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Evaluation de l'impact psychologique de la mise en place d'un système d'assurance qualité (ISO9001) sur les travailleurs d'une PME

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par Eric Trillet
Universtié Catholique de Louvain (UCL) - Licence en sciences du travail 2007
  

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4.2 Analyse

Le but de ce chapitre est de confronter nos hypothèses aux témoignages récoltés sur le terrain.

Comme mentionné dans le chapitre précédent, les résultats sont déduits des réponses aux groupes de questions correspondant aux différentes hypothèses. La correspondance entre les questions et les hypothèses est reprise dans l'annexe relative à la grille d'entretien.

Nous proposons de baser notre analyse sur deux dimensions principales et deux dimensions secondaires sous-jacentes :

o L'entreprise, car celle-ci se présente comme une source majeure de contingence.

o La maturité du système qualité, afin de voir comment évolue le rapport des travailleurs à la norme ISO 9001 en fonction de son niveau d'intégration.
Cette dimension est moins déterminante car elle répond plus directement à la vie même de l'entreprise.

o La fonction, afin d'identifier d'éventuels points communs entre les catégories de travailleurs des différentes entreprises et leur rapport à la norme ISO 9001.

o Le niveau d'étude des travailleurs, afin de vérifier si celui-ci peut être lié au rapport que peuvent entretenir les travailleurs à la norme ISO 9001.
Cette dimension nous paraît également secondaire car elle est en principe liée à la fonction occupée dans l'entreprise.

4.2.1 L'entreprise comme facteur de contingence

Dans ce chapitre, nous proposons tout d'abord de réaliser une brève présentation du profil de chaque entreprise.

Ensuite nous confronterons nos hypothèses aux résultats obtenus dans chacune d'elle.

Nous ajouterons un commentaire sur le niveau de maturité du système qualité. Ceci nous semble être en effet un facteur contingent lié à l'entreprise (environnement et volonté de la direction).

Enfin nous proposerons une conclusion synthétique des points communs ou des différences qui nous paraissent liés à cette dimension.98(*)

4.2.1.1 L'entreprise A

Profil :

A est une TPE évoluant dans le domaine de l'assemblage électronique. Elle compte une dizaine de personnes de la direction à l'atelier et fournit principalement un gros client.

Etant donné sa taille, les rapports humains sont très directs et cela permet de connaître tout le monde, de maintenir une ambiance conviviale.

La gestion de l'entreprise peut être qualifiée de familiale. Il existe d'ailleurs des liens de parenté entre des membres du personnel.

Il est intéressant de constater l'organisation du bâtiment qui sépare physiquement l'atelier des bureaux. Le tout se trouve en ligne et suit le flux des informations : du bureau du patron on passe au service administratif, ensuite au commercial et à la recherche, viennent ensuite le stock, le réfectoire et le bureau du responsable d'atelier pour enfin aboutir à l'atelier.

Cette séparation basée certainement sur un souci pratique a été évoquée par un interlocuteur comme marquant encore une séparation symbolique de l'activité productive et de la conception.

Certains y qualifient l'autorité de symbolique tout en reconnaissant une autorité incontestée car « les décisions stratégiques doivent tout de même être tranchées ».

La direction peut s'adresser directement aux travailleurs qui peuvent à leur tour s'adresser directement au patron.

Les membres de l'atelier ajoutent qu'il persiste une séparation de fait entre les ouvriers et le reste du personnel. Aussi si la direction est accessible ils s'adresseront de préférence à leur responsable.

Les décisions difficiles ou les situations délicates sont abordées avec l'ensemble du personnel dans un souci d'humanité.

A a été certifiée ISO 9001 en 2001 pour satisfaire aux impératifs du marché99(*) et des contraintes légales100(*). Un employé avait été affecté la mise en place du système qualité. L'entreprise a également fait appel à de la consultance, mais le processus a pris plusieurs années avant d'aboutir à une certification finalement obtenue sans difficultés.

Le modèle original du système qualité était inspiré du modèle de grandes entreprises et a progressivement été simplifié.

Aujourd'hui le rôle de responsable qualité est pris en charge en temps partagé avec une fonction administrative et bénéficie de l'aide de l'asbl Interface Qualité.

Le système qualité est minimaliste et réactif. Il doit être régulièrement relancé par un acteur extérieur à l'entreprise.

La mise en place du système qualité n'a pas eu d'impact sur la configuration organisationnelle de type entrepreneurial en accord avec un modèle de GRH arbitraire.

Nous avons eu le privilège de rencontrer l'ensemble du personnel à l'exception des commerciaux qui ne sont pas soumis aux contraintes de cette norme.

Analyse :

Chez A la qualité est essentiellement perçue au travers de la satisfaction des clients et de la qualité des produits. Ceci correspond à une vision minimaliste et essentiellement pratique de l'assurance qualité. Aussi, en accord avec la polyvalence attendue des travailleurs dans les petites structures, le rôle du responsable qualité est assez vaste et représente une certaine autorité.

1. L'assurance qualité contribue en partie au cloisonnement du travail. En effet, tout le monde n'est pas impliqué dans la rédaction des procédures. L'atelier en particulier est soumis à cette forme de prescription cependant sert essentiellement de support au personnel en cas d'oubli.

Il est intéressant de noter que les ouvriers de l'atelier ont été soumis à un mesurage des opérations de montage. Ceci et la technique du montage en ligne rappelle fort la méthode tayloriste, fordiste, dans son organisation. Cependant ceci est antérieur à la certification et on ne peut manifestement pas parler d'appauvrissement des tâches lié à l'ISO. Au contraire, un témoignage va à l'encontre de cette idée et renforce le sentiment d'un travail varié : « Du fait maintenant que, bon, il y a toujours la transmission verbale mais qui n'est pas des plus fiables bien sûr, mais la mise en place, que ce soit des procédures de tests ou de contrôle, a permis par exemple au personnel de l'atelier de ne pas rester cantonné au montage, mais de s'occuper également du contrôle de qualité de certains produits, enfin, du test final, d'avoir un travail finalement plus diversifié et effectivement là le système ISO, si à l'origine ça n'a pas l'air d'être ça, dans les faits a permis cela. »101(*).

D'une manière générale, l'ISO ne permet ni la mise en évidence du travail ni d'imposer un changement. Ceci est à nouveau en concordance avec la taille de l'entreprise et la gestion patriarcale. En effet, la visibilité sur le travail des opérateurs est suffisante et les ajustements s'effectuent en direct.

La question de savoir si l'existence des procédures permet ou non le remplacement d'un travailleur était d'actualité et la réponse est négative. Cela peut constituer une aide mais est parfaitement insuffisant.

2. Tous ne semblent pas soumis aux enregistrements liés à l'AQ et en général on en évoque leur faible nombre. Certains signalent aussi qu'il faut régulièrement des rappels pour relancer le réflexe de remplir ses enregistrements.

Les travailleurs connaissent peu d'outils liés à l'AQ et ne sont pas soumis à une évaluation de leur travail. Certains le regrettent car cela pourrait selon eux contribuer à les stimuler et les motiver. Ils y voient l'aspect de reconnaissance de leur travail manquant à l'heure actuelle.

Cependant il y a une analyse des objectifs à l'occasion de la revue annuelle de qualité et la productivité de l'atelier est suivie de près.

Ainsi ce qui est évalué, c'est l'outil de production et non les individus. L'idée que les données issues de l'AQ puissent servir l'évaluation individuelle est aujourd'hui contraire à « l'esprit de l'entreprise »102(*) et même « grave »103(*) selon certains. Pourtant certains reconnaissent que l'analyse du taux de rebuts entre autre puisse mener à une personne en particulier, c'est le cas des nouveaux par exemple. Un autre évoquera la mise en évidence de conflits par l'augmentation des temps de production...

3. Tout le monde se sent concerné par l'AQ, ne fût-ce que par la force des choses, mais en général de moins en moins car c'est de plus en plus routinier, intégré : « Je dirai, en théorie on devrait faire de l'amélioration continue. De nouveau on le fait par la pression des clients et de l'évolution des produits, mais l'ISO n'est plus un moteur terrible dans l'entreprise. Je dirai que le système est stabilisé. On fait ce qu'ont peut pour le respecter, mais on ne peut pas dire que ce soit une force qui transforme l'entreprise »104(*).

Aussi, si tout le monde ne rédige pas les procédures, tout le monde peut les faire modifier si besoin et l'AQ est considérée en général comme apportant une amélioration au travail et à l'entreprise.

4. Même si l'AQ n'est pas une volonté de la direction, elle est en général perçue comme un outil de management potentiel. Certains l'espèrent au vu de l'énergie que sa mise en place a demandée (« autant de papier, la photocopieuse... »105(*)), le directeur précise : « Il y a plus d'enregistrements donc plus de données disponibles et celles-là tout de même on les exploite, la revue annuelle de qualité est souvent l'occasion, mais parfois ça arrive entre les coups aussi... En tout cas... Enfin l'entreprise a existé un certain nombre d'années avant d'être certifiée ou avant d'être ISO et il y avait un assez grand nombre de choses qu'on enregistrait puis on n'utilisait pas les données qu'on avait enregistré. On n'en faisait pas grand-chose. Il me semble que l'ISO a changé ça ou a modifié ça. »106(*).

Les travailleurs n'ont pas le sentiment que l'AQ puisse servir à imposer un changement dans le travail.

La mise en place du système qualité a donné lieu logiquement à quelques résistances face à la lourdeur administrative du système. Selon le directeur, ce fut même interminable (plusieurs années), mais dans l'ensemble le système est aujourd'hui « intégré »107(*) et a été simplifié. Les travailleurs n'ont pas vraiment l'impression que le système leur ait été imposé et comprennent l'impératif économique. Certains ajoutent pourtant un effet de « médiatisation »108(*) à l'origine du mouvement de certification (c'était « en vogue »109(*) dans les années 80) et s'interrogent dès lors sur l'utilité aujourd'hui de ce label.

5. L'ensemble des travailleurs a le sentiment de ne pas être soumis à des règles strictes, impératives et rigides. Cela correspond à la taille de l'entreprise et son mode de gestion. Naturellement le travail doit être fait et certaines règles tiennent du bon sens. Lors de l'interview de l'atelier on ajouta « à la longue de monter, forcément vous attrapez des petits trucs, des petites choses... »110(*).

Ceci est certainement à rattacher à une intériorisation des règles et des contraintes ainsi qu'à une forme d'implication paradoxale.

Le système qualité :

Le système qualité est aujourd'hui abouti et apparaît bien « intégré ». Il a fait l'objet de simplifications et d'améliorations qui l'ont adapté aux besoins de l'entreprise.

Son utilisation apparaît minimaliste et il nécessite une aide extérieure pour le maintenir.

Ses données sont utilisées en cas de besoin (demande du client, revue qualité).

L'entreprise ne s'inscrit pas spontanément dans une optique d'amélioration continue.

* 98 Pour rappel, nous parlerons d'AQ ou d'ISO comme le l'activité d'assurance qualité.

De même, nous parlerons de procédures ou de documents AQ ( ou ISO) pour désigner l'ensemble des documents liés à l'AQ, qu'ils soient des procédures, modes opératoire, protocoles, instructions, enregistrements ou autres.

* 99 Maintien d'une relation de sous-traitance.

* 100 Directive européenne dans le cadre de la vente de matériel médical.

* 101 Un responsable dans l'entreprise A (e).

* 102 Un responsable dans l'entreprise A (e).

* 103 Un ouvrier de l'entreprise A (groupe I).

* 104 Un responsable dans l'entreprise A (a).

* 105 Un ouvrier de l'entreprise A (groupe I).

* 106 Un responsable dans l'entreprise A (a).

* 107 Ce terme a été employé par plusieurs interlocuteurs.

* 108 Un responsable dans l'entreprise A (e).

* 109 Un responsable dans l'entreprise A (b).

* 110 Un ouvrier de l'entreprise A (groupe I).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery