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L'instance équité et réconciliation et la problématique des droits de l'Homme au Maroc

( Télécharger le fichier original )
par Mohamed ASWAB
Hassan II Faculté des sciences juridiques économiques et sociales de Casablanca - Licence en droit public 2006
  

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Section I : Etablissement de la vérité et détermination de la responsabilité :

Paragraphe 1 : Dossier des personnes présumées disparues :

L'absence dans le droit marocain d'une définition précise de la disparition forcée et le fait que celle-ci représente une violation complexe entraînant une atteinte à tous les droits de l'homme protégés internationalement et en premier lieu le droit à la vie, a eu pour conséquence de désigner la notion de « disparition forcée » par des expressions telles que « personnes au sort inconnu », « personnes enlevées au sort inconnu », « personnes enlevées ». Cependant, ces qualifications n'englobent pas seulement la disparition forcée telle que définie universellement, mais renvoient aussi à d'autres formes de privation arbitraire de liberté, suivie, dans plusieurs cas, de privation du droit à la vie.

En analysant les événements et les faits liés aux cas de disparition forcée avérée déterminés par l'Instance, on peut affirmer que le recours à ce type de violation comme mode de répression avait pour objectif d'intimider et de terroriser les opposants politiques et la société dans son ensemble.

Ainsi grâce à l'analyse des dossiers qui lui ont été soumis et aux résultats des investigations menées, l'Instance est arrivée à la conclusion que la disparition forcée a été exercée contre des personnes et des groupes, lors d'événements politiques qui se sont déroulés durant la période relevant de la compétence temporelle de l'Instance ; ce qui lui a permis de qualifier ces cas comme étant une disparition forcée, telle que cette violation est définie dans ses statuts (3).

L'analyse des cas de disparition forcée relevant des attributions de l'Instance a permis de constater que cette violation a été commise de manière générale contre des personnes isolées, enlevées de leur domicile ou dans des circonstances indéterminées, et détenues dans des centres illégaux.

Le travail de l'IER en matière d'établissement de la vérité a pris plusieurs formes ;

( 3 ) La disparition forcée est définie par les statuts de l'IER comme : « l'enlèvement ou l'arrestation d'une ou plusieurs personnes et leur séquestration, contre leur gré, dans des lieux secrets en les privant indûment de leur liberté, par le fait de fonctionnaires de l'autorité publique, d'individus ou de groupes agissant au nom de l'Etat, ou la non reconnaissance de ces faits et le refus de révéler le sort qui leur est réservé les soustrayant à toute protection juridique » (article 5).

Les auditions publiques des victimes, les centaines de témoignages enregistrés et conservés dans les archives de l'Instance, les colloques académiques et les dizaines de séminaires organisés par l'IER ou ONG de toutes natures ont permis d'avancer de manière considérable dans l'établissement de la vérité sur plusieurs épisodes de cette histoire et types de violations, restés jusque là marqués par le silence, le tabou ou la rumeur, dont notamment, la question des disparitions forcées.

Cette notion a en effet couvert dans le débat national sur la question des droits de l'Homme plusieurs catégories de personnes dont le sort est demeuré inconnu. Afin de clarifier cette situation, l'IER a adopté une méthodologie de travail en deux phases parallèles.

  Les enquêtes de terrain : qui ont notamment comporté des entretiens systématiques avec les familles des personnes portées disparues, le recueil de témoignages d'anciens disparus « réapparus » libérés, des visites de constatation in situ et d'enquête dans les anciens lieux de détention ou de séquestration et l'audition d'anciens gardiens ayant exercé dans ces lieux.

  La recherche documentaire et l'examen des archives : L'IER a ainsi rassemblé et analysé l'ensemble des documents disponibles au niveau national et international faisant référence, à un titre ou un autre à des cas de disparition (listes des ONG marocaines, listes fournies par Amnesty International) et procédé à l'examen des réponses des forces de sécurité et de celles de l'armée ainsi que les documents disponibles du Comité international de la Croix Rouge (CICR).

Au terme de ce travail d'audition, de recoupement des sources et d'examen des réponses reçues de la part des autorités, l'IER a abouti aux résultats suivants :

L'IER a localisé avec précision les lieux de sépulture et déterminé l'identité de 89 personnes décédées en cours de séquestration à Tazmamart (31), Agdez (32), Kal'at Mgouna (16), Tagounite (8), Gourrama (1) et près du barrage Mansour Ad-Dahbi (1).

L'IER a localisé les lieux de sépulture et déterminé l'identité de 11 personnes décédées lors d'affrontements armés dont un groupe de 7 personnes décédés en 1960 (Groupe Barkatou et Moulay Chafii) et un autre de 4 personnes en 1964 (Groupe Cheikh Al Arab).

Les investigations de l'IER ont permis de déterminer que 325 personnes, considérées pour certaines comme faisant partie de la catégorie des disparus, sont en réalité décédées lors des émeutes urbaines de 1965, 1981, 1984 et 1990, du fait d'un usage disproportionné de la force publique lors de ces événements. Ce chiffre global se décompose ainsi : 50 victimes durant les événements de Casablanca en 1965 ; 114 durant les événements de 1981 à Casablanca et 112 à Fès en 1990. Pour les événements de 1984, l'IER a abouti au chiffre global de 49 victimes réparties comme suit : 13 victimes décédées à Tétouan, 4 à Ksar El Kébir, 1 à Tanger, 12 à Al Hoceima, 16 à Nador et les localités avoisinantes, 1 à Zaïo et 2 à Berkane. Une source médicale a indiqué à l'IER que le chiffre global des victimes à Casablanca en 1981 est de 142. Cette information reste à vérifier.

L'IER a pu déterminer dans certains cas et l'identité et le lieu d'inhumation des victimes, dans d'autres les lieux d'inhumation sans parvenir à préciser l'identité des victimes, et enfin dans certaines circonstances l'identité des victimes sans aboutir à localiser les lieux d'inhumation. A une exception (Casablanca, 1981), l'IER a pu constater que les victimes avaient été enterrées nuitamment, dans des cimetières réguliers, en l'absence des familles, sans que le parquet ne soit saisi ou n'intervienne.

L'IER a par ailleurs pu déterminer que 173 personnes sont décédées en cours de détention arbitraire ou de disparition, entre 1956 et 1999, dans des centres de détention tels que Dar Bricha, Dar Al Baraka, Tafnidilte, Courbiss, Derb Moulay Chérif, etc.), mais n'a pu déterminer les lieux d'inhumation. 39 cas relèvent des événements des premières années de l'indépendance, impliquant pour partie la responsabilité d'acteurs non étatiques. Les années 1970 ont enregistré le nombre le plus élevé de décès (109 cas) alors que les décennies suivantes ont connu une nette régression : 9 cas pour les années 1980 et 2 cas pour les années 1990.

Dans le contexte du conflit dans les provinces du sud, les investigations de l'IER ont permis de clarifier le sort de 211 personnes présumées disparues. 144 d'entre elles sont décédées durant ou à la suite d'accrochages armés. Pour 40 d'entre elles, les identités, les lieux de décès et d'inhumation, ont été déterminées. Pour 88 autres, si l'identité a pu être déterminée et le lieu de décès localisé, les lieux de sépulture ne sont pas encore connus. 12 personnes décédées n'ont pu être identifiées, alors que 4 autres, blessées, arrêtées et hospitalisées sont décédées dans les hôpitaux et ont été enterrées dans des cimetières localisés. Enfin, 67 personnes présumées disparues ont été reconduites à Tindouf en Algérie par l'intermédiaire du Comité International de la Croix Rouge (CICR) en date du 31 octobre 1996.

Les investigations de l'IER ont permis d'élucider 742 cas, toutes catégories confondues mais 66 cas de personnes rassemblant les éléments constitutifs de la disparition forcée ne sont pas encore élucidés et l'IER estime que c'est à l'Etat de poursuivre les recherches entamés par ses soins.

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