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Théorie de la Reconstruction Rationnelle. Programmes de Recherche et Continuité en sciences

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par Julien NTENDO BIASALAMBELE SJ
Faculté de Philosophie St Pierre Canisius, KInshasa - Licence en philosophie 2007
  

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I.3. Imre Lakatos et le Falsificationnisme de Popper

D'après Luce Giard, Lakatos reproche à Popper de ne pas rendre compte du progrès de la connaissance scientifique65(*). En effet, Popper dissocie deux problématiques liées au départ, le problème de l'induction et celui de la démarcation entre science et non-science. En les séparant, Popper croyait résoudre le problème de la démarcation en se débarrassant de celui de l'induction. Aussi a-t-il affirmé l'autonomie du jeu scientifique, mais en perdant la possibilité de prouver que ce jeu produit le progrès de la connaissance du « schéma directeur » de l'univers. La succession sans lien de simples conjectures et réfutations peut-elle rendre compte du progrès de la connaissance ? Certes non. Ainsi se justifie le point de vue de ceux qui soutiennent que la Logique de la découverte scientifique frise le scepticisme66(*).

Cependant, la notion de vérisimilitude et de l'approximation de la vérité dans l'univers -s'inspirant de la théorie de la vérité de Tarski- sont, au yeux de notre auteur, un succès incontestable de Karl Popper. Cette notion, se distinguant par sa simplicité et par son pouvoir de résolution, a permis de sauver Popper du scepticisme et de donner une solution positive au problème de l'induction67(*).

Luce Giard voit en Lakatos, soit un sauveur du falsificationnisme, soit un allié objectif qui en continue l'inspiration et qui distingue mieux que son auteur les éléments pertinents profitables à la science de ceux qui en constituent un dommage. Le souci de plus de rationalité le pousse à une relecture critique du falsificationnisme afin de le sauver du scepticisme. Il distingue essentiellement deux versions du falsificationnisme : une version dogmatique et une version méthodologique. Chacune d'elles comporte des implications non négligeables quant à la rationalité scientifique et à la reconnaissance de la validité du falsificationnisme en tant que théorie de la rationalité scientifique.

I.3.1. Le falsificationnisme dogmatique

Dans sa version dite dogmatique ou naturaliste, le falsificationnisme se caractérise d'abord par l'affirmation que toutes les théories scientifiques sont faillibles. Le falsificationnisme repose ici sur la certitude de l'existence de la base empirique. Le falsificationnisme est de ce fait empiriste mais non inductif. Lakatos l'affirme en ces termes :

« La marque distinctive du falsificationnisme dogmatique, c'est donc de reconnaître que toutes les théories sont également conjecturales. La science ne peut prouver aucune théorie. Mais bien que la science ne puisse pas prouver, elle peut réfuter, « accomplir avec une certitude logique la répudiation de ce qui est faux », c'est-à-dire qu'il y a une base empirique absolument solide de faits que l'on peut utiliser pour réfuter des théories68(*) ».

Du fait qu'il tient à la certitude de la base empirique comme garant de la falsification, le falsificationnisme dogmatique est la variante la plus faible du justificationnisme. Cette variante professe également qu'un seul énoncé d'observation, c'est-à-dire un énoncé factuel singulier, peut être l'arbitre d'une théorie universelle et même la réfuter.

Par ailleurs, le falsificationnisme dogmatique a ceci de particulier que la réfutation d'une théorie y implique automatiquement et inconditionnellement son rejet. Aussi le falsificationnisme adopte-t-il un code d'honneur consistant à spécifier par avance une expérience telle que la théorie puisse être abandonnée au cas où le résultat expérimental la contredirait69(*).

Enfin, la version naturaliste du falsificationnisme établit une nette démarcation entre le théoricien et l'expérimentateur : le théoricien propose, l'expérimentateur dispose les faits, au nom de la Nature70(*).

Cependant, d'après le Logicien hongrois, le falsificationnisme dogmatique est intenable : non seulement du fait qu'il repose sur un critère trop étroit de démarcation entre la science et la non-science, mais également parce qu'il tient à un double présupposé -qui plus est- est erroné.

« Premier présupposé : il existe une frontière naturelle psychologique entre les propositions théoriques ou spéculatives, d'une part, et les propositions factuelles ou d'observations (ou de base), de l'autre71(*) ».

Notre auteur voit dans ce premier présupposé une simple psychologie de l'observation ou une sorte de psychothérapie propre à toutes les tendances justificationnistes. Aussi réplique-t-il qu'il n'existe aucune démarcation naturelle, psychologique pour ainsi dire, entre les propositions théoriques et les énoncés d'observation ou énoncés de base.

Le second présupposé s'énonce en ces termes :

« Second présupposé : si une proposition satisfait au critère psychologique d'être factuelle ou d'observation (ou de base), alors elle est vraie ; on peut dire qu'elle a été prouvée par les faits (c'est ce que j'appellerai la doctrine de la preuve par observation (ou par expérience))72(*) ».

Ce second présupposé pose le problème de la valeur de vérité des propositions d'observation. Ces propositions sont-elles dérivables des faits ou d'autres propositions. Contre le falsificationnisme dogmatique, Lakatos affirme que ces propositions d'observation ou propositions de base sont dérivées d'autres propositions mais jamais des faits. Ainsi, aucune proposition factuelle ne peut être prouvée par l'expérimentation. 73(*)

Dans la même perspective, renchérit Lakatos, la science ne procède pas par « conjectures et réfutations » et les théories scientifiques, même les plus solidement établies ont un pouvoir de réfutation extrêmement limité. Par conséquent, s'il est pris au sérieux, le critère de réfutation dénie toute scientificité à la plus grande partie des théories scientifiques.

Au contraire, les théories scientifiques proscrivent un état de choses observables : elles sont dotées d'un pouvoir de prédiction. Il conclut que les théories scientifiques ne sont pas seulement pareillement improuvables et pareillement improbables, elles sont pareillement non réfutables74(*). Et par conséquent,

« La résistance d'une théorie devant les éléments de preuve empiriques serait alors plutôt un argument pour qu'un argument contre sa scientificité. L'irréfutabilité75(*) deviendrait la marque de la science76(*) ».

C'est dire que, même si on concédait au falsificationnisme dogmatique la démarcation psychologique entre propositions théoriques et propositions d'observation, il lui serait impossible d'éliminer un nombre de théories déjà admises comme scientifiques mais qui ne proscrivent pas toujours un état de chose observable. Ces théories sont elles-mêmes parfois doublées d'une clause ceteris paribus (toutes choses étant égales par ailleurs). Le critère du falsificationnisme dogmatique s'effondre donc du fait de son incapacité à réfuter les grandes théories scientifiques, ce qui entraîne la chute du falsificationnisme dogmatique en tant que théorie de la rationalité scientifique.

Des questions se posent à ce niveau : La chute du falsificationnisme dogmatique entraîne-t-elle automatiquement celles du falsificationnisme tout entier ? Si tel est le cas, Lakatos ne cautionne-t-il pas le scepticisme et l'irrationalisme qu'il voulait épargner à la Logique de la découverte scientifique ? La science n'est-elle qu'une simple spéculation ? Comment peut-on sauver Popper et la consistance de la méthode de conjectures et réfutations.

Lakatos reconnaît que la version dogmatique est la partie du falsificationnisme qui s'effondre sous le poids des critiques de Kuhn mais que l'échec de la partie n'entraîne pas ipso facto celui de la totalité. Le falsificationnisme comporte encore des éléments pertinents. Ainsi, une lecture attentive du poppérisme décèle une variante, dite méthodologique, du falsificationnisme.

* 65 Cfr. GIARD, L., L'impossible désir du rationnel, in LAKATOS, Histoire et méthodologie des sciences..., p. XXXVI.

* 66 Popper accepte d'ailleurs ce qu'il appelle un scepticisme dynamique.

* 67 Ibidem

* 68 LAKATOS, I., op. cit., p. 8.

* 69 Ibidem.

* 70 Le falsificationnisme dogmatique s'enrichit des thèses de Hermann Weyl et de Braithwaite qui défendent l'incorrigibilité des faits observés. Les faits sont durs et têtus, et le théoricien doit s'apprêter à encaisser le NON de la nature (Cfr. LAKATOS, I., op. cit.,p. 9). L'expérimentateur, en ce sens, est le témoin privilégié de cette incorrigibilité des faits naturels.

* 71 Idem, p. 10.

* 72 Ibidem.

* 73 Cfr. Idem, p. 13.

* 74 Cfr. Idem, p. 19.

* 75 La Thèse dite de Duhem-Quine remarquait déjà qu'en cas de divergence entre la théorie et l'observation, la méthode d'observation peut être revisitée, discutée et non pas seulement la théorie.

* 76 LAKATOS, I., op. cit, p. 18.

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