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La problématique de la gouvernance locale dans la région de l'est-Cameroun: une analyse de la perception du maire par les populations de la ville de Bertoua

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par Bertille Arlette JIOKENG NDOUNTIO
Universite Catholique d'Afrique Centrale - Master en Gouvernance et Politiques publiques 2010
  

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CHAPITRE 4

FIGURE DU MAIRE ET « IMAGINAIRE » POPULAIRE : VERS UNE NOUVELLE LEGITIMITE DU MAIRE A BERTOUA ?

La légitimité de la gouvernance [locale] (...) renvoie au sentiment de la population que le pouvoir politique et administratif est exercé par les bonnes personnes, (...). Cette adhésion profonde de la population (...) à la manière dont elle est gouvernée est une dimension essentielle de la gouvernance. Pour durer celle-ci ne peut jamais, quelque soit l'autoritarisme d'un régime et l'importance des moyens répressifs à sa disposition, s'imposer par la contrainte ; elle doit rencontrer dans le coeur de la société un minimum d'écho et d'adhésion.119(*)

La légitimité du maire se fonde dans la reconnaissance des populations qui l'ont porté à cette fonction. L'univers municipal, nous l'avons vu, s'est professionnalisé, l'action publique se recompose et de nouveaux acteurs pénètrent la scène municipale. Néanmoins, la méconnaissance du maire par les populations de la ville de Bertoua et leurs plaintes au sujet de la prise en compte de leurs points de vue conduisent à la naissance d'une crise de la confiance. Dans un contexte relatif de désenchantement à l'égard du personnel politique, le maire à Bertoua apparaît comme un acteur local délégitimé (section 1). De ce fait, la place qu'il occupe et son importance dans l' «imaginaire populaire» s'en trouvent considérablement relativisées voire réduites (section 2).

Section 1 : La figure du maire à Bertoua : un acteur local délégitimé

Bien que les attributions du maire soient définies par une loi, il reste une autorité élue. Par conséquent, il tient son autorité et sa légitimité d'action de la reconnaissance et de l'acceptation des populations. Cela suppose donc l'établissement d'une relation de confiance dans laquelle chacun donne du sien. Chantal BELOMO120(*) ne dit pas le contraire en précisant que «  la non allégeance, l'indifférence, ou la revanche citoyenne, à l'égard de l'Etat impriment sa banalisation tandis que sa légitimité et sa souveraineté tendent à s'effriter 121(*)». L'analyse des propos des enquêtés laisse penser qu'il se profile une crise de la participation et de la confiance des populations en la personne du maire à Bertoua (paragraphe 1) entrainant de fait une compromission de la légitimité du maire (paragraphe 2).

Paragraphe 1. De la crise de la participation des populations à une crise de confiance

en la personne du maire

La gouvernance locale, entendue comme partage du pouvoir, suppose une participation de tous à la prise de décisions. Dans le cadre de l'action du maire pour promouvoir le développement de « sa » cité, la participation des populations revêt une importance capitale car elle permet de créer un climat de dialogue et de négociation. Seulement, la courbe de la « cote de popularité » du maire à Bertoua est décroissante. Les populations se plaignent et revendiquent d'être entendues.

Parce ce qu'elles se sentent exclues de toute initiative, les populations font de moins en moins confiance au maire. « Je ne vois pas à quoi sert le maire dans cette ville », « On ne reconnait pas le maire qu'on a élu. Nous votons mais une fois élu, le maire travaille seul sans collaboration avec les populations », nous confiaient des enquêtées. Cela entraine un manque de participation des citoyens aux décisions sur lesquelles ils ont l'impression de n'avoir aucune prise. La participation, et l'impression de pouvoir exercer une influence quelconque, ne surviennent que ponctuellement, principalement à l'occasion des élections municipales. Entre les promesses alléchantes et l'état actuel des choses, les désillusions sont notables et les populations sont confuses.

Le maire est censé être élu de manière libre et transparente. Cependant il en existe qui usent de voies et moyens peu démocratiques voire frauduleuses soit pour accéder à cette fonction soit pour s'y maintenir. Ce qui crée un certain malaise au sein de la population. On pourrait dès lors analyser l'ampleur des dysfonctionnements institutionnels en les replaçant dans la crise globale de la légitimité du pouvoir. Dans le même ordre d'idées, la crise de confiance en la personne du maire et la crise de la participation des populations sont liées. La gouvernance locale implique la participation active des citoyens qui peut prendre différentes formes. Les citoyens participent au processus de désignation des représentants élus durant les périodes électorales. Même s'il n'est pas question que tout le monde donne son point de vue par rapport à une question donnée, il est tout de même souhaitable que les personnes concernées par une politique soient associées à son élaboration. La participation ne se confine pas uniquement aux processus de désignation des dirigeants mais suppose également une certaine adhésion.

Effectivement, Claude-Ernest KIAMBA122(*) montre que le problème est celui des difficiles rapports entre la capacité de l'élite dirigeante à pouvoir recourir à l'ingénierie institutionnelle, c'est-à-dire la possibilité qu'elle a de développer à de degrés divers toute une série de technologies susceptibles de résoudre les conflits nés de la complexité sociale et la manière dont ces actions sont perçues par les populations. La légitimité des élites politiques au pouvoir est fonction de leur capacité à amener les populations civiles à adhérer à leurs pratiques de gestion des affaires publiques ainsi que des initiatives en matière de développement.

Ce qui épuise largement le contenu de la notion de légalité comme l'indique le rapport dressé par la Fondation Charles Léopold Mayer sur les principes de gouvernance au 21ème siècle123(*) car, si la légalité a un contenu objectif, la légitimité, elle, relève plus de la subjectivité en tant qu'elle connote un sentiment personnel d'adhésion à quelque chose. Par ailleurs, Olivier LEBRAUD affirme, en parlant des figures du maire, que :

Il convient de remarquer que l'attraction vers le « métier » de maire - à tous égards si particulier - ne se distribue pas aléatoirement mais selon les caractéristiques sociales des individus. Bien que l'on puisse reconnaître dans les faits une multitude de parcours, l'aspiration à exercer ce type de fonctions n'est considérée comme légitime que si l'intéressé dispose de ressources mobilisables à cet effet (notoriété, implantation familiale ou dans les affaires locales, etc.). Ainsi, l'analyse sociologique permet de déconstruire l'image imposée par le droit d'une possibilité d'égal accès de tous à la fonction de maire, remettant par là même en question l'idéal de démocratie locale qu'elle incarne124(*).

« On parle de lutte contre la pauvreté mais je crois que les maires à Bertoua aggravent plutôt cette pauvreté là ». Cette affirmation d'un jeune homme que nous avons interrogé est porteuse d'un sens caché profond qui traduit effectivement l'état d'esprit des populations de Bertoua vis-à-vis de l'action du maire. Aussi, ces mêmes personnes estiment que les maires dans cette ville se préoccupent plus de la perception des impôts que des infrastructures. Mais en plus, si les populations se sentent « abusées », c'est parce qu'elles ont l'impression que l'autorité municipale s'enrichit sur leur dos en s'accaparant, à titre personnel, les ressources qui sont censées aller à destination des populations.

Nous avons posé aux enquêtés la question de savoir s'ils aimaient leur maire, non pas forcement pour savoir quel type d'affection sentimentale ils éprouvaient à son égard, mais pour comprendre les logiques dans lesquelles ils se situent. Une personne qui nous a dit qu'il n'aime pas son maire, nous a permis de comprendre, à l'analyse de ses motivations, qu'elle se situait dans une logique de prudence voire de méfiance vis-à-vis de l'autorité municipale. Le recensement et le traitement des différentes réponses obtenues pour cette question nous a permis de comprendre qu'en définitive, le maire semble ne pas être, ou du moins, plus, accepté des populations. Le graphique ci-dessous nous donne un aperçu général des proportions de l'état d'esprit de la population en ce qui concerne le maire et nous permet ainsi de comprendre l'adhésion de la population à l'action locale à travers la catégorie discursive « j'aime le maire/je n'aime pas le maire »

Graphique 5: Répartition des populations en fonction de leur « amour » du maire

Source : Notre enquête de mars 2010

La lecture de ce graphique fait ressortir un paradoxe. Compte tenu des multiples plaintes enregistrées, l'on s'attendrait à ce que la proportion de personnes qui « n'aiment pas » le maire soit supérieure à celle qui dit l'« aimer ». Mais, c'est le constat inverse qui est frappant. Dans un contexte de pauvreté ambiante, les gens ont finalement, non plus seulement envie, mais besoin de s'appuyer sur une personnalité haute qui portera leurs revendications.

Il est vrai qu'en poussant la discussion avec ces mêmes personnes, l'on se rend vite compte qu'elles « n'ont pas le choix » parce qu'elles ont peur. Une gérante de call box affirmait d'ailleurs : « Est-ce que le maire c'est mon mari pour que je l'aime ou pas ? S'il fait bien son travail, j'apprécierai sinon je n'apprécierai pas. Et puis même, est-ce que j'ai vraiment le choix ? Si je manifeste, le maire peut me faire chasser de cette place donc j'accepte aussi ». Cette déclaration, à la tournure linguistique très familière, nous renseigne pourtant à ce propos. Effectivement, à la question posée de savoir pourquoi les populations adhèrent-elles aux décisions et suivent-elles les recommandations du maire, nous avons entendu des réponses telles que : «parce que la loi c'est la loi. Tu obéis, tu es libre, tu n'obéis pas tu es en prison » ou encore « tout simplement parce que ses décisions et recommandations sont obligatoires ». Il semblerait donc que le sentiment de contrainte, d'obligation ait pris le pas sur l'adhésion volontaire.

Une indication est donnée à ce sujet par Chantal BELOMO qui affirme que « les crises de légitimité et de confiance du citoyen à l'égard de l'Etat découlent de l'incapacité de celui-ci à assurer normalement ses fonctions (...), ceci amène le citoyen à en avoir une certaine perception, d'où la remise en cause de l'autorité établie125(*) ». En établissant un parallèle avec l'échelon local, l'on se doute bien que l'effritement de la légitimité du maire à Bertoua provient d'une absence de réalisations ou d'un changement dans la vie des citoyens qui, pourtant, ont « placé leurs espoirs en lui » par l'acte de vote. Il faut dire que cette crise de confiance qui s'installe entre le maire et ses administrés n'est pas « innocente » et la légitimité du maire se trouve souvent compromise à cause de ses propres agissements.

* 119 Principes de la gouvernance mondiale, p.27, Rapport de la Fondation Léopold Mayer, p.27, cité par C.E.KIAMBA, Politique africaine, pp.23-24, disponible sur www.memoireonline.com/05/10/3464/m_Droits-de-lhomme-et-action-humanitaire0.html#toc0, consulté le 22 mai 2010, à 15h.

* 120 C. BELOMO, « La perception de l'Etat par le citoyen camerounais : le cas des vendeurs à la sauvette de la poste centrale et les paysans de Nkolbisson », in Cahier africain des droits de l'homme, No 8, juin 2002, p.200.

* 121 C. BELOMO analyse la perception de l'Etat au travers de ses fonctions, par le biais de ses attributions politiques et de ses attributions socio-économiques.

* 122 C.E.KIAMBA, disponible sur http://www.memoireonline.com/05/10/3464/m_Droits-de-lhomme-et-action-humanitaire0.html#toc0, consulté le 22 mai 2010, à 15h.

* 123 Principes de la gouvernance, Rapport de la Fondation Leopold Mayer, p.27, cité par C.E.KIAMBA, op. cit., url : http://www.memoireonline.com/05/10/3464/m_Droits-de-lhomme-et-action-humanitaire0.html#toc0, consulté le 22 mai 2010, à 15h.

* 124O. LEBRAUD, op. cit., disponible sur http://espacestemps.net/document616.html, consulté le 10 mars 2010.

* 125 C. BELOMO, op. cit., p. 200.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo