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Conflits identitaires et unité de l' Etat

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par Sarr Massamba
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  2008
  

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B- Le mécanisme de l'arbre à palabre

Toute société connaissant des conflits politiques, identitaires ou socio-économiques, les sociétés africaines traditionnelles n'étaient pas en reste et les résolvaient sous l'arbre à palabre.

En effet, conscientes de l'opacité naturellement liée au pouvoir, à cause de la sacralité, les sociétés plurales précoloniales firent du débat d'idées sur toutes les questions de vie ou de mort, un impératif juridique.Ils l'institutionnalisèrent sous forme d'assemblée, désignée par la symbolique de l'arbre à palabre. Ses acteurs étaient des représentants des communautés villageoises, claniques, lignagères, ethniques etc. dûment désignés et mandatés, en fonction de leur intégrité intellectuelle et morale.

Entre autres vertus, ce débat se déroulait dans la tolérance absolue des opinions contraires et en public, afin que « nul ne soit sensé ignorer la loi », comme dirent quelques siècles plus tard les contemporains. En outre les parties en conflit avaient l'occasion d'user de leur liberté d'expression pour défendre leur point de vue, mais toutes devaient se plier à la décision finale. En réalité souligne Mamadou Dia «  en Afrique noire, le juge traditionnel cherche davantage à rapprocher les points de vue qu'à trancher par le livre  »16(*) En effet en droit comme en politique les africains recherchent souvent l'unanimité et sont prêts pour cela à engager des discussions qui peuvent paraître interminables. En fait l'unanimité n'était pas acquise, il s'agissait d'un simple consensus dont l'obtention était saluée par des chants et danses prouvant que les parties étaient d'accord pour préserver l'harmonie et l'entente. Si l'on ne pouvait dire qu'il n'y avait ni vainqueur ni vaincu, tout au moins, il est possible d'affirmer que les disparités entre parties étaient tout à fait minimes après le jugement.

La démarche consensuelle entreprise pour résoudre ces conflits a été soulignée par Julius K. Nyéréré dans la célèbre formule : « the elders sit under the big tree and talk until they agree »  17(*)

La fonction judiciaire moderne est aux antipodes de telles préoccupations. Sa mission est de dire le droit sans se préoccuper des conséquences. Ici, l'harmonie et l'entente sont le résultat du respect par chacun de la règle de droit. Le caractère général et impersonnel de celle-ci, malgré le caractère démocratique de son mode de formation camoufle souvent des intérêts personnels. Si la contestation est permise, elle ne peut se faire que dans un formalisme étroit et la sanction de la norme qu'en fonction d'une lecture d'autres normes prises en référence. Dès lors, il nous parait essentiel de réhabiliter le mécanisme de l'arbre à palabre en vue de prévenir et de résoudre les conflits identitaires qui secouent l'Afrique. Ce système dégage un rôle pour les chefs coutumiers dans la promotion de l'unité nationale et le fonctionnement normal de l'État. Si le chef de l'État est au-dessus de la mêlée, les chefs coutumiers peuvent être au centre des liens entre le Parlement, le Sénat et le gouvernement comme organe de «palabre». Cet organe assure le règlement politique des conflits. Il ne remplace pas les juridictions judiciaires moins encore la Cour constitutionnelle, mais assure la restauration de l'harmonie dans le fonctionnement de l'État. En tant qu'organe de l'État, la «palabre» dirigé par un chef coutumier se tient quand le besoin se fait sentir. Le président de la «palabre» peut avoir un mandat et doit être désigné par ses pairs. Elle est une instance de communication qui dédramatise la conflictualité au moyen des proverbes, des contes, des paraboles, des symboles et des chansons.

L'organe «palabre» peut être considéré comme fondé sur la tradition africaine. Elle est un espace public de discussion qui fonctionne comme un système de coopération au sein duquel les membres de la société opèrent ensemble. La raison d'être de la «palabre» n'est pas la sanction ou la justice mais de renouer la relation au sein des organes de l'État afin de faire triompher l'harmonie et la paix.

La présence de l'organe «palabre» se nécessite du fait qu'une société multiethnique et multipartite comme le Congo peut difficilement éviter le conflit. Néanmoins, ce dernier ne doit pas être source de blocage du fonctionnement de l'État mais doit plutôt contribuer à son progrès. De ce fait, il est important qu'un de ses organes poursuive la réconciliation permanente comme son objectif.

La «palabre» permet d'arrêter l'usage stérile ou négatif de la violence par la discussion et le symbolisme du sacré. Il fait disparaître l'État jacobin au profit d'un État qui reconnaît et intègre les particularités, la diversité en son sein.

La spécificité de la «palabre» nécessite la réhabilitation du pouvoir traditionnel, incarnation de la sagesse et du symbolisme africain. À ce titre, un chef coutumier entouré de ses paires peut prendre la direction de cet organe avec l'assistance de quelques intellectuels. Ces derniers ont pour fonction de traduire dans le langage moderne (écrit) les pensées et les discours de ces chefs coutumiers, étant donné que la tradition africaine est basée sur l'oralité.

Par ailleurs, il ne serait pas inutile de rappeler que la leçon de l'histoire est que les conférences nationales souveraines et autres forums démocratiques, se sont inspirés de l'esprit de l'arbre à palabre, en choisissant la conférence, le débat, le dialogue comme espace de fondation du changement démocratique et non le champ de bataille ou de la violence, comme l'atteste la théorie de la révolution dans l'expérience européenne de l'Etat national. Par ailleurs en dehors de la construction de la cohésion et de l'harmonie au sein de la société, l'appropriation légitime des ressources doit être instaurée en principe.

* 16 Cité par Eric Fottorino .C .Guillemin .E Orsenna, Besoin d'Afrique, Paris, Fayard, 1993, p.315.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo