WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le discours religieux en Tunisie: L'exemple de la communauté juive

( Télécharger le fichier original )
par Sadek MTIMET
Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis ( Université Al-Manar) - Master en sciences poltiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A - Contribution culturelle

L'archéologie atteste d'une présence juive en Tunisie qui remonterait au troisième siècle avant l'ère chrétienne. Le judaïsme constitue objectivement un édifice dans le nouveau monument du monothéisme qui connaîtra plus tard ses deux variantes : le christianisme et l'islam (1). Un phénomène important doit être, à cet égard, noté : c'est en Tunisie, terre d'accueil, que les premiers signes de transition du judaïsme, religion ethnique et national, à l'universalisme par une pratique du prosélytisme, sont apparus. Ceci a des implications importantes sur le plan culturel (2) surtout dans la mise en brèche de l'idée de la "diaspora", chère à certains théologiens juifs. Donc, la problématique du judaïsme tunisien antique se pose en termes de spécificités locales, de judaïsation des berbères et de la transition de la forme de la religion

L'époque islamique constitue l'étape décisive qui voit naître, dans la cité musulmane, un judaïsme "ifriqiyen" stable et prospère. Les sources hébraïques s'accordent sur un fait important : la culture juive dans l'ifriqiya musulmane a connu un véritable essor dans le cadre du régime de protection garanti par l'islam. En effet, un savant américain, Salomon Goïten, grand connaisseur du judaïsme médiéval, a pu écrire sans réserve : " A aucune époque, la science juive ne fut plus renaissante qu'elle ne le fut dans la première moitié du XI siècle lorsque le grand Nassim ben Jacob développa, à Kairouan, l'étude et les commentaires du Talmud... Pour aucune période nous ne connaissons un aussi grand nombre de responsa (fatwas, consultations juridiques ) envoyés de Baghdad en Tunisie, et de si riches donations parties de Tunisie vers l'Irak et la Palestine " (3).

A coté de ces talmudistes , des médecins et philosophes juifs ont brillé (Ish'âq ibn Suleimân, Dûnnash ibn Tâmim) et ont joué un rôle important dans la reformulation et la rediffusion de la philosophie grecque (4) .

_____________________________________________________________________________

(1) Ibid, p11 (2) Larguèche A. op cit p 16. (3) Goïten S.D., A méditerraneen society , the jewish communities of arab world, University of California Press, 1971, T.II, p. 203 (4) Sebag P., op cit, p.

Ce contraste entre l'Occident et l'Orient a alimenté l'idée du "mythe de l'islam terre d'accueil". En effet, hormis la parenthèse éphémère de l'époque hilalienne (1) ou des moments épars de la sévère orthodoxie almohade , la réalité sociale de la Communauté juive était non seulement profonde mais aussi durable puisque, à l'aube de la modernité, les juifs chassés d'Espagne, avec leurs compatriotes les maures musulmans andalous, depuis l'édit royal d'expulsion de 1492, après la "reconquiesta" décidée par Ferdinand d'Aragon et Isabelle d'Espagne, trouvèrent naturellement refuge dans les cités musulmanes du Maghreb. Les flux migratoires ont continué jusqu'aux XVIII et XIX siècles avec l'arrivée des juifs livournais d'Italie. Ceci dénote que la Tunisie était un pole d'attraction économique et un lieu d'épanouissement culturel

Le judaïsme ifriqyen, à l'époque de l'islam médiéval, connaît une évolution particulière illustrée par l'épanouissement d'une culture hébraïque philosophique et savante exprimant l'autonomie d'une Communauté religieuse dans la société musulmane et a contribué, par-là même, à une meilleure compréhension des rapports inter-ethniques et la capacité culturelle de l'islam à gérer la différence et à l'entretenir. Donc, le schème classique du pacte de la dhimma comme modèle explicatif montre, avec éclat, ses limites historiques. C'est dire que le statut de dhimmi ne doit pas masquer des situations concrètes fortement contrastées selon les époques et les régimes politiques

Après Kairouan, ce fût Tunis, nouvelle capitale, dans laquelle la Communauté juive a continué à prospérer sous "l'oeil bienveillant du Saint-Patron de la ville Sidi Mehrez, sultan de la Médina, qui fût, selon la légende judéo-musulmane, le protecteur des juifs de la Tunisie" (2). Ce marabout et faqih était le premier dignitaire musulman a influer sur le pouvoir politique en place pour faire entrer la Communauté juive en plein coeur de la Médina, dans un quartier "la Hara" des juifs (l'actuelle cité Al-Hafsia ), près de son mausolée, en tout cas à l'intérieur des murs de la Médina.

1705 était l'année de l'accession au pouvoir de la dynastie husseinite qui semble, plus que ses prédécesseurs, avoir associé les juifs à son pouvoir. Ils occupaient de nombreux emplois dans l'administration des finances. " Ce sont les juifs en qui le Bey a le plus de confiance pour l'administration de ses finances. Le grand Qâyid du Bey, ou grand trésorier, est juif ainsi que tous les trésoriers particuliers, tous les teneurs de livres, écrivains et autres officiers, dont les fonctions ont quelque rapport avec l'écriture et les calculs " (3). Les juifs semblent avoir occuper tous les postes clés, tant pour la perception des impôts et

____________________________________________________________________________

(1) Les Bani Hilal sont des tribus errants cloîtrés dans le Sud de l'Egypte autorisés par le Calife fatimide d'envahir la Tunisie comme sanction contre l'émir berbère qui a dénoncé sa vassalité (2) Larguèche A., op cit p (3) Sebag P., op cit p89

l'ordonnancement des dépenses, que pour le maniement des espèces et la tenue des livres de comptes. Enfin et surtout, il faut noter que le receveur général des finances, placé sous les ordres du Khaznadar (Ministre des finances), était toujours un juif. Ce haut commis de l'Etat beylical, qui était aussi le Qâyid des juifs, (le chef de l'ensemble de la population juive du pays ) a été chargé de fixer le montant annuel de la Jezya (impôt de capitation) que la Communauté juive doit verser solidairement au souverain .

Pendant l'époque moderne, surtout durant la constitution de l'Etat beylical , par leurs positions économiques, financières et commerciales, les membres actifs de la Communauté, surtout la dynamique élite juive livournaise, ont contribué à introduire les techniques de la modernité et du mercantilisme auprès de l'Etat et des élites urbaines (1).

On est tenté de se demander pour quelles raisons les juifs ont été appelés à jouer un rôle si important dans la dynastie husseinite , Etat musulman de surcoit ?. Ce qui a été décisif , croyons-nous, c'est la flexibilité et la capacité du discours religieux juif à s'adapter rapidement à son environnement . Le caractère collaborateur du discours , qui évolue au gré des circonstances , trouve sa légitimité et son fondement dans l'adage , développé par les rabbins de la "diaspora", selon laquelle : la loi du Prince est la loi (dina el-malkhûta dina) . Aussi, vu leur nombre , " les juifs n'avaient pu vivre au milieu d'une population ayant une autre foi , sans la protection du Prince , à la tête de l'Etat. Mais cette protection , ils se sentaient tenus de la mériter par leur loyalisme et leur zèle " (2).

Les vexations ou mauvais traitements dont étaient victimes les sujets juifs de la part des gens du peuple ou de certains princes capricieux et despotiques ne dérivent pas d'une référence religieuse préalable incitant à ce genre de pratiques. Elles étaient systématiquement condamnées d'une façon énergique par une élite tunisienne, particulièrement ouverte et éclairée, dont le chroniqueur et ministre tunisien Ahmed Ibn Abi Dhiyef, qui exprimait l'esprit et ce en affirmant que les juifs étaient "nos frères dans la patrie " (3).

Cette Communauté, admettant la domination politique par le contrat de protection dans leur différence religieuse, participe aussi à la vie du milieu où elle est implantée. Les juifs tunisiens ont adopté la langue arabe dans la vie active et dans leurs rédactions administratives et transactions commerciales

_________________________________________________________________________________

(1) Ibid p89 (2) SebagP.,opci p89 (3)Chateur K., "Le constitutionnalisme en Tunisie au XIX siècle" , Tunis, RTSS-CRES, n°40-41-42, 1975, p 13

Les juifs de Tunisie ont continué à bénéficier , dans le cadre de l'Etat musulman , d'une large tolérance qui leur permettait non seulement de célébrer leur culte sans entraves, mais encore de vivre selon la loi mosaïque ,en s'administrant eux-mêmes d'où une contribution cultuelle certaine dans le discours religieux monothéiste en Tunisie .

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe