WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Justice transitionnelle au Burkina Faso, originalité ou pis-aller?

( Télécharger le fichier original )
par Lamoussa Windpingré Pascal ZOMBRE
Université de Genève - Certificat en droits de l'homme 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre III : La journée nationale du pardon (JNP)

La tenue de la journée nationale du pardon a suscité un débat vif et contradictoire au sein de la classe sociopolitique du Burkina faso. Le gouvernement, les partis politiques, la société civile, les familles des victimes, tous ont pris la parole, à travers presses interposées pour exprimer leur conception du pardon et leur opinion sur la journée nationale du pardon. Les procès d'intention ont été au rendez-vous de ces débats. Pour ou contre, la journée s'est finalement tenue. Pour savoir la portée d'une telle célébration (sect. 2), il s'avère nécessaire de s'interroger sur l'esprit qui a prévalu à sa célébration (sect.1).

Section 1 : L'esprit de la JNP

« Ce qui nous mobilise en ce jour, c'est le repentir de tous les torts et de tous les crimes qui ont sali ta mémoire et terni ton image de marque. C'est la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat et le regret officiel de tous les actes qui ont créé la fracture sociale qu'il nous faut absolument combler. C'est la mise en oeuvre officielle des conditions d'un pardon sincère, préalable incontournable à une réconciliation véritable. C'est la quête d'un pardon qui ne met pas un terme à la recherche de la justice, ni entrave à la manifestation de la vérité. C'est un pardon de paix et de la réconciliation pour un Burkina Faso nouveau. »49(*)

Comme il ressort de cet extrait du discours du président du Faso, l'esprit de la Journée nationale du pardon consistait à provoquer la rupture avec le passé en crevant l'abcès des rancoeurs, des frustrations et créer un nouveau départ vers un avenir où les burkinabé ne connaîtrons plus jamais ces souffrances. Ce nouveau départ passait d'une part par l'acte d'assumer l'entière responsabilité de ce qui s'est passé et qui a traumatisé le peuple et par la demande de pardon à ce même peuple.

§ 1 - Assumer quarante années d'histoire

Assumer quarante années d'histoire, c'est prendre volontairement sur soi la responsabilité de cette histoire. Qui est-ce qui, dans le contexte burkinabé allait assumer cette lourde histoire ? De prime abord, il y a les exécutants et ensuite, les commanditaires. Pourquoi alors, le collège des sages avait-il recommandé que se soit l'Etat, à travers la personne du chef de l'Etat,  qui assume l'entière responsabilité de ce qui s'est passé ? Pourquoi, celui-ci a-t-il accepté d'assumer ?

Si pour des crimes récents, il est plus facile de rassembler des preuves et de rechercher les coupables, il est plus difficile de le faire lorsque les faits ont pris de l'âge et les éléments de preuves difficiles à établir. Certes, cette difficulté n'est pas insurmontable50(*), mais elle est encore rendue plus difficile lorsque certains auteurs de l'époque sont aux commandes de l'appareil d'Etat. Ce n'est pas chose aisée que de faire son propre procès. A ce propos, le Professeur Laurent BADO du parti national de la renaissance (PAREN) écrivait dans le journal « l'observateur paalga » que « non seulement la vérité sera celle des juges du pouvoir, mais encore, il faudra des années et des années pour dire cette vérité partielle, étant entendu que cela implique le jugement de tous les criminels jusqu'à épuisement de la procédure judiciaire (appel, cassation), avec le risque évident de prescription de certains crimes au moment de la découverte des auteurs ! »51(*)  « Il est par ailleurs nécessaire, selon le professeur Xavier Philippe, que la manifestation de la vérité se fasse rapidement. Le retour sur le passé est toujours difficile mais plus l'écart entre les faits et leur établissement grandit, plus il devient difficile de se souvenir et de relater des faits de façon précise. »52(*) Aussi, la transition des régimes d'exception vers la démocratie s'étant imparfaitement opérée53(*), tout procès de celles-ci reste délicat.

Par ailleurs, la plupart des crimes qui ont été commis l'ont été au nom du peuple, même si c'est pour le compte d'une oligarchie. A ce sujet les propos du Président du Front Populaire et du Président du Faso sont révélateurs. Dans son appel du 19 octobre, le Président du Front Populaire disait : 

« Le mouvement de rectification du processus révolutionnaire que dirige le Front Populaire a donc été favorisé par les évènements du 15 octobre 198754(*). Nous sommes convaincus que notre peuple qui sentait déjà la nécessité d'une rectification y participera avec détermination et soutiendra le front populaire . . .»55(*) Dans son allocution à l'occasion de la journée nationale du pardon, le Président du Faso est revenu sur le sujet, parlant du peuple en ces termes: «C'est vrai. Beaucoup de choses ont été faites en ton nom. Des actes élogieux, louables et constructeurs ont été posés. A contrario, d'autres ignobles, révoltants et condamnables ont malheureusement été perpétrés.»56(*) 

Enfin, au nom du principe de la continuité de l'Etat, la quatrième république est comptable des violences commises sous toutes les autres républiques, et ce, y compris les périodes d'exceptions. Dès lors c'est à l'Etat d'assumer et de demander pardon.

* 49 In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.3

* 50 Il existe en droit international des crimes imprescriptibles comme le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. La situation de violation des droits de l'homme au Burkina Faso, entrerai difficilement dans une de ces catégories.

* 51 In Observateur paalga, n°4949, XXVII année, du 06 au 08 août 1999 

* 52 In Cours du Prof. Dr. Xavier Philippe : « La justice transitionnelle : une nouvelle forme de justice »

* 53 A cause de la survivance de certains réflexes des Etats d'exception, notamment les milices privées, les tortures, la violation des libertés individuelles et collectives relatives aux réunions, aux manifestations sur la voie publique.

* 54 Date du coup d'état sanglant ayant mis fin au régime du CNR dirigé par le capitaine Thomas SANKARA et avènement du front populaire dirigé par le capitaine Blaise COMPAORE.

* 55V. Vers un apaisement social, comité technique d'appui au gouvernement, éd découvertes du Burkina, juin 2004, p. 23

* 56In allocution de S.E Monsieur le président du Faso à l'occasion de la JNP, Ouagadougou, mars 2001, p.3

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein