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Débat autour du concept de journalisme de paix

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par Charline Burton
Université Libre de Bruxelles - Licence en information et communication 2006
  

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1.1.1. Le concept

Johan Galtung, sociologue norvégien, est une figure emblématique de la recherche sur la résolution des conflits. Fondateur de l'International Peace Research, c'est lui l'inventeur du terme `journalisme de paix', et le précurseur de la théorie du même nom. Il illustre le journaliste traditionnel en le comparant à un médecin qui observerait l'évolution d'une maladie sans tenter de soigner son patient3:

La maladie est conçue comme un phénomène naturel, comme une lutte entre le corps humain et le facteur pathogénique - un micro-organisme, un trauma ou un stress. Parfois c'est un côté qui gagne, parfois c'est l'autre. Comme dans un jeu. Etre fair play signifie donner sa chance à chacune des parties, sans interférer avec les voies de la nature. La tâche du journalisme [traditionnel] est de couvrir cette lutte de manière objective, en gardant l'espoir que notre côté - le corps - sorte vainqueur.

Ce type de journalisme, focalisé sur la lutte entre le corps humain et la maladie (un compte-rendu objectif de la situation) et sur son issue (qui gagne ?), Galtung l'appelle journalisme de guerre, par opposition à un journalisme de paix qui porterait son attention non seulement sur le conflit mais également sur les solutions pacifiques à y apporter.

2 Search for Common Ground (SFCG), littéralement << recherche d'un terrain commun >>, est une ONG fondée en 1982 par John Marks. Elle a pour but de transformer la façon dont sont gérés les conflits via l'utilisation des médias, de la médiation, de la formation, du sport et même de la musique. SFCG est actif dans 17 pays d'Europe, d'Asie, d'Afrique et du Moyen-Orient.

3 GALTUNG J., High Road, Low Road. Charting the course for peace journalism, «Track Two», vol. 7 n°4.

<< Journalisme de paix >>, << journalisme sensible aux conflits >>, << journalisme de médiation >>, << journalisme proactif >>, les dénominations sont variées mais toutes se rapportent à un seul et même concept : celui d'une utilisation des techniques de communication de masse dans un but avoué de prévention et de résolution des conflits. Nous utiliserons dans cet ouvrage le terme journalisme de paix ou journalisme proactif, puisque ce sont ceux qui nous ont semblés les plus révélateurs. En effet, il s'agit d' << agir pour >> la paix, mettant en évidence le but recherché.

Le journalisme proactif se veut le contre-pied d'une pratique journalistique qui réduit les faits d'actualité, même les plus sensibles, à une espèce de lutte de force entre bons et méchants, entre gagnants et perdants, que les médias se limitent à commenter en comptant le nombre de morts, de processus de paix avortés et qu'ils ne considèrent comme achevés que lorsqu'une des parties a eu raison de(s) l'autre(s) - par négociation, élimination, ou encore en lui (leur) imposant sa volonté1. << La vérité, c 'est que la plupart des journalistes préfèrent porter leur attention sur

l 'effet « bang-bang », représentant le conflit comme la lutte du blanc contre le noir, sans la moindre nuance de gris >>, explique Loretta Hieber2, chercheur auprès de Média Action International et spécialisée dans l'appui, via l'intermédiaire des médias, aux peuples touchés par la guerre.

Et pourtant, c'est bien cette manière de couvrir l'actualité qui semble être la norme dans nos pays occidentaux, avec une influence certaine sur les médias du sud. Les journalistes << traditionnels >> s'appliquent à << rendre compte des faits >> : 18 morts en Irak aujourd'hui, 9 hier et 22 demain, telle est la ritournelle à laquelle a fini par s'habituer l'auditeur, le lecteur ou le téléspectateur. Cette manière de << rendre compte des faits de manière objective >>, dans ce contexte, s'apparente quelque peu à un compte-rendu d'une partie de football...

Le journaliste proactif met son travail au service de la prévention et de la gestion des crises, au service de l'émergence de la paix. D'aucuns argumenteraient qu'il ne s'agit de guère plus que d'un << bon journalisme >>, c'est-à-dire d'un journalisme responsable, pratiqué dans le respect des règles de la déontologie professionnelle. << Le journaliste professionnel, avec ses principes

d 'impartialité, de responsabilité et de pertinence3, dispose automatiquement d 'un potentiel énorme et souvent inconscient pour contribuer à la résolution des conflits >>, explique Ross Howard,

1 Voir GALTUNG J., loc. cit.

2 HIEBER L., Lifeline media, reaching populations in crisis. 2001, Media Action International, p. 130.

3 Voir à ce sujet la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, adoptée le 24 et 25 novembre 1971 à Munich par les représentants des syndicats et fédérations de journalistes des six pays de la Communauté économique européenne.

auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le rôle des médias en zone de conflit1. Mais comme Galtung l'a démontré plus haut, même traité de manière impartiale, responsable et pertinente, une guerre peut finir par être couverte comme s'il s'agissait d'un match de football.

Pourtant, pour de nombreux journalistes, s'aventurer plus loin qu'un simple compte-rendu des positions des parties revient à effectuer une tâche non journalistique, à les sortir de leur rôle de spectateur de l'état du monde pour en devenir acteur. Cependant, le journaliste est touj ours inconsciemment acteur de la réalité et l'image du journaliste comme spectateur extérieur à l'actualité est une illusion. Deux fondements à cela :

Premièrement, la simple présence du journaliste suffit à modifier la réalité, ne fût-ce que par le comportement des acteurs de l'actualité : il est naturel d'adopter un comportement différent face à une caméra et quand on se sait à l'abri du regard des journalistes. Dans leur article intitulé << Using the media for conflict transformation », Melone, Terzis et Beleli affirment qu' << alors que nous ne voulons pas dépasser l 'idée que les médias d 'information puissent être contrôlés et utilisés à des fins spécifiques, pas même pour la paix, la perception d'un journaliste « neutre » doit être dépassée. Par leur simple présence lors de la couverture d 'un évènement, les médias altèrent

l 'environnement de communication et sont donc impliqués dans le conflit. Intrinsèquement, les médias sont donc non neutres. »2.

Le deuxième argument, de Jake Lynch et Annabel Mc Goldrick3, soutient l'existence d'une relation circulaire d'influence entre acteurs et rapporteurs de la réalité : chaque ministre, chaque chef d'Etat a son mentor en matière de média. Derrière chaque geste que réalise un ministre, se cache un conseiller qui a étudié la façon dont celui-ci serait reflété par les médias. Et si le conseiller sait prévoir l'image que l'une ou l'autre action du ministre aura au travers des médias et donc les répercussions que cette image aura sur les consommateurs de médias, c'est tout simplement grâce à ses expériences personnelles antérieures. Il analyse tout simplement l'influence qu'ont eu les moyens de communication de masse sur ses propres représentations de la réalité puis il projète ce schéma sur les gestes du ministre. Ce sont donc ses expériences passées qui lui permettent d'anticiper l'attitude des médias. Les journalistes, leurs sources et leur audience font donc partie d'un cercle d'influences réciproques. Ainsi, les attitudes des chefs de gouvernements sont partiellement créées par les journalistes, expliquent Lynch et Mc Goldrick, qui

1 ROSS H., Journalistes et conflits : débats théoriques et actions concrètes in : FRERE M.-S. (dir.), Afrique centrale. Médias et conflits : vecteurs de guerre ou acteurs de paix, Bruxelles, Editions GRIP, 2005, p. 15.

2 MELONE S., TERZIS G. et BELELI O., Using the media for conflict transformation, the Common Ground Experience, «Berghof Handbook for conflict transformation», Berlin, avril 2002, pp. 2-3.

Sandra Melone est directrice du bureau européen du European Centre For Common Ground (ECCG) ; Georgios Terzis est un ancien journaliste. Il est aujourd'hui responsable du programme Médias du ECCG ; Oszel Belei est chargé de programme au sein de Search For Common Ground

3 LYNCH J. et Mc GOLDRICK A., What is peace journalism? «Activate», winter 2001. p. 6.

Jake Lynch, ancien reporter de guerre, donne des cours en résolution des conflits à l'université de Sydney. Annabel Mc Goldrick, également ancien reporter de guerre, est la co-fondatrice du Forum sur les Conflits et la Paix.

réfutent par ce raisonnement l'idée d'un journaliste comme simple observateur puis rapporteur de la réalité. Dans les conflits, chaque partie s'exprime donc sur les faits qui renforcent sa position, puisque chacun sait l'effet que produira sa déclaration. Dans cette optique, le journaliste qui reproduit fidèlement les faits serait donc un simple porte-parole, facilement manipulable par les hommes politiques.

Et puisque, quoiqu'il en soit, le journaliste est toujours un acteur de l'actualité, le journalisme proactif s'accompagne d'une série de règles pour réguler ce rôle du journaliste. L'objectif étant la résolution des conflits, l'apaisement des crises, les reportages ne doivent pas se limiter à une simple description de la réalité - du combat entre le corps et la maladie - mais, parallèlement, offrir des voies de solutions pour combattre la maladie.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore