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La gouvernance, Etat des lieux et controverses conceptuelles

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par Cheikh NDIAYE
Université du Littoral - Doctorat 2008
  

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INTRODUCTION

Face à l'évolution et la transformation des rapports sociaux de production, la lutte des classes, l'avènement de la démocratie et de la République, les rapports entre gouvernants et gouvernés, ont largement évolué consacrant aujourd'hui, non pas seulement la légitimité des gouvernants, mais également la montée en puissance d'une société civile jouant de plus en plus le rôle de contre-pouvoir, d'un secteur privé toujours plus dynamique et puissant dans le jeu des rapports économiques, politiques et sociaux. De ce fait, le terme de gouvernance s'est imposé en quelques décennies aux sphères de nos sociétés actuelles que se soient celles du Nord ou du Sud. Dès lors, la diversité des connotations attachées à la notion (ou aux notions) de gouvernance ne pouvait manquer de susciter l'appétit des chercheurs en sciences humaines et sociales désireux de renouveler leurs outils d'analyse face à une réalité socioéconomique en mutation accélérée (décentralisation, mondialisation, délocalisation...) en faisant florès dans les discours politiques et scientifiques.

Conçue comme un mode de gestion du pouvoir, elle renvoie, ainsi qu'il apparaît, à une acception spécifique des relations entre gouvernants et gouvernés ; donc à l'organisation de l'Etat, de la société et de l'économie. Cependant, la problématique de la gouvernance ainsi que son évaluation pose en tout premier lieu l'exigence d'une définition heuristique du concept lui-même. Il convient à cet effet de relever que le terme gouvernance est relativement récent, même si la réalité qu'il désigne est aussi ancienne que les modes d'organisation et de gestion du pouvoir et des sociétés humaines.

Le présent document essaie de faire une présentation sommaire de l'état de la réflexion sur le concept de la gouvernance. Il s'agit donc pour nous, d'un exposé non «de» la gouvernance mais «sur» la gouvernance, en partant d'une esquisse des lieux les plus communs autour de cette notion. Cinq caractéristiques nous permettent de faire un bref état des lieux de la question et constitueront le fil conducteur de notre argumentation. Signalons tout de suite que plusieurs termes prêtent à confusion et tendent à se confondre: gouvernement, gouvernance, gouvernabilité, voire, la gouvernementalité de Michel Foucault.

Comme première caractéristique, nous avons donc une tendance à assimiler la gouvernementalité ou capacité de gouverner, le mode particulier d'exercer le gouvernement, la gouvernance, et l'ensemble du pouvoir exécutif ou gouvernement, qui ne donne que des indications partielles sur la manière dont la sphère politique est régulée. Nous y reviendrons plus en détails dans les paragraphes suivants. Deuxième trait, la gouvernance est aujourd'hui souvent présentée comme une gestion apolitique de la chose publique, une privatisation de la politique, dans laquelle les citoyens sont remplacés par des acteurs économiques, de la société civile, et, en définitive, comme une alternative à la démocratie représentative, s'inspirant de la logique du marché. Or, en même temps, le terme s'est révélé attrayant parce qu'il ouvre la possibilité aux mouvements sociaux et aux autres acteurs de la société civile de participer à des processus de prises de décision, aux côtés de l'Etat, des élus et des autres acteurs économiques.

En troisième lieu, deux dimensions difficilement joignables ont en général traversé les analyses sur la gouvernance, qu'elles soient de caractère académique ou officiel: l'analytique et la normative. Ainsi, elles tentent de répondre simultanément à des questionnements divers: Comment réguler le pouvoir à la fois aux niveaux local et transnational? Comment se présente le système mondial? Et, enfin : Comment sa nouvelle structure devrait-elle se mettre en place? Mais nous n'aborderons pas tous ces points dans ce document.

Quatrièmement, la notion peut répondre, par son potentiel multidimensionnel, aux exigences de plusieurs champs de l'application et de la connaissance:

- Politique ; c'est le champ d'appartenance essentiel de la gouvernance, comprenant en même temps les relations de pouvoir et les procédures gouvernementales.

- Scientifique (particulièrement des sciences sociales et politiques), face au besoin d'analyse des nouveaux phénomènes, dont la mondialisation et la globalisation.

- Économique ; d'une part, l'influence des pouvoirs privés et la globalisation financière appellent une autre orientation et d'autres méthodes de coopération, d'où les versants fonctionnalistes de la notion. D'autre part, le libéralisme économique s'est doté de principes politiques au début des années 1990 qui ont été exprimés dans ledit «Consensus de Washington» et qui, comme on le verra, donneront lieu à l'une des formulations devenues les plus célèbres de notre thème : celle de la bonne gouvernance.

- Coopération pour le développement ; sous le vocable gouvernance, certaines organisations internationales tentent de résoudre la crise de légitimité qu'elles traversent, tout en essayant d'accompagner, par un « mode raisonné» disent-elles, les applications des plans d'ajustement structurel (PAS) dans les pays pauvres.

- Social ; en réponse à la crise de la démocratie représentative et face à la capacité des acteurs à intervenir dans les prises de décision1.

Cinquième caractéristique: la gouvernance a une origine bien localisée dans les sociétés occidentales des pays riches. Elle se situe d'abord dans le «Nord studieux», où les universitaires américains et anglo-saxons ont le plus réfléchi à la question. La gouvernance a démarré en effet, dans les pays industrialisés où le mode de gouvernement traditionnel connaît des problèmes de gouvernabilité, nécessitant des procédures de négociations et de décisions participatives et contractuelles2 ; et que l'Etat solide souvent providence, ne suffit plus ou en est pleine transformation face aux défis actuels3. Enfin, et compte tenu de ces traits, le terme paraît obéir à une réelle nécessité, car il peut remplir des espaces vides relevant des cinq dimensions citées plus haut. Finalement, devant la caducité du système de coopération internationale instauré à Bretton Woods (qui peut être vécu tantôt comme un échec, tantôt comme un réajustement nécessaire, selon les points de vue), la gouvernance pourrait aider à reformuler le multilatéralisme.

La question qui demeure est de savoir si la théorie de la gouvernance (TG) pourra donner satisfaction à ces questionnements appartenant à diverses instances de l'action et de la conception (les dimensions stratégique et scientifique de la gouvernance). Les diverses dimensions du terme lui fournissent un flou commode du point de vue analytique. En général, on observe un développement de la TG qui penche vers l'obéissance à une approche fonctionnelle, mettant l'accent décidément sur les défis pratiques de l'action publique et formulant la réponse du pragmatisme gestionnaire aux inquiétudes fondamentales de l'espace public. On peut d'ores et déjà noter quelques caractéristiques générales constituantes pour une définition de la gouvernance. Il s'agit d'un terme souple, dynamique et interdisciplinaire4. Il est plus large que celui de gouvernement, qu'il ne remplace pas, mais complète.

1 Cette dimension a gagné de l'importance depuis la montée en puissance du mouvement mondial de contestation, à partir de deux dates symboliques: la victoire des ONG internationales face aux laboratoires pharmaceutiques en République d'Afrique du Sud en 1997, et la Conférence de l'OMC à Seattle en décembre 1999.

2 Où des acteurs économiques et sociaux jouent un rôle plus important que dans d'autres pays, aux côtés des acteurs politiques et administratifs.

3 La théorie de la gouvernance vise à prendre en compte la multiplicité des centres de pouvoir dans les Etats modernes, sous les effets notamment des décentralisations.

Contrairement au second, qui suppose l'unité du centre de pouvoir, le premier n'a pas affaire avec les structures spécifiques ou avec une «institutionnalité », mais avec une série de processus, procédures et pratiques liés à la distribution du pouvoir entre de multiples acteurs et organismes qui doivent décider en commun, comme le fonctionnement d'une entreprise, le processus de décision d'une municipalité (gouvernance urbaine ou locale) ou d'un Etat, le fonctionnement du système international (gouvernance transnationale ou globale) ou encore les relations entre acteurs d'un même niveau et de niveaux différents. Passons donc en revue les principales origines et conditions d'émergence de la gouvernance, sa plasticité au sein des disciplines avant d'insister sur ses velléités et innovations.

1. ORIGINES ET ETYMOLOGIE DE LA GOUVERNANCE

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