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Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

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par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

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§ I - Les mesures d'intégration

Ceux des juifs, qui ont décidé à demeurer dans le pays, ont été devant un dilemme entre leur attachement à une patrie où ils étaient nés leurs ancêtres depuis 2500 ans et étaient enracinés et à laquelle leur mode de vie était accordé d'une part, et tout autant aussi la crainte d'affronter une vie nouvelle dans un pays inconnu d'autre part. Etre juif ne s'identifie pas obligatoirement avec l'Etat d'Israël et être "dans l'air du temps" ne veut pas dire émigrer en France .

En fait, tous ceux qui sont restés ne faisaient pas leur demeure en Tunisie dans le même esprit. Les uns, grands bourgeois, restaient parce qu'ils avaient des biens considérables (propriétés urbaines, entreprises industrielles, exploitations agricoles, etc.) qu'ils ne pouvaient réaliser d'un jour à l'autre sans envisager l'avenir avec crainte. D'autres, appartenant à la classe moyenne, demeuraient parce qu'ils étaient persuadés que le nouveau régime leur permettra de continuer à exercer leur profession dans les mêmes conditions d'avant et de bénéficier en conséquence de la même aisance, surtout qu'ils ont reçu des hautes autorités du pays que la loi serait la même pour tous. Ils ne cherchaient pas à participer sur le plan politique mais espéreraient pouvoir y terminer leurs jours dans leurs pays. D'autres enfin, une élite juive (l'intelligentsia), les anciens anticolonialistes, restaient aussi mais en affirmant vouloir prendre une part active à la construction nationale comme les patriotes tunisiens qui ont participé à leur manière au mouvement national et à la libération du pays du joug du colonialisme. Ce sont des juristes ( avocats et magistrats ), médecins, industriels, banquiers, enseignants, grands commis d'Etat.

Les trois catégories voulaient montrer par leur engagement qu'il y avait , pour les juifs de Tunisie, une autre voie que la participation au peuplement de l'Etat d'Israël ou l'assimilation à la nation française , et qu'elle pouvait être leur intégration dans "la nation tunisienne" ( 1 ).

Pour tous ceux qui prenaient le pari de rester dans le pays, l'Etat national leur a offert des mesures d'intégration dans la société relatives à leurs droits ( A ) ainsi qu'une nouvelle organisation communautaire ( B ) .

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(1) Sebag P., op cit, p.288

A - L'octroi des droits

Auparavant, ces droits existaient dans des textes épars ou dans des usages administratifs. La nouvelle volonté politique de l'Etat national était de les affirmer d'une façon solennelle et de les codifier dans des textes spécifiques. Ces droits se répartissaient entre les droits politiques et les droits civils

1 - Les droits politiques : Le parti "destourien" s'est employé à doter le pays des institutions d'un Etat moderne en donnant les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous ses nationaux sans distinction de religion. Les textes, définissant l'organisation des pouvoirs publics, ont assuré à tous les tunisiens, musulmans et juifs, les mêmes droits politiques. En application du décret du 6 janvier 1956, qui définit les modalités d'élection des membres de l'Assemblée Constituante, les juifs ont pu prendre part aux élections. Un candidat, de confession juive , inscrit sur la liste "d'union nationale" du parti destourien (le néo-destour) , fut élu : André Baruch.

La Constitution adoptée par l'Assemblée Nationale Constituante fut promulguée le 1erjuin 1959. Ce texte organique a affirmé la primauté de l'islam ( Article 1 ) tout en reconnaissant aux autres confessions le droit d'exister. L'article 6 stipule que :" La République tunisienne garantit la dignité de l'individu et la liberté de conscience, et protège le libre exercice des cultes, sous réserve qu'il ne trouble pas l'ordre public ". Ainsi, ils étaient assurés de ne subir aucune discrimination dès lors que la constitution proclamait l'égalité de tous les citoyens sans distinction de race ou de confession : " Tous les citoyens sont égaux quant à leurs droits et leurs devoirs. Ils sont égaux devant la loi " ( l'article 6 de la constitution ) .

A la seule exception de la charge de chef de l'Etat , les juifs pouvaient donc être appelés à exercer tous les mandats s'ils figuraient sur une liste de candidats , toutes les charges ministérielles si l'un parmi eux était désigné par le Président de la République , et toutes les fonctions si quelqu'un d'eux y était appelé par une décision ministérielle .

En pratique, il y eut un juif élu à l'Assemblée Nationale Constituante ( 1956 ), à la première Assemblée nationale législative ( 1959 ), ainsi qu'à la seconde ( 1964 ). Il y eut un ministre juif dans le gouvernement de l'autonomie interne ( 1955 ) ainsi que dans le gouvernement de l'indépendance ( mars 1956 ). Cependant, l'amenuisement accéléré des effectifs de la minorité juive dû à l'exode d'une grande partie à d'autres destinations amena , légitimement, les dirigeants du pays à estimer que la présence des juifs dans les hautes instances de l'Etat n'a plus de justification politique et de représentativité. Il n'y eut plus de ministre juif au gouvernement depuis 1959 et de député à l'Assemblée depuis 1969. Mais les juifs continuèrent à exercer les droits que la constitution de 1959 avait accordés à tous les citoyens, sans distinction de confession .

Assimilés à leurs compatriotes musulmans en matière de droits politiques , les juifs tunisiens le furent aussi en matière de droit civil

2 - Les droits civils : le statut personnel . Quelques mois après l'accession de la Tunisie à l'indépendance, les Autorités du pays décidèrent d'apporter un certain nombre de réformes en matière de statut personnel en substituant aux dispositions traditionnelles du droit musulman classique et éparpillé entre deux rites (malékite et hanafite), une réglementation codifiée et applicable à tous. Un Code du statut personnel (C.S.P.T.) réglementant le mariage, la filiation, le divorce et les successions fut promulgué par un décret du 13 août 1956 et complété par le décret du 19 juin 1959 qui réglemente le testament et ses modalités .

Ce nouveau code du Statut personnel qui ne s'appliquait initialement qu'aux tunisiens musulmans fût, aux termes de la loi du 27 septembre 1957, rendu applicable à tous les tunisiens, quelle que fût leur confession et il réglemente, à partir du 1er octobre 1957 le statut personnel des juifs tunisiens au lieu et place du droit mosaïque .

Sans s'étendre sur les dispositions du code mais juste on marquera les points sur lesquels il a signifié, pour les juifs tunisiens, un changement notable : le mariage et le régime successoral :

a - Le mariage : Il a apporté trois nouveautés pour les futurs époux juifs tunisiens :

+ L'âge requis pour le mariage est celui de la puberté pour le droit mosaïque ( 12 ans pour la femme et 13 ans pour l'homme ). Le nouveau code tunisien l'a fixé à 17 ans pour la femme et 18 ans pour l'homme .

+ Alors que le droit mosaïque autorise le mari à avoir plus d'une épouse, le code de statut personnel a mis la polygamie hors la loi devenant un délit passible de peine .

+ Le droit de répudiation unilatérale accordé au mari juif par un simple acte de divorce (Get) est interdit et toute dissolution du mariage ne peut se faire qu'à travers un divorce judiciaire prononcé par un Tribunal à la demande des conjoints moyennant une indemnité destinée à réparer le préjudice causé .

b - Le régime successoral tel qu'il résulte du droit mosaïque exclut les filles de la succession de leur père s'il y a un ou plusieurs frères; il accorde au fils aîné une part double de celle des fils puînés ( le droit d'aînesse ); le mari recueille la totalité des biens de sa femme décédée en l'absence d'enfants nés de leur union; la femme est exclue de la succession de son mari et n'a droit qu'au versement du douaine mentionné dans sa ketoubah ( acte de mariage ) et est obligée de s'incliner à l'institution du lévirat sauf dénonciation expresse.

La substitution, au statut personnel mosaïque, d'un statut personnel défini par une loi applicable à tous les citoyens sans distinction de confession constituait un progrès pour les juifs que leur intelligentsia au début du XX siècle a vivement critiqué et a demandé l'amendement constatant les conséquences fâcheuses. Mais une partie de l'opinion juif tunisien a regretté que le législateur tunisien ait rendu applicable aux juifs tunisiens une législation d'inspiration musulmane surtout lorsqu'il accorde aux fils une part double de celle des filles; il attribue aussi au mari survivant à sa femme le quart de ses biens s'il y a des enfants de leur union, la moitié si elle n'en laisse pas; et la femme survivante à son mari le huitième de ses biens, s'il laisse des enfants, le quart s'il n'en laisse pas ( Article 143 du C.S.P.T. ) .

Par ailleurs, la loi du 27 septembre 1957 rendant le C.S.P.T. applicable aux juifs, édicte en même temps la suppression des tribunaux religieux (Tribunal rabbinique de Tunis et Tribunal du Chari'a). La disparition du Tribunal rabbinique, malgré l'émoi parmi les membres de l'élite juive traditionnelle, était la conséquence logique de l'adoption d'un statut personnel défini par une loi applicable à tous, sans distinction de religion sous l'égide de juridictions civiles et non religieuses. Il ne se trouve personne pour s'élever contre une mesure qui tendait à l'intégration des juifs dans la nation tunisienne ( 1 ).

La politique d'intégration des juifs dans la nation tunisienne ne tarda pas à mettre à jour une réforme des institutions communautaires mises en place depuis la fin du XIX siècle .

B - Une nouvelle organisation communautaire

La réforme des institutions communautaires fût réalisée par la loi du 11 juillet 1958 . Elle prévoit que tous les chefs lieu des gouvernerats du pays , doit être créer une "association cultuelle israélite " , constitué par tous les israélites des deux sexes , âgés de vingt ans accomplis .

Chaque association cultuelle sera gérée par un conseil d'administration, issu d'une élection à deux degrés. Au premier degré les israélites, sans distinction de nationalité, élisent "une assemblée générale" constituée par des israélites de l'un ou de l'autre sexe, âgés de trente ans accomplis et de nationalité tunisienne, au nombre de 50 à 100 membres. Au deuxième degré, les membres de l'assemblée générale élisent parmi eux les membres du conseil d'administration, au nombre de 5 à 15 .

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(1) Sebag P., op cit , p.292

Les associations cultuelles juives ont pour objet :

+ L'administration du culte israélite et la gestion des biens mobiliers et immobiliers leur appartenant, l'organisation et l'entretien des synagogues, le service des inhumations et des pompes funèbres , le service de l'abattage rituel, du pain azyme et des produits alimentaires cacher avec le concours des rabbins de leur gouvernerats et conformément aux normes édictées par le Grand-Rabbin de Tunisie .

+ L'assistance à caractère cultuel aux indigents de confession israélite .

+ L'organisation de l'enseignement religieux et la gestion des établissements qui le dispensent , conformément à la législation en vigueur .

+ L'élaboration d'avis sur toutes les questions intéressant l'exercice du culte israélite que le gouvernement jugera utile de les consulter, et notamment le Grand-Rabbin de Tunisie .

Les ressources des associations cultuelles proviennent des revenus des biens qu'elles gèrent, du produit des taxes spéciales instituées à leur profit suivant la réglementation en vigueur, des dons, legs, offrandes et rétributions des cérémonies et services religieux, des cotisations internationales et les subventions des collectivités publiques .

Le même texte a dissout en même temps le conseil de la Communauté israélite de Tunis et les diverses Caisses de bienfaisance et de secours israélite sur tout le territoire national et a dévolu leur patrimoine et leurs attributions - durant un délai de trois mois - à des comités provisoires de gestion du culte israélite dont les membres sont désignés par arrêté ministériel (Art. 17 et 18 )

Cette nouvelle législation comportait de réels progrès sur la législation antérieure puisqu'elle étendait le principe de l'élection à toutes les communautés juives du pays et qu'elle faisait participer aux élections les femmes aussi bien que les hommes. Mais des observateurs (1)ont pu constater que la population juive n'accueillit pas avec faveur la nouvelle loi qui se traduisait dans l'immédiat par le remplacement du Conseil de la communauté juive de Tunis, issu d'élections en 1955, par une commission provisoire de gestion du culte israélite, formée de membres désignées par l'administration. Cette réforme a fait l'objet de réserves d'autant plus nettes que la mise en place des associations cultuelles fut remise sine die, et que la mission des comités de gestion provisoires fut définitivement prorogée alors qu'elle devait rester uniquement trois mois pour la période transitoire ( 1 ).

En réalité certains historiens ( 2 ) avançaient l'idée selon laquelle la transition de l'ancien régime au nouveau aurait pu se dérouler dans de meilleurs conditions si de sérieuses

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(1) Sebag P., op cit, 293 . (2) Sebag P., op cit, 294. (3) Sebag P., op cit , p.294.

divergences ne s'étaient fait jour entre les dirigeants de la Communauté juive en Tunisie et les autorités tunisiennes survenues avant la promulgation du texte de l'organisation communautaire. Cette dissolution était voulue par les autorités, parce que le conseil de la Communauté n'avait pas donné son approbation à la désafectation du grand cimetière de l'avenue Roustan (actuellement Habib Thameur) qui constituait une enclave très vaste ( 6,5 hectares ) et dont le gouvernement devait faire un jardin public appelé " Le Passage" (1). Le conseil de la Communauté s'y refusa : il fut dissout par la loi du 11 juillet 1958. Le même jour, le Grand-Rabbin intérimaire de Tunisie était titularisé dans son poste par la seule autorité laïque .

Il apparaissait, après l'accession de la Tunisie à l'indépendance, que la politique d'intégration adoptée par les pouvoirs publics donnait aux juifs comme aux musulmans les mêmes droits politiques, le même statut personnel en les rendant justiciables des mêmes tribunaux . Il ne subsistait entre eux d'autre différence que celle résultant de leur pratique de cultes distincts .

Cependant, cette politique d'intégration a mis fin à l'autonomie relative dont avait bénéficié pendant des siècles la Communauté juive dans le cadre de l'Etat musulman. Dans ce cas , existait-il encore des conditions favorables pour l'évolution du discours religieux juif en Tunisie? On a vu auparavant que le discours religieux a subi un schisme : une occidentalisation et une sionisation. L'espace réel et le milieu propice de ces discours est en réalité en dehors de la Tunisie . C'est pour cette raison que malgré les mesures d'intégration prises par les nouveaux dirigeants du pays , le discours religieux juif de Tunisie a subi un " désenchantement" et a opté vers l'exode en dehors de son pays natal d'origine .

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway