiquée par la Cour Européenne des droits de l'Homme dans son
arrêt Société Plon c/ France220(*) dont lequel elle
énonce que la révélation de ces informations
« s'inscrivait dans un débat d'intérêt
général (...) portant en particulier sur le droit des
citoyens d'être, le cas échéant, informés des
affections graves dont souffre le chef de l'état, et sur l'aptitude
à la candidature à la magistrature suprême d'une personne
qui se sait gravement malade. ». Elle a considéré que
si la responsabilité civile pour faute et la condamnation pour
dommages-intérêts ne sont pas incompatibles en eux-mêmes
avec les exigences de l'article 10 de la Convention Européenne,
l'interdiction définitive de l'ouvrage constituait une mesure
disproportionnée et ne correspondait plus à un besoin social
impérieux du fait du temps écoulé.
Ainsi, cette arrêt a mis en lumière le
caractère très liberticide de l'interdiction en
référée en tant que méthode préventive :
lorsqu'est en jeu un débat d'intérêt public, son
détournement peut s'apparenter à de la censure.
Section 2: Le droit de la diffamation et le droit
à la critique
La protection de la réputation d'autrui dans le cadre
du droit de la presse constitue une limitation au droit non seulement à
l'information mais aussi à l'expression d'opinion: les assertions
diffamatoires qui sont l'expression de jugements de valeur s'appuient
généralement sur l'imputation de faits. Si la Cour
européenne reconnaît la légitimité de la protection
de la réputation d'autrui (paragraphe 1), la marge d'appréciation
qu'elle reconnaît aux États est restreinte ce qui lui permet
d'influencer profondément les droits nationaux pour promouvoir les
valeurs inhérentes à la société démocratique
(paragraphe 2)
Paragraphe 1: Étendue de la protection de la
réputation des personnes
La jurisprudence de la Cour Européenne, si elle
reconnaît la protection de la réputation d'autrui comme un but
légitime de restriction de la liberté de la presse (A) ,
rappelle que les auteurs d'assertions diffamatoires doivent pouvoir
s'exonérer de leur responsabilité en établissant leur
bonne foi et, s'agissant d'assertions de faits, en prouvant la
véracité de ceux-ci221(*) . En outre, l'impossibilité de faire jouer
cette exception constitue, selon elle, une mesure excessive pour
protéger la réputation et les droits d'une personne222(*). Les deux systèmes
juridiques écossais et français convergent en ce domaine (B).
A- L'interdiction des propos calomnieux et
diffamatoires
La presse est tenue de respecter la réputation d'autrui
selon la Convention ce qui implique l'interdiction des propos calomnieux:
l'objectif est de protéger les individus contre les allégations
mensongères dont le but est de porter atteinte à leur
honneur.223(*)
Dans ce domaine, le droit écossais (et plus
généralement britannique) connaît une législation
spécifique bien avant l'incorporation réalisée avec
l'HRA mais critiquée car elle ne fournissait pas une protection
adéquate aux individus victimes de l'ingérence des médias
dans leur vie privée, et, le processus pour l'obtention de
dommages-intérêt a été décrit comme trop long
et coûteux. La Common Law toutefois met en avant le droit
à la réputation lorsqu'il est confronté à la
liberté d'expression car, selon la Court of Appeal dans un arrêt
Kiam v Neil « l'histoire nous montre de nombreux exemples
qui prouvent que l'atteinte à la réputation des opposants
à un pouvoir arbitraire ou à un régime oppressif a
été utilisée comme une arme par les
despotes »224(*). Cette emphase mise sur la réputation a pour
effet l'absence dispositions spéciales qui protègent la presse.
Cette dernière est donc sujette aux mêmes règles juridiques
qui s'appliquent aux individus. Selon une définition classique
donnée en Common Law une expression est diffamatoire si elle
tend à rabaisser le demandeur dans l'estime portée par les
membres de la société225(*) en l'exposant par exemple à haine, au
mépris et au ridicule226(*) ; il n'est pas nécessaire que
l'énoncé ait produit des effets actuels sur la réputation
mais les cours prennent aussi en compte les effets potentiels:227(*) le demandeur n'a pas
à prouver la présence d'un dommage. Il appartient au juge de
décider non seulement à partir du texte des affirmations mais
aussi du contexte entourant l'affaire si les expressions utilisées sont
susceptibles de porter atteinte à la réputation.228(*). Sous une forme permanente
(par exemple écrite), l'expression diffamatoire est qualifiée de
`libel` tandis que dite oralement, le `slander` ne
constituera un délit civil que si des dommages actuels peuvent
être prouvés.229(*)
Toutefois une protection absolue a été
accordée dans certains cas pour éviter que la liberté
d'expression ne devienne une menace pour un débat public et ouvert, au
parlement et au cours d'affaires judiciaires230(*)
Pour ce qui est des rapports parlementaires ou d'affaires
judiciaires, le privilège accordé est qualifié c'est
à dire qu'ils disposent d'une protection renforcée contre
d'éventuels recours lorsqu'ils sont de bonne foi et contiennent des
informations exactes231(*). La Chambre des Lords dans une fameuse jurisprudence
Reynolds v Times Newspapers Ltd a refusé d'accorder une telle
protection à la presse d'information politique car la création
d'une nouvelle catégorie de privilège empêchera de fournir
une protection adéquate de la réputation des individus232(*). De plus, dans ce cas, un
journal qui couvrirait les nouvelles politiques pourrait en toute
impunité publier des affirmations mensongères et; les lecteurs ne
pourraient pas distinguer entre vérité et fiction. Toutefois, la
Chambre ajoute qu'un privilège qualifié peut jouer si le
média en question arrive à établir l'existence d'un `droit
de savoir` et, comme l'affirme Lord Hope, il est plus facile de satisfaire
à cette exigence lorsque les politiciens sont
impliqués.233(*)
Lorsqu'est établit le privilège qualifié, le demandeur
peut la faire échouer s'il prouve que la publication a été
faite par malveillance explicite: le défendeur avait des motifs
illégitimes tels que le fait de blesser volontairement le demandeur et
la connaissance du caractère inexact des affirmations.234(*)
En ce qui concerne les domaines non couvert par les
privilèges, l'approche suivie par les cours se reflète dans la
jurisprudence établie Bonnard v Perryman où il est
affirmé qu' « aussi longtemps qu'aucune action illicite n'est
commise et à moins que la prétendue calomnie soit
infondée, aucun délit n'est commis »235(*) Ainsi, les actions en
diffamation n'aboutiront que très rarement: une cour a refusé de
lever une injonction même lorsque le défendeur a cherché
à soustraire au demandeur de l'argent sous la menace de la publication
d'allégations certes dommageables mais vraies.236(*) Pour trouver à
s'appliquer, la législation prohibant la calomnie exige de la
publication qu'elle soit `sous une forme permanente et les mots
[utilisés] doivent tendre à avilir la personne et provoquer
haine, mépris et le ridicule`237(*). Mais même en ce cas, la calomnie doit
être suffisamment grave et non constituée d'insignifiantes
allégations. Ainsi par exemple, la Cour d'appel a refusé de
considérer comme diffamant la publication d'un article décrivant
un comédien comme étant `affreusement laid` et commentant son
apparence en le comparant à Frankenstein, car, les mots s'attaquaient
plus à son apparence physique qu'à sa
réputation !238(*). Pourtant pour déterminer si l'affirmation
est diffamatoire, les juridictions écossaises utilisent le
critère in abstracto `de bon père de famille`
c'est-à-dire que l'évaluation de la faute est
déterminée par la compréhension qu'en aurait un individu
ordinaire dans les circonstances de l'espèce (lecteur ordinaire,
raisonnable et d'intelligence moyenne). Pour cela, les juridictions font usage
en affaires civiles du jury qui va avoir en charge de déterminer le sens
exactes des affirmations.
Pour ce qui est de la France, l'article 29 de la loi de 1881
dispose que « toute allégation ou imputation d'un fait qui
porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la
personne ou du corps auquel le fait est imputé est une
diffamation ». La publication directe ou par voie de reproduction de
cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si
elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps
non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue
possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou
imprimés, placards ou affiches incriminés. Il est
intéressant de noter que les peines seront plus lourdes lorsque
l'infraction vise des corps constitués239(*) et les fonctionnaires et autres acteurs publics dans
l'exercice de leur profession240(*) que dans le cas de simples particuliers241(*). Pour être
caractérisée, la diffamation doit être constituée
d'allégation « sous la forme d'une articulation précise
de faits de nature a être sans difficulté l'objet d'une preuve et
d'un débat contradictoire »242(*) de nature à porter atteinte à
l'honneur et à la dignité de la personne visée, qui doit
être identifiable même si son nom ne figure pas dans la
publication243(*) Comme
l'intention coupable est présumée244(*), il n'est pas
nécessaire d'en apporter la preuve. Par ailleurs, comme en
écosse, il existe des immunités de la défense pour les
discours tenus dans les assemblées parlementaires245(*) et les discours et écris
d'audience et compte rendus judiciaires246(*).
La protection accordée demande en France et en
Écosse que les propos incriminés soient précis et porte
effectivement à l'honneur ou à la considération de
façon évidente. Si ces éléments sont réunis,
l'ingérence dans la liberté de la presse se trouve
justifiée en l'absence de faits exonératoires (l'exception de
vérité et la bonne foi).
B- La vérité des faits diffamatoires et
la bonne foi comme faits justificatifs
En effet, il existe des immunités de la défense
contre la mise en oeuvre d'action en diffamation: la justification des
affirmations sur des fondements réels (1) qui reste un moyen difficile
à établir dans les deux pays, les commentaires de bonne foi sur
un sujet d'intérêt public (2) en absence de preuve des faits, et
en écosse, le fait que l'éditeur ne soit pas responsable du
contenu de la publication permettent l'exonération du
défendeur.
Concernant ce fait justificatif, le Defamation Act
1996 a introduit dans la législation une nouvelle protection aux
parties en s'assurant de la preuve par la partie défenderesse (a)
qu'une attention particulière a été prise en relation avec
la publication et, (b) qu'elle ne connaissait pas ou n'avait pas de raison de
connaître le caractère diffamatoire des affirmations en
question.247(*) Les deux
conditions sont cumulatives et la charge de la preuve incombe au
défendeur. Le fait que le défendeur doit ne pas être
responsable du contenu de la publication exclut automatiquement les auteurs,
rédacteurs en chef et toute personne responsable en premier fait du
contenu et de la décision de publier l'affirmation en
question.248(*) Par
opposition, les parties dont l'implication se limite aux activités
d'impression de production de distribution et de vente se trouvent
protégée par cette législation.249(*)
1. L'exception de vérité: des conditions
difficiles à réunir
En Écosse, la preuve apportée que les
imputations calomnieuses sont réelles constitue une défense
complète et c'est l'accusé qui en porte la charge250(*) : la loi présume
que l'affirmation est fausse jusqu'à la preuve du contraire par le
défendeur. Mais, pour cela, il faut démontrer que toutes les
expressions utilisées sont vraies car il suffit au jury de trouver dans
une longue publication une seule imputation calomnieuse non prouvée pour
que l'action réussisse. Comme l'affirme Lord Keith dans une affaire
Derbyshire CC v Times Newspapers Ltd251(*), la preuve des faits justifiant l'expression
diffamatoire est difficile à établir bien que dans la plupart des
cas, les faits allégués sont réputés être
vrais.
En France, l'article 35 de la loi de 1881 consacre comme fait
justificatif l'exception de vérité (exceptio veritatis):
la publication ne constituera pas un délit pénal ou une faute
civile lorsqu'il s'avère que les imputations diffamatoires sont exactes.
Par conséquent le prévenu sera renvoyé des fins de la
plainte. Il est précisé qu'en ce qui concerne les personnes
exerçant des fonctions publiques et les corps constitués, le
diffamateur peut apporter la preuve de ses allégations et s'en servir
comme moyen de défense quand l'imputation est relative aux fonctions (35
§1). Il en est de même concernant les directeurs ou administrateurs
de toute entreprise industrielle, commerciale ou financière, faisant
publiquement appel à l'épargne ou au crédit (§2). Le
demandeur dans ce cas sera débouté de sa demande mais il pourra
toujours utiliser le droit de réponse reconnu à l'article 13. En
revanche, la preuve de la vérité n'est pas acceptée comme
fait justificatif lorsque l'imputation porte atteinte à la vie
privée (article 35 §3a), ou lorsque les faits remontent a plus de
dix ans (§3b: cette disposition est remise en cause par la jurisprudence
européenne) et enfin lorsque l'imputation se réfère
à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou
qui a donné lieu à une condamnation effacée par la
réhabilitation ou la révision (article 35 §3c). Toutefois,
il est ajouté que même si elle tombe dans les deux
premières restrictions, l'imputation de crimes ou délits sexuels
sur mineurs peut bénéficier de l'exception de
vérité. Il faut savoir qu'en application de l'article 55,
à compter de la signification de la citation, le prévenu dispose
de dix jours pour apporter la preuve de la vérité de son
imputation; en signifiant au ministère public les faits articulés
et qualifiés dans la citation, desquels il entend prouver la
vérité, la copie des pièces , les noms, professions et
demeures des témoins par lesquels il entend faire la preuve. Par
ailleurs, même dans les cas ou la preuve de la vérité n'est
pas admise, le juge de diffamation doit surseoir à statuer si elle
risque d'apparaître dans le cadre de poursuites engagées contre le
fait imputé.252(*) Les documents apportés à titre de
preuve doivent porter des faits antérieurs à la
perpétration de la diffamation253(*)
Du fait des conditions extrêmement strictes de ce fait
justificatif, en France comme en Écosse, le droit a
développé comme un second moyen de défense contre l'action
en diffamation la bonne foi.
2. la bonne foi: un moyen subsidiaire d'exonération
En France, elle s'est principalement développée
dans les cas ou l'exception de vérité est impossible.254(*) Comme la mauvaise foi est
présumée, il appartient prévenu de la détruire en
rapportant la preuve de sa bonne foi qui se compose de quatre
éléments: en effet, la Cour de cassation dans un arrêt du
23 Mars 2003 a déclaré que « la bonne foi de la
personne recherchée pour diffamation suppose la légitimité
du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la
mesure dans l'expression, ainsi que la fiabilité de
l'enquête»255(*).
Enfin, la Cour de cassation a admis implicitement
l'impossibilité pour le journaliste de prouver la véracité
d'un jugement de valeur car «exiger des journalistes qu'ils apportent la
preuve -irréalisable- de tels jugements porte atteinte à la
liberté d'opinion »256(*) et donc une condamnation fondée sur
l'incapacité à prouver les dires constitue une violation de la
liberté de la presse. C'est au juge d'apprécier si les propos et
écrits litigieux ressortissent du jugement de valeur ou non et, si le
journaliste peut se retrancher derrière cet argument pour
échapper à la responsabilité.
La reproduction des imputations diffamatoires même sous
forme dubitative est punissable au même titre que la publication
elle-même toutefois la preuve apportée que les propos ont
été rapportés de bonne foi peut exclure la
responsabilité (article 41) car la mauvaise foi est
présumée en ce cas ( article 35bis)257(*). L'affaire
« Clearstream » qui a bouleversé l'actualité
politique ces dernières années a fait l'objet d'un arrêt de
la cour de cassation258(*) dans lequel l'hebdomadaire le Point a
été poursuivi en diffamation. La décision de la Cour
d'appel de Paris qui a décidé de la relaxe des journalistes
après leur avoir accordé le bénéfice de la bonne
foi a été cassée par la Cour de Cassation car les
journalistes n'ont pas satisfait à l'exigence de prudence dans
l'expression de la pensée au regard des documents qu'ils avaient en
possession.
En Écosse, en l'absence de preuve des faits
diffamatoires, le défendeur peut se tourner vers les jugements de bonne
foi sur un sujet d'intérêt public: ils ne sont pas
considérés comme constituant des imputations calomnieuses. En
effet, « le droit du citoyen d'exprimer honnêtement son opinion
sincère sur une affaire d'intérêt public » ne
doit pas être menacé par une trop grande place donné au
droit à la réputation et ce quoique « l'opinion
[exprimée] soit fausse exagérée ou
préjudiciable »259(*). Cette affirmation de Lord Akner trouve sa racine
dans la reconnaissance par les cours de l'importance donnée à la
liberté d'opinion.260(*) Par conséquent, on peut échapper
à la responsabilité en démontrant que les mots
utilisés sont des commentaires plus qu'une simple description de faits:
on utilise ici encore le critère du bon père de famille à
savoir : `Comment les mots pourraient être compris par un lecteur
ordinaire`261(*). Dans
ce domaine, la jurisprudence européenne dans l'affaire Lingens met
l'accent sur la distinction entre faits et jugements de valeur et affirme que
« si la matérialité des premiers peut se prouver, les
seconds ne se prêtent pas à une démonstration de leur
exactitude ». 262(*)Lorsqu'il n'est pas possible de faire la
différence entre les deux, on présume que l'affirmation est
factuelle.263(*) Par
ailleurs, il doit aussi être prouvé que les faits sur lesquels les
commentaires sont fondés sont exacts. Toutefois, même en cas
d'absence de preuve de la réalité des faits
allégés, le défendeur pourra échapper à la
responsabilité s'il montre que les commentaires sont loyaux par rapport
aux faits connus à l'époque de la publication.264(*) Enfin, la preuve doit
être apportée que les commentaires sont loyaux c'est-à-dire
qu'ils sont « vraisemblablement de bonne foi »265(*) sinon ils seront
considérés comme malveillants et, donc susceptibles de poursuites
judiciaires. Cette jurisprudence écossaise est en parfaite
adéquation avec la jurisprudence européenne car elle met l'accent
sur l'importance de la presse dans les débats politiques et
d'intérêt public.
Paragraphe 2: Les limites à protection de la
réputation accentuées dans le cadre du débat
d'intérêt public
Certes la jurisprudence européenne très
favorable à la liberté de la presse dans le cadre du débat
politique a trouvé un certain écho dans les droits nationaux:
ainsi, la cour de cassation a reconnu en 2000 que « l'intention
d'éclairer [les électeurs] sur le comportement d'un candidat est
un fait justificatif de bonne foi, lorsque les imputations, exprimées
dans le contexte d'un débat politique, concernent l'activité
publique de la personne mise en cause, en dehors de toute attaque contre sa vie
privée, et à condition que l'information n'ait pas
été dénaturée»266(*). Cependant, la France s'est
vu condamnée en ce qui concerne la critique d'homme publique (A) et elle
a dû abroger la législation sur l'offense envers les chefs d'Etat
étrangers (B).
A- Le déplacement de
« l'acceptable » en faveur de la critique pour les hommes
publiques
La jurisprudence de la Cour Européenne relative aux
hommes politiques incite à faire preuve de plus grande tolérance
quant aux publications d'article critique à leur égard et
spécialement dans le cadre d'élections. En ce domaine, c'est
l'arrêt Lingens267(*) qui est le pilier fondateur de la jurisprudence
européenne.
En effet, il s'agissait en l'occurrence d'un haut responsable
politique (le chancelier fédéral d'Autriche) victime de vives
critiques dans deux articles par un journaliste et ce à l'issue
d'élections générales. Il s'est vu reproché le fait
d'avoir agi en vu d'une coalition incluant un parti dirigé par un ancien
nazi. Son comportement a été qualifié
d' « immoral et dépourvu de dignité »
émanant d'un « opportunisme le plus
détestable ». Les propos ont été jugés
injurieux et le journaliste a été condamné à une
amende. Il s'est prévalu de l'article 10 devant la Cour
Européenne pour demander la condamnation de l'Autriche pour mesure
disproportionnée par rapport au but poursuivi. Dans le cadre de
l'appréciation du caractère « nécessaire dans
une société démocratique » de
l'ingérence, les juges européens ont élaboré les
principes fondamentaux.
Tout d'abord, il faut distinguer entre les citoyens ordinaires
et les politiciens dans l'appréciation du caractère proportionnel
de l'ingérence: les derniers doivent davantage tolérer la
critique des médias du fait qu'ils s'exposent inévitablement en
leur qualité à un contrôle attentif de leurs faits et
gestes tant par les journalistes que par les citoyens. Ce principe se justifie
du fait que la presse est tenue d'éclairer les citoyens sur les
idées et attitudes des dirigeants dans une société
démocratique.
Lorsque sont en jeu les intérêts de la libre
discussion des questions politiques, la Cour reconnaît que l'utilisation
de termes controversés fait partie du caractère habituel des
« durs combats de la vie politique ». Par conséquent
la condamnation des auteurs des propos litigieux même si elle n'a pas
empêché l'expression constitue une « espèce de
censure tendant à l'inciter à ne pas se livrer désormais
à des critiques formulées de la sorte » et
« est de nature à entraver la presse dans l'accomplissement de
sa tâche d'information et de contrôle ».
Enfin en matière de preuve, comme nous l'avons vu
multiple fois dans notre développement, la Cour Européenne a
insisté sur la distinction entre faits et jugements de valeur: la preuve
des jugements de valeurs est une violation de la liberté d'opinion car
par essence impossible à apporter. Par conséquent, il n'est pas
étonnant de voir la Cour Européenne déclarer la
condamnation non nécessaire dans une société
démocratique et disproportionnée au but légitime
poursuivi.
Ces principes ont été rappelé maintes
fois dans d'autres arrêts268(*): la Cour Européenne ajoute que dans la
contribution à la discussion de la conduite des hommes politiques et de
leur morale politique, il est disproportionné de demander de peser
chaque mot pour exclure tout malentendu269(*). Elle va jusqu'à reconnaître à
la liberté journalistique le recours possible « à une
certaine dose d'exagération, voire même de
provocation »270(*).
Dans cette perspective, la France s'est vue condamnée
dans l'affaire Mamère271(*) pour violation de l'article 10 dans la condamnation
pour diffamation envers un fonctionnaire de propos mettant en cause la
politique de la France au moment de la catastrophe de Tchernobyl.
En l'occurrence, il s'agissait de Noël Mamère qui
lors d'une émission télévisée « Tout le
monde en parle » a vivement critiqué le directeur à
l'époque de la catastrophe de Tchernobyl s'est produite, du Service
central de Protection contre les Rayons ionisants: il le présentait
comme étant un « sinistre personnage (...) qui
n'arrêtait pas de nous raconter que la France était tellement
forte - complexe d'Astérix - que le nuage de Tchernobyl n'avait pas
franchi nos frontières ». Il a donc fait l'objet de poursuites
pour complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire et a
été déclaré civilement et pénalement
responsable. Devant la Cour Européenne des Droits de l'homme, la
question était donc de savoir si la condamnation était
nécessaire dans une société démocratique:
après avoir rappelé les principes fondamentaux qui se
dégagent de sa jurisprudence, la Cour affirme que la marge
d'appréciation dont disposaient les autorités pour juger de la
« nécessité » de la mesure litigieuse
était particulièrement restreinte. Étant donné que
les propos litigieux tenaient à la fois du jugement de valeur et de
l'imputation de fait, l'auteur doit avoir la possibilité de
s'exonérer de sa responsabilité par l'exception de
vérité et la bonne foi. Or, la déclaration portait sur des
faits remontant à plus de dix, ce qui selon l'article 35 de la loi de
1881 empêchait l'intéressé de faire valoir l'exceptio
veritatis. Cette disposition se trouve aux yeux de la cour peu justifiable
« lorsqu'il s'agit d'événements qui s'inscrivent dans
l'Histoire ou relèvent de la science » car, « au fil du
temps, le débat se nourrit de nouvelles données susceptibles de
permettre une meilleure compréhension de la réalité des
choses ». Par ailleurs, en ce qui concerne la bonne foi
rejetée comme moyen de défense par les juridictions nationales,
la Cour rappelle que « si tout individu qui s'engage dans un
débat public d'intérêt général - tel le
requérant en l'espèce - est tenu de ne pas dépasser
certaines limites quant - notamment - au respect de la réputation et des
droits d'autrui, il lui est permis de recourir à une certaine dose
d'exagération, voire de provocation (...), c'est-à-dire
d'être quelque peu immodéré dans ses propos ».
Elle juge que les propos incriminés restent dans les limites de
l'acceptable et ne constituent pas de termes outrageants. Enfin si elle
reconnaît le fait que les fonctionnaires puissent
bénéficier d'une protection spécifique dans l'exercice de
leur fonction, la Cour rappelle qu'ils s'exposent à un contrôle
attentif de leurs faits et gestes comme les hommes politiques et donc
« les limites de la critique admissible à leur égard
dans l'exercice de leurs fonctions officielles peuvent dans certains cas
être plus larges que pour un simple particulier ».
Cet arrêt en déclarant la violation de l'article
10 de la convention remet en cause la disposition de la loi de 1881 qui
interdit d'évoquer l'exception de vérité des faits
diffamatoires de façon générale et absolue: quand sont en
jeu le libre espace de discussion et les faits de nature scientifique, cette
mesure s'avère disproportionnée par rapport au but
légitime poursuivie. Les juridictions internes devront donc tenir compte
de cette inflexion apportée par la jurisprudence européenne. A
l'heure de la rédaction de ce document il n'existe pas d'arrêts
qui puissent démontrer une telle attitude, contrairement au domaine de
l'offense aux chef d'État étrangers ou la législation a
dû être amendée pour se conformer avec le point de vue de la
Cour.
B- L'affaire Colombani et autres c/ France: mise
à mort de l'offense envers les chefs d'État étrangers
L'article 36 de la loi de 1881 aujourd'hui abrogée
mettait en place un régime dérogatoire de protection en punissant
l'offense commise publiquement envers les chefs d'états
étrangers, les chefs de gouvernements étrangers et les ministres
des affaires étrangères d'un gouvernement étranger. Selon
la jurisprudence, l'offense s'entend des injures, diffamations, expressions
outrageantes ou de nature à offenser la délicatesse des personnes
protégées. La Cour de cassation a précisé que
« l'offense envers le chef d'un État (...) est
constituée matériellement par toute expression de mépris
ou d'invective, ou par toute imputation de nature à l'atteindre dans son
honneur ou dans sa dignité à l'occasion de sa vie privée
ou de l'exercice de ses fonctions »272(*). Ce régime a été malgré
cela libéral: la mauvaise foi contrairement au droit commun en cas de
diffamation n'est pas présumée et, la jurisprudence s'est
efforcée d'en restreindre l'application aux seuls cas d'abus excessif de
la liberté d'expression273(*). Et, les juridictions civiles ont
considéré que ce délit ne faisait pas obstacle à la
critique de nature politique274(*) et ne peut être invoqué qu'en cas
d'attaque personnelle visant la personne même et sa réputation et
non la politique mise en oeuvre.275(*) Par ailleurs, dans les circonstances d'une
publication satirique, seule une virulence particulière
démontrant l'intention de nuire tombe sous le coup de l'article
36.276(*) Toutefois ce
libéralisme est compensé par l'exclusion du fait justificatif de
l'exception de vérité qui permet d'écarter en cas de
diffamation l'application de la peine lorsque les faits allégués
sont exacts. De ce fait, la conformité de l'article 36 avec l'article 10
de la Convention Européenne a été remise en cause devant
la Cour de cassation.277(*) Car selon ce moyen : « en interdisant
que [la] preuve [de la vérité des faits] puisse être
rapportée, s'agissant de diffamations et pas seulement d'injures,
l'arrêt a consacré une atteinte grave à la liberté
d'expression ». Il est ajouté que « l'instauration
d'un délit supplémentaire, spécifique aux offenses aux
chefs d'état étrangers, dans le cadre d'une loi qui
réprime de manière générale et suffisante les
diffamations et les injures, constitue une atteinte excessive au principe de la
liberté d'expression, que ne justifie pas le souci de préserver
les relations internationales de la France ». Mais, la Cour de
cassation a rejeté ces arguments en affirmant que l'infraction
prévue à l'article 36 entre dans les limites prévues
à paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention car il sanctionne
« des comportements portant atteinte à l'ordre public,
notamment en ce qui concerne les relations diplomatiques, et aux droits et
à la réputation des individus».
Ce régime particulier fera l'objet d'un arrêt
décisif de la Cour Européenne des droits de l'Homme dans un
arrêt Colombani et autres c/ France278(*). Il s'agissait en l'occurrence d'un article du Monde
mettant en cause la volonté affichée des autorités
marocaines - et en premier lieu du défunt roi - de lutter contre le
trafic de haschisch. Condamné pour offense publique au roi du Maroc, les
requérants se sont vus rejeter leur pourvoi en cassation279(*) au motif que l'article en
question contient une suspicion sur la sincérité du roi de Maroc
dans sa lutte contre la drogue et l'imputation de discours pernicieux. Cette
appréciation de la Cour de cassation sera censurée par la Cour
Européenne des droits de l'homme pour l'impossibilité de
rapporter la preuve de la vérité des faits allégués
« constitue une mesure excessive pour protéger la
réputation et les droits d'une personne, même lorsqu'il s'agit
d'un chef d'Etat ou de gouvernement » et rejette l'existence d'un tel
privilège qui ne saurait justifier son existence aujourd'hui en tant que
besoin social impérieux. Ainsi le législateur a par une loi du 9
Mars 2004280(*)
abrogé cette disposition. Mais, étrangement, l'article 26 de la
loi de 1881 qui réprime l'offense au Président de la
République est resté intact bien qu'inutilisé.
La Cour Européenne a protégé les
intérêts supérieurs de l'information et du débat
politiques au prise avec les droits au respect de la vie privée et de la
réputation d'autrui. Elle a agi de même lorsque est en jeu la
protection du droit à un procès équitable: la France comme
l'Ecosse ont du assouplir leur législation pour se conformer à la
jurisprudence de Strasbourg.
Titre II: L'assouplissement de la protection du droit
à un procès équitable
En dehors de l'impartialité de la justice
mentionnée à l'article 10(2), et qui est la protection d'un
intérêt public, la liberté de la presse peut aussi
être en confrontation au cours d'affaires judiciaires avec le droit
individuel au procès équitable reconnu à l'article 6(1)
qui dispose que « l'accès de la salle d'audience peut
être interdit à la presse et au public pendant la totalité
ou une partie du procès » en mentionnant comme fondement de
cette restriction « la protection de la vie privée des parties
au procès». En outre, l'article 6(2) qui énonce que
« toute personne accusée d'une infraction est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie. », est aussi
parmi les « autres droits d'autrui » qui pourrait justifier
les mesures de limitation de la liberté de la presse. La France aussi
bien que l'Ecosse dispose de législations très protectrice de la
présomption d'innocence (section 1) qui ont été remises en
cause par la Cour Européenne au nom d'une protection
élevée de la liberté de la presse lorsqu'est en jeu un
débat public d'intérêt général où la
presse se doit de jouer un rôle de «chien de garde »
(section 2).
Section 1: Deux législations nationales très
protectrices de la présomption d'innocence
Le système français met l'accent sur la
protection de l'intérêt individuel avec des dispositions issus du
droit civil (paragraphe 1) contrairement au royaume-uni où le
Contempt of Court trouve ses racines dans une notion très
anglo-saxonne de l'autorité et de l'impartialité de la justice
(paragraphe 2)
Paragraphe 1: le système français de
protection de la présomption d'innocence.
La présomption d'innocence est un fondement essentiel
du droit individuel à un procès équitable. Elle est aussi
bien garantie par l'article 9 de la DDHC « Tout homme étant
présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été
déclaré coupable »que par l'article 9-1 du code civil
« Chacun a droit au respect de la présomption
d'innocence ». La Cour de cassation définit l'atteinte
à ce principe comme consistant « à présenter
publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie
pénalement »281(*). Ainsi la liberté de la presse peut porter
une atteinte à ce droit fondamental lorsque les publications doivent
rendre compte du suivi d'affaires criminelles. Ainsi,
l' « affaire d'Outreau » qui a été rendu
célèbre pour les erreurs judiciaires dues aux dysfonctionnements
certains de la justice282(*) , il ne faut pas l'oublier, n'aurait pas atteint un
tel niveau sans l'influence considérable de la presse.283(*) En effet dans cette affaire,
les médias ne se sont pas contentés de rapporter le
déroulement du procès mais, la majorité écrasante a
condamné sans appel comme coupable de pédophilie ceux qui seront
plus tard présentés comme victimes de la faillite
judiciaire284(*). Les
dommages traumatiques et l'atteinte à l'honneur provoqués par de
tels propos obligent à s'interroger sur les limites entre droit à
l'information et protection de la présomption d'innocence. La loi du 15
Juin 2000285(*) dite
Guigou avait modifié la loi de 1881 et l'article 9-1 du Code civil pour
renforcer la répression des atteintes par voie de presse aux droits de
la défense. Ainsi, lorsqu'une personne est présentée
publiquement comme coupable avant toute condamnation, le juge peut, faire
cesser l'atteinte à la présomption d'innocence par des mesures
telle que la diffusion d'un communiqué au frais du
responsable.286(*) En
outre, toute diffusion de l'image d'un prévenu portant des menottes ou
entraves ou placé en détention provisoire sans accord
préalable est prohibée287(*). De même, la publication ou le commentaire
d'une consultation portant sur la culpabilité d'un accusé sont
punis288(*). La
législation vise aussi à interdire la reproduction des actes
d'accusation et de procédure criminelle ou correctionnelle avant lecture
publique289(*). Enfin,
le code de procédure pénal prévoit que le tribunal puisse
ordonner que le procès se déroule en huis clos290(*).
Dans ce domaine, la cour de cassation exige des écrits
incriminés plus que de simples imputations sous forme dubitatives: il
faut en effet que les allégations puissent être regardées
comme « comportant des conclusions définitives tenant pour
acquise la culpabilité » de l'accusé.291(*) En outre, lorsque les
articles incriminés relatent objectivement les débats judiciaires
(sans préjudice de l'article39), « sans appréciation
personnelle du journaliste sur la personnalité des
accusés », ils bénéficient de l'immunité
du compte rendu judiciaire prévue par l'article 41 de la loi de
1881.292(*) En effet
pour porter atteinte à la présomption d'innocence, il faut par
exemple que les écrits litigieux contiennent uniquement « des
témoignages à charge et qu'ils présentent la
culpabilité de la personne comme certaine ».293(*)
Lors d'affaires judiciaires, la législation met aussi
l'accent sur la protection des victimes et plus particulièrement celles
des enfants. Ainsi, la reproduction des circonstances d'un crime ou
délit sans l'accord de la victime est interdite si elle porte
« gravement atteinte à sa
dignité »294(*) , la diffusion de l'identité d'une victime
d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime sauf
accord écrit295(*). Il est aussi fait mention de l'interdiction de
rendre compte de l'audience (prise d'image etc.) et de certain procès
dans leur ensemble dans le but de protéger la vie privée des
parties (ne s'applique pas aux dispositions). Le pouvoir pour les cours dans
les affaires civiles d'interdire le compte-rendu du procès est par
ailleurs consacré. 296(*)
Paragraphe 2: Le système écossais de
'Contempt of Court'
Il importe d'observer que la Common Law se
singularise par la restriction de la liberté d'expression tendant
à garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir
judiciaire, et c'est sous la pression de la Grande-Bretagne qu'elle a
été introduite dans la Convention. En effet, une telle
restriction est inconnue dans le droit de la plupart des États membres.
Au Royaume-Uni, ce sujet est régi par une législation statutaire,
The Contempt of Court Act de 1981, utilisée pour
protéger le processus judiciaire contre la publicité
préjudiciable aux parties au procès. Elle s'applique
particulièrement aux publications définies comme tout discours
adressé à l'ensemble ou une partie du public297(*). Un exemple de son
application est l'affaire H.M. Advocate v NewsPaper Group
Newspapers298(*)
où deux journaux qui ont publié des articles sensationnels
liés à une fusillade et ce, un jour avant l'arrestation du
suspect ont été condamnés pour violation de cette loi.
L'un d'entre eux a dû payer un amende plus conséquente car dans
son article, des allégations précises impliquait la
culpabilité du suspect même sans le nommer. En effet, les
jurés dans le système judiciaire écossais sont
censés ignorer les faits et les accusations liés au crime en
question pour protéger le droit à la présomption
d'innocence. Ainsi dans une autre affaire, la publication par un journal
d'allégations de tentative d'intimidation des témoins par un
homme politique accusé de fraude électorale et de tentative de
corruption de la justice un temps considérable avant le
déroulement du procès est en flagrante infraction avec le
Contempt of Court Act car la aussi il y a un risque qu'en lisant
l'article les jurés concluent à sa culpabilité.299(*) Par ailleurs, le
Judicial Proceedings Act de 1926300(*) interdit la publication de documents `impudique`:
ainsi, concernant les affaires de divorces, c'est un délit de publier
une action en divorce si ce n'est dans certains domaines particulier
spécifiés dans l'Act.
Il existe en outre un certain nombre de dispositions visant
à protéger l'identité des parties à un
procès tenu en huis clos301(*) et particulièrement dans le cas d'affaires
criminelles.302(*)
Ainsi, les juridictions retiennent l'identité des témoins dans
les affaires de chantage et empêche sa diffusion en émettant des
ordres qui sont exécutoires pour quiconque en est informé. En
outre, il existe aussi une législation spécifique restreignant la
publication des informations concernant les enfants par laquelle les cours
peuvent émettre une injonction qui interdit la révélation
de l'identité des enfants impliqués dans une affaire
judiciaire.303(*)
Normalement, en Écosse, les actions pour Contempt
of court sont intentées par le Lord Advocate, mais il est aussi
prévu qu'une partie au procès puisse engager des poursuites
particulièrement concernant les affaires criminelles: la jurisprudence
Robb v Caledonian Newspapers Ltd. précise que la
législation qui exige l'accord de l'Attorney General ne s'applique pas
à l'Écosse.304(*) Les juridictions peuvent émettre des
interdicts pour empêcher la publication de documents. Ils ne
peuvent toutefois s'appliquer qu'à ceux qui ont reçu un
avertissement.
Il existe toutefois des exceptions à l'application de
cette législation: c'est à la défense de prouver
qu'à l'époque de la publication ou de la distribution elle ne
savait pas que les poursuites judiciaires allaient être
engagées305(*).
Par ailleurs, un compte rendu impartial et exact d'un procès rendu
public et publié de bonne foi n'est pas susceptible d'engager la
responsabilité de son auteur306(*). En outre, la publication de bonne foi d'une
discussion publique ou d'un sujet d'intérêt public ne pourra pas
soulever de responsabilité si l'impact sur le déroulement du
procès est minime307(*).
Ces dispositions démontrent l'importance
accordée aux droits de la défense et au bon fonctionnement de la
justice: le pouvoir accordé aux juges peut remettre gravement en
question le droit à l'information surtout concernant les affaires
judiciaire qui portent un intérêt public. C'est pourquoi la Cour
Européenne s'est évertuée dans sa jurisprudence à
rappeler ses principes et a condamner les deux pays.
Section 2: L'influence de la Cour Européenne:
atténuation de la protection de la justice
La Cour européenne est intervenue pour mettre fin en
France à l'interdiction générale et absolue de publier des
informations concernant les constitutions de parties civiles (paragraphe 1). En
outre, en France comme en Écosse, la protection des sources
journalistiques a été jugée insuffisante par la Cour
lorsqu'est en jeu un débat public d'importance (paragraphe 2).
Paragraphe 1: Le cas particulier français de la
constitution de partie civile
Dans le cadre de la protection de la présomption
d'innocence, la loi du 2 juillet 1931 interdisait toute publication
d'information ayant trait à des constitutions de parties civiles dans le
cadre. Cette législation avait pour but de protéger la
réputation et le droit d'autrui ainsi que l'impartialité du
pouvoir judiciaire en raison d'une utilisation non justifiée de la
procédure. Cette interdiction est impérative pendant la
durée de l'instruction pour laisser à la justice s'assurer du
sérieux de la plainte déposée. Conformément
à sa jurisprudence, la cour de cassation a rejeté le moyen
fondé sur l'incompatibilité d'une telle mesure avec la Convention
Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt de 1996308(*) arguant qu'elle constitue
une mesure nécessaire pour la protection du droit d'autrui et de
l'impartialité de la justice prévu a l'alinéa 2 de
l'article 10. Dans un arrêt Roy et Malaurie c/
France309(*), la Cour
Européenne des Droits de l'Homme a sanctionné la France pour
violation de l'article 10 de la Convention du fait du caractère
général et absolu de l'interdiction posée par la loi de
1931 non nécessaire dans une démocratie. Elle reconnaît les
buts légitimes poursuivis par une telle législation pour une
bonne administration de la justice et aux fins de respect de la
présomption d'innocence. Toutefois, cette législation
« entrave de manière totale le droit pour la presse d'informer
le public sur des sujets qui, bien que concernant une procédure
pénale avec constitution de partie civile, peuvent être
d'intérêt public » car elle consiste en une interdiction
générale et absolue de publication de tout type d'information. Or
cette prohibition ne concerne que les procédures pénales ouvertes
sur plainte avec constitution de partie civile à l'exclusion de celles
ouvertes sur réquisition du parquet ou sur plainte simple. Selon la
Cour, cette différence de traitement ne semble fondée sur aucune
raison légitime d'autant qu'il s'agissait en l'espèce de sujets
d'intérêt public. Et, la présence d'autre dispositions
(article 9-1 du code civil) dans le droit français qui garantissent le
respect de la présomption d'innocence rend peu pertinente l'interdiction
prévue par la loi de 1931. Par conséquent, la Cour conclut
à la violation de l'article 10 de la Convention.
La Cour de cassation dans deux arrêts de
2001310(*) a
adopté cette solution en déclarant que « l'article 2 de
la loi du 2 juillet 1931, par l'interdiction générale et absolue
qu'il édicte, instaure une restriction à la liberté
d'expression qui n'est pas nécessaire à la protection des
intérêts légitimes énumérés par
l'article 10.2 de la Convention».
Paragraphe 2: La protection des sources
journalistiques contre le droit à un procès équitable
Pour exercer pleinement leur rôle d'information
d'actualité et de forum politique, les journalistes sont parfois tenus
à tenir secret l'identité de leurs informateurs: en agissant
ainsi, ils peuvent se heurter aux droits d'autrui, et particulièrement
au droit à un procès équitable. En effet, il arrive que la
révélation de l'informateur soit nécessaire pour pouvoir
engager des poursuites judiciaires. Ailleurs, les sources journalistiques
peuvent porter atteinte au secret de l'instruction en divulguant des
informations confidentielles en cours de procès. Dans ces deux domaines,
la Cour européenne a mis l'accent sur l'intérêt capital des
sources journalistiques pour le bon fonctionnement de la société
démocratique dans une affaire Goodwin c/ Royaume-Uni311(*) (A). Ce libéralisme
n'est pas allé sans déplaire aux juridictions françaises
dont la résistance a été sanctionnée
récemment par la CEDH (B).
A- L' Affaire Goodwin: l'intérêt public
capital des sources journalistiques
Le Royaume-Uni a été
sanctionné par la Cour Européenne pour violation de l'article 10
de la Convention pour la condamnation d'un journaliste qui a refusé de
révéler les sources qui lui ont permis de dévoiler les
difficultés financière de la société Tétra.
Il faut noter que les informations fournies provenaient d'un projet de plan de
développement confidentiel de la société dont l'une des
copies a disparu. En effet, parmi les raisons invoquées par le
Royaume-Uni, figure celui de l'entrave faite à la société
Tetra de connaître l'informateur pour pouvoir lui intenter une
procédure en recouvrement du document disparu: en effet, sauf à
connaître l'identité de l'informateur, la société ne
pouvait pas empêcher les informations confidentielles du plan de se
répandre en engageant contre l'intéressé une
procédure pour récupérer le document disparu et obtenir
une injonction lui interdisant de les divulguer ainsi que des
dommages-intérêts. Par ailleurs la société avait
pour motif légitime de démasquer un salarié ou
collaborateur qui continuerait à pénétrer
impunément dans ses locaux. C'est donc pour protéger le droit de
la société de mener à bien des poursuites judiciaires que
l'ingérence se justifie: est en balance le droit de la
société à un procès équitable et la
protection des sources journalistiques.
La Cour reconnaît certes comme pertinents les motifs
adoptés par le gouvernement britannique mais ajoute que la protection
des sources journalistiques est l'une « des pierres angulaires de la
liberté de la presse » et que « l'absence d'une
telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la
presse aÌ informer le public sur des questions d'inteìre?t
geìneìral ». Par conséquent, du fait du
caractère liberticide d'une ordonnance de divulgation pour la
liberté de la presse, seul un « impératif
prépondérant d'intérêt public » peut
justifier de la nécessité d'une telle mesure dans une
société démocratique. En effet, selon la Cour, les
intérêts de la société à engager des
poursuites judiciaires sont insuffisants en eux-mêmes pour justifier
d'une mesure nécessaire dans une société
démocratique: « l'intérêt public
capital » que constitue la protection des sources journalistiques
l'emporte nécessairement sur les droits individuels de la personne. Par
conséquent, toute ingérence fondée sur le droit à
un procès équitable pour justifier de la nécessité
de la mesure doit être soutenue par la présence d'un
intérêt public prépondérant.
B- La résistance des juridictions
françaises sanctionnée par le juge européen
L'affaire Fressoz et Roire c/ France312(*) par lequel la France s'est
vue censurer pour l'existence du délit de recel peut s'analyser dans la
perspective de la protection des sources journalistiques bien que
n'était pas en cause le droit à un procès
équitable: la Cour a ainsi rappelé sa jurisprudence constante en
ce qui concerne le débat public d'intérêt
général et le rôle prépondérant joué
par la presse. La doctrine, selon L. François313(*), a été
très divisée et la jurisprudence a rejeté la jurisprudence
libérale du juge européen: il a été reproché
à la CEDH de conférer « une certaine impunité
à la presse au détriment du droit au respect de la vie
privée et du droit au respect de la présomption
d'innocence ». Ainsi, la jurisprudence française a
manifesté son refus de suivre la jurisprudence de la Cour de Strasbourg
lors de l'affaire dite des « écoutes de
l'Elysée ».
En effet, il s'agissait en l'espèce de la publication
d'un ouvrage « Les oreilles du Président »
qui comportait la reproduction de fac-similés d'écoutes
téléphoniques provenant de pièces consignées dans
la procédure judiciaire. Les auteurs ont été
condamnés pour délit de recel de violation du secret de
l'instruction ou du secret professionnel. Pour justifier de la
nécessité d'une telle mesure dans « une
société démocratique », la cour de cassation a
évoqué la protection de la vie personnelle et des droits de la
défense de l'accusation dans le procès des écoutes
téléphoniques: ces révélations étaient de
nature à porter atteinte à la présomption d'innocence dont
bénéficie toute personne poursuivie en plus de violer les
règles fondamentales du fonctionnement de la justice. Elle a donc
jugé que le moyen selon lequel la condamnation pour violation du secret
de l'instruction était contraire à l'article 10 est non
fondé314(*) Cet
arrêt de la Chambre criminelle montre son opposition aux arrêts de
la CEDH. Elle a en cela approuvé par une partie de la doctrine qui juge
que le secret visé dans cette affaire - à savoir le secret de
l'instruction - est plus important que le délit le secret fiscal
visé dans l'affaire Fressoz et Roire c/ France C'est oublier que la Cour
a clairement reconnu que la protection des sources journalistiques dans le
débat public d'intérêt général l'emporte
nécessairement sur la présomption d'innocence en l'absence d'un
intérêt général supérieur.
Cette affaire a fait l'objet dans l'actualité
immédiate d'un arrêt de la Cour européenne rendu le 7 Juin
2007: dans l'affaire Dupuis et autres c/ France, la Cour Européenne a
jugé que la condamnation constitue bien une violation de l'article 10 de
la Convention car disproportionnée par rapport au but poursuivi: si elle
reconnaît la légitimité de l'objectif de
préservation du secret de l'instruction, la Cour estime cependant qu'en
l'espèce, étant donné la large médiatisation de
l'affaire des « écoutes de l'Elysée »
à l'époque de la publication de l'ouvrage incriminé, et la
connaissance de notoriété publique de la mise en examen des
prévenus, la divulgation de ces informations n'étaient pas de
nature à violer de façon disproportionnée les droits de la
défense des inculpés. Par ailleurs, elle ajoute que la plus
grande prudence doit s'exercer lors de l'appréciation de la
nécessité dans une société démocratique de
punir «pour recel de violation de secret de l'instruction ou de secret
professionnel des journalistes qui participent à un débat public
d'une telle importance, exerçant ainsi leur mission de
« chiens de garde » de la démocratie
».
Conclusion
Le système européen de protection des droits et
libertés fondamentales exerce sans conteste une influence majeure dans
la définition d'un standard européen du droit de la presse: les
buts légitimes de protection de la réputation et des droits
d'autrui ne doivent pas remettre en cause le rôle de la presse de
«chien de garde» lors de débat public d'intérêt
général. La Cour Européenne consacre par la même un
haut niveau de protection des idées et de l'information politiques afin
-il faut le saluer - de faire face aux détournements des
législations protectrices des droits et libertés de la personne
à des fins de censure. Dans le même temps, la Cour
Européenne sait faire preuve de souplesse grâce à la
doctrine de la marge d'appréciation dans les domaines où aucune
pratique juridique n'a émergé dans l'ensemble des pays
européens comme c'est le cas de la protection de la morale et de la
religion plus ou moins intense selon les traditions diverses entre la France et
l'Écosse. Toutefois, la Cour de Strasbourg ne donne pas une
liberté illimitée aux États et, elle s'évertue
à définir des principes généraux qui
empêcheront la censure.
Tandis que l'Écosse accorde une protection
renforcée à la morale et à la religion, la France se
singularise par une législation antiraciste très
répressive. Ces différentes pratiques juridiques couvertes par la
marge nationale d'appréciation s'expliquent essentiellement par des
facteurs extrajuridiques: les sociétés écossaises et
françaises ont fait des choix distincts conformément à
leur histoire, leur culture et leur système politique. Les relations
entre l'Église et l'État et les divergences de vue pour ce qui
est des notions de Nation et de l'intégration donnent droit à des
limites de « l'acceptable » plus ou moins larges.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les sociétés
européennes connaissent une évolution convergente vers la
définition d'un standard commun. Ainsi, le délit de
blasphème considéré comme dépassé et
discriminatoire par la doctrine écossaise et de la Cour de Strasbourg,
risque ainsi d'écarter l'application de la doctrine de la marge
d'appréciation. En outre, l'expression des opinions personnelles peut
parfois entrer en contradiction avec le droit à l'information ou au
débat public d'intérêt général. Ainsi, le
haut niveau de protection accordée à la presse par la Cour de
Européenne dans ce domaine permet de parer aux risques de censure
politique.
