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Influence des facteurs psychologiques sur les stratégies de défense en assises

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par Corinne Garnier
Université Grenoble 2 - DU criminologie et sciences criminelles 2010
  

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Influence des facteurs comportementaux

Des accuses sur leur défense en assises

GARNIER Corinne 2010

DU Criminologie et science criminelle

Propos introductifs

Evoquer l'indivisibilite du droit penal et de la manifestation de la verite pourrait, de prime abord, apparaItre comme une lapalissade. Une telle affirmation pourrait prêter a sourire si elle ne devait être regardee que d'un seul point de vue technique en omettant la prise en consideration de ses multiples incidences sociologiques, philosophiques, collectives et individuelles qui ont marque et marquent aujourd'hui encore l'esprit du citoyen depourvu de culture juridique.

La force de cette indivisibilite est telle qu'elle s'exerce comme une constante dans la duree bien au-delà de la fin prononcee du système accusatoire, engendrant et ancrant un mecanisme quasi-inconscient de defiance du citoyen tant envers le regard qu'il pose sur ses propres actes qu'envers une justice rendue en son propre nom.

Cette defiance relève, entre autre, d'un phenomène de crainte collective parfois exacerbe par l'influence de la personnalite, souvent largement alimente par une presse avide d'erreurs judiciaires, et de scandales, adepte du voyeurisme. Cette presse, a l'instar du foisonnement des creations litteraires et cinematographiques concourt a la mystification du système judiciaire et enracine dans l'esprit populaire non la conscience de l'utilite de la norme et le souci de son respect mais la preoccupation quasi-systematique d'eviter le contact avec le milieu judiciaire.

L'objet de cette etude n'est en aucun cas l'analyse symptomatique d'un phenomène remarquable d'incomprehension mais de tenter d'en evaluer l'impact lorsque circonstances et actes font de quelque citoyen un criminel.

Une part du phenomène semble trouver sa source dans l'histoire du droit penal et de la procedure drainee au fil des regimes politiques et des systèmes repressifs, amplifiee au fil des siècles par la prise de conscience suscitee par l'evolution des philosophies et des moeurs :

Memoire collective et ancestrale de la barbarie des peines archaIques ; Peur intemporelle de l'aveu et de son corollaire : la peine... l'individu auteur presume se change en spectateur de son propre procès... emmure dans ses incoherences et ses terreurs, balayant d'un regard la gymnastique oratoire de son avocat, impuissant, assistant a l'auto -flagellation de son client.

Près de vingt siècles avant Jesus Christ, la civilisation hebraIque consacrait l'implacabilite de la sanction en cas d'homicide. Si les parents de la victime ne se contentaient pas des dons offerts par le meurtrier, le refus de la composition pecuniaire laissait subsister le droit de la vengeance.

Le coupable, confessant son malheur et ses remords, recherchait l'accomplissement du sacrifice expiatoire. Son sang purifiait le groupe social auquel il appartenait et que son acte avait atteint dans sa vision de l'ordre divin.

L'Egypte antique concedait une place de choix au combat livre par l'accusation et la defense, combat silencieux, exclusivement ecrit et non contradictoire.*

L'accusateur deboute subissait le châtiment du au crime dont il avait charge l'accuse. Dans une societe de droit elabore dans laquelle Sabaton abolit la peine de mort au profit de l'enchaInement des condamnes a des travaux sur des ouvrages publics; ou l'on se preoccupait du respect des procedures, de la qualification des faits et des circonstances de leur commission; la question fondamentale de la preuve n'etait pas abordee. Le temoignage dont la valeur dependait de la caste de son auteur palliait le cas echeant au defaut d'aveu.

L'epoque justinienne reservait a l'aveu une place specifique mais ô combien centrale dans la procedure civile. En permettant a l'aveu de faire l'economie d'un jugement, ce dernier se trouvait de facto nanti du pouvoir absolu d'aneantir toute tentative de construction d'une defense. Le choix du mutisme etait consacre par les textes...assorti d'une sanction specifique.*

Le droit penal romain ne reconnaissait quant a lui aucune place a l'aveu ; la confessio semblait absente de l'institution de la preuve, mais l'etait-elle reellement ? Certes, la codification n'y faisait pas la moindre reference mais qu'en etait-il de la plus importante des normes comportementales des accuses qui visait a ne jamais reconnaItre les fautes qui leur etaient imputees ?...L'aveu du crime constituait la voie inevitable de l'execution capitale, peut-on en ce contexte ne conferer a l'aveu une moindre valeur juridique ?

Ciceron parvint a faire admettre l'aveu comme preambule de la defense: l'aveu prejudiciel deplaçait le debat sur la qualification des faits dont la nature criminelle serait contestee. Compte tenu des fortes probabilites de l'issue des debats de l'epoque, il relevait de l'instinct de survie des accuses que de risquer de se prêter au OE jeu .

*L'aveu Renaud Dulong

*Histoire du droit criminel des peuples anciens, A Du Boys 1845

Le moyen age marquera sans nul doute irremediablement la memoire humaine empreinte de la periode inquisitoire. L'indicible etait dit, hurle, gemi, de la bouche des accuses dans un climat d'horreur cree a cet effet, marque du sceau de l'irrationalisme religieux au combien justificateur.

La procedure canonique gagne le terrain de l'application du droit laIque marque par la fièvre des grands procès politico-religieux du XIVème siècle. Si incriminations et formes procedurales varient considerablement selon les lieux, de l'heresie a l'envoOtement, les juges sous couvert d'un insatiable desir de lutte contre les forces sataniques assurent dans la terreur la consecration du pouvoir royal ou pontifical; acclames par le peuple oublieux que la fama ne connaIt comme seule limite, la haine, la vengeance, la jalousie, la jouissance de la torture de l'autre.

L'impulsion des legistes en terminera definitivement avec cet episode, prefigurant l'unification du droit et la periode revolutionnaire.*

Privilegiant la justice royale dans le règlement des conflits de lois existant ordonnances royales et bulles pontificales, ils affichent une volonte d'amelioration de la procedure criminelle dans un souci d'efficacite de la justice.

L'Ordonnance criminelle de 1670, redigee sous l'impulsion d'un oncle de Colbert, Henri Pussort instituera une instruction d'inspiration inquisitoire sacrifiant les droits de la defense sur l'autel du resultat.

Ainsi debute le long et lent periple de la France vers la patrie des Droits de l'Homme et des libertes fondamentales...periple infini, quête perpetuelle d'une impossible d'adequation : celle de la justice et de l'equite, de la tolerance et de la repression, Des droits de la Defense et de l'Action Publique...

Si les avancees realisees sont indeniables, la conscience humaine a-t-elle pour autant oublie l'histoire sanglante de ses propres systèmes repressifs et les principales dispositions du code de 1791 ?

*« Art. 1: Les peines qui seront prononcées contre les accusés trouvés coupables par le jury, sont la peine de mort, les fers, la réclusion dans la maison de force, la gêne, la détention, la déportation, la dégradation civique, le carcan.

Art. 2: La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puisse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés.

Art. 3: Tout condamné aura la tête tranchée.

Art. 14: Tout condamné à la peine de la gêne sera enfermé seul dans un lieu éclairé, sans fers ni liens; il ne pourra avoir pendant la durée de sa peine, aucune communication avec les autres condamnés ou avec des personnes du dehors. »

L'être humain construit sa personnalite en composant son psychisme avec des facteurs environnementaux personnels; lesquels se combinent avec des facteurs sociologiques.

Le criminel gère son acte a partir de ces mecanismes, le contenu de ces composantes est unique, personnel, individuel...rattache a de multiples influences, anciennes ou recentes de la vie de l'individu.

Face a la complexite de l'analyse comportementale ; un enjeu pour l'avocat de la defense: un enjeu unique et multiple a la fois : celui de l'obtention d'une peine adaptee en vue de garantir a son client l'existence d'une chance de se peindre un destin, une vie d'homme libre, responsable et maître de son devenir.

La defense, contrairement a la science du droit penal et de la procedure ne s'apprend pas. Elle s'enseigne en revanche au travers l'experience et le vecu des plus grands penalistes.

La defense est regie de principes, de normes techniques mais aussi de règles non ecrites, non dites, de celles qui s'appliquent dans l'instant, dans l'emotion du moment.

L'avocat contemporain subit une double confrontation, celle de l'evolution de sa prestation et de son adaptation permanente a la mouvance de la vision sociale du crime et celle de la necessite imperieuse de reussir l'approche psychologique de son client pour lui permettre de gerer la scène de son propre jugement.

Cette approche psychologique se caracterise par son degre de difficulte, elle ne repose sur aucune formation specifique pour l'immense majorite des defenseurs qui ne disposent donc pas de possibilite de repli theorique, ni de lien institutionnel avec les experts dont la mission est reduite a un etat descriptif.

La Defense autodidacte tente en funambule la gestion du risque comportemental, assumant l'impact sur les verdicts rendus et les tragedies humaines qui peuvent en decouler...

*Apercu de l'histoire du droit penal francais JP Doucet *Introduction histoire du droit penal Dalloz

Maître Lombard et Maître Le Forsonney ne sauveront pas Christian RANUCCI. Extrait des nombreux commentaires de la presse de 1976 :

« Au cours de son procès l'accusé se montre arrogant et conteste l'ensemble du dossier. Il revient bien entendu sur ses aveux qui lui ont, selon lui, été suggéré par les policiers. Son comportement fait une impression désastreuse aux jurés. »

Le 28 juillet 1976, ses avocats l'assistent vers une mort audiencée, au petit matin, dans la cour de la prison des Baumettes...

La presse ne commentera jamais le vécu de ses avocats.

Si l'abolition de la peine de mort a mis un terme a de telles scenes, la problematique reste entière : le comportement de l'accusé pèse sur la sanction prononcée, au même titre que l'acte commis et les éléments du dossier.

Nantis de leurs seules compétences juridiques et de leurs qualites humaines, les avocats pénalistes sont-ils réellement en capacité d'accomplir au mieux l'immensité de la tâche qui leur incombe ?

Dans un contexte ou l'enjeu majeur semble resider en l'adaptation de la prestation aux mutations du droit, l'évolution de la place conférée aux mesures expertales et a la pression sociale et mediatique, l'avocat dispose t-il de reels outils d'analyse de l'état psychologique de son client, du temps nécessaire a cette réflexion et de la formation adaptée ?

L'impact du comportement de l'accusé sur le verdict tant au stade de la determination de la culpabilité qu' celui de la peine prononcée devra être pris en compte par son défenseur qui tentera d'en limiter les risques d'effets negatifs.

L'amélioration de cette prise en compte du facteur humain, doit, de par sa nature imprévisible, faire l'objet d'une réflexion axée sur les moyens mis a disposition des praticiens tant sur un plan interne a la profession que sur un plan contextuel favorisant l'appréhension de la problematique au service des droits de la defense.

La premiere partie de ce mémoire sera en consequence consacrée a la description des facteurs d'évolution de la construction des strategies de defense; tandis que la seconde partie s'attachera a la recherche d'axes de progrès dans une tentative de gestion plus particulière des seuls facteurs comportementaux émanant de l'accusé par son avocat.

PARTIE I :

Facteurs influents sur la défense en assises

La comparaison classique de la Cour d'Assises et d'un theâtre s'impose au regard, ou plutôt a l'oreille du public comme une evidence. Evidence a combien caricaturale pour ceux qui vivent et ne jouent en aucun cas la gravite de ces instants...

Dans l'esprit du citoyen, les Assises sont indeniablement le symbole de la justice en marche, de la magnificence de ses acteurs dont on tend souvent a oublier que de la force des mots dependent des vies humaines, vies d'innocents, de coupables, de victimes en quête de deuil... Au fil du temps aucun detracteur de la juridiction criminelle n'a pu en affaiblir l'effet de fascination qu'elle suscite.

La plus protocolaire des juridictions repressives semble, très provisoirement a l'heure ou je l'ecris, relativement epargnee par la multiplication des reformes, subissant comme seule grande evolution perceptible pour le citoyen l'institution de l'appel depuis le 1er janvier 2001. Neanmoins, nombre de mutations s'opèrent, necessitant une constante adaptation des praticiens.

Si les vertus de l'art oratoire demeurent reines ; le poids des tendances legislatives et des mesures expertales pèse sur les strategies.

L'evolution de la criminalite et du seuil de tolerance sociale complexifie la tâche de celui a qui incombe la responsabilite de defendre l'indefendable. Lorsqu'a cela s'ajoute la gestion comportementale d'un client dont la salle requiert la seule expression de son repentir, peu importe d'ailleurs souvent sa culpabilite, la mission de l'avocat tend a se fondre dans la prestation du prestidigitateur.

Le droit et la plaidoirie sont ce que le solfège est au violon. Le lien qui les unit est aussi vital que tenu. Des annees d'enseignement juridique ne sauraient garantir le talent, la sensibilite, l'humanite necessaires a la reussite.

*On retrouve generalement deux grandes etapes dans une plaidoirie traditionnelle: celle qui parle a la raison et celle qui parle au coeur: le droit et la peroraison. La raison commande de rappeler les faits et rester assez neutre, c'est une etape technique mettant en oeuvre la pertinence et la rigueur dans le droit.

La peroraison met en oeuvre la passion, permet l'emancipation des faits pour faire vibrer le coeur de la Cour et de jures, pris comme adversaires qu'il s'agit de faire changer d'avis.

Ce descriptif, a combien sommaire, est bien evidemment depourvu de la moindre pretention de tracer en quelques lignes la caricature d'une prestation avant tout individuelle, personnelle, unique a son auteur comme d'ailleurs a son client.

L'evolution de la defense en Assises repose sur trois fondements principaux : l'evolution du droit penal et de la procedure, la pression mediatique et sociologique et enfin le poids et les limites des mesures expertales dans la manifestation de la verite.

Ces facteurs se combinent immanquablement a la psychologie de l'accuse pour constituer ecueils et recifs au travers desquels la defense tentera de frayer son chemin jusqu'à atteindre dans une mesure d'ampleur variable son objectif : l'intime conviction.

Principaux fondements des evolutions de la prestation de l'avocat :

? Evolutions corrélatives aux mutations du droit et de la procédure pénale.

Les grandes évolutions procédurales

Les specificites des plaidoiries d'Assises, au-delà du lien qui les unit tant aux individus qu'à la matière penale, sont intimement liees a l'histoire de la Cour elle-même dont il convient dans un premier temps de rappeler les principales etapes afin de conserver a l'esprit les differents contextes politiques, sociologiques et juridiques dans lesquels ont oeuvre les avocats de 1808 a nos jours.

Il serait presomptueux et totalement illusoire que de tenter un recensement exhaustif des reformes legislatives assorti de l'analyse de l'impact produit sur l'evolution des methodes employees par les defenseurs ; seul un panel generique est en consequence presente.

* Site Internet Association Lysias

*Au debut de la Revolution de 1789, les juristes français furent animes par la volonte d'en terminer avec le droit monarchique et marquerent leur preference pour le système anglais qui connaissait le jury a la fois pour le renvoi des accuses devant la juridiction de jugement et pour le jugement au fond.

De cette volonte emana l'esprit de la loi des 16-21 septembre 1791 qui institua un tribunal criminel departemental. Ce tribunal etait compose de citoyens statuant sur la culpabilite et de juges qui, en cas de verdict de culpabilite rendu par ces citoyens, prononçaient la peine. Ce tribunal criminel deviendra en 1808 la Cour d'Assises.

Le code d'instruction criminelle de 1810 abandonna le principe instaure du jury d'accusation investi de la mission de statuer en appreciant les charges sur le renvoi devant la juridiction de jugement. Ce college de citoyens, confondant charges et preuves, votait souvent le non-lieu, c'est-à-dire l'arrêt des poursuites.

Le jury d'accusation fut remplace par la chambre d'accusation, section de la cour d'appel composee de trois magistrats professionnels.

Le second empire erige l'instruction en une juridiction.

La separation des fonctions des jures statuant sur la culpabilite et des magistrats statuant sur la peine instituee a l'origine va evoluer pour tendre vers un echevinage progressif.

Une premiere loi, du 25 juin 1824, confia a la cour, c'est-à-dire aux trois juges professionnels, le soin de statuer sur les circonstances attenuantes. On avait constate, dans des affaires d'infanticide que les jures preferaient nier la culpabilite pour empêcher les juges de prononcer une peine qui, a l'epoque, etait insusceptible d'être humanisee par la voie des circonstances attenuantes.

Comme cependant la loi de 1824 confiant les circonstances attenuantes aux juges et que les jures n'etaient jamais sOrs qu'ils en feraient usage, une seconde loi, en date du 28 avril 1832, attribua au jury, cette fois, le droit d'appliquer les circonstances attenuantes. Les jures votant la culpabilite pouvaient egalement eviter le prononce de la peine de mort.

La loi du 5 mars 1932 permit au jury, après avoir statue seul sur le fait de se joindre a la cour pour la deliberation sur la peine.

La loi du 25 novembre 1941 est a l'origine du système actuel: juges et jures statuent ensemble, en un college unique, sur le fait et sur le droit*.

Ces dispositions seront reprises par le code de procedure penale de 1959 dont l'article 356 dispose: OE La cour et le jury delibèrent, puis votent par bulletins ecrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d'abord et, s'il y a lieu, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et sur chacun des faits constituant une cause legale d'exception ou de diminution de peine ç.

*L'instauration par l'ordonnance du 2 fevrier 1945 d'une Cour d'Assises des mineurs marque la prise en compte de la specificite du jugement des crimes commis par les adolescents de plus de seize ans. Les règles procedurales subissent les amenagements lies la personnalite de l'accuse notamment le huis clos, l'interdiction de la transcription des debats dans la presse, la publicite de la seule decision et la composition particulière de cette juridiction dont les assesseurs sont juges des enfants. La formulation des questions posees s'adapte au jeune age de l'accuse et interroge sur l'opportunite de prononcer une condamnation penale et d'exclure l'accuse de la diminution de peine. Le president peut demander au mineur de se retirer durant une partie des debats afin de lui eviter le traumatisme lie a la lecture de rapports sur son histoire ou celle de sa famille.

Cette procedure derogatoire tend a demontrer une volonte de permettre au mineur criminel juge de subir minima les effets psychologiques devastateurs lies au vecu de sa comparution devant la juridiction criminelle. L'etat d'esprit que semble refleter de telles dispositions se doit d'être aussi celui des defenseurs, qu'ils interviennent en partie civile ou en defense: la technique juridique dejà peu presente alors qu'il s'agit de s'adresser et de convaincre un jury populaire fait place a une emotion suscitee, mesuree et pudique, respectueuse de l'immense detresse, inimaginable, inconcevable detresse de l'accuse...face a la souffrance des victimes.

La loi du 15 juin 2000 sur la presomption d'innocence a rendu possible l'appel interjete contre les arrêts rendus par les Cours d'Assises. L'instauration de l'appel criminel traduit la reconnaissance des dangers de l'affirmation consistant a exclure tout risque d'erreur d'une decision emanant du peuple jugeant souverainement et justifiant la Cassation comme seul recours possible.* La reforme tire les consequences de l'inexistence d'une garantie importante de bonne justice, la carence de double degre de

juridiction, alors même que les peines encourues et effectivement prononcees justifient, au contraire, davantage de securite et a pour objectif d'y remedier.

Même si, comme nous l'evoquerons dans la partie de ce chapitre consacre aux perspectives d'evolution du droit et de la procedure penale, elle concourt a l'affaiblissement des jurys populaires

*Site Internet Criminocorpus

*Guide des archives judiciaires et pénitentiaires JC Fary

L'appel criminel se caracterise par son caractère specifiquement non hierarchique : exerce devant une Cour d'Assises differente de celle ayant statue en premier ressort mais ne constituant pas un second degre de juridiction.

Cet appel circulaire de << seconde chance ç reconnaIt que la justice, quelque soit l'organisation et la composition des tribunaux est faillible : Mieux vaut deux declarations de culpabilite de deux juridictions differentes, mais de même nature, avant de considerer un homme coupable.

L'instauration de ce recours englobe dans une loi de renfort sur la presomption d'innocence semble implicitement viser a limiter les risques d'erreur judiciaire et va dans le sens d'une prise de conscience et de responsabilite du legislateur face a l'impact humain des decisions rendues.

L'appel du ministère public sur une decision d'acquittement etant prohibe par la loi, deux declarations de culpabilite peuvent aboutir desormais a la condamnation d'une personne se proclamant innocente. Mais force est de constater que la question de l'innocence se pose de façon marginale en Assises, le travail de la defense est le plus souvent axe sur le quantum de la peine. Le sort de l'accuse peut être aggrave par appel du ministère public. La difficulte et l'ampleur de la tâche de l'avocat ne s'en trouve en rien diminue. En revanche, le caractère securisant de l'appel pour l'accuse lui-même et cet etat de droit peut produire quelque effet sur sa psychologie et son comportement durant les debats ; sous reserve d'une pedagogie adaptee employee en amont.

Les statistiques demontrent qu'en grande majorite (92%) les cours d'assises d'appel confirment le sens de la culpabilite choisi par les premiers jures.* La voie de l'appel est utilisee a 23% des arrêts rendus en premiere instance en 2009, que ce soit a l'initiative de l'accuse ou du ministère public.

Obtenir une intime conviction inverse a celle des premiers jures relève en grande partie des secrets de l'alchimie judiciaire. L'irrationnel critère geographique semble demontrer son incroyable part de verite : Bordeaux serait moins sevère que Perigueux. NImes, plus qu'Avignon. Ou Albi, plus que Toulouse, etc. Seule la cour d'appel de Paris, ou les presidents d'assises tournent, echappe a ce hit-parade. Les chiffres, en revanche, montrent le poids que peut avoir la seule decision de faire appel d'un verdict. Le risque n'est jamais absent même si le taux national d'acquittement passe de 6,2% en premiere instance a 9% en appel.

Les grandes évolutions de la matière pénale

L'evolution des incriminations est aussi celle de des mutations societales, philosophiques et politiques. De 1808 a nos jours, les Cours d'Assises ont eu a juger de crimes qui ne sont plus et de crimes qui en sont devenus.

A cet egard, l'historique de la repression de certains crimes est significatif :

*En 1810, l'avortement est un crime passible de 10 ans d'emprisonnement. En 1943, Marie-Louise Giraud est la dernière femme condamnee a mort en France pour 26 avortements. L'avortement est correctionnalise par une loi du 27 mars 1923 mais le but est d'eviter l'indulgence des jures et faire juger l'acte par des professionnels moins sensibles.

Avant la loi VEIL, le code penal condamnait l'avortement a 5 ans et l'auto-avortement par 2 ans. L'avortement d'une femme << supposee enceinte ç ou commis avec des moyens inefficaces restaient punissables. Autrement dit, l'avortement putatif constituait un delit.

L'evolution debute en 1967 par l'admission de la liberte de contraception. La loi VEIL maintient la repression tout en autorisant trois cas d'avortement. En 1992, le CP ne parle plus d'avortement : on sanctionne le non respect des regles legales, l'auto-avortement ;

En 1993, on cree le delit d'entrave a l'IVG. Les reformes les plus recentes datent du 4 juillet 2001, seul reste dans le code penal, l'avortement sans le consentement de la femme.

Le viol constitue egalement une illustration typique de l'evolution des incriminations : A l'origine, defini comme le fait pour un homme d'avoir une relation sexuelle avec une femme contre son gre avec un risque de grossesse. Cette conception a change pour s'adapter a l'evolution des moeurs. Il devient en 1980 <<tout acte de penetration sexuelle de nature quelconque qu'il soit commis sur la personne d'autrui par violence, menace, contrainte ou surprise. ; definition prefigurant la disparition du delit d'homosexualite en 1982.

* Précis Dalloz Droit Pénal Spécial

Le viol entre epoux a ete longtemps considere comme impossible, le mariage emportant consentement aux relations sexuelles, en 1990, la Cour de Cassation l'admet quand le mari impose la relation accompagnee d'actes de torture et de barbarie. Dans un arrêt du 11 juin 1992, le viol est possible quand les epoux sont en instance de divorce. La presomption de consentement des epoux est affirmee comme une presomption simple par la Cour. La loi du 4 avril 2006 incrimine le viol entre epoux et fait de la qualite de la victime une circonstance aggravante, qu'elle soit ou non unit a l'auteur par un lien matrimonial.

Le meurtre de l'enfant est un meurtre aggrave ; la legislation actuelle protege le mineur de moins de quinze ans tandis que le code napoleonien reprimait de façon specifique le seul infanticide constitue par le fait de tuer un nouveau ne dans les premiers jours suivants sa naissance. Les meurtres d'enfants, quelque soit l'âge de la victime etaient reprimes comme le meurtre d'un adulte.

L'empoisonnement fait l'objet d'une repression specifique et d'un traitement aggrave par rapport l'incrimination de meurtre. Les causes de cette aggravation sont criminologiques et remontent a une epoque ou l'empoisonnement etait particulièrement redoute en raison de son caractère dissimule. Pendant très longtemps l'empoisonnement etait particulièrement difficile a decouvrir compte tenu de la faiblesse des connaissances toxicologiques : jugement de reprobation morale beaucoup plus grand que pour le meurtre. Il s'en est suivi une incrimination specifique. Elle n'a jamais ete remise en cause depuis. Cette specificite de l'empoisonnement a, encore aujourd'hui, ete avancee dans certaines affaires pour defendre son application là ou le meurtre n'aurait pas pu l'être : affaire du sang contamine.

Après nombre de procès dechirants, la legislation française de 2005 a choisi la voie de d'une reforme prudente sur la question de l'euthanasie ; l'euthanasie directe ou indirecte, si elle est passive n'est plus un crime mais relève du droit reconnu aux malades en fin de vie: droit de refuser ou interrompre un traitement, droit accorde au medecin d'arrêter le traitement, droit aux soins palliatifs.

En matière de suicide assiste, euthanasie de compassion, celui-ci demeure un homicide avec premeditation mais en pratique l'indulgence est frequente et a abouti a des decisions d'acquittement et même de non lieu....

Au stade des incriminations, les evolutions sont innombrables s'agissant des crimes mais egalement des delits se muant en crimes par le biais des circonstances aggravantes, conduisant dans le box des accuses des personnalites diversifiees generant chacune leur propre problematique comportementale et necessitant une adaptabilite renouvelee de leurs defenseurs.

Mais, La Mutation de ces deux siècles est intervenue au stade de la peine, non de l'incrimination.

Incontestablement et intemporellement ; l'évolution la plus marquante de l'histoire des Assises était, est et sera l'abolition de la peine de mort.

Si l'historique vers l'abolition de la peine de mort en France est precisement retrace par nombre d'ouvrages, les recherches de recits d'executions capitales ou de plaidoiries visant la defense d'un accuse passible de cette peine s'avèrent nettement moins aisees et ce pour une pluralite de motifs de differents ordres :

D'une part, l'ancien article 15 du Code Penal interdisait a la presse le recit d'une execution et si cette dernière defrayait la chronique c'etait lors de son prononce et non lors de sa mise en oeuvre ; l'aube choisie etant decidee en catimini, souvent des reception du rejet de la demande de grace. L'avocat etait l'avant dernier prevenu, quelques heures avant son client.

D'autre part, et cela n'est en rien specifique a la sentence encourue, les plaidoiries ne sont par nature pas ecrites et rares sont celles qui ont pu faire l'objet de retranscription y compris de leurs auteurs qui seraient bien incapables de s'atteler a une tâche de redaction conforme a la realite du propos tenu. Si l'argumentaire developpe se retrouve aisement, le regard, le ton, le sentiment exprime eux, ne se vivent qu'une fois.

Enfin, les avocats qui ont connu l'immense douleur d'accompagner leur client aux portes de la mort se sont peu exprimes sur ce sujet qui, cela se conçoit, suscite des emotions que peu de mots sont capables de porter.

*Les plaidoiries de la defense avant l'entree en vigueur de la loi Badinter du 9 octobre 1981, ont suivi un cheminement parallèle a la reflexion societale : on observe au travers de l'evolution de l'argumentation un deplacement sensible du debat :

Temporairement resigne a la seule abolition de la torture en 1791, le discours est centre sur les preuves, les faits, le client; avant de s'elargir progressivement jusqu'a prefigurer le discours de Robert Badinter devant l'assemblee nationale le 17 septembre 1981. Le phenomène est particulièrement significatif dans la defense d'Henry, Garceau et Bodin mais se retrouve egalement dans les propos de MaItres Polak et Lombard (hors affaire Ranucci ou il opta pour une strategie visant a creer le doute au profit de l'innocence clamee par son client).

La partie civile n'est pas absente de cette evolution a laquelle elle n'hesite pas a s'associer courageusement, faisant fi de la vindicte populaire. Face a MaItres Lombard, Le Forsonney et Fraticelli, Gilbert Collard se lance a son tour dans un plaidoyer implicite contre la peine de mort : ne la reclamant pas, il exhorte l'accuse a la repentance, seule issue possible pour epargner sa vie.

La sera sans doute son erreur, l'accuse n'exprimera aucun remord d'un acte qu'il maintiendra n'avoir jamais commis et refusera toute compromission estimant sauver son honneur au mepris de sa vie.

*Pour le defenseur du condamne a la peine capitale, le verdict ne sonne pas le glas de la vie mais le debut d'un ultime combat: juridique dans un premier temps, visant a l'aneantissement de l'arrêt de la Cour d'Assises au (x) moyen (s) d'un hypothetique pourvoi en Cassation. Dans la plupart des cas, la procedure est parfaitement respectee et l'avocat se contente d'une declaration de pourvoi, confiant la difficile tâche de redaction du memoire aux avocats a la Cour ; lesquels disposent, hormis leur experience technique specifique, d'aucun moyen supplementaire. Le droit et rien que le droit, depouille des faits, de tout être humain pourtant a l'origine de son application. Telles sont les fonctions de la haute Cour qui n'a pas a connaItre de la moindre esperance...nonobstant le fait que sa saisine puisse en faire naItre dans l'esprit de son auteur en depit d'une realite connue et de tout autre facteur. La sentence ne sera executee qu'après rejet du pourvoi et de la demande de grace: la vie coule encore dans les veines du monstre pour lequel on implore un sursaut d'humanite.

Au terme de ces recours, l'avocat s'entend detruire par une voix sans âme l'ultime lueur d'espoir qu'envers et contre tous, il n'avait pu eteindre en lui : l'annonce de l'horaire planifie de l'execution. Les heures qui suivront seront marquees d'un phenomène etrange, presqu'un comble pour qui maItrise l'art oratoire, qui du son de sa voix depeint chaque scene a sa couleur, qui fait resonner chaque phrase bien au-dela du seul sens des mots...Le silence soudain domine. Le silence s'impose la oü deja les mots ne sont plus; le brouillard emmitoufle les conversations, seuls les bruits de cles et les pas transpercent la lourdeur de ces instants.

*Les avocats qui ont decrit ces moments l'ont fait avec une immense pudeur, une solennite respectueuse de
ceux qui ne sont plus. Sans culpabilite car ils sont conscients de leur investissement, de ce qu'ils ont donnéet de ce qu'ils vont donner en survivant a l'exécution de leur client.

La loi du 9 octobre 1981 mettra un terme definitif au combat mene par les avocats pour la survie physique de leur client; laissant entre leurs mains une lutte differente mais toute aussi cruciale, la lutte pour l'existence d'une chance, d'un espoir de vivre un jour une existence choisie au-dela des actes commis.

Le combat des Assises n'est plus celui de la survie mais demeure celui des droits et libertés fondamentaux ; celui de la moderation, de la résistance a la tentation de ceder a une frénésie de repression situant a nouveau le débat sur le terrain de la vengeance et non du droit.

L'avocat de la defense est aujourd'hui confronte a deux phenomènes revelateurs de notre epoque: la victimisation et la tentation juridiquement habillee d'accrediter les theses de Lombroso sur l'incorrigible criminel ne.

*Historiquement, une victime signifiait une personne vivante offerte en sacrifice. Ce qui sous-entend qu'on lui infligeait cela malgre sa volonte. Qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, d'une atteinte individuelle ou collective, les textes juridiques ne definissent pas la victime sauf a dire selon les droits vises (civils ou penaux) qu'elle est synonyme de partie lesee, de plaignant, de partie civile, de personne ayant subi un prejudice ou ayant personnellement souffert du dommage cause par l'infraction.

De l'absence de reponse sociale donnee a la souffrance des victimes, la legislation a evolue jusqu'a lui conferer une place centrale dans la procedure repressive, instaurant correlativement un droit a l'indemnisation integrale du prejudice subi de par les dispositions de la loi du 6 janvier 1990. Cette prise en charge de la victime modifie fondamentalement la conception contemporaine de la repression et les strategies de defense mises en oeuvre.

* Documentation Francaise discours R Badinter 17.09.1981 * Journal d'un Avocat Document anonyme.

* Emile Polak la parole est a la defense 1975

Pour l'avocat de la partie civile, le combat est avant tout interne et se joue bien avant l'audience : il ne saurait s'agir d'aller quérir les dommages et intérêts liés a l'action civile et qui, en matière criminelle ont d'ores et déja été octroyés a son client par la saisine de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infraction mais d'exprimer la souffrance d'une victime générée par la commission d'un acte criminel ; souffrance sincere dont son défenseur doit être convaincu.

Car souffrance n'est pas vengeance, pas plus qu'indemnisation n'est enrichissement.

*En psychologie, la victimisation signifie << l'attitude par laquelle un sujet se pose en victime, dans le but conscient ou inconscient de susciter chez autrui un sentiment de pitié ou même de culpabilité, et de se protéger ainsi contre toute accusation ou punition, tout en revendiquant indirectement la satisfaction de ses besoins matériels ou affectifs ç.

Cependant, on ne peut pas dire que, parce qu'il y a atteinte a l'intégrité physique, il y a automatiquement traumatisme. Les psychologues parlent plutôt, de besoin d'un investissement narcissique qui peut créer une tendance a faire de nos blessures, un besoin de restauration et de réparation. Etre victime implique le besoin d'être dédommagé, notamment si les politiques publiques encouragent ce positionnement.

Les intervenants peuvent parfois confondre rétablissement de l'ordre public et mission d'aide aux personnes. Leur action tend ainsi a renforcer l'investissement narcissique de la blessure et a transformer la victime en victime chronique.

Il ne s'agit en aucun cas de généraliser les effets pervers potentiellement issus d'une saine prise en considération de la condition des victimes mais d'évoquer la nécessité d'un équilibre au combien délicat a trouver entre droits de la défense et droits des victimes.

La multiplication et la complexification des textes et jurisprudences ont conduit la technique juridique a pousser la porte de la correctionnelle, s'imposant désormais au détriment des plaidoiries fleuves des avocats des générations précédentes.

La structuration du débat s'impose également aux praticiens qui, quelque soit la stratégie choisie se doivent de démontrer la logique de l'enchaInement des arguments développés qui ne se contentent plus d'une simple énonciation pour être efficace.

En Assises, l'évolution semble en apparence plus nuancée, car s'adressant aux jurés non professionnels, il s'agit d'être brillant mais également compris. Le discours visera donc l'accessibilité a la conscience et a la culture de chacun. Cela ne signifie pas pour autant l'absence de technique juridique : cette dernière tend au contraire a affirmer sa présence tout en demeurant imperceptible pour les non-initiés tant l'exercice est empreint de pédagogie.

Le vocabulaire technique fait donc l'objet d'une nécessaire vulgarisation.

Les questions posées visent également ce même objectif d'accessibilité.

Au-dela des seuls temps de plaidoiries et durant toute la durée des débats, la mise en oeuvre de la procédure fait, quant a elle, l'objet d'une vigilance accrue visant a signaler sur le champ tout incident.

? Evolutions contextuelles dictées par la pression sociologique et médiatique

A titre d'avant propos, il semble impératif de rappeler quelques réalités élémentaires mais souvent occultées indissociables de la présente réflexion :

L'évolution de la criminalité constitue une denrée difficilement mesurable et ce pour de nombreux facteurs : Cette criminalité si précisément quantifiée, surtout en période électorale, ne peut nécessairement englober que les infractions découvertes et dont les autorités de poursuite ont eu connaissance ; l'augmentation de faits dénoncés ne saurait signifier abruptement une augmentation de la commission d'un type d'infractions déterminé ; l'évolution des incriminations ne fait l'objet d'aucune analyse statistique, quid des disparitions inquiétantes non élucidées et a fortiori non comptabilisées au titre d'une infraction ?...

C'est a partir de ces <<variables ç que nos prétendants au gouvernement ou, selon les périodes, nos gouvernants, nous exhortent a faire face a une montée de l'insécurité.

Pourtant, en dépit de ces discours alarmistes, la diminution des crimes de sang est constante depuis déja plusieurs années et donc depuis plusieurs septennats et quinquennats.

Le nombre de crimes commis dans la sphere familiale augmente. Les auteurs de crime tendent a être de plus en plus jeunes...et de plus en plus âgés également même si le phénomène << porte ç moins dans l'opinion publique.

* La victimisation Thèse de Souad Bouaoili-Ait Ouarab

L'insecurite règne, evoquee avec le plus grand serieux par nos politiques gonflant par leurs propres comportements infractionnels les chiffres si habillement decries !!

Qui d'autre que les autorites elles-mêmes decrit le sentiment d'insecurite OE vecu ç par les citoyens ?

Selon donc, les autorites, le seuil de tolerance de la population face au risque diminuerait de façon reguliere et significative...s'interroge t'on sur la nature du risque invoque ? Serait-ce celui de faire l'objet d'un placement en garde a vue ? En depit de son ampleur, (il concerne a lui seul plus de 1, 3 % de la population française totale !!), il ne fait aucun doute qu'il ne soit ecarte de la reflexion !!

La demande de protection de la population face au risque est une demande croissante a laquelle se doit de s'adapter le concept de securite interieure. La vulnerabilite des citoyens justifie cette demande de protection; vulnerabilite liee aux evolutions demographiques telle le vieillissement des populations, aux mutations sociologiques telles l'augmentation des familles monoparentales...a la pauperisation, a la montee du chômage et de la precarite ; même si, cela va de soit, ces facteurs de vulnerabilite ne sont pas cites.

La complexite de la societe contemporaine justifie cette demande de protection: l'augmentation des flux de population, la disparition du contrâle social, l'urbanisation, la perte de repères de la jeunesse et la banalisation des stupefiants concourent a cette complexite croissante.

De l'incident au phenomène de societe, le pas se franchit allegrement : la violence a l'ecole est intolerable (Pourrait-on d'ailleurs concevoir qu'elle le soit ailleurs ?) Il revient donc en toute logique aux juridictions repressives la charge de gerer et de sanctionner la perte de valeurs, la demission des parents et les carences de l'education nationale.

La pression sociologique s'exerce et influe sur les strategies de defense des criminels dont on se doit de faire le procès, et non bien sOr celui d'un système repressif, intolerant, liberticide, tentant lâchement de faire endosser au citoyen la responsabilite de ses actes.

Une pression sociologique generee a dessein et relayee par les medias...

*Tous les faits, evenements ou comportements ne disposent pas d'une probabilite identique d'être mediatises. Une selection s'opère selon des critères recurrents : la preference est accordee aux faits immediats susceptibles de donner lieu a une mediatisation en temps reel ; d'autre part, les faits survenant dans un contexte familier disposent d'une forme de priorite sur ceux qui surviennent dans des contextes davantage atypiques.

Le contexte familier favorisant l'identification emotionnelle du consommateur potentiel du contenu mediatique ; puis les faits personnalisables qui peuvent être reduits, a des questions de personnes sont plus frequemment exploites par les medias ;

Enfin, les faits de nature hautement dramatique occupent la une des medias, quelque soit le support de communication utilise.

Or, ces caracteristiques commerciales se retrouvent dans la quasi-totalite des faits criminels ; ce qui semble justifier la place privilegiee des faits divers sanglants dans nombre de medias. Selon les epoques, certains crimes seront OE privilegies ç par rapport a d'autre : les poisons ont eu leur heure de gloire ; aujourd'hui les drames familiaux connaissent la leur, tout comme la pedophilie...Tandis que l'on nous invite sans sourciller tirer les leçons d'Outreau.

Ces recits, regulièrement illustres par un panel de reactions triees sur le volet constituent l'information consacree par la liberte de la presse dont une part du budget est affectee au paiement des amendes et dont une part de l'espace est sacrifiee a la publication des decisions judiciaires la condamnant. Certes, ces comportements ne sont fort heureusement pas generalisables mais ils demeurent dangereux car touchant les classes moyennes et donc une masse importante de personnes pour qui d'autres categories de medias restent inaccessibles.

S'agissant des reactions, le developpement de l'Internet a engendre une liberalisation totale des reactions jusqu'alors exprimees a la demande des medias decideurs de l'opportunite de leur publication. La toile a supprime ce OE contrâle ç des medias sur l'information, transformant le web en un immense cafe du commerce oü tout se dit, tout se lit, tout et n'importe quoi, par n'importe qui, a grand renfort de blogs et a la faveur d'une carence notoire de règlementation... diffamation, non respect de la vie privee, non respect de la presomption d'innocence, discriminations, negationnisme...Toutes ces infractions sont commises, en une quasi impunite averee, par des auteurs persuades d'exercer en toute legalite leur liberte d'expression.

* Médiatiser ou média-attiser le crime ? M Dantinne

Mais au-deíà des mécanismes utiíisés pour rendre compte du crime, se pose ía question des conséquences de ce rendu :

Peu nombreux sont les citoyens qui n'ont pas d'opinion sur les causes de la criminalite en tant que phenomène, le criminel en tant qu'être humain (ou pas humain d'ailleurs), le crime en tant qu'acte et les manières d'y remedier, parfois en termes de prevention, souvent en matière de repression. Les medias sont au coeur des interactions sociales qui donnent un sens a ces faits et ils peuvent des lors presenter un impact sur les representations sociales qu'ils concernent.

La surrepresentation evoquee des formes violentes de crime constitue un exemple general de distorsion de la verite quantitative.

A titre de demonstration de ce phenomène, il y a lieu de citer une etude realisee par *Laurent Muchielli, sociologue français : Analysant le phenomène des viols collectifs, il a fait emerger que de 1990 a 2000, ce type de crimes a fait l'objet de quatre gros titres par an, pour passer de cinquante a trente-deux et vingt-trois titres par an avant de revenir a quatre en 2004. Comparant ces valeurs a celles des statistiques officielles de condamnation, Muchielli put mettre en evidence le caractère plus que claudicant des representations forgees par l'image mediatique : en effet, sur les annees envisagees, le nombre de condamnations pour viols collectifs n'avait pas varie de façon statistiquement significative et aucune correlation n'a des lors pu être etablie.

Au-delà des preoccupations quantitatives, les medias, traitant de la question criminelle, sont aussi susceptibles de vehiculer des stereotypes, de vicier qualitativement les representations sociales qu'ils contribuent a former. En effet, l'analyse des contenus mediatiques prealablement quantifies met en exergue le constat selon lequel le phenomène des viols collectifs etait quasi implacablement presente comme le fait des << jeunes des cites ç, accentuant au passage une double stigmatisation, celle de cites banlieues reancrees dans leur image de << zones de non-droit ç et celle des jeunes de ces quartiers marques au fer rouge de leur etiquette de jeunes a risque et/ou dangereux.

En matière de criminalite, les evaluations et les opinions du public tendent a refleter beaucoup plus les conceptions et les representations que se font les medias que la realite elle-même. L'impact des medias sur l'opinion publique est croissant et non l'inverse comme bon nombre de journalistes se complaisent a croire. Face a cette omnipresence des medias dans le voisinage des Cours d' Assises, l'Avocat fait un choix : celui de l'utilisation ou de l'absence de communication.

Cette fonction de communication s'exerce dans un cadre reglemente, en depit de la suppression depuis 1944 de l'obligation d'autorisation du bâtonnier prealablement a toute expression publique.

*L'article 5.3 du Reglement Interieur de la profession dispose:

<< 5.3.1...l'avocat s'exprime librement dans les domaines de son choix et suivant les moyens qu'il estime appropries.

Il doit en toutes circonstances faire preuve de delicatesse, particulièrement lorsque sa qualite d'avocat est connue, et s'interdire toute recherche de publicite contraire aux dispositions de l'article 161 du Decret.

5.3.2 Si l'avocat fait des declarations concernant des affaires en cours ou des questions generales en rapport avec l'activite professionnelle, il doit indiquer a quel titre il s'exprime et faire preuve d'une vigilance particulière.

Ces interventions publiques ne peuvent avoir qu'un caractère exceptionnel. L'avocat en informe le Bâtonnier.... ç.

Les interventions des Avocats dans la presse se situent principalement sur deux terrains juridiques bien distincts : le droit economique et la matière penale. Dans nombre de cas et frequemment en matière criminelle, le recours aux medias resulte pour l'avocat d'une demarche volontaire, en violation toleree de sa deontologie :

En effet, en matière penale, sauf pour les affaires ayant un très grand retentissement, l'avocat peut se sentir contraint, pour la defense de son client, et parfois avec son aide, de solliciter les medias pour être entendu; Cela peut conduire a une violation du secret de l'instruction notamment lorsque l'objectif est, en cours d'information, d'obtenir une liberation provisoire de son client au profit du placement sous contrâle judiciaire de ce dernier car la seule sensibilisation au respect de la presomption d'innocence ne saurait satisfaire l'appetence du grand public demandeur de plus d'elements, plus d'informations, pour comprendre les rouages d'une procedure penale opaque pour plus de 90% des lecteurs !!!

Mais la presse peut aussi être utilisee en cours de procès, en toute legalite, dans le strict interêt de son client: Il s'agit alors d'une fonction demystificatrice de l'Avocat, pour qui l'enjeu reside en le fait de ramener le debat au plus près possibles des faits ou du moins de la version des faits defendue par son client.

* Les tournantes L Mucheilli *CNB

Il peut s'agir pour certains d'une occasion de publicite personnelle cependant, il ne faut pas s'y tromper, même pour ceux d'entre eux qui en jouent comme d'une arme et ne se cachent pas d'en jouir, l'enjeu fondamental reste la defense du client.

Toute fixation d'image ou de son en audience est demeuree prohibee, la prise de note et le dessin etant seuls autorises ; la presence de la presse semble ne pas devoir influer davantage aujourd'hui que jadis sur le contenu des plaidoiries elles-mêmes.

Aucune reforme sur ce point n'est a souhaiter et ce, pour plusieurs motifs evidents pour tout homme de bon sens : Un pretoire n'est pas un plateau tele. Les magistrats et les avocats ne sont pas formes pour passer a l'ecran, leur rhetorique n'est pas la même. Le public peut acceder librement dans les salles d'audience, mais a charge pour lui d'avoir une attitude correcte, silencieuse et ne troublant pas le deroulement de l'audience. On ne regarde pas une audience.

De plus, qui dit television dit montage. Une audience d'Assises peut durer des semaines, Un reportage au journal televise dure 2 minutes, seules quelques phrases seront citees : celles de l'accusation ou de la defense? Le prevenu pas plus que la victime n'ont a se transformer en vedettes de tele realite...la pudeur et le respect sont de rigueur.

La presence d'une camera et d'un micro perturberait l'audience, chaque intervenant pensant plus a l'image qu'il pourrait donner de lui plutôt qu'au seul dossier. L'avocat penaliste plaide pour la Cour et les jures ; il ne peut être soumis a la tentation de plaider pour la camera.

Est-ce a dire que les medias demeurent pour autant absent des debats ? Si, fort heureusement, la legislation les contraint a la discretion en audience; elle n'en diminue pas pour autant la force avec laquelle s'exerce leur emprise. Cette emprise s'exerce sur les jures qui, même inconsciemment peuvent se laisser impacter par le climat mediatique cree ; les temoins dont les declarations seront ou non relatees qui pourront parfois être tentes de se retrouver sous les feux de la rampe, derisoires, ephemères mais au combien dangereux...

Enfin, les medias font et defont a volonte l'image des avocats, se fondant sur un critère tout aussi unique qu'inique : la côte de popularite du personnage...dont ils sont eux-mêmes dans la plupart des cas a l'origine.

L'annonce dans la presse locale des affaires venant a la session d'automne des Assises 2009 illustre parfaitement le phenomène : Un procés en appel d'une condamnation pour un double assassinat dans un petit barreau de province: le journal local annonce avec orgueil le deplacement d'un OE Tenor du Barreau de Lille ç assurant la defense des deux accuses, face a lui, la partie civile, dont on cite le cabinet plutôt que le nom car, enfin, qui connaIt Maître X...

Le verdict tombe : confirmation de la condamnation ; le denouement occupera a peine dix lignes dans le même journal qui a deja oublie le OE Tenor du Barreau de Lille ç s'en retournant bredouille en son palais et qui n'a toujours pas reussi a se souvenir de l'avocat de la partie civile.

Certes, en l'occurrence, ce dernier n'est pas blesse car pour cela il aurait fallu qu'il place son ego avant l'amour de son metier ce qui lui est totalement impossible, neanmoins...les victimes lisant le premier article ne pouvaient-elles pas douter, craindre, trembler... La presse peut-elle s'arroger le droit de risquer d'affaiblir la confiance placee en Maître X alors même que son seul argument reside en la celebrite de son adversaire ?

Composer avec la presse pour certains, flirter pour d'autres, la combattre ou se contenter de repondre modestement a ses sollicitations... la presse produit inlassablement : des monstres, des victimes suppliciees, des tenors du barreau et des anonymes.

? Difficile recherche d'un equilibre entre poids des mesures expertales et vérité vécue par les inculpés

Le procés penal a pour objectif supreme la manifestation de la verite. Cette dernière peut se definir en droit penal comme l'affirmation ou la representation exacte de la realite des faits de l'espèce. Alors que la verite est objective, la veracite est subjective. Celui qui parle avec veracite, avec franchise, expose ce qu'il pense sincèrement être la verite ; on ne peut attendre plus d'un accuse; on devrait toujours en attendre autant d'un temoin.

Parmi d'autres textes, l'art. 310 du Code de Procedure Penale rappelle au president de la Cour d'assises que le but de toute instruction criminelle consiste en premier lieu dans la recherche de la verite ; non d'une verite philosophique portant sur des notions abstraites, mais de la verite materielle concernant l'existence des faits concrets qui font l'objet des poursuites. Le tribunal doit donc veiller a ce que l'information s'effectue dans le

respect des droits du prevenu et de la partie civile sans jamais oublier que son but prioritaire est l'etablissement de la verite.

Si l'on conçoit aisement l'impossibilite de retranscrire a la matière penale la theorie generale de la preuve civiliste ; le principe de la liberte de la preuve en depit de sa logique n'apporte aucune facilite a l'exercice ; qu'il s'agisse de celui de l'accusation comme celui de la defense d'ailleurs.

Si l'on semble en avoir termine avec la toute puissance de l'aveu et que l'on tend a convenir de la necessite pour ce dernier d'être corrobore par d'autres elements pour emporter l'intime conviction; il faut cependant avoir a l'esprit qu'un tel raisonnement ne peut emaner que d'un professionnel, non d'un jure, susceptible d'accorder quelque credit au dicton OE il n'y a pas de fumee sans feu ç

D'autant que l'aveu fait encore des ravages au coeur d'affaires contemporaines : De Seznec a Outreau, tout commence par l'enquête policière et par les choix d'un directeur d'enquête, qui, parmi les pistes envisageables pour retrouver le ou les auteurs de faits criminels, va asseoir ses certitudes sur la seule piste qu'il privilegie, pour des motifs qui lui sont propres (ou parfois dictes) : il choisit son coupable et neglige les autres.

Notre Droit penal est ainsi fait que le suppose coupable, apprehende, place en garde a vue, entre dans une zone oü la Defense n'est pas admise : il est livre aux services enquêteurs qui sont contraints de faire coller a leur version, encore virtuelle, les declarations de leur OE client ç.

De cette longue confrontation a armes inegales, enquêteurs et garde a vue il restera un cahier d'enonciations horaires des temps de OE repos ç en cellule de l'interesse, de ces periodes d'alimentation, etc. Le reste sera le dossier des declarations du garde a vue, ou des confrontations. Le fait est, que des aveux peuvent être recueillis durant cette periode : Aveux spontanes ou extorques, ils pèseront lourds dans la strategie de la defense bien au-dela de leur retractation.

L'interesse, qui, souvent, n'a jamais eu a faire a la justice auparavant, ignore au debut ce qu'il est cense avoir commis et, l'apprenant, proteste aussitôt ; place en cellule pour reflechir : il se pense victime d'une erreur, reste serein ou panique totalement. Mais la capacite de reflexion du garde a vue de survie et de defense s'emousse au fil des heures, face a ce qu'il ne comprend pas, et il dispose d'un inconvenient majeur d'être, comme tout être humain, sensible aux pressions psychologiques.

Pendant ce temps, tout est exploite, tout est repertorie dans le dossier : ses silences, ses hesitations a repondre, le manque de clarte de ses reponses, voire ses contradictions, ses declarations successives, ses reponses a des questions, resumees sur le papier, mais qui etaient beaucoup plus suggestives. Le tout est signe a chaque fois par l'interesse, qui confirme donc l'exactitude de ce qui est ecrit. Au terme de ce scenario, l'aveu mensonger est assimilable au suicide de l'innocent, pour en finir !! Fort de cette prise de conscience (après combien de drames ?), l'aveu doit donc être complete par d'autres indices graves et concordants.

Le temoignage, a l'instar de l'aveu, fait l'objet d'une prise en consideration reservee : l'experience demontre de façon significative que la même scene a laquelle assistent plusieurs personnes simultanement donnera lieu a une pluralite de recits differents voire contradictoires.

L'accusation, sur qui repose la charge de la preuve de la culpabilitO dispose de moyens importants visant démontrer l'existence d'un lien causal entre crime et accuse. Ces moyens scientifiques viennent corroborer ou contredire aveux et temoignages et pèsent considérablement sur les verdicts prononcés.

*L'expertise moderne apparaIt dans notre legislation avec le Code Civil, le Code d'Instruction Criminelle et le Code Penal. C'est du reste a cette epoque qu'apparaissent la medecine du crime et l'expertise medicale en matière civile. Tout au cours des XIXème et XXème siècles, l'expertise s'est developpee, en matière civile comme en matière penale, expertises obligatoires ou facultatives, au point que l'on peut aujourd'hui se demander s'il n'existe pas un abus du recours a l'expertise, l'abus residant aussi dans le fait que les rapports des experts ont acquis aujourd'hui valeur de quasi-preuve.

Il convient de s'attarder un instant sur la procedure de designation des experts: Les experts designes sont habituellement ceux figurant sur les listes des Cour d'Appel; frequemment surcharges de travail, ces designations ont pour effet de ralentir considerablement la marche de la procedure.

* Place des experts, Me François Gibault

Pour pallier cette difficulte, certains Juges d'Instruction font appel a des Experts non inscrits qui sont en mesure d'executer plus rapidement leur mission. La longueur des expertises, environ trois mois pour une expertise psychiatrique, constitue ainsi une atteinte, au moins indirecte, aux droits de la defense. Certains Avocats, dans des affaires correctionnelles, renoncent parfois a demander une expertise pour ne pas prolonger la detention de leur client

En matière penale, les Experts sont essentiellement designes par les Juges d'Instruction, mais les Experts peuvent egalement être nommes par les Juridictions de jugement, Tribunaux et Cours d'Appel, y compris les Chambres de l'Instruction. Les Presidents des Cours d'assises ont egalement ce pouvoir, avant l'ouverture des debats, puis les Cours d'Assises ont le même droit. Le juge dispose d'une liberte absolue pour designer l'Expert ou les Experts de son choix sans consultation des parties, et ce droit constitue une premiere atteinte a la regle du contradictoire.

Aujourd'hui, les Juges d'Instruction ne notifient plus aux parties les Ordonnances par lesquelles ils commettent des Experts. Mais il y a pire. En effet, ces Ordonnances, qui ne sont evidemment pas susceptibles d'appel, sont placees par le greffier dans une cote secrete dite << en cours ç a laquelle les Avocats n'ont pas accès. En d'autres termes, l'avocat ne sait pas si une expertise a ete ordonnee et ne connait donc pas le nom de l'Expert designe, le nom du psychiatre par exemple charge d'examiner son client, de telle manière qu'il est dans l'impossibilite de prendre contact avec lui et de lui communiquer informations et documents qui pourraient lui être utiles pour l'execution de sa mission.

L'atteinte aux droits de la defense est ici manifeste.

Pour en revenir a la designation des Experts, dans la pratique, ce sont generalement les mêmes Experts qui sont designes par les mêmes Juges. Il se cree ainsi, consciemment ou inconsciemment, entre le Juge et l'Expert, des liens intellectuels mais aussi des liens economiques. Les deux paraissent regrettables. Cette observation est essentiellement valable pour les Expertises psychiatriques et plus encore pour les Expertises psychologiques.

Le Juge designe l'Expert et lui definie sa mission. Generalement, il lui parle de l'affaire, et l'on imagine que, au cours de cet entretien, il lui donne son point de vue. Il lui montre les pièces essentielles puisque, des sa designation, l'Expert a accès au dossier. Dans la pratique le Juge lui envoie même, ou lui remet, une copie des pièces susceptibles de l'eclairer et de lui faciliter sa mission. Ainsi, lorsqu'il se rend a la prison pour executer sa mission, l'Expert psychiatre connaIt-il l'opinion du Juge, ce qui est reproche a la personne qu'il doit examiner, il connaIt notamment son système de defense, et ses antecedents, il est deja averti d'un certain nombre de choses et il connaIt même, lorsqu'il s'agit d'une contre-expertise, l'avis du ou des Experts precedemment nommes avec la même mission.

L'expertise est en principe facultative mais en matière criminelle, les derogations a ce principe sont nombreuses : autopsie obligatoire si l'infraction a entraIne la mort de la victime, expertise psychiatrique et psychologique de l'auteur presume...

Dans le proces penal, l'encadrement de la procedure expertale s'applique dans un schema vertical oü le juge definit les limites de la mission par un encadrement de questions precises, l'expert s'y conformera selon la doctrine expertale « ía mission et rien que ía mission » ; Cette instrumentalisation relève d'une politique souverainiste qui guide la main invisible du droit oü l'expertise n'est pas censee s'ecarter du cadre fixe par le juge. Ce cadre, necessaire au risque de voir apparaItre dans les conclusions de l'expert une prise de position personnelle presente neanmoins l'inconvenient d'interdire a l'expert de soulever tout autre point pertinent mais ne figurant pas dans la liste des questions posees.

L'independance statutaire des experts est preservee. L'expert judiciaire ne dispose d'aucun statut dans le corps judiciaire, il reste affilie a sa profession et attache a son organisation professionnelle, la denomination relève plus d'une qualite que d'un titre selon un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date du 10 janvier 1991. Son serment est un appel solennel a l'honneur et a la conscience, il s'agit d'un rappel du principe de loyaute qui doit accompagner l'expert dans sa mission et dont les modalites sont prevues par les articles 77-1 al.2, 157 et 160 du code de procedure penale. La qualite d'expert est ainsi reconnue a toutes personnes qualifiees qui restent soumises a l'article 60 du code de procedure penale.

Le cadre de l'expertise, quelque soit le praticien visé, se définit comme suit:

L'existence de la mission suffit a determiner la qualite qu'elles soient ou non inscrites sur les listes de la cour
d'appel comme le prevoit l'article 157 du code de procedure penale. C'est ainsi que la jurisprudence definit le

râle de l'expert comme une personne qualifiee designee par le Juge et qui donne en toute independance et impartialite un avis d'ordre technique.

Le rapport d'expertise se divise en general en quatre parties distinctes : Un preambule qui rappelle les termes de la mission, un resume de la procedure avec une distinction des parties en presence et leurs positions respectives puis un expose des differentes phases de l'expertise suivi d'une discussion des elements recueillis et de l'avis de l'expert

Si, d'un point de vue juridique, l'expertise ne constitue pas une preuve mais cree une presomption ; en pratique, l'impact de la mesure ordonnee tend a prendre une importance telle que l'acte est credite d'une veritable force probante. C'est l'absence d'interêt personnel qui determine le caractère exceptionnel de la parole de l'expert. Le rapport contribue a attester de la realite ou d'une realite, il s'agit donc d'une demonstration de causalites qui eclaire une situation qui echappe plus ou moins a la comprehension de la Cour et des jures.

Mais si la nature exogène de l'expertise dans le procès penal contribue a l'elaboration d'une decision, elle ne garantit pas pour autant l'infaillibilite des resultats.Le principe du contradictoire et de la contre-expertise sont par consequent indispensables tout particulièrement dans les sciences humaines et les sciences appliquees plus favorables a l'interpretation subjective.

Le Juge d'Instruction, puis la juridiction de jugement sont entièrement libres de suivre ou de ne pas suivre l'avis de l'Homme de l'Art. L'Article 427 du Code de Procedure Penale enonce le principe que le Juge doit decider d'après son intime conviction. Il est le Juge des preuves. En pratique, il en va differemment car, en bien des matières, l'expertise peut constituer une preuve. Qui niera que dans certaines affaires des condamnations sont prononcee au vu d'empreintes digitales, au vu de l'analyse du taux d'alcoolemie, grace a la telephonie, et plus encore grace aux analyses ADN...Même si la loi ne fait pas obligation aux juges de rendre compte des moyens par lesquels ils ont forge leur intime conviction.

Ce râle, frequemment crucial de l'expertise dans le procés criminel soulève pour les avocats plusieurs problematiques distinctes :

Au stade du temoignage de l'expert, celui-ci rendra compte de sa mission et de ses conclusions, qui, selon la matière peuvent conduire a une impossibilite de fournir une reponse certaine aux questions posees :* A titre d'exemple, la datation de la mort constitue un exercice plus difficile qu'il n'y parait dans les series televisees : la reussite de la mission depend d'une multitude de facteurs tel l'etat de decomposition ou non du corps, le lieu d'entreposage de celui-ci depuis la mort et lors de la decouverte, la saison et la region de decouverte s'il etait a l'air libre ou la nature de son environnement d'enfouissement...Dans des conditions optimales, la datation pourra être realisee a trente minutes près, a qui profiteront ces trente minutes, a l'accusation ou a la defense?

Le râle de l'avocat, quelle que soit sa position est d'avoir pleinement conscience de l'existence de ces fameuses trente minutes minimales et de qu'elles peuvent ou non apporter a son client afin, le cas echeant, d'être en mesure de les exploiter dans sa plaidoirie.

Cela implique pour l'expert de faire preuve d'une grande pedagogie dans l'enonce de son temoignage car cette donnee, manifestement inconnue des jures, peut ne pas l'être davantage pour l'avocat debutant, même si en pratique, le cas fait figure d'hypothese d'ecole.

Chaque partie possède l'opportunite d'intervenir pour appuyer ou critiquer le rapport d'expertise aux moyens de questions qui pourront contenir des observations et qui soulèvent des points importants. Si des observations ont deja ete deposees, chacune des parties doit en tenir compte avec le rapport qui detaille les faits et parfois determine la relation de cause a effet entre l'infraction et un auteur suppose.

L'avocat doit bien connaItre le rapport d'expertise avant de reprendre les points qui posent un problème a son client, il peut s'agir de contradictions entre le rapport et les conclusions, d'un procede expertal decrie, d'erreur de calcul, ou d'interpretations qui sont personnelles.

Il s'agit aussi de preparer la plaidoirie finale et d'essayer de redimensionner un rapport en adaptant un vocabulaire plus accessible dans un sens plus favorable a la partie que l'avocat represente.

D'autre part, le domaine des mesures expertales s'est elargi avec les progrès scientifiques realises ; il necessite pour l'avocat un socle de competences diversifiees dont il ne dispose pas au vue de sa formation. L'arrivee de l'expert est un moment important lors des sessions d'assises, ce n'est pas pour le jure une personne ordinaire, il y a une certaine deference qui semble le mettre a egalite avec les magistrats professionnels, il represente la connaissance et donc dans l'esprit des jures une verite consideree avec attention. Cette representation de la verite est parfois doublee d'interpretations surprenantes de la part des jures.

. * Stage médecine légale CHU Grenoble

A titre d'exemple, dans l'esprit des jures, la declaration par l'expert psychiatre de l'existence d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altere le discernement de l'auteur au moment des faits devrait, selon les termes de l'article 122-1alinea 2 du Code Penal devrait conduire a l'admission facilitee de circonstances attenuantes ; tandis que, dans l'esprit des jures, cette alteration est souvent signe de dangerosite et peut conduire au prononce d'une peine sevère visant a proteger la societe contre le risque represente par le criminel.

L'avocat doit defendre les interêts des personnes qu'il represente, dans l'expertise son râle appuie ou combat les conclusions d'une expertise, son objectif n'est pas de rechercher une quelconque verite mais d'obtenir l'adhesion même momentanee de la Cour et des jures dans son argumentation qui sera reprise dans la motivation d'une decision. Pour se faire, il devra s'engouffrer dans la moindre faille du temoignage de l'expert, faille soulevee lors des debats et reprise dans sa plaidoirie. Dans l'optique inverse, il devra renforcer les propos de l'expert jusqu'à leur ôter le moindre caractère faillible.

Il s'agit ici d'une strategie de la regle du contradictoire ou un rapport de force s'engage contre « l'adversaire », car le magistrat jouit d'une liberte d'action dans la presentation du rapport d'expertise qu'il peut evaluer, rejeter ou enteriner avant d'en faire ou non la source de sa decision.

L'avocat ne doit donc pas sous-estimer la force d'un rapport d'expertise defavorable pour son client et doit agir en consequence, notamment en cas de non-respect de la procedure d'audition car a ce stade les nullites de l'information sont d'ores et dejà purgees. .. Agir en consequence, c'est ici agir avec methode et avec une precision chirurgicale qui implique une concentration accrue lors de l'audition, decelant chaque silence, autopsiant chaque mot, chaque question posee, chaque reponse fournie...chaque conditionnel employe.

Ce travail sera effectue pour chacune des expertises pratiquees et sera exploite selon la nature de la mesure dans la partie de la plaidoirie evoquant les faits commis et les circonstances de cette commission ou dans la partie evoquant la personnalite de la victime ou de l'accuse defendu. La structuration du discours, plus que devant toute autre juridiction est en Assises capitale. En raison de la continuite des debats, les plaidoiries arrivent generalement après au moins deux jours d'audience, les jures ne sont en rien habitues a ce type d'exercice necessitant de leur part une attention et une disponibilite intellectuelle qu'ils ne deploient peut-être pas ou rarement dans leur vie professionnelle. En consequence, pour atteindre l'objectif vise, la clarte est de mise ; l'eloquence seule ne saurait suffire si elle s'exerce de manière desordonnee. Les jures ne doivent pas entendre, comprendre, ils doivent être suspendus au discours de l'avocat pour le ressentir au plus profond d'eux-mêmes, il est illusoire de pretendre atteindre ce resultat sans fil conducteur au moyen d'une argumentation semee au vent des consciences qui aurait ainsi peut de chance de produire le moindre germe.

? Vers un affaiblissement de l'art oratoire ?

Le constat s'impose que nous traversons une periode d'aggravation de la repression au cours de laquelle toutes les reformes effectives ou avortees tendent vers le même objectif : instaurer plus de severite et limiter l'exercice des droits de la defense. Il ne s'agit pas ici de developper les motifs de cette tendance, pas plus que le contexte dans laquelle celle-ci se fond ni même de debattre de leur caractère legitime ou illegitime. Cependant, certains projets de reformes, au-delà de l'impact recherche, peuvent entraIner de profondes modifications de la profession d'avocat ; risquant de reduire celui-ci au seul rang de technicien, sans coeur ni âme :

Parmi les << grands ç projets en cours de reflexion, la limitation des temps de plaidoirie constitue l'une des dangereuses aberrations de notre temps: Imaginons l'avocat debitant ses arguments au rythme effrene de son chronomètre, l'oeil rive sur ce dernier, focalisant sur le respect de cette obligation, ne regardant ni la Cour ni les jures auquel il est sense s'adresser !!

Pourtant, toutes les plaidoiries ne s'eternisent pas a l'instar de l'affaire Clear Stream; la moyenne se situe plus près des vingt a trente minutes que des quatre heures !! D'autre part, limiter le droit d'expression de la defense et de la partie civile necessite de reflechir aussi a l'obligation d'etendre cette même limite au requisitoire du procureur de la Republique...Histoire de respecter l'equilibre des forces en presence.

*Plus grave encore les projets visant a compromettre l'avenir même des Cours d'Assises :

La cour d'assises est la seule juridiction française qui fonctionne avec un jury populaire. C'est là un heritage que nous a legue la Revolution française qui avait même, un temps, essaye de composer ainsi tous les tribunaux...

Le fonctionnement des cours d'assises a longtemps ete critique, notamment parce que ses decisions, qui etaient les plus lourdes de consequences pour les condamnes etaient insusceptibles d'appel jusqu'à la reforme du 15 juin 2000.

Il serait question de supprimer ce jury populaire en premiere instance, ou plutôt, de ne conserver le jury que pour les crimes les plus graves. Motif invoque : les cours d'assises ne sont pas des juridictions permanentes (elles siegent par sessions) et donc la justice qu'elles rendent est beaucoup trop lente. On attend leurs jugements pendant plusieurs mois, dans la plupart des cas plusieurs annees du fait notamment de la longueur de l'instruction precedant l'arrêt de renvoi. C'est pourquoi il existerait une tendance a OE correctionnaliser ç les crimes pour en faire des delits afin de les faire passer devant le Tribunal correctionnel (pour aller plus vite). Ainsi, par exemple, un viol qui est un crime, sera qualifie d'agression sexuelle - un delit - et echappera a la cour d'assises.

La motivation officielle de ce projet reside donc en une meilleure gestion du facteur temps: Qui veut-on convaincre en developpant une telle argumentation?

L'histoire des incriminations et de leur repression foisonne d'elements probants et notoires des veritables motifs de correctionnalisation de certains crimes: le principal motif etant toujours de remedier a l'humanite des jurys populaire et d'eviter acquittements ou non-lieux...

La justice professionnelle est moins sensible aux grandes envolees et aux effets de manche de la defense ou aux diatribes du parquet.

D'autre part, il semble aberrant d'etablir une distinction entre les crimes les plus graves (qui relèveraient toujours du jury d'assises) et les moins graves (qui relèveraient d'un tribunal criminel de premiere instance compose uniquement de magistrats professionnels), les deux etant soumis au second degre a la cour d'assises d'appel.

Cela aboutirait au remaniement complet de la classification des infractions: au lieu des trois existantes - les contraventions qui dependent du tribunal de police, les delits qui relèvent du tribunal correctionnel et les crimes qui reviennent a la cour d'assises -, on en aurait quatre puisqu'il y aurait les OE petits crimes ç et les OE grands crimes ç.

Si la France a fait l'objet de plusieurs condamnations par la Cour Europeenne des Droits de l'Homme tant pour la lenteur de ses procedures que pour la duree des detentions provisoires ; faute n'est en aucun cas a l'engorgement des Cour d'Assises ni a leur caractère intermittent.

Il serait interessant d'etudier l'evolution du nombre de magistrats instructeurs au cours de cette dernière decennie, non sans se feliciter de l'abandon même temporaire de la reforme visant la disparition pure et simple de la fonction.

Quant a la duree des detentions provisoires, le bilan de l'inapplication de l'article 144 du Code de Procedure Penale (Dans sa trop recente redaction) s'avererait sans nul doute edifiant a cet egard.

Le jugement des OE petits crimes ç ainsi banalise aux yeux de l'opinion publique deviendrait affaire de praticiens ; obeissant aux regles de plaidoirie correctionnelle, tendant vers une technicite toujours plus importante, diminuant la place accordee au talent et a la sensibilite des defenseurs.

Au fil du temps, la profession pourrait y perdre son sens de la rhetorique, son humanite, sa flamme, son aura, son identite...Sa dimension sociale ainsi menacee diminuerait sa force dans sa lutte permanente en faveur des libertes fondamentales et de la democratie.

* Dominique Boy-Mottard, le Monde 7 juin 2010

Psychologie criminelle et analyse comportementale des inculpés:

? Exclusion du cas des criminels récidivistes

Le présent sous-titre appelle en toute logique la nécessité de répondre a deux questions fondamentales et déterminante dans la fixation du cadre du présent document: D'une part, pourquoi pratiquer une telle exclusion; d'autre part, quelles typologies de criminels se trouvent de ce fait exclu du présent champ d'investigation ?

Exclure l'étude de l'influence des facteurs comportementaux des accusés récidivistes obéit en premier lieu a une logique statistique :* Une étude réalisée par la Sous-direction de la Statistique, des Etudes et de la Documentation révèle que sur une période d'observation de 18 ans, 137 criminels condamnés en 2001 avaient déja été sanctionnés pour un crime, soit un taux de récidive de 4,7%. Ce taux varie selon le type de crime: de 14,7% pour les vols aggravés a 1,8% pour les viols.

Parmi les 137 condamnés récidivistes de 2001, 87 l'ont été pour vol aggravé, 28 pour viol, 11 pour homicide volontaire.

Le taux de récidive par type de crime varie de 14,7 % pour les vols aggravés a 1,8% pour les viols. En matière criminelle la récidive a l'identique est fréquente (75,2 %) du fait de l'éventail réduit des types de crimes. Des différences de comportement apparaissent toutefois : près de 80% des récidivistes condamnés pour viols avaient déja étaient condamnés pour viol, près de 90 % des voleurs avaient déja commis un vol criminel, en revanche seulement 45,5 % des condamnés pour homicide volontaire avaient précédemment été condamnés pour ce type de crime.

La récidive en matière criminelle se produit en moyenne 7,2 ans après la premiere condamnation. La moitié des récidives criminelles ont lieu en moins de six ans, les trois quarts en moins de neuf ans. Ces délais peuvent paraItre courts s'agissant de condamnés criminels pour lesquels les peines d'emprisonnement ou de réclusion sont souvent très longues. Mais ils auront fréquemment subi une détention provisoire importante dont la durée s'impute sur celle de la peine. Par ailleurs les aménagements de peine anticipent la remise en liberté.

Ce délai moyen varie selon le type de crime, il s'établit a six ans pour les vols aggravés, a près de neuf ans pour les homicides et a près de sept ans lorsqu'il s'agit de viols.

S'il convient de relativiser les résultats d'une telle étude qui mériteraient une analyse approfondie de la méthodologie d'observation employée ainsi qu'une analyse comparative effectuée sur une ou plusieurs périodes différente, elle constitue néanmoins une illustration intéressante éclairant la problématique de la récidive sous un angle quantitatif : La récidive criminelle concernerait environ 5% des condamnés.

*Pierre Tournier, chercheur au CNRS, publie des résultats confirmant cette tendance ;*ces résultats ne sont pas démentis par le ministère de la justice qui publiait ainsi en 2004 une étude démontrant que seuls 2,2 % des condamnés pour homicide et 1,3 % des violeurs avaient déja un antécédent criminel.

En dépit de la multiplication des interventions politiques sur le theme de la récidive, le phénomène ne revêt pas la même ampleur quant a son effectivité que quant a sa médiatisation et a la communication accrue dont il fait l'objet ; le présent document s'attachera donc a l'étude du plus grand nombre : les criminels primaires.

Cette exclusion aboutit-elle a l'exclusion d'une typologie particulière de criminels ? Répondre par l'affirmative aboutirait a une stigmatisation du criminel incompatible avec un regard d'ouverture porté sur la question; sachant qu'environ un tiers des condamnés récidivistes le sont pour des infractions similaires, il semble d'autant plus difficilement concevable de déduire que l'exclusion des cas des criminels récidivistes entraIne l'exclusion d'une catégorie de criminels formée a partir de la nature du crime commis.

L'intérêt de l'exclusion de la récidive de la présente réflexion réside en le fait principal de la concentrer sur la problématique du comportement d'accusés non OE rodés ç aux rouages de la pratique judiciaire et n'adoptant face aux jurés et a la Cour d'autre attitude que la leur, conditionnée par le poids sensoriel et émotionnel que suscite en eux le procés.

Ces criminels donnent d'eux-mêmes une représentation induite par un afflux de sentiments dont la nature de l'expression ne sert pas toujours favorablement leur défense et rajoute a leur défenseur un échelon OE interne ç de complexité.

Les récidivistes, quant a eux, connaissent généralement le comportement attendu d'eux et tendent, sauf exception, a répondre a cette attente.

* Les condamnés de 2001, SDSED

* Pierre Tournier, la récidive criminelle a l'épreuve des chiffres * Infostats 2004


· Impact psychologique de la détention provisoire et affectation de la perception des réalités sur le comportement des accusés

Au choc genere par la commission du crime, car c'en est un pour la plupart des auteurs independamment de toute notion de premeditation d'ailleurs, succéde, le choc carceral.

La projection du presume innocent dans un univers dont jusqu' alors il ne pouvait imaginer l'interieur ; les informations, recits, lectures ou telefilms sur le sujet proposent une vision necessairement tronquee de la realite ; la vision de dehors.

Dedans, la vision est autre : Quel que soit son statut, tout detenu passe sa premiere journee en maison d'arrêt. Avant qu'un agent du greffe de l'etablissement procède aux formalites de la mise sous ecrou, l'arrivant est systematiquement soumis a une fouille integrale. Un numero d'ecrou est alors attribue au detenu, qui devra le rappeler dans toutes ses correspondances et dans tout acte de la vie quotidienne. Il est ensuite place en OE cellule d'attente ç (cellule prevue pour accueillir les arrivants) jusqu'au moment de son affectation dans une cellule ordinaire. Le detenu doit avoir la possibilite de se laver et des vêtements peuvent en principe lui être fournis s'il le demande. Il doit rapidement être mis en mesure d'informer ses proches de son incarceration par courrier.

