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Justice, équité et égalité entre philosophie utilitariste et Science économique: Bentham, Mill, et Rawls

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par Didier HAGBE
Université Lyon II - Master 2 Histoire des théories économiques et managériales 2005
  

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Section II. - les objectifs de Bentham à travers son Principe d'utilité

L'objectif de Bentham est de neutraliser les défauts, de façon à maximiser (et non pas seulement optimiser) la production de l'intérêt général à partir des intérêts particuliers. Il ne lui suffit pas en effet d'optimiser : il faut maximiser le rendement social. L'utilitarisme soutient que la seule chose désirable comme fin est le bonheur [happiness], c'est-à-dire le plaisir et l'absence de douleur, plaisir et absence de douleur constituent dès lors les deux seules entités qui puissent expliquer l'action humaine, et qui aient une valeur intrinsèque. Par malheur [unhappiness], on entend la douleur et la privation de plaisir.

Nous avons donc affaire ici à l'utilité comme hédonisme, car c'est l'expérience ou la sensation du plaisir qui constitue le bien-être suprême de l'humanité. C'est le seul bien qui soit une fin en soi et pour lequel tous les autres biens sont moyens. Bentham déclarait que «le jeu de quilles a autant de valeur que la poésie» s'il nous procure un plaisir de même intensité et de même durée. Si nous préférons la poésie au jeu de quilles, si nous estimons q'il s'agit là d'un passe-temps plus estimable, c'est sans doute parce qu'il nous procure plus de plaisir. Par la suite, Bentham défendit l'idée qu'il n'y a qu'un unique principe moral ultime, le « Principe d'utilité ». Ce principe veut qu'à toutes les fois que nous devons faire un choix entre deux actions ou deux règles, nous devons opter pour celle qui engendre les meilleures conséquences pour tous ceux concernés32(*). Bentham admet implicitement que tous les hommes calculent c'est-à-dire qu'ils évaluent pour chaque action «les plaisirs et les peines» qui y sont associées. Si les plaisirs l'emportent sur les peines, il y a bonheur et il y aura action. Dans le cas contraire, l'individu s'abstiendra. Chaque homme est donc animé par la recherche du maximum de plaisirs et du minimum de peines, donc mû par son propre intérêt personnel.

Chez Bentham, le bien et le mal sont le plaisir et la douleur, le plaisir et l'absence de douleur sont perçus comme ayant une valeur intrinsèque. Cette idée que le bien positif est meilleur que la douleur est de l'hédonisme. En effet, à la recherche d'un fondement incontestable pour l'éthique, Bentham, contemporain de Kant, pensait l'avoir trouvé dans l'éthique hédoniste d'Épicure33(*). Comme l'hédonisme34(*), la conception utilitariste classique part de principe que le plaisir est une valeur intrinsèque35(*) positive et la douleur une valeur intrinsèque négative36(*).

Du fait que l'utilitarisme en tant que doctrine morale repose sur le plaisir, les défenseurs de l'utilitarisme classique pensent qu'elle est bien fondée et réaliste. Elle est bien fondée dans la mesure où ses normes étant justifiées par une valeur intrinsèque (le plaisir en l'occurrence), elle est réaliste parce que, d'après eux, l'être humain cherche inévitablement à obtenir le maximum de plaisir et le minimum de douleur ou, plus exactement, à choisir l'action qui produira le plus grand excédent de plaisir sur les douleurs37(*). Mais en réalité, cette conception est paradoxale.

Pour Bentham, le plaisir est un «plaisir quelconque». Il est, en un certain sens à préciser, indépendant de ce qui le cause (la lecture de la poésie, une bière, une bonne partie de cartes, etc.) et de celui qui l'éprouve: mon plaisir ne compte pas plus que le votre et ce qui importe finalement, c'est la quantité totale de plaisir ou, plus exactement, l'excédent total de plaisir sur la douleur. C'est bien pourquoi le critère ultime d'évaluation des actions et des institutions proposé par Bentham, c'est celui du plus grand bonheur pour le plus grand nombre, «bonheur» étant compris dans un sens affectif: état de plaisir ou d'absence de peine. Mais alors, le plaisir individuel n'est plus la valeur suprême: c'est le plaisir de tous qui le devient. Le passage du point de vue égoïste de l'hédonisme individuel au point de vue altruiste de l'hédonisme universel peut être apprécié moralement. Il a toutefois l'inconvénient de faire perdre à l'utilitarisme son réalisme psychologique. Il est difficile d'expliquer pourquoi l'être humain chercherait à augmenter le plaisir de tous, même au détriment de son plaisir individuel. Sidgwick voyait dans cette tension entre l'hédonisme individuel et l'hédonisme universel la difficulté principale de la moralité utilitariste38(*).

L'autre objection importante à la version hédoniste de l'éthique utilitariste, c'est l'argument de l'impersonnalité. La focalisation utilitariste sur les plaisirs et les peines introduit un élément d'impersonnalité, en ce sens qu'elle laisse supposer que les plaisirs et les peines pourraient être conçus indépendamment des individus qui les éprouvent ou les possèdent, et être agglomérés: d'où l'idée qu'un calcul des plaisirs et des peines n'est pas complètement absurde en principe, même s'il pose toutes sortes de problèmes techniques. En réalité, tout ce que dit l'utilitariste, c'est que le calcul qui sert à déterminer le bonheur du plus grand nombre admet la possibilité de compensations interindividuelles. Ce que l'un ressent ou ne ressent pas peut être compensé par ce que l'autre ressent ou ne ressent pas; de la même façon, disons qu'un individu peut compenser une perte de salaire par un gain au loto. L'idée que l'individualité de l'individu n'est pas respectée dans l'utilitarisme sous-tend un grand nombre d'autres objections à cette théorie morale. Les utilitaristes affirmeraient leur engagement envers le principe de considération égale de chacun, mais la formule signifierait en fait: «considération de la valeur de chacun dans la mesure de sa contribution à la maximisation du bonheur du plus grand nombre.»

En réponse à cela nous examinerons l'approche que suggère Kymlicka et celle de Nozick, dans la partie II intitulée la philosophie morale, au chapitre III intitulé : Discussion et commentaire autour du principe d'utilité, section I : L'approche de Kymlicka et de Nozick en ce qui concerne le principe d'utilité de Bentham.

* 32 Voir Bentham 1789

* 33 Voir Catherine Audard (éd.), Anthologie historique et critique de l'utilitarisme, T1 : Bentham et ses précurseurs, Paris, PUF, 1999.

* 34 Du grec hêdonê, qui signifie « plaisir »

* 35 Ce qui signifie exactement valeur intrinsèque ou absolue, par opposition à relative n'est pas facile à déterminer. En épistémologie morale, c'est-à-dire pour ce qui concerne la justification de nos jugements moraux ou de nos croyances morales, l'appel à une valeur « intrinsèque » telle que l'amour ou le plaisir permet, en principe, de justifier des jugements ou des croyances sans avoir elle-même besoin d'être justifiée : demander pourquoi le plaisir ou l'amour sont des valeurs positives n'est pas une question pertinente.

* 36 Monique Canto-Sperber : Il est assez curieux que la conception de Bentham, fondée sur le plaisir, ait pris le nom d'  « utilitarisme », l'utile n'étant pas nécessairement le plaisant ou l'agréable ; mais il faut prendre « utilité » au sens fonctionnel dans ce cas. Ce qui est « utile », c'est ce qui sert le mieux, ce qui contribue le plus, au plaisir individuel ou universel.

* 37 Voir Monique Canto-Sperber, La philosophie Morale, Paris PUF 2006

* 38 Henry Sidgwick, The Methods of Ethics, 7ème ed. 1907; Indianapolis, Hackett Publishing company, 1981, avec une préface de John Rawls, p. 87.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon