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Sources de divergences des pratiques des entreprises multinationales en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE) : cas des déchets d'emballages plastiques chez Total Côte d'Ivoire

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par Jean-Baptiste T. Foutchantse
Ecole des Sciences Morales et Politiques d'Afrique de l'Ouest/Cerap-Inades, Côte d'Ivoire - Dess en Ethique Economique et Développement durable 2008
  

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Section II- Principales conclusions

Nous observons un lien étroit entre la façon dont la question des déchets est gérée au niveau de chaque environnement, et la façon dont les entreprises prennent des initiatives de responsabilité sociale et environnementale en matière de déchets en général et des déchets d'emballages en particulier.

Dans un environnement bien organisé (juridiquement et institutionnellement), avec des résultats positifs (objectifs clairs et précis, taux d'enlèvement et de valorisation très élevés), Total France engage de nombreuses initiatives dont elle tire une certaine légitimité. Ce n'est pas le cas en Côte d'Ivoire où la gestion des déchets constitue un véritable casse-tête.

Ces observations sont illustrées à travers les conclusions suivantes de notre analyse comparative sur les critères déterminants retenus comme pouvant influencer le comportement des organisations.

Conclusion 1 : Impact de la non-application du dispositif réglementaire existant, absence de précision dans les lois et règlements, faiblesse du dispositif d'enforcement.

Ainsi le dispositif réglementaire actuel en Côte d'Ivoire ne facilite par une gestion optimisée de l'environnement en général (Cf. Annexe IX), et des déchets urbains en particulier. Les textes de lois et les décrets manquent de précision et n'incitent, ni ne contraignent les opérateurs économiques à s'impliquer de façon directe aux processus d'élimination des déchets. La formulation d'une loi peut empêcher la réalisation des performances escomptées et les interprétions que peuvent en avoir les acteurs.

Or, une institution satisfait aux trois caractéristiques suivantes (Mzoughi et Grolleau, 2005) :

1) l'existence d'un système de règles formelles généralement visibles et/ou informelles,

2) l'existence d'un système d'"enforcement", c'est-à-dire d'un système veillant à l'application, au contrôle des règles préalablement définies, et aux éventuelles sanctions en cas de non-conformités,

3) ces deux systèmes d'origine humaine régissent ou gouvernent des interactions entre deux entités, en général des organisations.

Par conséquent, quand l'un de ces piliers est quelque peu défaillant, l'ensemble du système ne fonctionne pas dans sa pleine performance.

Conclusion 2 : Impact de l'instabilité et difficulté de coordination des instances institutionnelles.

Le cadre institutionnel est très instable en Côte d'Ivoire suite à des restructurations récurrentes et le chevauchement des tâches entres différents intervenants. Cette situation n'impose ni ne suscite aux organisations des critères sur lesquelles celles-ci peuvent fonder une certaine légitimité. Or en l'absence d'un cadre institutionnel stable, clair et transparent pour tous, il est difficile pour des organisations de prendre des initiatives. Les entreprises ont besoin d'institutions, systèmes stables et légitimés des règles, de normes et de valeurs, pour stimuler, encadrer et légitimer les engagements sociaux et économiques. Les entreprises agissent pour rechercher une légitimité. Et la légitimité des entreprises naît au sein d'un environnement institutionnalisé, c'est-à-dire un environnement qui impose des exigences sociales et culturelles, qui les pousse à jouer un rôle déterminé et à maintenir certaines apparences extérieures.

Conclusion 3 : Impact de l'inexistence d'un secteur industriel affecté à la valorisation des déchets, du système de financement des déchets non équilibré et de l'absence de ressources additionnelles.

Les opérateurs économiques ne sont pas engagés de façon légale dans le processus de traitement des déchets d'emballage. Cela relève du ressort de l'Etat qui n'a pas réussi à mettre sur pied un système de financement équilibré et durable. Les déchets n'ont pas encore acquis une dimension économique en ce sens qu'ils peuvent favoriser le développement d'un tissu économique autour de la valorisation et du recyclage. Le cadre légal, institutionnel et économique ne favorise pas le développement d'un tissu industriel autour du recyclage. Les activités de recyclage ne relèvent que du secteur informel, non équipé et non expérimenté, ne bénéficiant pas du soutien de l'Etat. Par conséquent, toute entreprise qui voudrait, dans le cadre d'une démarche RSE, engager des actions en faveur du traitement de déchets et de leur valorisation ne peut bénéficier de l'appui des partenaires compétents et spécialisés. Or il est de coutume que les entreprises s'appuient sur des partenaires privés ou publics sérieux et bien organisés pour des actions RSE qui ne relèvent pas directement de leurs compétences ou de leurs métiers.

Conclusion 4 : Impact lié la faiblesse du dispositif normatif et absence d'un dispositif d'écolabellisation.

En France où il existe un cadre normatif dynamique et incitatif, où il existe un dispositif d'écolabellisation, les entreprises s'engagent davantage dans des initiatives RSE, et sont permanemment en quête de plus de légitimité auprès des parties prenantes, bien au-delà de leurs obligations légales (Cf. Annexe VIII). En Côte d'Ivoire, le cadre réglementaire est incomplet en l'absence de loi sur la normalisation, et l'absence de promotion de normes dans les marchés publics pour inciter les opérateurs à se conformer aux normes, l'accès aux marchés et aux ressources n'est pas conditionné par le respect des normes.

Le décret n°2002-196 du 02 avril 2002 fixant les modes de preuves de conformité aux normes rendues d'application obligatoire n'est pas encore en application. Le niveau de sensibilisation des citoyens aux questions environnementales et aux normes est très bas. Cet état de lieu n'est pas incitatif pour les entreprises, car elles ne sont nullement contraintes à le faire, et ne peuvent y consolider leur légitimité.

Conclusion  5 : Impact de l'absence d'implication légale des producteurs et autres agents économiques dans le processus de gestion des déchets

Le principe de Responsabilité Elargie du Producteur (REP) en vigueur dans la législation en France impose à tout porteur de projet d'intégrer la question de gestion des déchets dès la phase de conception des produits et services à commercialiser. Cette responsabilité incite les entreprises à prévenir la production de déchets à la source, à promouvoir la conception de produits dans le souci du respect de l'environnement.

En Côte d'Ivoire, l'Etude d'impact environnemental, bien qu'existant, ne contraint pas toutes les entreprises à avoir des préoccupations environnementales permanentes quant à la gestion de leurs déchets. Quand une organisation ne dépend pas des acteurs de son environnement (Etat, parties prenantes) et que sa pérennité ne dépend pas de son aptitude à gérer des demandes (exigences légales ou nécessités de légitimité) de groupes différents, en particulier ceux dont les ressources et le soutien sont déterminants pour sa survie, elles ne s'engagent pas dans des domaines ne relevant pas de ses contraintes ni de ses compétences.

Conclusion  6 : Impact du niveau d'implication des citoyens dans le processus de gestion des déchets, de l'absence de politique et de dispositions d'information, et de la sensibilisation des citoyens et des acteurs de la société civile.

En France, s'impliquer de façon visible dans la gestion des déchets pour une entreprise semble aller de soi. Les citoyens sont suffisamment sensibilisés aux questions environnementales et au geste de tri. Pour une entreprise, participer de façon active, bien au-delà des obligations légales, constitue un meilleur moyen d'améliorer son image, d'avoir plus facilement accès aux ressources (marchés) et de trouver une légitimité auprès de ses publics.

Ceci n'est pas le cas en Côte d'Ivoire où le principe « information et participation » en vertu duquel « toute personne a le droit d'être informée de l'état de l'environnement et de participer aux procédures préalables à la prise de décision susceptibles d'avoir des effets préjudiciables à l'environnement. » est bien inscrit dans le Code de l'Environnement, mais le niveau de sensibilisation environnementale reste très faible. Les questions environnementales n'occupent pas une place prioritaire dans les décisions politiques et stratégiques.

Ainsi au bout de notre analyse et des résultats de notre travail de recherche, nous pouvons affirmer que les facteurs qui déterminent le comportement des entreprises multinationales selon qu'elles sont installées dans un espace géographique ou dans un autre relèvent des conditions de l'environnement où elles exercent leurs activités. Elles sont totalement insérées dans la société, ses lois, ses valeurs et sa culture. Les conditions de l'environnement où elles évoluent ne peuvent être séparées des représentations qu'elles en ont et qui déterminent leurs initiatives et leurs actions RSE. Par conséquent ces entreprises intègrent les valeurs dominantes du contexte sociétal dans lequel s'exercent leurs activités. Et au sein des dispositifs en place, les dirigeants mettent en oeuvre des stratégies d'image et de conformité symbolique ou affective avec ces valeurs afin d'assurer la légitimité de l'entreprise.

Ce système d'explication s'applique à la question de la gestion des déchets d'emballages a sein de deux filiales du groupe Total. Les divergences observées dans les initiatives RSE trouvent leurs explications dans les contingences de leur environnement respectif et qui se traduisent particulièrement par :

· L'importance accordée aux déchets varie d'un système à un autre. Ceci se traduit par les différences observées dans le cadre juridique et les outils institutionnels mis en place pour la gestion des déchets dans les pays du Nord et ceux du Sud.

· La diversité des circuits d'élimination et de valorisation des déchets est frappante entre les deux environnements. Si en France, la mise en décharge ne constitue qu'un maillon de la chaîne d'élimination des déchets (recyclage, valorisation énergétique, incinération), elle constitue en Côte d'Ivoire le principal circuit d'élimination des déchets.

· La valeur accordée aux déchets : si dans les pays développés l'on arrive à accorder une valeur économique aux déchets, l'on peine encore dans les pays du Sud à organiser la filière de valorisation de déchets. Bien que les discours des politiques connaissent une évolution ces dernières années, les actions concrètes tardent à être mises en place.

· L'implication des acteurs privés dans l'économie des déchets observée dans les pays développés peine à devenir une réalité dans les pays en voie de développement. Cette situation est d'autant contradictoire que ces pays connaissent des taux de chômage très élevés et un déficit de recettes fiscales. Les politiques mises en place ne favorisent pas, ni n'encouragent l'émergence d'un secteur privé compétitif dans le recyclage et la valorisation des déchets.

Toutefois, la prise de conscience des faiblesses d'un système, d'une organisation n'a d'importance que si cela conduit à l'amélioration continue du dispositif nécessaire à son meilleur fonctionnement.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote