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Philosophie et religion chez Hegel

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par Cyrille Tenejou
Grand Seinaire Saint Augustin de Maroua - Fin de cycle de philosphie 2009
  

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I.2.1. Définition

Il n'est pas aisé de trouver une définition exacte au concept de religion, en raison du manque d'un concept suffisamment précis pour pouvoir dire valablement ce qu'est, à proprement parler, la religion. « Effectivement, écrit MEN, l'expérience religieuse est une expérience qui dépasse les concepts humains, aussi les tentatives faites pour l'exprimer aboutissent toujours à un appauvrissement de son contenu »19(*). C'est pourquoi toutes les tentatives visant à la définir, sans tenir compte de la diversité des religions, n'ont jamais réussi ; toute définition s'avère inadéquate.

La nécessité d'une définition claire s'impose pourtant comme préalable au philosophe qui s'interroge sur la religion. Henry BERGSON remarque à ce propos que le philosophe étudie le plus souvent une chose que le sens commun a déjà désignée par un mot. C'est en l'analysant qu'il retrouve progressivement plusieurs sens du mot « religion »20(*).

« Parler de la religion ou des religions, poursuit AUGE, c'est rencontrer une double difficulté, plus précisément une double diversité. Diversité du fait religieux lui-même aussi remarquable que son universalité ; diversité des théories du fait religieux non point seulement au sens où des croyants s'y opposent à des non-croyants mais au sens où l'observation des faits s'effectue des points de vue différents, tantôt pour discerner les avantages sociaux ou politiques de la pratique et de l'institution religieuses, tantôt pour appréhender la nature profonde de la religion »21(*).

Pour surmonter ces difficultés, il est nécessaire de prendre en compte la diversité des religions et les différents systèmes auxquels elles appartiennent comme des expressions diverses et vraies du fait religieux. Selon Jean NABERT, « c'est la distinction de l'Absolu et de Dieu qui nous permet de comprendre la diversité des religions. A la source de chaque religion un Dieu, témoin de l'Absolu. Mais pour chacune d'elles, l'erreur est de croire que son Dieu est l'Absolu et qu'il exclut ainsi toutes les autres, alors qu'il n'est qu'une interprétation de l'Absolu, une des figures de l'Absolu »22(*).

Les ethnologues proches d'Emile DURKHEIM ont essayé d'aborder le problème que pose la définition de la religion en termes de frontières, en distinguant l'activité religieuse de l'activité magique. Pour eux, la religion est associée à des activités publiques et solennelles, la magie à des activités privées et secrètes ; la première s'exprime pleinement dans le sacrifice, la seconde dans le maléfique23(*). C'est seulement lorsqu'on établit la ligne de partage entre ce qui est religion et ce qui ne fait que lui ressembler de loin qu'on peut admettre la vérité de toutes les religions. 

Ainsi, pour parler de religion, il faut pouvoir déterminer les éléments suivants : l'âme ou le sujet religieux, la communauté, les coutumes doctrinales, le symbole, le langage religieux, le sacré, les rites, la révélation et la transcendance, qu'il s'agisse du monothéisme ou du polythéisme24(*).

Selon le dire du philosophe CICERON, le terme religion proviendrait du latin religare renvoyant à l'idée du lien : d'une part le lien des hommes avec le divin, d'autre part le lien des hommes entre eux. Cette étymologie est cependant contestée. Il se serait agi plus anciennement d'un lien matériel, des noeuds exigés par l'accomplissement d'un rite. Aujourd'hui, le mot religiosus a eu et, dans une certaine mesure, a gardé le sens de soin scrupuleux apporté à faire quelque chose ; par exemple, garder religieusement un secret. Ainsi, la religion est le lien de l'homme avec la Source même de l'être qui entre dans la conscience humaine à travers les mystères de l'existence et l'expérience du sacré.

Le concept de religion renferme l'idée l'objet de l'expérience religieuse, c'est-à-dire le sacré. Selon Rudolf OTTO, le sacré -qui est le fondement de la religion- est le « Tout Autre » pour lequel il a forgé le terme « numineux »25(*). Le numineux indique un sentiment de dépendance, celui d'être une créature, un effroi devant une grandeur incommensurable et en même temps, un sentiment de vénération, de respect, d'adoration. Il est à la fois mystère qui fait trembler et qui fascine. Le numineux est un élément du sacré que certains tiennent pour fondamental, tandis que d'autres y voient une forme inférieure de la religiosité qu'un rapport plus authentique au divin doit rejeter26(*).

Mircea ELIADE, quant à lui, déplace le regard du sujet sur le sacré, habité par le sens du numineux chez Rudolf OTTO, vers les objets dans lesquels le sacré se projette et auxquels il confère le nom de « hiérophanie », c'est-à-dire une manifestation du sacré. En effet, le mot religion, qui désigne la relation que l'homme entretient avec Dieu, est imprécis pour designer la réalité des diversités culturelles. Il écrit : 

« On se demande comment il [le mot « religion »] peut être appliqué sans discrimination au Proche-Orient ancien, au judaïsme, au christianisme et à l'islam, ou à l'hindouisme, au bouddhisme et au confucianisme de même qu'aux peuples dits « primitifs ». Mais il est peut-être trop tard pour chercher un autre mot, et « religion » peut encore être un terme utile pourvu qu'on se rappelle qu'il n'implique pas nécessairement une croyance en Dieu, en des dieux ou en des esprits, mais se réfère à l'expérience du sacré et, par conséquent est lié aux idées d'être, de signification et de vérité »27(*).

L'objet sacré est quelque chose d'extraordinairement opposé au profane. Mircea ELIADE recommande de respecter le caractère fondamentalement irréductible du sacré. La religion n'est pas un stade inférieur de la conscience, mais un élément primordial de toute expérience humaine, un élément stable dans la structure de cette conscience. Le sacré correspond à une manière d'être dans le monde. Avec lui, l'homme est jeté dans l'univers du « tout autre ». Cette conception du sacré28(*) est presque, sinon la même que celle de l'Absolu chez Jean NABERT. Si dans les deux approches, l'objet de la religion -le sacré ou l'Absolu- n'implique pas forcément Dieu, en revanche, la croyance en Dieu implique nécessairement la religion.

Quoi qu'il en soit, la religion repose sur un ordre des êtres et des choses plus ou moins sacralisés. C'est ce que nous démontre Emile DURKHEIM :

« Par choses sacrées, il ne faut pas entendre seulement ces êtres personnels que l'on appelle des dieux ou des esprits ; un rocher, un arbre, une source, un caillou, une pièce de bois, une maison, en un mot une chose quelconque peut être sacrée. Un rite peut avoir ce caractère ; n'existe même pas de rite qui ne l'ait à quelque degré. Il y a des mots, des paroles, des formules qui ne peuvent être prononcés que par la bouche des personnages consacrées ; il y a des gestes, des mouvements qui ne peuvent être exécutés par tout le monde... Le cercle des objets sacrés ne peut donc être déterminé une fois pour toutes ; l'étendue est infiniment variable selon les religions »29(*).

I.2.2. Les fondements de la religion

Il est difficile de répondre de façon satisfaisante à la question de savoir ce qu'est la religion sans avoir recherché sur quelles bases elle repose. Qu'elles soient révélées ou non, on doit se demander au moins si les religions n'ont pas un fondement commun dont il faudrait préciser la signification et la valeur.

Nous tenons d'abord à préciser que le terme fondement prête à équivoque. On peut évoquer des fondements historiques : rôle d'un génie religieux, mentalité d'un peuple, conditions sociologiques favorables, etc. Certaines religions s'appuient sur la révélation dont l'initiative revient à Dieu. En outre, chez l'individu, la religion serait le fruit de l'éducation, de la tradition, du milieu, etc.

L'anthropologue britannique Sir Edward Brunett TYLOR, dans La civilisation primitive, développe une théorie évolutionniste faisant de l'animisme primitif le fondement de toutes les religions. Dans cette théorie, l'animisme aurait servi de base à des systèmes progressivement plus élaborés comme le fétichisme où l'âme s'incarne en un objet vénéré, puis le culte des différents éléments de la nature, pour parvenir enfin au polythéisme et au monothéisme qui représente, d'après TYLOR, la forme la plus aboutie du concept de religion30(*).

On peut reprocher à TYLOR d'avoir élaboré une pensée prenant appui sur une réalité fausse, puisque sa théorie suppose que l'animisme ait existé au sein de toutes les cultures de la Terre, ce qui n'est pas le cas. De ce fait, le fondement des religions peut désigner quelque chose de plus général et de plus radical au point de vue philosophique. « Les religions sont l'apanage de l'homme ; elles s'enracinent par conséquent dans ce qui nous distingue de l'animal : la pensée »31(*), écrit VANCOURT.

Cependant, si les religions émanent de la pensée, cela ne signifie pas qu'elles ne sont qu'une erreur ou une illusion collective.

PLATON avait perçu deux vérités éternelles : d'une part, la présence de Dieu, en concevant le monde des Idées et d'autre part, la divinité des âmes en les faisant participer à ce domaine divin. La philosophie de KANT a marqué un tournant dans la présentation du problème religieux. Il conçoit le mot Dieu comme pour le bon sens humain ; et quand il s'agit du fondement de la croyance en l'Etre suprême, il fait appel plus ou moins clairement, aux données du sens commun, à une sorte de connaissance spontanée, pré-réflexive, qui est l'apanage de tous. KANT lui-même avait envisagé cette connaissance comme expérience de Dieu telle qu'aucun doute ne puisse subsister sur la réalité de l'Etre suprême.

Dans des contextes un peu différents, JACOBI et SCHLEIRMACHER semblent s'orienter vers une solution de ce genre. JACOBI, lui, fait reposer les religions sur une base individuelle ; le savoir immédiat ne pourra jouer le rôle d'un fondement transcendantal. Chez SCHLEIRMACHER, la religion trouve son fondement dans le sentiment que nous avons de notre absolue dépendance : situation qui aurait fait naître dans l'esprit des primitifs la crainte en laquelle certains ont vu la source de la religion. En outre, il donne à entendre qu'il y a autant de religions que d'êtres humains puisque chaque individu fait cette expérience à sa manière.

HEGEL, quant à lui, admet comme JACOBI et SCHLEIRMACHER, qu'il existe un savoir immédiat ; une connaissance pré-réflexive de Dieu. Mais il se démarque d'eux en affirmant plutôt l'universalité de la raison dans l'élévation spontanée de l'homme vers Dieu32(*). Nous y reviendrons dans le second chapitre.

On est donc bien loin d'une réflexion qui fait de la religion un phénomène individuel, personnel : quelle que soit la nature des réponses apportées par chacun à l'interrogation religieuse, il faut reconnaître que la religion est une dimension de l'homme avant d'être une expérience individuelle.

* 19 A. MEN, Les sources de la religion, trad. de René MARICHAL, Paris, Desclée, 1991, pp. 112-120.

* 20 Cf. M. AUGÉ, Génie du paganisme, Paris, Gallimard, Coll. « Bibliothèque des sciences humaines », 1982, p. 20.

* 21 Ibidem, p. 19.

* 22 J. NABERT, cité par H. NGIMBI NSEKA, op. cit., p. 180.

* 23 Cf. M. AUGÉ, op. cit., pp. 28-29.

* 24 Cf. J.-L. VIEILLARD-BARON, loc. cit., p. 2459.

* 25Le numineux est un néologisme, qui vient du latin numen, « le divin » pour distinguer cette pure émotion d'avec les croyances, les jugements moraux, les spéculations théologiques, associées au concept du sacré. Cf. R. OTTO, Le sacré. L'élément non rationnel dans l'idée du divin et sa relation au rationnel, Paris, Payot, 1949, p. 28.

* 26 Nous dégageons ici l'idée du sacré en référence à l'ouvrage susmentionné de R. OTTO.

* 27 M. ELIADE, La nostalgie des origines, Paris, Gallimard, 1970, p. 9.

* 28 La conception du sacré selon Mircea ELIADE, dans Le sacré et le profane, Paris, Gallimard, Coll. « Idées », 1965.

* 29 E. DURKHEIM, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, P.U.F., 1968, p. 51.

* 30 Cf. E. B. TYLOR, La civilisation primitive, Paris, Reinwald, 1876.

* 31 R. VANCOURT, op. cit., p. 44.

* 32 Nous nous sommes largement inspiré de l'ouvrage de R. VANCOURT, op. cit., pp. 43-61.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein