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La problématique de la gouvernance locale dans la région de l'est-Cameroun: une analyse de la perception du maire par les populations de la ville de Bertoua

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par Bertille Arlette JIOKENG NDOUNTIO
Universite Catholique d'Afrique Centrale - Master en Gouvernance et Politiques publiques 2010
  

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puissance publique

En tant qu'élu local, le maire est un acteur de développement de proximité dans le processus de décentralisation. Toutefois, les populations de la ville de Bertoua l'assimilent à une autorité déconcentrée qui sert plus les intérêts du gouvernement que ceux des populations. Ces dernières le perçoivent, en effet, comme un prolongement de l'Etat qui « agit pour le compte du chef de l'Etat97(*) ». C'est sans doute la raison pour laquelle, Pierre Yves LE MEUR soulignait à cet effet que ce projet potentiel de reconstruction de l'État, qui est peut-être tout d'abord un projet de relégitimation, peut engendrer des perceptions diverses informées par des mémoires historiques différentes et dont aucune n'est plus « vraie » que les autres. Ainsi, vu du village, c'est une forme de recentralisation qui semble se profiler, source de dépossession de parcelles de pouvoir autant que d'une possible instrumentalisation politique des arènes villageoises. En particulier, la définition de l'échelon communal, souvent très - trop? - vaste, pose problème98(*).

En réalité, cette inclinaison des populations se fonde sur de nombreux éléments notamment l'existence de la tutelle99(*) de l'Etat sur les collectivités locales et la difficile autonomie financière desdites collectivités. Dans le principe, la tutelle de l'Etat sur les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) appartient au Ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation (MINATD), mais de larges prérogatives sont dévolues dans ce domaine aux autorités déconcentrées, dans l'esprit des dispositions de la loi du 18 Janvier 1996, une intervention du président de la République est toujours possible. Les pouvoirs de tutelle sont exercés par le MINATD et, sous son contrôle, par les gouverneurs et les préfets. A cet effet, tout acte pris par les gouverneurs ou les préfets dans le cadre de l'exercice de la tutelle est immédiatement adressé au MINATD. Celui-ci dispose, à l'échelle centrale, pour l'assister dans l'exercice de cette mission, d'une direction des CTD. Les autorités de tutelle sont généralement investies en plus d'une mission permanente d'assistance, de coordination, d'information et de contrôle auprès des CTD et établissements communaux.

D'une manière générale, la tutelle porte en même temps sur les personnes et sur les actes. A l'égard des personnes, les autorités de tutelle disposent réellement d'un pouvoir de sanction sur les magistrats municipaux. Le MINATD constate l'élection du conseil municipal, du maire et de ses adjoints. Il détient, en outre, le pouvoir d'annuler une élection en cas d'irrégularité dans le déroulement du scrutin et de désigner un intérimaire, parmi les cinq conseillers les plus âgés jusqu'à l'élection du nouveau maire. La tutelle sur les actes consiste, quant à elle, en l'approbation préalable, la substitution ou l'annulation des actes des magistrats et des conseils municipaux suivant un régime également déterminé par la loi.

Les populations se plaignent de la prégnance du « gouvernement » et de son ingérence poussée dans la gestion des affaires locales. En effet, la loi n°90 /057 du 19 décembre 1990 modifiant et complétant les dispositions de la loi n°74/23 du 05 décembre 1974 portant organisation communale dispose à son article 90 que l'ensemble de la comptabilité des communes est tenue à la disposition des organismes de contrôle de l'Etat. Ces contrôles revêtent plusieurs formes entre autres, le contrôle des commissaires aux comptes, le contrôle des audits indépendants, les contrôles réciproques de l'ordonnateur comptable, les contrôles juridictionnels.

Toutefois, de nombreux actes des organes de la commune subissent un contrôle a priori ou a posteriori des différentes administrations. L'« hégémonie » de l'autorité administrative continue à trop se faire ressentir. Nous avons, par exemple, les interventions du Ministère du Développement urbain et de l'habitat (MINDUH), les autorisations préalables à obtenir du Ministère du Domaine et des Affaires Foncières (MINDAF) avant toute aliénation du domaine privé communal et l'utilisation du domaine public communal, les contrôles des administrations chargées des forêts sur les initiatives des municipalités pour se doter d'un patrimoine forestier. Adopter un pareil raisonnement, c'est faire fi des autres aspects de la question reformulés en interrogations par Jean Pierre Oliver DE SARDAN en ces termes :

Quelles fonctions étatiques seront assurées par les nouvelles collectivités locales, et comment ? Pourront-elles mieux contrôler la violence et arbitrer les conflits ? Seront-elles à même de produire des normes et régulations locales légitimes et reconnues dans la pratique par la majorité des acteurs ? Les classes politiques locales reproduiront-elles au niveau des villages ou des quartiers, grâce à la décentralisation, la culture politique nationale, en la diffusant "en bas" (partidisme, néo-patrimonialisme, corruption, etc.), ou s'en démarqueront-elles ?100(*)

Plus qu'un simple agent de l'Etat, le maire est considéré comme une « puissance publique » et pour cause, certains actes et activités précis que le maire peut accomplir au quotidien dans le cadre de ses fonctions. Plus généralement, les populations évoquent la question des croix de saint André101(*), les interdictions d'emplacement, la délivrance des permis de bâtir ou encore les constructions d'infrastructures, tous accompagnés d'attributs de puissance publique. Au final, le régime actuel détermine considérablement l'autonomie des CTD et ne cadre pas toujours avec l'esprit de libre-administration et d'autonomie financière consacré par les textes. La publication de nouvelles lois sur la décentralisation permet bel et bien de clarifier la chose. Il s'est agi, pour le législateur, de donner une vision plus claire du processus de décentralisation territoriale en votant un ensemble de textes qui définissent ce qui est appelé la « nouvelle décentralisation » au Cameroun. A cause de cette empreinte quasi indélébile, la tutelle marque une dimension fortement politique de la mairie. Mais au delà, le maire semble confiné à un rôle très bureaucratique.

* 97 Propos d'un enquêté.

* 98 P.Y LE MEUR, «Décentralisation et développement local - Espace public, légitimité et contrôle des ressources», in Le bulletin de l'APAD, N° 17, Anthropologie de la santé, mis en ligne le 4 octobre 2006, disponible sur http://apad.revues.org/document496.html, consulté le 3 avril 2010, à 22h20.

* 99 La tutelle est une appellation utilisée au Cameroun pour désigner l'ensemble des contrôles exercés par les représentants de l'Etat sur les organes et les actes des collectivités territoriales décentralisées (CTD) en vue de faire respecter la légalité, préserver l'intérêt de l'Etat face aux intérêts particuliers ou locaux et d'éviter les abus de toute sorte.

* 100 J.P OLIVIER DE SARDAN, «Quelques réflexions autour de la décentralisation comme objet de recherche», in Le bulletin de l'APAD, N° 16, Décentralisation, pouvoirs sociaux et réseaux sociaux, mis en ligne le : 15 novembre 2006, disponible sur http://apad.revues.org/document547.html, consulté le 3 avril 2010.

* 101 En référence à la crucifixion d'André le saint sur une croix transverse, les croix de Saint André désignent des symboles en forme de X utilisés par les agents communaux pour signifier qu'un bâtiment est situé à un mauvais emplacement.

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