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Conflits identitaires et unité de l' Etat

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par Sarr Massamba
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  2008
  

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Paragraphe 2 : La destruction des bases socio juridiques

Outre la destruction des bases institutionnelles, les conflits identitaires produisent souvent deux autres résultats essentiels : le découpage de l'espace géo humain en « zones d'influence diverses » ou morcellement du territoire (A) et l'éclipse des pouvoirs publics au profit des pouvoirs de fait (B).

A : Le morcellement du territoire

Sur le plan militaire, les principaux affrontements générés par les différentes sphères et phases conflictuelles aboutissent souvent à diviser le territoire selon plusieurs lignes de démarcation géopolitiques.

De façon générale les conflits identitaires ont entraîné la désintégration de certains Etats. Ainsi dans une telle situation les frontières de la souveraineté de l'Etat sont brouillées, son territoire morcelé en zones contrôlées par le gouvernement et la dissidence armée. Chaque zone disposant de ses propres droits et franchises et gérant de manière autonome ses intérêts diplomatiques, commerciaux, financiers et militaires .En Côte d'Ivoire le conflit a abouti à un partage du territoire. Les rebelles du MPCI contrôlaient un peu plus de la moitié du nord du pays (Bouaké, Korhogo, Katiola, Odienné et Ferkessédougou). Les rebelles de l'Ouest exerçaient un contrôle sur les régions frontalières avec la Guinée et le Libéria. Le gouvernement contrôlait quant à lui la partie côtière, c'est-à-dire Abidjan, Yamoussoukro, Dalao, Agboville, Gagnoa et San Pedro .La ligne de démarcation était contrôlée depuis la signature du cessez le feu du 17 Octobre 2002, à la fois par le gouvernement et les rebelles du MPCI, et par les forces françaises présentes sur le terrain. La ville de Bouaké (deuxième ville du pays avec plus de 560.000 habitants), est rapidement devenue un point avancé dans le dispositif de déstabilisation des institutions et des structures de l'Etat ivoirien.

Appelée capitale des populations d'ethnie Baoulé, Bouaké fut sous le contrôle des forces armées des forces nouvelles dès le déclenchement du conflit de 2002et ce, jusqu'en 2007.

Les rebelles du MPCI ont tenté de s'organiser et d'asseoir leur autorité sur le territoire dont ils étaient maîtres dans le Nord du pays. Ainsi, ils délivraient des laissez -passer portant l'entête et le cachet du MPCI. De plus, ils avaient établi des centres d'opération dans la plus part des localités q'ils contrôlaient : « sortes d'état- major » dans les villes occupées par les rebelles, ces centres étaient installés dans les casernes militaires, les brigades de gendarmerie ou encore dans les bureaux de préfecture.

A ces nombreux fractionnements s'ajoute la mutation de la division administrative organique institutionnellement établie vers une redistribution géo humaine à base communautaire provoquée par le conflit. En effet, les structures de l'administration centrale de l'Etat et les collectivités locales qui recouvraient un espace géographique dont le tissu social était pluricommunautaire vont subir de profonds changements morphologiques. Les combats et affrontements fortement empreints de l'animosité ethnique entraînent des transferts de population dans le sens d'une homogénéisation communautaire.

La Somalie ne fait plus la une de l'actualité et pourtant ce pays connaît aujourd'hui des processus de déstructuration géopolitique parmi les plus acharnés qu'ait connu le XXè siècle. L'ancienne Somalie n'existe plus et a laissé la place à cinq ou six entités contrôlées par les factions rivales qui chacune bénéfice d'appui de pays de la région ainsi que l'aide des grandes puissances. En une vingtaine d'années, le monde somalien sera ainsi passé d'un pansomalisme armé et agressif à une parcellisation clanique tout aussi armée, offrant un exemple assez rare de la disparition d'un Etat en même temps que d'un chaos social profond alors même que l'ensemble des populations est d'une grande homogénéité ethnique. Il faut certainement trouver la raison dans le fait que la société somalienne, malgré les discours officiels, n'a jamais atteint le stade d'Etat-nation consolidé .De ce fait l'implosion sociale a entraîné une anarchie géopolitique dans une zone hautement stratégique.

Au libéra, en 1990, date de la première intervention de l'ECOMOG, et Octobre 1992, le territoire libérien était partagé en deux zones. L'une, sécurisée par les casques blancs de l'ECOMOG autour de Monrovia, était en théorie administrée par les institutions de transition patronnées par la force d'interposition sous-régionale .Ainsi le mandant de l'Intérim Government of National Unity (IGNU) et de son successeur à partir de 1994, le Liberian National Transition Government (LNTG), restait limité à la région de Monrovia, et cela, uniquement grâce au soutien de l'ECOMOG. Le reste du pays était aux mains du NPLF, qui créa alors son propre gouvernement à Gbarnga, dans le centre du pays. En 1992, année où l'étendue de ses conquêtes a culminé, Taylor maîtrisait donc la majeure partie du territoire du Libéria, une partie de la Guinée et de la Sierra Léone, dans une entité dite « Grand Liberia », dont le centre était situé à Gbarnga. Le territoire de Taylor pouvait se prévaloir de détenir sa propre monnaie et son propre système bancaire, un réseau de radio et télévision, des terrains d'avions et jusqu'à 1993, son propre port.

Ces développements démontrent la pertinence analytique limitée de la dichotomie Etat- société ou d'autonomie de l'Etat nécessaire pour la création de bureaucraties prévisibles et efficaces. Ainsi au cours de ces conflits, les pouvoirs centraux (ou les instances censées tenir un tel rôle) ont-ils été incapables de contrôler l'ensemble du territoire national. Les conflits identitaires ont tendance à mettre en jeu des Etats sans contrôle efficace sur leur territoire. C'est dire donc que des mouvements d'insurrection peuvent exercer un contrôle efficace sur les territoires situés de part et d'autre et de ce fait favoriser la multiplication des pouvoirs de fait.

B- La multiplication des pouvoirs de fait

La rupture de l'idée de droit en paralysant l'Etat et ses institutions cède le champ des prérogatives de la puissance publique aux pouvoirs de fait. A l'ordre public sera substitué l'équarrissage du territoire entre les innombrables formations armées qui,selon leur importance ,étendront chacune leur autorité soit sur quelques quartiers seulement à l'intérieur de certaines de certaines villes ,soit sur des régions plus étendues lorsque ce phénomène coïncide avec la redistribution communautaire de l'espace. Ainsi on assiste à la partition du territoire étatique en différents « fiefs » contrôlés par des seigneurs de la guerre qui se suppléent à l'Etat et font main basse , dans les zones qu'ils contrôlent,sur les circuits économiques et développent leurs propres normes sociales et pratiquent administratives. Dans les régions contrôlées par les gouvernements ,généralement la capitale et les villes proches ,la corruption devient une règle d'administration publique. Aux yeux des factions et des chefs militaires, l'Etat devient une fiction que l'on subit et dont on cherche à tirer profit. Dans la logique de la contagion des conflits, les frontières poreuses et fictives sont devenues de véritables passoires pour tous les mouvements rebelles. De fait les Etats voisins empiètent sur la souveraineté de l'Etat en décomposition en s'ingérant directement dans la politique .A cet égard on note de plus en plus une intervention directe d'Etats africains dans ces conflits soit pour aider les pouvoirs en place soit pour appuyer les groupes rebelles ou insurgés.

Le Congo fournit l'exemple le plus symptomatique avec l'implication de huit Etats africains dans ce conflit.

Par ailleurs, les conflits identitaires ont débouché sur l'avortement du projet démocratique amorcé au sein des Etats. Des «  principautés militaires » ont vu le jour au Rwanda, et en Ouganda avec comme caractéristique principale l'usage récurrent de la force dans la mise en oeuvre de leurs stratégies politiques internes et externes. Dans le cas du Libéria, certains auteurs vont jusqu'à identifier un « Etat fantôme » (shadow state), qui remplit un certain nombre de fonctions étatiques sans en assumer les obligations. Ainsi le NPLF de Taylor a-t-il cherché à assumer des responsabilités étatiques officielles, en se dotant d'une constitution, des ministères, d'une monnaie.

Ces conflits fragilisent considérablement l'autorité centrale dans bien des pays.

La perte de l'Etat du monopôle de la violence a mis à nu la faiblesse de construction étatique. Les conflits identitaires sont d'autant plus menaçant qu'il s'agit le plus souvent de conflits mettant aux prises des fronts ou des milices souvent indisciplinés qui dérivent à l'occasion vers le banditisme, pratiquent la prise de butin, enrôlent des enfants, s'en prennent aux civils sans défense et n'hésitent pas à recourir aux formes extrêmes de violence, au pillage de l'aide humanitaire provoquant ainsi le déplacement des populations. Bref la population est devenue l'otage d'un groupe.

De façon générale on peut retenir que les conflits identitaires constituent aujourd'hui des facteurs aggravants de déstabilisation de l'unité des Etats. En effet, le conflit identitaire est perçu comme la manifestation de la fragmentation politique, le résultat de la désintégration ou de la reconfiguration d'entités politiques .Dès lors, il urge de réfléchir sur la meilleure manière d'user de l'identité pour qu'elle ne soit plus un obstacle mais plutôt un élément de renforcement et de consolidation de l'unité de l'Etat.

CHAPITRE 2

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci