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Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences

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par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ
Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007
  

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I.2.2. Thomas Kuhn, l'idée d'un progrès irrationnel de la science

Pour l'auteur de La structure des révolutions scientifiques, la lecture poppérienne de l'activité de sciences vaut uniquement pour une épistémologie normative. Mais il reste clair aux yeux de Kuhn que l'essentiel de l'activité scientifique est de l'ordre de la science normale60(*). Kuhn définit cette « science normale » comme :

« la recherche solidement fondée sur un ou plusieurs accomplissements scientifiques passés, accomplissements que tel groupe de scientifiques considère comme suffisants pour fournir de point de départ à d'autres travaux61(*) ».

Cette période de « science normale » se caractérise d'abord par une certaine stabilité au sein de la communauté scientifique : les pratiques scientifiques se stabilisent et se standardisent ; les chercheurs se focalisent dans une seule matrice disciplinaire qui balise leurs travaux. Durant cette période également, la science fonctionne comme une société close : elle se focalise sur un seul paradigme orientant les recherches. Ce paradigme instaure une tradition62(*) au sein de la communauté. Il y a donc accord entre les chercheurs sur les outils de recherche, sur le contenu des concepts de base, la manière de procéder, le domaine à étudier, les questions que pose ce domaine ainsi que la forme des réponses à apporter.

La science normale ne laisse pas droit de cité à la critique au sein de la communauté. La critique est de l'ordre de la crise. Celle-ci, ainsi que la résolution qui s'en suit, sont exceptionnelles, et c'est en temps de crise que change et progresse la connaissance scientifique. Mais quand y a-t-il crise au sein de la communauté scientifique ?

D'après Kuhn, la crise frappe la communauté scientifique lorsqu' intervient un phénomène nouveau que le paradigme en cours n'avait pas prévu et dont il ne peut rendre compte. Ce nouveau phénomène se présente comme une anomalie qui effrite le paradigme et qui bouscule la quiétude ainsi que les croyances établies. La crise brise la tradition scientifique. L'élimination ou le remplacement de certaines croyances au regard de l'anomalie que le paradigme ne sait pas résoudre constitue un progrès scientifique. La présence des découvertes pousse par conséquent les chercheurs à l'adoption d'un nouveau paradigme. Ce dernier est entièrement incommensurable par rapport au premier et instaure une autre tradition de science normale avec les éléments que cette tradition implique.

Dès lors, là où Popper voit le progrès scientifique comme un progrès rationnel, Kuhn opère une rupture. Pour lui, le changement en science est un changement - sans cohésion interne, d'un paradigme à un autre. Ce changement est irrationnel et relève de la psychologie propre de la communauté scientifique63(*).

L'intérêt de Lakatos porte sur le fait que Kuhn adopte l'irrationalisme lorsqu'il se rend compte que ni le justificationnisme, ni le falsificationnisme ne peuvent rendre compte du progrès scientifique. La vérité scientifique est-elle, comme le pense Kuhn, de l'ordre d'un pouvoir ? Dépend-elle simplement du consensus des partisans, de leurs convictions, de leur ardeur ? Dès lors, voulant sauver la science de l'irrationalisme et du scepticisme dans lesquels l'enferme Kuhn, Lakatos clarifie son point de vue :

« je montrerai d'abord que, dans la logique de la découverte scientifique selon Popper, deux positions différentes sont fondues en une seule. Kuhn ne comprend que l'une d'elles, le `falsificationnisme naïf' (je préfère dire `falsificationnisme méthodologique naïf'), j'estime qu'il en fait une critique correcte, que je renforcerai même. Mais Kuhn ne comprend pas une position plus subtile dont la rationalité ne se fonde pas sur le falsificationnisme `naïf'. J'essaierai d'expliquer - et de consolider- cette position plus forte de Popper qui, je crois, peut échapper aux critiques de Kuhn,et présenter les révolutions scientifiques, non pas comme des conversions religieuses, mais comme un progrès rationnel64(*) ».

Lakatos s'impose finalement une relecture critique des thèses du falsificationnisme.

* 60 Cfr. BWANGILA, C., Progrès et rationalité dans le développement des sciences empiriques : une lecture critique de T.S. Kuhn et d'I. Lakatos, (Inédit). Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention du diplôme d'études approfondies en philosophie, Université de la Sorbonne, Paris, 2003, p. 12.

* 61 KUHN, T. S., La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1983, p. 24.

* 62 Cfr. Cfr. KUHN, T. S., Tension essentielle. Tradition et changement dans les sciences, Paris, Gallimard, 1990, pp. 304-322.

* 63 Ilya Prigogine et Isabelle Stengers reprocheraientt à Kuhn d'isoler la science de la culture (des traditions, des coutumes, des institutions et des exigences réelles du monde de la vie où se déploient les hommes et leurs sociétés), en en faisant la propriété d'un groupe de chercheurs, c'est-à-dire de la seule communauté scientifique. La démarche kuhnienne cautionne une rupture entre la science et la culture qu'elle assujettit et domine. Cette rupture et cette domination de la science qui se prétend universelle sont les causes du désenchantement du monde. Pour Stengers et Prigogine, la science est un produit de la culture. C'est au coeur d'un dialogue entre les hommes de science et d'autres domaines qui étudient l'homme et le monde dans sa complexité, que se situe la clé de solution de la crise actuelle du monde. Ce dialogue est ce que ces deux auteurs entendent par la troisième culture. Cfr. PRIGOGINE, I. & STENGERS, I., op. cit., pp. 62-69.

* 64 LAKATOS, I., Idem, p. 4.

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