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Conflits identitaires et unité de l' Etat

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par Sarr Massamba
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  2008
  

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Paragraphe 2 :L'appropriation légitime des ressources

La démocratie ne doit pas s'entendre comme la simple organisation régulière d'élections. Les conditions d'accès aux ressources économiques constituent un facteur important dans le déclenchement des conflits identitaires. C'est pourquoi, il est nécessaire avant de faire état de l'exigence de la gestion transparente des biens publics, de procéder à quelques développements sur la dimension économique des conflits identitaires.

A- L a dimension économique des conflits identitaires

En Afrique tous les conflits identitaires ont une dimension économique : soit la répartition inégale des richesses en constitue le mobile, soit l'appropriation des ressources économiques constitue un moyen pour accéder un pouvoir.

La répartition inégale des ressources au sein d'un Etat peut amener certaines composantes de la population à une prise de conscience, puis à une mobilisation pour mettre fin à cette situation. Dans bien des cas, l'appropriation des ressources est faite par quelques personnes, une ethnie ou une race ou une région géographique.

Dans certains Etats africains, certaines personnes peuvent s'approprier la quasi-totalité des ressources de la nation alors que la majorité de la population vit dans une misère intolérable .Ainsi, au Zaïre, la fortune du président Mobutu avait atteint quatre (04) milliards de dollars dans les années 1993alors que les fonctionnaires restaient plusieurs mois sans salaires. Celle du président Eyadéma du Togo gardée en Suisse en 1979 se chiffrerait à quatre-vingt dix milliards de francs CFA18(*).

Ces sommes vertigineuses sont d'autant plus inquiétantes que l'ancien président du Burundi Jean Baptiste Bagaza confessait qu'il n'avait connu que cinq chefs d'Etat africains intègres : « Messieurs Kaunda, Mugabe, Museveni, Nyerere, et Sankara  »

Cette accumulation de richesses pourrait s'expliquer par la position centrale des chefs d'Etat dans les systèmes politiques africains qui leur confère une fonction de redistribution. Dans les systèmes non démocratiques l'argent sert à entretenir une clientèle plus ou moins vaste et de perpétuer le régime politique, le pouvoir personnel du chef de l'Etat.

Les masses pourraient être considérées comme des complices mais le rapport avec l'argent dans les sociétés africaines est complexe. Il est devenu une valeur référentielle, « il fascine, il a une connotation magique, une dimension religieuse ». 19(*)

D'ailleurs selon une diction togolaise  «quand l'argent parle, la vérité se tait  ». Mais cette fascination est doublée d'une terreur que ces régimes inspirent, si bien que la collaboration est l'un des meilleurs moyens de survie. La démocratisation des institutions n'a pas pu supprimer ces pratiques. Au contraire la clientèle à laquelle il faut graisser la patte s'est élargie.

Mais dans bien des cas, les richesses nationales sont accaparées par des groupes s'identifiant à leur race, leur religion, leur région ou à une ethnie.

Jean François Bayart estime qu'en 1982, 950 personnes constituaient la classe dirigeante du Cameroun : pays qui est peuplé de 7,5 millions d'habitants. Le même chiffre serait valable pour des pays d'un poids démographique identique comme le Mali, la Côte d' Ivoire ou,moins peuplés comme le Rwanda, le Burundi l'Angola etc.

 Au Libéria, avant le déclenchement du conflit, la minorité noire américaine représentait seulement 4% de la population mais détenait 65% des richesses.

Par ailleurs, les inégalités économiques peuvent également se mesurer entre régions au sein d'un même Etat. Au Nigeria, depuis 1991, le Sud Est (pays Ogoni) proteste pour un meilleur accès aux ressources pétrolières produites dans la région mais distribuées par l'échelon fédéral.

Au Sénégal, la rébellion casamançaise a longtemps utilisé l'argument de la faiblesse des investissements effectués sur place. L'île d'Anjouan a évoqué le même motif pour demander son détachement des Comores. A contrario, on peut constater que la relative, stabilité du Nigeria depuis la sécession biafraise en 1970 serait due à la mise en place d'une  « clé de répartition des revenus de la fédération ... (selon) des critères de démographie et d'égalité entre Etats20(*)  ».

La disparité entre les villes et les campagnes est générale : au Libéria le revenu moyen du citadin en 1976 est de 600 $ par an contre 70 pour le paysan. Une inégale jouissance des richesses nationales peut donc avoir pour conséquence des replis identitaires et des conflits difficilement maîtrisables. Mais l'appropriation des richesses peut être un moyen au service d'une stratégie de conquête ou de conservation du pouvoir. En effet, qu'il s'agisse du Congo, de la République Démocratique du Congo, ou de la sierra Léone, la stratégie des belligérants repose sur le contrôle des zones diamantifères ou des champs pétrolier 21(*)

L'exploitation de ces ressources du sous-sol permet de financer les activités guerrières (achat d'armes et de munitions, solde des troupes et des mercenaires etc.). Il peut s'agir d'une exploitation directe c'est-à-dire faite par le gouvernement ou le mouvement armé : les troupes sont organisées pour exploiter, écouler les ressources naturelles (souvent c'est le cas du diamant). L'exploitation peut se faire indirectement par le biais de compagnies sur lesquelles les Etats ou les mouvements armés prélèvent des taxes substantielles.

Le contrôle des richesses devient un mode de pouvoir (gemmocraties, pétrocraties).

Pourtant les conférences nationales ont focalisé l'attention des populations sur les crimes économiques des dirigeants .Mais leurs manières de faire n'ont pas été approfondies, ni les leçons tirées .De ce point de vue, la transparence dans la gestion des affaires publiques devrait être érigée en principe aussi sacré que la démocratisation des institutions.

* 18 Selon une information diffusée par le journal télévisé de la Suisse romande le 20février 2002, la fortune du feu dictateur nigérien Sani Abacha atteindrait trois milliards de dollars

* 19 Bayart (J.F) et al. La politique par le bas en Afrique noire ,Paris ,Karthala,1992, p.138.

* 20 Bach (D.), Fédéralisme et gestion des conflits : l'expérience nigériane, Afrique contemporaine ,4° Trimestre 1996, p. 244

* 21 Misser (F) et Vallée (O), Les nouveaux acteurs du secteur minier, Manière de voir n° 51, Mai -Juin 2000, pp.27-30

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote