Table des matières
Table des matières 1
Introduction 3
1. Approche théorique du journalisme de paix 6
1.1. Journalisme proactif : définition 7
1.1.1. Le concept 7
1.2. Les règles du journalisme proactif 10
1.2.1. Traitement médiatique 10
1.2.2. Petite leçon de vocabulaire... 12
1.2.3. Exemple 13
1.3. Les critiques 15
1.3.1. Critique de l'instrumentalisation du journalisme 15
1.3.2. Critique du journalisme de paix 16
1.3.3. La question de la pérennité des projets
mettant en oeuvre le journalisme
proactif 19
1.4. Applications sur le terrain de ces notions 20
1.4.1. Présentation de quelques ONG significatives 20
1.4.2. Présentation de deux projets significatifs 22
1.5. Conclusion 28
2. Le cas du Burundi 29
2.1. Situation des médias au Burundi 32
2.1.1. Historique 32
2.1.2. Paysage radiophonique burundais 36
2.1.3. Présentation des radios privées du Burundi
40
2.1.4. Les studios de production radiophoniques 47
2.2. Le journalisme de paix au Burundi 56
2.2.1. Les types de production 57
2.2.2. Une autre forme de proactivisme 86
3. Réflexions sur l'opérationnalité
concrète du journalisme de paix 88
Conclusion 98
Bibliographie 102
Annexes 107
Chronologie politique du Burundi 108
Les entretiens 111
Les grilles de programmation des radios étudiées
149
Enquête 158
Loi N° 1/025 du 27 novembre 2003 régissant la presse
au Burundi 168 Rapport de la commission chargée d'étudier les
avantages fiscaux à accorder à la
presse au Burundi 179
Introduction
« Les médias ne peuvent pas rester neutres
face aux enjeux de la paix ». Cette affirmation est le principe de
base d'une théorie du journalisme relativement nouvelle : le
journalisme de paix. Tout comme d'autres ont utilisé le journalisme
dans un but de développement des nations du tiers-monde (journalisme de
développement), certaines ONG's utilisent aujourd'hui les concepts du
journalisme de paix pour essayer d'atténuer les haines dans les pays qui
sont ou ont été le théâtre de violences et de
conflits.
Le journaliste peut-il, doit-il mettre sa plume au service
d'une paix durable ? Doit-il diriger sciemment ses productions pour oeuvrer
à une cohabitation pacifique ? Certains le revendiquent haut et fort et
des initiatives allant dans ce sens ont foisonné dans divers endroits du
globe, en réponse à des situations tout aussi diverses. D'autres
brandissent les principes d'objectivité et de neutralité en
étendard pour rejeter l'idée en bloc. Les débats entre
partisans et détracteurs du journalisme de paix - ou journalisme
proactif - sont souvent passionnés, parfois constructifs. C'est cette
faculté qu'a la théorie du journalisme de paix d'engendrer des
controverses chez les professionnels des médias qui nous a poussé
à choisir celle-ci comme objet d'étude de ce mémoire.
Le présent travail aspire à aller au-delà
du débat d'idée sur le rôle que doit jouer le journaliste
dans les processus de sortie de crise, et se propose de se pencher sur
l'opérationnalité concrète du journalisme de paix.
L'objectif de ce mémoire n'est donc de chercher à savoir si oui
ou non le rôle du journaliste est de touj ours chercher à
favoriser la paix au travers de ses productions médiatiques. Le but
recherché est l'analyse critique de la faisabilité du journalisme
de paix : une structure médiatique qui suit ce modèle peut-elle
être fonctionnelle ? Si oui, peut-elle l'être à long terme ?
Quelle sera son influence sur les autres acteurs du paysage médiatique
environnant lors de son implantation et de son retrait ?
La méthodologie choisie pour réaliser
l'étude est mixte puisqu'elle mêle recherche de sources pour la
partie théorique et recherche de terrain pour la partie pratique. Il
semblait primordial pour cette étude de mêler les deux approches,
afin de dégager un maximum
d'informations et donc de conclusions. La recherche de sources
s'est avérée délicate : quelques auteurs sont assez
prolifiques sur le sujet, mais leur nombre reste restreint, et après
avoir lu plusieurs ouvrages sur le sujet, nous nous sommes rendu compte que ces
auteurs évoluaient dans un cercle restreints de théoriciens du
journalisme de paix. Malgré cela, l'information sur les principes du
journalisme de paix était abondante. La première section,
intitulée << approche théorique du journalisme de paix
>> appartient donc plus au domaine de la synthèse d'information.
Ce chapitre se veut une introduction aux théories du journalisme de
paix. Nous y développons les différentes règles qui le
régissent, les critiques qu'il inspire ainsi que quelques exemples de
projets significatifs mis sur pied au nom de cette théorie. Cette
section d'une vingtaine de pages permettra au lecteur de saisir à la
fois la simplicité du concept et la complexité des questions
qu'il soulève.
La deuxième section s'articule autour de l'étude
d'un cas pratique. Nous avons choisi d'étudier l'exemple du Burundi en
raison de la diversité médiatique qu'offre le pays. Le Burundi,
faux jumeau du Rwanda, a connu de nombreux affrontements interethniques au
cours des trente dernières années. Bien qu'ayant
été quelque peu oublié des médias internationaux,
le conflit burundais a été d'une grande ampleur,
caractérisé par des violences entre Hutu et Tutsi, les
représentants des deux principales ethnies du pays. C'est en raison de
ce passé troublé que des partisans d'un << journalisme de
paix >> ont développé de nombreux projets dans ce petit
pays. Les initiatives en la matière y sont tout aussi nombreuses que
variées de par leurs formes, leurs durées ou leurs instigateurs
et une grande partie des acteurs médiatiques sont dès lors
imprégnés de cette notion. C'est donc avant tout en raison de ce
pluralisme que nous avons décidé de nous pencher sur le cas de ce
petit pays d'Afrique centrale.
Cette partie pratique passe en revue les différentes
mobilisations faites au Burundi au nom du principe de journalisme de paix et
analyse leur adéquation, leur intégration et leur
pérennisation dans le paysage médiatique locale. Afin de
comprendre au mieux la place du journalisme proactif au Burundi, nous avons
brossé un tableau rapide de l'évolution politique et
médiatique burundaise. Les radios étant largement
surreprésentées par rapport à la presse écrite ou
la télévision, c'est tout naturellement sur celles-ci que nous
nous sommes penchés au cours de cette étude.
5Les informations contenues dans la deuxième partie du
mémoire sont toutes le fruit des entretiens, visites et
expériences acquis au cours de notre séjour au Burundi, au cours
du mois de janvier 2006. Il faut avouer que les premiers jours passés
à Bujumbura, la capitale du Burundi, ont été la source
d'une grande confusion : chaque média visité, chaque journaliste
abordé assurait oeuvrer au nom de la paix, en suivant les principes du
journalisme proactif. Néanmoins, après avoir passé plus de
temps dans les rédactions et après de longues conversations avec
des journalistes locaux, des responsables de programmation et des
représentants d'associations professionnelles, nous avons pu nous faire
une image plus précise des liens intimes et complexes qui lient
producteurs d'information << de paix >> et médias locaux.
Afin d'approfondir nos connaissances sur ces relations, nous avons
sélectionné trois radios privées affirmant oeuvrer en
faveur de la paix (radio Isanganiro, radio Bonesha et radio publique
africaine), la radio publique ainsi qu'un studio de production <<
proactif >> (Studio Ijambo), sur lesquels nous allions porter notre
attention.
C'est au travers d'interviews que nous avons tenté de
déceler les forces et faiblesses du journalisme de paix tel
qu'appliqué au Burundi. Il s'agissait surtout d'étudier les
contenus des émissions, les philosophies qui guidaient ces producteurs
ainsi que les différentes attitudes des professionnels face aux
problèmes rencontrés par la société burundaise.
Après de multiples entretiens, après avoir assisté aux
réunions de rédaction et analysé en profondeur les grilles
de programmations, nous avons pu distinguer trois acteurs du journalisme de
paix (les ONG de journalisme de paix, les organismes non médiatiques et
les médias locaux), ainsi que trois principaux types de productions
(programmes de fiction, programmes à vocation réconciliatrice et
informations d'actualité). L'attitude des journalistes a
été évaluée au travers de deux outils :
premièrement, un enquête à questions fermées
réalisée auprès de 72 journalistes issus de 9
médias a permis de voir comment ces professionnels concevaient, en
théorie, leur degré de responsabilité par rapport
à leur public. Deuxièmement, l'étude de la façon
dont ces journalistes faisaient la couverture médiatique d'une
actualité sensible nous a permis de confronter les affirmations
théoriques à la pratique.
Le mémoire se termine par un ensemble de
réflexions sur l'opérationnalité concrète du
journalisme de paix. A partir des faits spécifiques au Burundi, nous
avons tiré des conclusions générales sur la
faisabilité, à long terme, du journalisme de paix. Nous verrons
que le principe est difficilement durable si sa mise en oeuvre n'est pas
accompagnée d'une batterie de précautions.
1. Approche théorique du journalisme de paix
« Faut-il dire la vérité ? Oui,
assurément, mais pas n'importe comment, n'importe où, n'importe
quand. Rien que la vérité ? Sans aucun doute. Toute la
vérité ? Eh bien non ! Qui peut se vanter de ne l'avoir jamais
fait ? Je défie qui que ce soit de me prouver qu'il n'a jamais tenu
compte des intérêts de sa famille, de son entreprise, de son
avenir. Alors, pourquoi ne tiendrait-on pas compte de sa société,
de sa nation, des intérêts de la République, des
idéaux de l'humanité, un peu comme dans la profession de foi
célèbre de Montesquieu ? (...) »1
1 DANIEL J. dans : Le Nouvel Observateur, Paris, 21
septembre 1995, p. 3 (Télé Obs), cité dans : NOBRE J.-M.,
Introduction à l 'information et à la communication,
Bruxelles, Presses Universitaires de Bruxelles, 2001, 1
5ème édition, p.151.
Le leitmotiv de Search for Common Ground, organisation non
gouvernementale (ONG) belgo américaine spécialisée dans le
domaine de la construction de la paix au travers des médias2
est qu'aucun média ne peut pas rester neutres face aux enjeux de la
paix. Cette déclaration, banale aux yeux du lecteur profane,
représente en réalité un véritable sacrilège
pour bon nombre de journalistes, qui érigent leur <<
neutralité professionnelle >> au-dessus de tout autre principe
déontologique. Dans cette première section à vocation
théorique, nous allons tout d'abord définir le <<
journalisme proactif >> : ses objectifs, ses fondateurs, ses
règles. L'explication sera détaillée afin de permettre au
lecteur une compréhension approfondie de ce nouveau type d'utilisation
des médias. Ensuite, nous laisserons libre place aux critiques.
1.1. Journalisme proactif : définition
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