Le droit au respect de la vie privée, la protection de
la réputation et le droit à un procès équitable
connaissent une évolution convergente dans les deux pays sous
l'impulsion de la Cour de Strasbourg. Cependant, pour ce qui est de la vie
privée, l'influence européenne est perçue de façon
totalement contradictoire: les pays anglo-saxons connus pour l'absence de
législation générale de la vie privée s'opposent au
modèle français très protecteur. Ces différences
s'atténuent du fait de l'influence contradictoire dans les deux pays.
L'édification du tableau de ces pratiques juridiques
montrent à quel point le droit est relié à la
société ou il s'établit. Et, la Cour Européenne
semble incarnée plus un miroir qu'un réel pouvoir constituant.
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édito 3 February 2006. <
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Libération, « Appel Liberté
pour l'histoire », 13 Décembre 2005
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sur la mise en oeuvre de l'article 10 de la Convention
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http://www.echr.coe.int/library/digdoc/HR%20handbooks/handbook02_fr.pdf >
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http://www.echr.coe.int/NR/rdonlyres/086519A8-B57A-40F4-9E22-3E27564DBE86/0/FrenchFrançais.pdf
Human Rights Act
http://www.opsi.gov.uk/ACTS/acts1998/19980042.htm#aofs
Scotland Act
http://www.opsi.gov.uk/ACTS/acts1998/19980046.htm
Loi de 1881
http://www.legifrance.gouv.fr/texteconsolide/PCEAA.htm
Sites internet:
Cour Européenne des Droits de l'Homme:
www.echr.coe.int
Cour de cassation: www.courdecassation.fr
Conseil Européenne :
www.coe.int
Légifrance:
www.legifrance.com
Office of Public Sector Information:
www.opsi.gov.uk
Reporters Sans Frontières:
www.rsf.org
Index lexical
A
Abus de droit 39
B
Breach of confidence 8
C
Common Law 8, 9, 32, 35, 59, 68, 85
Conseil Constitutionnel
Liberté fondamentale 10
Objectif de transparence 11
Pluralisme des quotidiens d'informations 11
Constitution française 10
Constitutionnalité des lois 12, 15
Contempt of Court 8
Contrôle de conventionalité 12, 15
Convention Européenne 12
Abus de droit 6
Principe de légalité des délits et des
peines 23
Principe de non discrimmination 23
Principe de subsidiarité 17
'prévue par la loi' 7
Cour Européenne des Droits de l'Homme 22
Besoin social impérieux 81
Interprétation vivante, 'living instrument' 22
Marge d'appréciation nationale 16, 17, 18, 22, 28, 44, 47,
54, 60, 78
'besoin social impérieux' 7, 29, 47, 49
'buts légitimes' 7, 21, 49, 87
'chien de garde' 44, 54, 82
'nécessaire dans une société
démocratique' 6, 7, 21, 29, 60, 77, 91
'prévue par la loi' 7, 21, 59
D
DDHC 10
Devoir d'objectivité 46
Divulgation d'informations 16
Droit à un procès équitable 82
Affaire des écoutes de l'Elsée 90
Affaire Fressoz et Roire 90
Affaire Goodwin 89
Affaire Outreau 83
Affaire Roy et Malaurie 87
Constitution de parties civiles 87
Contempt of Court 82, 85
Délit de recel 90
Intérêt public capital 90
Présomption d'innocence 83
Secret de l'instruction 90
Droit constitutionnel écossais
Conventions constitutionnelles 9
Déclaration d'incompatibilité 15
Doctrine du Lord Bridge 13
Souveraineté du parlement 10, 12, 15
E
Expression politique 7, 43, 45, 75
Affaire Lingens 4, 61
Critique 80
Débat politique 81
Débat public d'intérêt général
79, 82, 90
Libre discussion des questions politiques 77
H
Human Rights Act 1998 12, 13, 23, 55, 57, 68
J
Jugements de valeur 16, 74, 78
L
Loi de 1881 8
M
Moralité
Affaire Handyside 28
Affaire Hara-kiri 38
Affaire Open Door et Dublin Well Women 29
Attentat à la pudeur 33
Avortement 29
Dignité de la personne humaine 31
Instrument vivant 35
Obscénité 18, 28, 32
Outrage aux bonnes moeurs 30, 32, 33, 35
Protection de la jeunesse 34, 36, 37, 38
N
Négationnisme 47
Abus de droit 50, 51
Affaire Garaudy 50
Affaire Lehideux 49
Apologie des crimes ou délits de collaboration 50
Délit de contestation de crimes contre l'humanité
47, 52
Diffamation raciale 50
Génocide arménien 52
Histoire officielle? 52
Lois mémorielles 53
Nécessité de la répression 49
'faits historiques clairement établis' 51
Non discrimination
Convention sur l'élimination de toutes formes de
discrimination raciale 42
Diffamation, injure 42
Discrimination sexuelle 42
Haine raciale 39
Multiculturalisme 40
P
Protection des sources journalistiques 88
R
Racisme
Affaire Jersild 39, 43, 44
Affaire Lehideux 49
Expression politique 41
Religion
Affaire 'Vision d'Ecstasy' 22
Affaire des caricatures 4, 19, 24
Affaire Gay News 21
Délit de blasphème 8, 18, 19, 27
Diffamation 25
Eglise 19, 22
Incitation à la haine religieuse 27
Injure publique 24
Islam 23, 25, 26
'Clash des civilisations' 27
Reporters Sans Frontières 4
Réputation
Affaire Clearstream 75
Affaire Colombani et autres 80
Affaire Lingens 75, 77
Affaire Mamère 78
Bonne foi 72, 74, 79
Calomnie 68
Diffamation 67, 70, 71
Diffamation publique envers un fonctionnaire 78
Droit de réponse 73
Fonctionnaires 78
Hommes politiques 77
L'exception de vérité 72, 73, 79, 81
Offense publique aux chefs d'état étrangers 80
Satire 80
Réputation
Diffamation 67
S
Scotland Act 1998 9, 12, 13, 55
T
Théories 61
Affaire Handyside 60
Découverte de la vérité 53
Développement personnel 5
Participation citoyenne à la démocratie 4
V
Vie privée 55, 57
Affaire du 'Grand Secret' 61, 66
Breach of confidence 63
Débat d'intérêt public 65
Définition européenne 58
Définition française 63
Droit à l'image 64
Expression politique 66
Incorporation de la convention 56
Personnages publics 61, 62, 64, 65
Press Complaints Commission's Code of Practice 57
Presse people 61, 63
Secret médical 66
Table des matières
Remerciements 2
Liste des abréviations et sigles 3
Introduction 4
Les sources législatives du droit de la presse 8
Les sources constitutionnelles de la liberté de la presse
9
La transposition du droit de la Convention en droit interne 11
Chapitre 1: La diversité des approches en matière
de liberté d'opinion 17
Titre 1: Religion et moralité: protection renforcée
en Écosse 18
Section I: Entre blasphème et provocation à la
haine religieuse 19
Paragraphe 1: le délit de blasphème:
spécificité anglo-saxonne anachronique? 19
A- Le délit de blasphème: une limitation
nécessaire dans une société démocratique? 19
B- La discrimination entre l'Eglise et les autres religions
23
Paragraphe 2 : La variété des réactions
quant à l'outrage a la religion 24
A- La France : La mise en forme d'un débat public
24
B- Écosse : Une tentative d'apaisement social 26
Section II : entre obscénité et protection de
la jeunesse 28
Paragraphe 1: La moralité: notion évolutive par
excellence 28
A- la jurisprudence européenne : une marge nationale
d'appréciation large mais non illimitée 28
B- Contexte national: entre l'abrogation et
interprétation évolutive de la notion de morale 30
1.De l'outrage aux bonnes moeurs au principe de dignité en
France 30
2.L'évolution du concept d'obscénité en
Ecosse 32
Paragraphe 2: La protection de la jeunesse 34
A- La jeunesse comme une cible à protéger des
influences démoralisantes et violentes 35
B- les risques de détournement de la loi de 1949 38
Titre 2 : Propos racistes et négationnistes:
traitement plus répressif en France 39
Section I : L'incitation à la haine raciale et
à la discrimination 39
Paragraphe 1 : Étendue diversifiée de la
protection de la personne 40
A- En Écosse: la protection dans le cadre de l'ordre
public 40
B- En France: la protection contre la diffamation et l'injure
raciale 42
Paragraphe 2: Les limites adoptées par la CEDH 44
A- Renforcement de la liberté de la presse dans sa
contribution aux discussions de problèmes d'intérêt
général 44
B- Devoirs et responsabilités du journaliste dans la
transmission de propos racistes 45
Section II: La spécificité française dans la
lutte contre le négationnisme 47
Paragraphe 1 : la conformité de la
pénalisation du négationnisme à la Convention 47
A- Le contexte national de la répression du
négationnisme 47
B- Jurisprudence européenne favorable 49
Paragraphe 2 : Les risques inhérents aux lois
mémorielles 50
A- Les limites juridiques dans l'affaire Lehideux 50
B- Les craintes d'une vérité imposée 52
Chapitre II: L'uniformisation des limites de la liberté de
communication des informations. 54
Titre I: Convergence des législations protectrices de la
réputation et du droit a la vie privée 55
Section 1: la protection de la vie privée: menace par ou
sur la liberté de la presse? 55
Paragraphe 1: L'Ecosse: des craintes suscitées par
l'incorporation de la Convention sur la liberté de la presse 56
A- Raison de l'inquiétude: l'absence de
législation sur la vie privée 56
B- Une évolution mitigée de la protection du droit
à la vie privée 59
Paragraphe 2: France: Une législation fortement
protectrice du droit à la vie privée atténuée par
le droit à l'information 63
A- L'étendu du champ de protection de la vie
privée 63
B- Une reconnaissance insuffisante de la
supériorité du débat public 65
Section 2: Le droit de la diffamation et le droit à la
critique 67
Paragraphe 1: Étendue de la protection de la
réputation des personnes 68
A- L'interdiction des propos calomnieux et diffamatoires 68
B- La vérité des faits diffamatoires et la bonne
foi comme faits justificatifs 72
1.L'exception de vérité: des conditions difficiles
à réunir 72
2.la bonne foi: un moyen subsidiaire d'exonération 74
Paragraphe 2: Les limites à protection de la
réputation accentuées dans le cadre du débat
d'intérêt public 76
A- Le déplacement de « l'acceptable »
en faveur de la critique pour les hommes publiques 77
B- L'affaire Colombani et autres c/ France: mise à mort
de l'offense envers les chefs d'État étrangers 80
Titre II: L'assouplissement de la protection du droit à un
procès équitable 82
Section 1: Deux législations nationales très
protectrices de la présomption d'innocence 82
Paragraphe 1: le système français de protection de
la présomption d'innocence. 82
Paragraphe 2: Le système écossais de 'Contempt of
Court' 85
Section 2: L'influence de la Cour Européenne:
atténuation de la protection de la justice 87
Paragraphe 1: Le cas particulier français de la
constitution de partie civile 87
Paragraphe 2: La protection des sources journalistiques contre le
droit à un procès équitable 88
A- L' Affaire Goodwin: l'intérêt public capital des
sources journalistiques 89
B- La résistance des juridictions françaises
sanctionnée par le juge européen 90
Conclusion 92
Bibliographie 94
Index lexical 100
Table des matières 104
* 1 Dictionnaire de
L'Académie française, 8eme Édition (1932-5) Presse
(Page 2:405) pour la définition du terme presse on trouve : se dit
figurément de l'ensemble des journaux voir la définition
donnée dans l'ouvrage `Libertés Publiques`, P. Wacksmann, Dalloz
5eme éd. 2005, p 525 para 470. « Produits de la machine
à imprimer, c'est-à-dire les écrits qui en sont issus,
sous quelque forme qu'ils se présentent ».
* 2 Voir E. Barendt,
Freedom of Speech, Clavendon Press, Oxford (1985), p8-20 ou il
développe l'idée de 3 théories explicatives de la
liberté d'expression : la découverte de la vérité
des utilitaristes comme John Stuart Mill, le développement personnel et,
celle qui nous intéresse ici : la participation citoyenne a la
démocratie.
* 3 CEDH, Lingens c/ Autriche,
8 Juillet 1986, Série A103, par. 42.
* 4 CEDH, Sunday Times c/
Royaume-Uni, 26 Novembre 1991, Série A217, par. 50.
* 5 Reporters Sans
Frontières, La liberté de la presse dans le monde, Rapport
annuel 2007, < http://www.rsf.org/IMG/pdf/rapport_fr_bd-2.pdf >, p
110.
* 6 Ibid.
* 7 C-A. Colliard,
Libertés Publiques, 4eme édition 1972 p 418.
* 8 Conseil constitutionnel
jeudi 11 Octobre 1984 - Décision n° 84-181 DC - Loi
visant à limiter la concentration et à assurer la transparence
financière et le pluralisme des entreprises de presse,
Considérant 38 : « liberté fondamentale, d'autant
plus précieuse que son exercice est l'une des garanties essentielles du
respect des autres droits et libertés et de la souveraineté
nationale ».
* 9 Préc. note 2.
* 10 R v Secretary of State
for the Home Department, ex p Simms [1999] 3 WLR 328, 337: «First, it
promotes the self-fulfilment of individuals in society. Secondly, in the famous
words of Holmes J. (echoing John Stuart Mill), "the best test of truth is the
power of the thought to get itself accepted in the competition of the market:"
Abrams v. United States (1919) 250 U.S. 616, 630, per Holmes J. (dissenting).
Thirdly, freedom of speech is the lifeblood of democracy. The free flow of
information and ideas informs political debate».
* 11 Article 4 de la DDHC:
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne
nuit pas à autrui ».
* 12 R. Cabrillac M-A
Frison-Roche T. Revet, Libertés et droits fondamentaux, 12eme
éd. 2006, p382
* 13 Interdiction de l'abus
droit : « Aucune des dispositions de la présente
Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour
un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer
à une activité ou d'accomplir un acte visant à la
destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente
Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et
libertés que celles prévues à ladite
Convention ».
* 14 Sunday Times préc.
par. 49.
* 15 CEDH, Handyside c/
Royaume-Uni, 7 Décembre 1976 Série A24 par. 48.
* 16 CEDH, Observer et
Guardian c/ Royaume-Uni, 26 Novembre 1991 Série A216 para 59c.
* 17 Lingens préc. par.
42.
* 18 Voir Article 26 de la
Convention et l'affaire "linguistique belge", 23 juillet 1968, série A
no 6, p 35, par. 10 in fine.
* 19 A. V. Dicey,
Introduction to the study of the Law of the Constitution, 8eme
ed. (liberty Classics, 1982) p 147.
* 20 S. A. Bandaronayake,
`Essay on Freedom of Expression`, in Speaking Freely, expression and the
Law in the Common Wealth, Robert Martin Editor, Faculty of Law, Irwin Law
(1999) Toronto, p3.
* 21 Coco v AN Clark
(Engineers) Ltd (1969) 86 RPC 41.
* 22 R v Lemon [1979] 1 All
ERR 898.
* 23 Contempt of Court Act
1981.
* 24 Article 5 de la loi du 29
Juillet 1881.
* 25 Toutefois, en plus du
droit civil, les infractions de presse ont proliféré en dehors de
la loi dans le Code Pénal.
* 26 Article 65. Voir aussi
article 35 pour les exceptions au droit commun de l'exercice de l'action
publique par le parquet : une plainte préalable doit être
déposée lorsque l'infraction en question est dirigée
contre une personne.
* 27 Thoburgh v Sunderland
City Council [2003] QB 151: «soit ceux qui conditionnent les
relations juridiques entre citoyens et Etat d'une manière exhaustive ou
qui élargissent ou diminuent la portée de ce qui est
considéré comme étant les droits fondamentaux
constitutionnels».
* 28 J.D.B. Mitchell,
Constitutionnal Law, Published under the auspices of the Scottish
Universities Law Institute by Green, 1964. p.23 : « en tant
que sources originale d'un principe ou en tant que sources secondaires, lorsque
les courts interprètent les statuts » ; J.Munro,
Public law in Scotland, Edinburgh , W. Green (2003), p
7 : « déterminent l'étendue des
prérogatives [des différents acteurs politiques]... reconnues
mais non trouvées telles quelles dans la Common Law, et qui surveillent
leur exercice » ; Dicey, Introduction to the Law of the
Constitution, p. 195 : « les principes
généraux de la constitution sont le résultat de
décisions judiciaires ».
* 29 Acts of Union,
European Communities Act, Human Rights Act.
* 30 Section 29 (2) du
Scotland Act 1998.
* 31 H.W.R Wade, «The
basis of Legal Sovereignty» 1955 CJL 172; A. V. Dicey, The Law of the
Constitution, London, 1959, pp39, 40.
* 32 Voir J. Munro, Op
Cité., 2-02 2-03, pp 26-31.
* 33 Lord Campbell in
Edinburgh and Dalkeith Ry v Wauchope (1842) 8 C.I and F. 710 « La
seule chose qu'une cour de justice puisse faire est de regarder le rôle
parlementaire : s'il apparait a partir de la qu'un Bill est voté
dans les deux Chambres and a reçu l'assentiment royal, aucune Cour de
Justice ne peut enquêter sur la façon dans il a été
introduit au parlement ».
* 34 Cheney v Cnn [1968] 1
W.L.R. 242: «ce que les statuts décrètent ne peut être
illégal...et ce n'est pas aux cours d'indiquer qu'un acte parlementaire,
forme législative la plus élevée du pays, est
illégal «.
* 35 Cons. Const., 16 juillet
1971 - Décision n° 71-44 DC
« liberté d'association »
* 36 Cons Const, Déc.
84-181 DC, 11 Octobre 1984, Entreprise de Presse ; Cons
Const, 27 Juillet 1982 Déc.
82-141
DC, Communication audiovisuelle.
* 37 Cons. Constit.,
`Entreprise de presse` : « s'agissant d'une
liberté fondamentale (...) la loi ne peut en réglementer
l'exercice qu'en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui
d'autres règles ou principes de valeur
constitutionnelle ».
* 38 N. Molfessis,
« La dimension constitutionnelle des libertés et droits
fondamentaux », p88 in Libertés et droits fondamentaux
2006 12ème éd. Sous la direction de R. Cabrillac M-A.
Frison-Rocho T. Revet, Dalloz, p77-97.
* 39 J. H. Rayner Ltd v Dept
of Trade and Industry 1990 2 AC 418.
* 40 Surjit Kaur v Lord
Advocate, 1980 SC 319.
* 41 Inner House, Moore v
Secretary of State for Scotland, 1985 SLT 38
* 42 Par ex. Lord Advocate v
Scotsman Publications Ltd 1989 SC (HL) 122.
* 43 R v Secretary of State
for the Home Department, ex p Brind, 1991 1AC 696 voir aussi Salamon v
Commissioners of Customs and Excise, 1967 2 QB 116, Diplock L.J «there is
a prima facie presumption that Parliament does not intend to act in breach of
international law».
* 44 Les juridictions
écossaises ont du prendre en compte la jurisprudence de la Cour voir
notamment CEDH, Granger v United Kingdom, 1990 A174 et Bonner v UK, 1994 A
300-C.
* 45 T, Petioner, 1997 SLT
724-734.
* 46 McLeod v HM Advocate,
1998 SCCR 77.
* 47 SA 1998, s29 (2) d.
* 48 Ibid., s31 et s32.
* 49 SA 1998 Sch6 para1(a).
* 50 Ibid., s100(1).
* 51 Ibid., s102.
* 52 Ibid., s53.
* 53 Ibid., s57.
* 54 Ibid., s102.
* 55 White Paper Rights
Brought home (cm 3782 (1997) p.1).
* 56 Human Rights Act, s3.
* 57 HRA, s4
* 58 HRA 6(1) pris avec 6(3)
pour la Convention et s(2) pour la jurisprudence.
* 59 HRA 1998, s7.
* 60 HRA s19.
* 61 Ce n'est pas toutes les
cours mais un certains nombre listées HRA s5.
* 62 HRA s6.
* 63 Ibid. s10
* 64 Lingens,
précité, par. 46.
* 65 Voir aussi Oberschlick c/
Autriche, 1991 ; Schwabe c/ Autriche, rapport de la Commission du 8 janvier
1991 ; Dalban c/ Roumanie, 1999.
* 66 Affaire de Chypre,
Grèce c/ Royaume-Uni du 2 octobre 1958.
* 67 CEDH, affaire
"relative a certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en
Belgique" c/ Belgique, 23 janvier 1968, Série A6 par. 10 in fine,
arrêt Handyside préc. par. 48 CEDH, Irlande c. Royaume-Uni, 18
janvier 1978, A25, par. 207.
* 68 Handyside, préc,
par. 48.
* 69 Ibid., par. 50.
* 70 Thomas A. O'Donnel, `The
Margin of appreciation doctrine standards in the jurisprudence of the European
Court of Human Rights`, Human Rights Quarterly, 474, 1982, p479; Cora.
S. Feingold, The doctrine of margin of appreciation and the ECHR`, Notre
Dame Lawyer October 1977 p106.
* 71 H.C. Yourow, `The margin
of appreciation doctrine in the dynamics of European human rights
jurisprudence`, Connecticut journal of International Law 111 vol.3
1987-1988, p116.
* 72 CEDH, Wingrove c/ Royaume
Uni, 25 Novembre 1996 Recueil 1996-V, para 58.
* 73 Lord Scarman dans R v
Lemon [1979] 1 All ERR 898.
* 74 Henry v.
Robinson 1843 1 Brown 643.
* 75 Sir G. H. Gordon,
Criminal Law of Scotland, 3rd ed. By M. G. A. Christie, W.
Green, Edinburgh (2001), par. 41.28, p 671.
* 76 Select committee
on religious offences in England and Wales volume I -- report published by
authority of the house of lords London - the stationery office limited HL Paper
95-I p 56 disponible a l'adresse
http://www.parliament.the-stationery-office.co.uk/pa/ld200203/ldselect/ldrelof/95/95.pdf.
* 77 K. FOSTER, `Springer TV
opera faces blasphemy complaint`, The Scotsman, 16 January 2005 <
http://news.scotsman.com/topics.cfm?tid=929&id=56322005>;
BBC News, `Group to act over Springer opera`, 10
January, 2005,
<http://news.bbc.co.uk/1/hi/entertainment/tv_and_radio/4161109.stm >
* 78 R. EDWARD, `Blasphemy
claim over erotic festival posters`, The Scotsman, 2 September 2004,
< http://thescotsman.scotsman.com/edinburgh.cfm?id=1029272004 >
* 79 R v Lemon
préc.
* 80 Com.EDH Gay News et Lemon
c/ Royaume Uni, 7 Mai 1982, (1983) 5 E.H.R.R. 123.
* 81 Ibid, par. 4-11.
* 82 Wingrove préc.
par. 57.
* 83 CEDH, Tyrer c/ Royaume
Uni, 25 avril 1978, Série A26.
* 84 CEDH, Marckx c/ Belgique,
13 Juin 1979, Série A31.
* 85 CEDH, Dudgeon c/
Royaume-Uni, 22 Octobre 1981, Série A45.
* 86 Ibidem.
* 87 R. v. Chief Metropolitan
Stipendiary Magistrate [1991] 1 All ER 306.
* 88 Law Commission
Working Paper No 79
* 89 La plus
controversée montrait le prophète avec une bombe dans son turban,
une autre, le prophète avec une apparence ambiguë d'ange ou de
démon
* 90 France soir le
1er Février 2006, Charlie Hebdo 8 Février.
* 91 Proposition de loi
N° 2895 visant à interdire les propos et les actes injurieux
contre toutes les religions.
* 92 Voir Le Monde,
`caricatures de Mahomet : le directeur de « Charlie
Hebdo » relaxé`, 22 Mars 2007.
* 93 Cass.Crim., 14
Février 2006, N° de pourvoi : 05-81932.
* 94 Crim., 14 Novembre 2006,
N° de pourvoi : 05-15822.
* 95 Crim., 16
Février 2007, N° de pourvoi : 06-81785.
* 96 CEDH, Wingrove
préc.
* 97 News Foreign and
Commonwealth Office Website, `Straw Comment on Cartoons depicting the prophet
Mohammed`, 3 February 2006,
<http://www.fco.gov.uk/servlet/Front?pagename=OpenMarket/Xcelerate/ShowPage&c=Page&cid=1007029391629&a=KArticle&aid=1138869062592>
* 98 M. Roche, Le
Monde, `Au Royaume-Uni, seul un journal d'étudiants a publié
les caricatures`, 12 Février 2006 ;
The Guardian, `Cartoons and their context`
édito 3 February 2006. <
http://www.guardian.co.uk/cartoonprotests/story/0,,1703551,00.html>;
BBC News, ` BBC's dilemma over cartoons`, 3 February
2006, <
http://news.bbc.co.uk/newswatch/ukfs/hi/newsid_4670000/newsid_4678100/4678186.stm>;
Daily Telegraph, `Why we will defend the right to
offend`, 3 February 2006, <
http://www.telegraph.co.uk/opinion/main.jhtml;jsessionid=FFZZQH4LX4EC1QFIQMFCFFWAVCBQYIV0?xml=/opinion/2006/02/03/dl0301.xml
>
* 99 The Guardian,
édito :`Common sense and sensibilities`, 30 September 2006:
«We believe now as then that it was our right to do so - but not our duty
to cause gratuitous offence» disponible sur <
http://www.guardian.co.uk/cartoonprotests/story/0,,1884425,00.html>
* 100 Alex Wade, ` Blasphemy:
Matter of faith`, Law Society Gazette (2006) LS Gaz, 9 Mar, 16, 9
March 2006.
* 101 Public Order Act, Part
III A, s29 «Hatred against Persons on Religious Grounds».
* 102 Public Order Act, Part
III A, S3(4).
* 103 Ibid article 29 B (1)
«A person who uses threatening words or behaviour, or displays any written
material which is threatening, is guilty of an offence if he intends thereby to
stir up religious hatred.».
* 104 Public Order Act, Part
III A, s29 «Nothing in this Part shall be read or given effect in a way
which prohibits or restricts discussion, criticism or expressions of antipathy,
dislike, ridicule, insult or abuse of particular religions or the beliefs or
practices of their adherents, or of any other belief system or the beliefs or
practices of its adherents, or proselytizing or urging adherents of a different
religion or belief system to cease practising their religion or belief
system.»
* 105 Voir Dr Dawn
Watkins,» A state of uncertainty», New Law Journal, 156 NLJ
660, 21 April 2006.
* 106 Handyside c/
Royaume-Uni, préc.
* 107 CEDH, Müller et
autres c/ Suisse, 24 mai 1988, Série A133.
* 108 CEDH, Open Door et
DublinWell Woman c/ Irlande, 29 octobre 1992, Série A246-A.
* 109 Voir. M. Macovei,
`Liberté d'expression, un guide sur la mise en oeuvre de l'article 10 de
la Convention Européenne`, Précis sur les droits de
l'homme No2, par. 77, p 48-49, Conseil de l'Europe <
http://www.echr.coe.int/library/digdoc/HR%20handbooks/handbook02_fr.pdf >
* 110 P. Wacksmann, par. 472
p529.
* 111 Cass. Crim. 31 Mai
1949, JCP 1949.III.4940.
* 112 CA Paris, 12 Mars 1958,
D1958, p608.
* 113 CE, Commune de
Morsang-sur-Orge 27 Octobre 1995 Rec. Lebon p. 372.
* 114 Cass. Civ1., 20
Décembre 2000, `préfet Erignac` Bulletin 2000 I N° 341 p.
220. La Semaine juridique, 14 mars 2001, n° 11 p. 547, conclusions et
note J. SAINTE-ROSE et J. RAVANAS. Le Dalloz, 15 mars 2001, n° 11 p. 872,
note J.P. GRIDEL. Personnes et famille, mars 2001, n° 3 p. 9, note F.
COURTRAY. Voir dans le même sens mais cassation Cass. Civ.2, 4 Novembre
2004, Bulletin 2004 II N° 486 p. 414 Le Dalloz, 2005-03-10, n° 10,
jurisprudence, p. 696-699, observations Isabelle CORPART.
* 115 CA Paris, 28 mai 1996,
Sté Benetton, D., 1996, J. 617, note B.
* 116 Article 227-24 du
Code Pénal : Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser
par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à
caractère violent ou pornographique ou de nature à porter
gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce
d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75000 euros
d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par
un mineur.
* 117 G.H. Gordon,
Criminal Law of Scotland préc. par. 41.15 p 661 et Ingram v
Macari (No2), 1983 S.L.T. 61.
* 118 Henry Robinson (1843) 1
Broun 643.
* 119 R. McCall Smith and D.
Sheldon, Scots Criminal Law, 2nd ed., Butterworths,
Edinburgh (1997), cite l'exemple de l'affaire anglaise Lady Chatterley's
Lover.
* 120 Robertson v Smith, 1980
J.C. 1.
* 121 Dean v John Menzies
(holdings) Ltd, 1981 J.C. 23, Lord Cameron par. 32.
* 122 Robertson v Smith
préc. Dans le meme sens: Tudhope v Taylor 1979 SLT 51.
* 123 Gellatly v Laird 1953
JC 16, 1953 SLT 67.
* 124 Tudhope v Barlow 1981
SLT (Sh Ct) 94.
* 125 C. Gane, Sexual
Offences, Scottish Criminal Law and Practice Series Butterworths,
Edinburgh (1992) cite Dean v John Menzies préc., par. 60 per Lord Stott
and Lord Maxwell .
* 126 R v HM Advocate 1988
SCCR 254.
* 127 Ingram v Macari 1981
SCCR 184.
* 128 The Indecent Displays
(Control) Act 1981, s1-3.
* 129 The Civil Government
(Scotland) Act 1982, article 51(2).
* 130 John Calder
(Publications) Ltd v. Powell [1965] 1 Q.B. 509.
* 131 Ross (Crawford
David) v H.M Advocate (1998), S.L.T. 1313; 1998 SCCR. 359.
* 132 The Civil Government
Act, Article 51(4).
* 133 G. Sutter, 'nothing new
under the sun': old fears and New Media', International Journal of Law and IT,
1 September 2000, 2000 8 (338).
* 134 Tudhope v Barlow
préc., 94.
* 135 Lockhart v Stephen 1982
SCCR 642 p 645-646.
* 136 CE, 19 Janv. 1990,
Société Française de revues, AJDA 1990, p124.
* 137 CE, 28 Juillet 1995,
Association Alexandre ; du même jour voir aussi Association "les
Dioscures" et Association "les amis de gaie France magazine" ; CE, 30
décembre 1998, S.A.R.L. BROADWAY ; CE. Sect., 13 septembre 2006,
Société de presse.
* 138 CE, 30/12/1998, 10 /
7 SSR, 198125, Inédit au Recueil Lebon .
* 139 CE, 28/07/1995,
Association «Les amis de gaie France magazine»
* 140 Voir T. Crepin et T
Groensteen,'on tue a chaque page!', éd. du Temps / musée
de la bande dessinée;
* 141 CEDH, Jersild c/
Danemark, 23 Septembre 1994, Série A298, par.30.
* 142 CEDH, Handyside c/
Royaume Uni, par 49.
* 143 Voir Jersild c/
Danemark, 1995.
* 144 Ibid. Para 25-36.
* 145 Public Order Act
1986, Part III s.17.
* 146 Ibid s18.
* 147 Crown Suppliers v.
Dawkins [1993] 1 All E.R. 306.
* 148 R v. DPP, ex p. Merton
B.C[1999] C.O.D 1961.
* 149 The Law of human
Rights, 15.122, p1052.
* 150 P Carey, Media
Law, Sweet and Maxwell second edition (1999) P132-133.
* 151 Public Order Act,
s25.
* 152 G. Robertson et A.
Nicol, Media Law, 4th ed. Pinguin Books, Sweet et Maxwell (2002)
p220-2221
* 153 Sex Discrimination
Act 1975, s38
* 154 Articles 32
alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi de 1881.
* 155 Cass. Crim., 6 Mai
1986, Bull. Crim. 1986 N° 153 p. 396
* 156 Voir P. Wacksmann,
Libertés publiques, Dalloz 4 éd. 2005 par.474, p532
* 157 Cass. Civ1, 12
Juillet 2006, N° de pourvoi : 05-17704, Bulletin 2006 I N° 395 p.
340.
* 158 CEDH, Jersild c/
Danemark, 23 Septembre 1994, Série A298, para. 35.
* 159 Ibidem.
* 160 CEDH, Wingrove c/
Royaume-Uni, 25 Novembre 1996, par.58, CEDH 1996-V; CEDH, Sürek c/
Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, par. 61, CEDH 1999-IV; CEDH,
Unabhängige Initiative Informationsvielfalt c/ Autriche, 26 Mai 2002, par.
36.
* 161 Handyside
préc.
* 162 Sunday Times
préc. par. 65
* 163 Article 6 Statut du
Tribunal Militaire International
<http://www.icrc.org/dih.nsf/52d68d14de6160e0c12563da005fdb1b/ef25b8f448034148c1256417004b1ce6?OpenDocument>
* 164 Cass. Crim. 17 Juin
1997, Bull. crim. 1997 N° 236 p. 786 ; Dalloz, 1998-01-29, n° 4,
p. 50, note J-P. Feldman
* 165 Cass. Crim., 29 janvier
1998, No pourvoi : 96-82731
* 166 Cass Crim., 12
Septembre 2000, N° de pourvoi : 98-88204
* 167 Cass. Crim. 23
Février 1993, Bull. crim. 1993 N° 86 p. 208
* 168 Cass. Crim., 20
décembre 1994, Bull. Crim. 1994 N° 424 p. 1031
* 169 Cass. Crim.; 12
Septembre 200, N° de pourvoi : 98-88200
* 170 CEDH, Lehideux c.
France, 23/09/1998 Recueil 1998-VII, paragraphe 47; voir aussi Affaire Chauvy
et autres c/ France par. 69, 29 juin 2004, Recueil des arrêts et
décisions 2004-VI
* 171 CEDH, Garaudy c/
France, 24 Juin 2003 1, CEDH 2003-IX.
* 172 Selon la Cour d'appel:
« l'éloge sans réserve de [la] politique [de Montoire]
qui n'est autre que celle de la collaboration »
* 173 Proposition 479 du
18 Décembre 2002, Proposition 1359 du 15 Janvier 2004, Proposition
1643 du 8 Juin 2004, Proposition 2135 du 3 Mars 2005, proposition 2778 du 22
Décembre 2005, proposition 2854 du 8 Février 2006. Voir
http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rapports/r3074.pdf
* 174 Il en est ainsi de
la Loi n° 2005-158 du 23 Février 2005 portant reconnaissance de la
Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés
qui dans sa version originale (supprimé par décret du 16
Février 2006) disposait en son article 4,2 : « Les
programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la
présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et
accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de
l'armée française issus de ces territoires la place
éminente à laquelle ils ont droit. ». Voir aussi Loi
n°2001-434 du 21 Mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite
et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité dite
« Taubirat »
* 175 Appel Liberté
pour l'histoire paru dans Libération le 13 Décembre
2005
* 176 Appel des juristes
contre les lois mémorielles,
<http://www.liberonslhistoire.com/Appel-des-juristes-contre-les-lois-memorielles_a21.html>
* 177 Discours sur la
vertu, par Pierre Nora, Séance publique annuelle de l'académie
française, Paris, Palais de l'Institut, le Jeudi 30 Novembre 2006 <
http://www.academie-francaise.fr/immortels/discours_SPA/nora_2006.html>
* 178 Voir E. Barendt,
Freedom of Speech, Clavendon Press, Oxford (1985), p8-20
* 179 CEDH,Lingens c/
Autriche, préc.
* 180 R. Clayton et H.
Tomlinson, The Law of Human Rights, oxford University press, 2000,
15-216 p1087
* 181 J. Murdoch,
«Incorporation and interpretation of Guarantees for respect for private
life: a threat to press freedom?», p55 in Human Rights, a modern
agenda edited by A Miller, T and T Clark (Edinburgh), 2000, p51-65
* 182 Kaye v Robertson [1991]
FSR 62 : «there is no right to privacy, and accordingly there is no
right of action for breach of a person's privacy »
* 183 1) This section applies
if a court is considering whether to grant any relief which, if granted, might
affect the exercise of the Convention right to freedom of expression.
(2) If the person against whom the application for relief is
made ("the respondent") is neither present nor represented, no such relief is
to be granted unless the court is satisfied--
(a) that the applicant has taken all practicable steps to notify
the respondent; or
(b) that there are compelling reasons why the respondent should
not be notified.
(3) No such relief is to be granted so as to restrain
publication before trial unless the court is satisfied that the applicant is
likely to establish that publication should not be allowed.
(4) The court must have particular regard to the importance of
the Convention right to freedom of expression and, where the proceedings relate
to material which the respondent claims, or which appears to the court, to be
journalistic, literary or artistic material (or to conduct connected with such
material), to--
(a) the extent to which--
(i) the material has, or is about to, become available to the
public; or
(ii) it is, or would be, in the public interest for the material
to be published;
(b) any relevant privacy code.
(5) In this section--
"court" includes a tribunal; and
"relief" includes any remedy or order (other than in criminal
proceedings).
* 184 S. Spilsbury, Opus
cité, p 475
* 185 583 HL Deb 786 (24 Nov.
1997)
* 186 CEDH, X et Y c/
Pays-Bas, 26 Mars 1985, Série A91, para 22
* 187 Niemietz c/ Allemagne,
16 Décembre 1992 Série A251-B, para 29
* 188 Voir par exemple
l'arrêt Leander du 26 mars 1987, série A no 116, p. 23,
par. 50
* 189 CEDH, Sunday Times c/
Royaume-Uni, 26 Avril 1979, Série A 30 para47 et para 49
* 190 S. Spilsbury, Media
Law, Cavendish Publishing Limited (London), (2000) P 313
* 191 Lord Mustill dans R v
BSC ex p BBC : « La vie privée et la
confidentialité ne sont pas interchangeables » voir S.
Spilsbury, Opus cité , p 212
* 192 Chappell c/
Royaume-Uni, 30 Mars 1989, série A152-A
* 193 « à
la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de
l'ordre et à la prévention des infractions pénales,
à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui.»
* 194 Voir par exemple
l'arrêt Dudgeon c/ Royaume Uni, 22 Octobre 1981, Série A45, para
60
* 195 Handyside, para 49
* 196 CEDH, Lingens c/
Autriche, 8 Juillet 1986, Série A103, para 42
* 197 CEDH, Éditions
Plon c/ France 18 Aout 2004 Para 44
* 198 [2002] QB 546, para
15-18
* 199 [2002] QB 321, para
46
* 200 [2001] QB 967, para
149-153
* 201 Opus cité, Ch.
149, para 27
* 202 A v B plc [2002] 3 WLR
542, para 12
* 203 Ibid.
* 204 T Aplin, `the
development of the action for breach of confidence in a post-HRA era`,
Intellectual Property Quarterly 2007, 1, 19-59
* 205 Précité
* 206 [2004] UKHL 22
* 207 Article 226-1 du
nouveau code pénal
* 208 Cass. Civ1. 13 Janvier
1998 Bulletin 1998 I N° 14 p. 9
* 209 Cass. Civ1.
10/06/1987 N° de pourvoi : 86-16185 : « La publication de
la photographie d'une comédienne, à sa sortie d'hôpital,
assise dans un fauteuil roulant et poussée par son mari, prise à
l'insu des intéressés et divulguée sans leur autorisation,
porte atteinte au respect de la vie privée aussi bien qu'au droit
à l'image de l'actrice et de son époux »
* 210 Cass. Civ1.
12/12/2000, N° de pourvoi : 98-21311, bulletin 2000 I N° 322 p.
209
* 211 TGI Paris, 21
Février 1970, JCP 1970.II.16293
* 212 TGI Paris, 18 Novembre
1998
* 213 CEDH, Lingens c/
Autriche, 8 Juillet 1986, Série A103, para 42
* 214 CEDH, Schwabe c.
Autriche, 28/08/1992, Série A242-B
* 215 Von Hannover c.
Allemagne, 24 Juin 2004, para 69-75
* 216 Civ1 20/02/2001
N° de pourvoi : 98-23471, Bulletin 2001 I N° 42 p. 26 Le Dalloz, 12
avril 2001, n° 15 p. 1199, note J.P. GRIDEL. La Semaine juridique,
2001-05-23, n° 21/22 p. 1049, note J. RAVANAS
* 217 Civ1 25/01/2000,
N° de pourvoi : 97-15163, bulletin 2000 I N° 27 p. 17 Semaine
juridique, 2000-03-01, n° 9, p. 351, conclusions J. SAINTE-ROSE. ;
Cass. Civ1. 13 Novembre 2003, Bulletin 2003 I N° 231 p. 183 ; Cass.
Civ2. 30 Juin 2004 Bulletin 2004 II N° 341 p. 287
* 218 Cass. civ. 1,
20/11/1990, Bull. civ.1 n° 257 "la fortune des grands industriels",
Cass. civ. 1, 28/05/1991, Bull. civ. 1, n° 173 : "le plus riche des
Caldoches (qui) ne paye pas d'impôts" et Cass. civ. 1, 20/10/1993, Bull.
civ. 1, n° 295 "les français les plus riches"
* 219 Cass. Crim. 14
décembre 1999, N° de pourvoi : 97-15756 Bulletin 1999 I N° 345
p. 224 Le Dalloz, 2000-04-27, n° 17, p. 372, note B. BEIGNIER.
* 220 CEDH, Éditions
Plon c/ France 18 Aout 2004 Para 44
* 221 CEDH, Castells c/
Espagne du 23 avril 1992, série A no 236, § 48; voir
aussi l'arrêt Mamère c/ France, 7 novembre 2006, par. 23
* 222 CEDH, Colombani et
autres c. France du 25 juin 2002, no 51279/99, CEDH 2002-V, §
66 CEDH
* 223 C Ashton et V. Finch,
Opus cité, 8-09 p243-245
* 224 The Law of Human
Rights 15.24 p1014
* 225 Lord Atkin dans Sim v
Strecht [1936] 2 All ER 1237 voir aussi Report of the Committee on Defamation,
Cmnd 5909, 1975 Para 65
* 226 Parmiter v Coupland
[1840] 6 M et W 105, p108.
* 227 Hough v London Express
Newspapers Ltd [1940] 2KB 507, 515
* 228 Gillik v BBC [1996]
EMLR 267
* 229 S Spilsbury, Media
Law, Cavendish Publishing Ltd London (2000), p76
* 230 SA 1998, s41 Bill of
Rights 1689
* 231 Defamation Act 1996,
s15
* 232 Reynolds v Times
Newspapers Ltd [1999] 3 WLR 1010, 1017F-G
* 233 Ibid Lord Hope
* 234 Horrocks v Lowe [1975]
AC 135
* 235 Bonnard v Perryman
(1891) 2 Ch 269
* 236 Holley v Smyth (1998)
QB 726
* 237 Goldsmith v Pressdram
(1977) QB 83, 87
* 238 Berkoff v Burchill
[1996] 4 All ER 1010
* 239 Article 30
* 240 Article 31
* 241 Article 32
* 242 Cass. crim., 3
Déc. 1963, N° de pourvoi : 62-93121 Bulletin criminel 1963 N°
345
* 243 Cass. Crim 22 Mars
1966, Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 108
* 244 35bis Loi de 1881
* 245 Article 41§1 et
§2
* 246 Article 41§3
* 247 Defamation Act 1996, s1
* 248 Ibid, S1(1) a)
* 249 Ibid S1(3)
* 250 Dibgy v Financial News
[1907] 1 KB 502
* 251 Derbyshire CC v Times
Newspapers Ltd [1993] AC 534
* 252 Article 35 in fine et
Crim., 10 Décembre 1985, n° de pourvoi 85-90.413
* 253 Crim. 22 Mai 1997,
n° de pourvoi 94-84.106
* 254 Crim. 21 Février
1967, n° de pourvoi : 65-92437 : « [L]a preuve de la
vérité étant légalement impossible, s'agissant de
faits remontant à plus de dix ans (article 35), seule subsiste la
présomption de mauvaise foi qui frappe les
prévenus »
* 255 Cass. Civ2.,
27/03/2003, n° de pourvoi : 00-20461
* 256 Crim 24/01/1989
n° de pourvoi : 87-90461
* 257 Crim., 3/05/1966,
n° de pourvoi : 65-90515 « l'intention coupable, en
matière de diffamation, étant présumée et se
déduisant des imputations diffamatoires mêmes »
* 258 Crim 28/11/2006
N° de pourvoi : 06-82260
* 259 Lord Akner dans
l'affaire Telnikoff v Matusevitch [1991] 4 All ER 817
* 260 Voir aussi Silkin v
Beaverbrook Newspapers Ltd [1958] 2 All ER 817
* 261 Slim v Daily Telegraph
Ltd [1968] 2 QB 157
* 262 Cit, Para 46
* 263 S. Spilsbury, Op cit,
p91
* 264 Defamation Act 1952,
s.6
* 265 Silkin v Beaverbook
Newspapers Ltd [1958] 1 WLR 743
* 266 Crim. 24/11/2000
n° de pourvoi : 97-81554
* 267 Lingens c/ Autriche
préc.
* 268 Oberschlick c/
Autriche, 1991
* 269 CEDH, Schwabe c/
Autriche, 28 Août 1992, Série A242-B
* 270 Dalban c/ Roumanie, 28
septembre 1999, Recueil des arrêts et décisions 199-VI par. 49
* 271 CEDH, Mamère c/
France, 7Novembre 2006, requête n° 12697/03
* 272 Cass.crim. 17 juillet
1986 (Gaz.Pal. 1986 II somm. 430)
* 273 CA Paris, 2 octobre
1997
* 274 CA Paris, 13 mars
1998
* 275 CA Paris, 27 juin
1995
* 276 Ibid.
* 277 Cass. Crim. 22 Juin
1999, N° de pourvoi : 97-85707
* 278 CEDH, Colombani et
autres c/ France, 25 Juillet 2002
* 279 Cass Crim. 20 Octobre
1998, N° de pourvoi : 97-81893, Bull. crim. 1998 N° 267 p. 772
* 280 Article 52 Loi
n°2004-204 du 9 mars 2004
* 281 Cass. Civ1, 6 Mars
1996, n° de pourvoi : 93-20478
* 282 A ce titre la
réforme législative relative au recrutement, à la
formation et à la responsabilité des magistrats votée dans
ce contexte a été partiellement censurée par
Décision n° 2007-551 DC - 1er Mars 2007 du Conseil
Constitutionnel
* 283 Acrimed, par T. Cara
« Affaire d'Outreau » : Après le
« délire » médiatique, l'amnésie
collective, mercredi 14 Décembre 2005 <
http://www.acrimed.org/article2221.html>
Voir aussi `La part de responsabilité des journalistes`, par Jean-Yves
Monfort paru dans Le Monde du 7 Février 20006
* 284 G. Balbastre,
`Délation, compassion, mépris social : les faits divers, ou
le tribunal implacable des médias` dans Le Monde Diplomatique
de Décembre 2004 <
http://www.monde-diplomatique.fr/2004/12/BALBASTRE/11719>
* 285 Loi No 2000-516 du
15 Juin 2000 renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes
* 286 Article 9-1 du Code
Civil
* 287 Article 35 ter I de
la loi de 1881
* 288 Ibid. Art 35
quater
* 289 Ibid. Art 38
* 290 Art. 400 du Code de
Procédure Pénal
* 291 Cass. Civ1, 21
Février 2006
* 292 Cass. Civ2, 8/03/2001,
N° de pourvoi : 99-14995
* 293 Cass Civ2, 20/06/2002,
N° de pourvoi : 00-11916
* 294 Article 38 Ter, loi de
1881
* 295 Ibid. Art
39quinquies
* 296 Ibid. Art 39
* 297 Contempt of Court Act
1981, s2(1)
* 298 HM Advocate v News
Paper Group Newspapers, 1989 S.C.C.R. 156.
* 299 HM Advocate v Scotsman
Publications Ltd, 199 S.L.T 466
* 300 Judicial Proceedings
(Regulation or Reports) Act 1926, s1
* 301 Contempt of Court 1981,
s11
* 302 Sexual Offences Act
1976, s4
* 303 Children and Young
Persons Act 1933, s39
* 304 Robb v Caledonian
Newspapers Ltd., 1995 SLT 631
* 305 Contempt of Court Act
1981, s3(1) et (2)
* 306 Contempt of Court 1981,
s4 voir aussi HM Advocate v Danskin S.C.C.R. 101: Il n'y a pas de risque
substantiel d'atteinte à l'article 6 si le compte rendu du procès
est exact et impartial.
* 307 Contempt of Court Act
1981, s5
* 308 Cass. Crim., 19 Mars
1996, Bull crim 1996 N° 117 p. 340. , même solution : Cass.
Crim, 14 juin 2000 Bull crim 2000 N° 223 p. 656
* 309 CEDH, Roy et Malaurie
c/ France, 3 Octobre 2000
* 310 Cass. Crim., 16 janvier
2001, Bull crim 2001 N° 10 p. 21 et Cass. Crim., 27 Mars 2001, Bull crim
2001 N° 80 p. 263
* 311 CEDH, Goodwin c/
Royaume-Uni, 27 Mars 1996, Recueil 1996-II
* 312 CEDH, Fressoz et Roire
c/ France, 21 Janvier 1999, Recueil 1999-I
* 313 L François, 'Le
droit de la presse et la diffamation devant la Cour Européenne des
droits de l'homme', in Revue du Droit Public N°3 2005
* 314 Cass. Crim., 19 Juin
2001, N° de pourvoi : 99-8518, Bull crim 2001 N° 149 p. 464 La
semaine juridique, édition générale, n° 16-17, 17
avril 2002, Jurisprudence, II, 10064, p. 780-786, note Dominique COMMARET et
Agathe LEPAGE. Le Dalloz, 13 septembre 2001, n° 31, Jurisprudence, p. 2538
2541, note Bernard BEIGNIER et Bertrand DE LAMY
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