Le rituel d'admission est necessairement degradant, quelle que soit la manière dont il est accompli par les surveillants, que ceux-ci tentent de rassurer devant un desarroi manifeste ou qu'ils traitent le lot d'arrivants comme une nouvelle fournee a dispatcher en detention. Parque dans une cellule d'attente le plus souvent exiguë, le nouveau venu sera OE libere ç pour suivre un parcourt prescrit : conduit au greffe, il devra se soumettre aux formalites anthropologiques (empreintes digitales, photo), repondre aux questions qui permettent au fonctionnaire de remplir sa fiche penale, recenser tous les objets de valeurs qu'il a sur lui (bijoux, argent, cheques) et ses papiers d'identites qui seront laisses en depôt a la OE caisse ç de l'etablissement jusqu'a sa sortie. Puis il sera accompagne au OE vestiaire ç et, la, il verra chacun de ses effets personnels fouilles et inventories, et il comprendra vite, devant l'etalage de morceaux de son intimite, qu'en prison l'usuelle distinction entre ce qui relève du prive et du public n'a plus cours. Il sera dessaisi des vêtements et autres objets qu'il n'est pas autorise a conserver en cellule et ceux-ci seront remises au vestiaire de l'etablissement, gardien pour une duree inconnue de son identite d'homme libre.

Ce choc carceral, plus de 95% des personnes poursuivies pour un crime vont le vivre, quelque soit leur age (dans les limites legales), leur sexe, l'ampleur du trouble cause a l'ordre public, le risque de recidive, de pression exercee sur les victimes ou leurs proches et les garanties de representation que ces auteurs presumes pourraient eventuellement presentees.

Sur le plan psychologique, un double traumatisme est donc a gerer, seul, dans la plupart des cas sans aucune aide, dans un univers a priori hostile dans lequel creer des liens est synonyme de risque.

Deux configurations sont alors possible: le detenu est place en cellule classique, avec d'autres codetenus avec lesquels il va devoir OE cohabiter , soit il fait l'objet d'un placement a l'isolement, seul face a lui-même, sans autre forme de communication que la faculte d'adresser des courriers a l'exterieur mais prive de toute visite, hormis celle de son avocat.

Le prevenu perçoit avec une vision pas toujours très nette, qu'en l'espace de quelque 48 heures en moyenne, il vient de quitter sa vie. Selon, les composantes de feu son existence (car il ne la retrouvera jamais en son integralite) et sa propre personnalite, la peur engendree par la perception même confuse de cette realite peut être plus ou moins intense et peut ou non s'exprimer par un comportement de repli sur soi, de fuite (la consommation de somnifères en detention est impressionnante bien que medicalement geree, sans compter la circulation de stupefiants) ou de revolte.

Plus le prevenu aura connu une vie socialement integree, plus cette etape lui sera penible a vivre.

A cette perte generalisee de repères environnementaux, sociaux, affectifs et materiels s'ajoute la reaction face a l'acte commis: reaction guidee par la nature même du crime, la possibilite ou l'impossibilite de s'en expliquer les mobiles, la presence ou l'absence de remords.

Cette reaction sera, dans la plupart des cas evolutive durant le cours de la detention, jusqu'a parfois aboutir a l'expression de sentiments diametralement opposes a ceux initialement exprimes.

Ce phenomène incontestablement lie a la duree des detentions provisoires en matière criminelle (*dont la moyenne se situe autour des vingt-trois mois) mais relève egalement de l'evolution de la personnalite confrontee a l'univers carceral.

* Rapport sur les conditions de détention en France, Sénat 2005

Il n'est pas rare, notamment en cas d'homicide involontaire ou de meurtre ulterieurement requalifie en coups et blessures ayant entraIne la mort sans intention de la donner, de voir le prevenu se confondre en remords, exprimer une immense compassion a l'egard de la victime.

Quelque soit l'acte commis, humaine est la reaction consistant a implorer le pardon des siens dans l'espoir de sauvegarder sa vie passee.

Ce remord, aussi sincere soit-il a l'instant de son expression, voit frequemment sa place evoluer dans la sphere de detresse sociale vecue par le prevenu. Centre au fil du temps sur sa personne et les evènements de la maison d'arrêt (ceux de l'exterieur ne lui parvenant que par bribes au gre des courriers ou visites) ; le prevenu s'adapte malgre lui a son environnement et evolue en fonction de ce dernier.

L'experience de l'incarceration depend de la place occupee par la prison dans l'histoire de vie des personnes ; pour un non recidiviste cette place etait jusqu'alors inexistante d'oü l'amplitude particulière du risque traumatique durable.

La souffrance liee a la privation de liberte, a la promiscuite, a la frequentation d'un milieu impose, a l'eloignement familial et affectif peut, sur la duree, être ressenti, comme une injustice en l'absence de condamnation et amener le prevenu a une attitude de victimisation. La carence de vie sociale le conduit des lors a ne considerer que la seule problematique de sa privation de liberte, excluant la prise en consideration du crime commis, la comprehension du sens des mesures ordonnees dans le cadre de l'information en cours, le sens de la repression, les actes accomplis par son avocat dans le cadre de sa defense...Lequel avocat n'etant cense n'avoir d'autre preoccupation que la remise en liberte immediate de son client.

Dans cette configuration, ramener progressivement son client au plus près de la realite des faits et du dossier relève de la gageure, necessite du temps, de la sensibilite sur le plan psychologique et parfois même de la fermete au risque de se voir dessaisi du dossier au profit de quelque confrere apportant une vision plus conforme a celle attendue par le prevenu.

Les honoraires perçus dans le cadre de procedures criminelles sont eleves diront a l'unanimite accuses et victimes ; mais ils restent sans commune mesure avec le volume d'heures consacre au traitement de ces dossiers. Les rendez-vous ou visites en maison d'arrêt seront par leur nombre et leur duree toujours insuffisants. Les interrogatoires, confrontations, reconstitution, sollicitations du prevenu d'incessantes demandes de mise en liberte provisoire, sollicitations de la famille desemparee perdue dans les meandres de la procedure ; tout cela constitue un investissement, certes professionnel mais avant tout humain. Prendre en charge un client, c'est aussi accepter et assumer le souci que l'on aura de son vecu et de son devenir a travers le prononce de la decision le concernant.

Que dire des dossiers criminels acceptes au titre de l'aide juridictionnelle par les avocats, contrairement aux idees reçues ou propagees, ils ne constituent pas un investissement au rabais ni une occasion de multiplier les actes de procedure inutiles dans le but d'augmenter le nombre d'unites de valeurs retenues pour le versement de la remuneration.

Ces dossiers concretisent la realite et la profondeur du serment des avocats. Il est au combien plus difficile de trouver un medecin acceptant la CMU. A croire que tous les serments ne conservent pas la même force a l'epreuve du temps.

Dans une perception de la realite souvent faussee par les effets de la detention, l'avocat a a accomplir une mission specifique de rationalisation et de pedagogie. Cette mission vise deja la preparation de son client a affronter son procès. Cette mission ne peut être remplie par aucun autre intervenant judiciaire ou penitentiaire ; elle implique des moyens a developper, a ameliorer, a inventer. Des moyens dont la mise en oeuvre impacte le verdict et qui, a ce titre, devraient constituer des droits de la defense.

PARTIE II:
Impact du phénomène comportemental sur les verdicts rendus

Affronter la justice criminelle est pour les parties un choc traumatique post-traumatique intervenant dans la plupart des cas a plusieurs annees d'intervalle.

Le procès marque pour la victime comme pour l'accuse un tournant de vie dont le contenu va demeurer determinant pour la page nouvelle qui commencera a s'ecrire après le verdict.

Pour la victime en vie, cela peut s'apparenter a crever l'abcès qui la ronge pour finir en paix avec elle-même ; delivree de la souillure du crime et parfois d'un sentiment de culpabilite particulièrement present en cas de viol notamment. C'est affronter le regard des autres et celui de l'auteur, soutenir l'impudicite de ce regard explorant jusqu'aux pires secondes de son existence; prendre conscience de la necessite de ce regard et du verdict qui en resultera comme d'une etape cruciale dans sa demarche de reconstruction personnelle

Pour les proches de la victime decedee, bien après les obseques, le verdict ouvrira la phase de deuil ; levant parfois les dernières interrogations sur la mort ou les raisons de la mort ; entendre l'innentendable est preferable au silence.

Pour l'accuse qui ne dement pas sa culpabilite, le face a face est d'abord avec lui-même avant de soutenir le regard des autres. Face a face avec l'horreur, terrorise par sa propre personnalite, rejetant le moi monstrueux qui le repugne et fuyant sa responsabilite, revendicatif et se posant en victime, accable, glacial, silencieux, centre sur sa personne, meprisant la victime...en aucun cas indifferent. Ce comportement evolutif a chaque seconde sera observe, analyse, disseque par les jures... influant de façon consciente ou inconsciente sur la construction de l'intime conviction de chacun d'eux.

Si nul ne peut combattre l'impression produite par les traits d'un visage, l'attitude et le verbe peuvent en revanche faire l'objet non de correction mais de preparation visant a limiter tout risque d'impact negatif. Cette tâche incombe a l'avocat (particulièrement a l'avocat de la defense mais aussi a celui de la partie civile) qui aura soin de prevenir les reactions intempestives ou inappropriees, les tentatives de prise de parole desordonnees, les marques d'indifference apparentes, les colères debordantes, les excès de langages ou les digressions.

? Impact sur la construction de la stratégie de défense et sur les verdicts rendus :

Dans la preparation du proces avec son client, l'avocat ne dispose que de peu de donnees relatives a sa personnalite et autres que la relation qu'il a lui-même nouee avec l'interesse ; en depit des expertises et investigations effectuees au cours de l'information. Il se doit donc d'envisager les situations les plus difficilement supportables, de les evoquer si besoin precisement afin d'apprehender les reactions de son client et de les reprendre avec lui en explicitant chaque fois les consequences potentielles et l'interpretation qui peut en decouler. Cette preparation constitue un travail realise dans la duree et dont le degre de difficulte s'evalue au fil des entretiens. La progression dans la comprehension des choses et dans la gestion des emotions n'est pas lineaire ; toute la maItrise travaillee precedemment peut a tout moment être aneantie par une pensee ou un evènement perturbateur.

Parfois, l'avocat ne dispose que d'un temps reduit a consacrer a cette phase preparatoire, s'il vient par exemple d'être saisi du dossier jusqu'alors gere par un autre confrere. La prise en main du dossier après clâture de l'information par exemple, le prive de l'observation des reactions de son client aux auditions, confrontations, reconstitution. Il apprehendera la situation au vu des elements du dossier et surtout au vu de l'impression laissee par les contacts sporadiques qu'il aura eu avec son client.

Expertises psychiatriques et psychologiques, une problématique entrecroisée :

La formulation des questions posees a l'expert psychiatre s'inspire directement de la redaction de l'article 122-1 du Code Penal ; celle des questions posees au psychologue du huitième alinea de l'article 81 du même code. Ces formulations peuvent engendrer certaines difficultes :* La Cour d'Assises, compte-tenu de l'oralite des debats est le revelateur des difficultes d'articulation entre les deux types d'intervention, qui devraient être specifiques, mais qui, pour des raisons liees a l'histoire, aux approximations de la procedure, a la personnalite et a la formation des experts se chevauchent dans le meilleur des cas, se contaminent dans d'autres, obscurcissant ou alourdissant les debats, avec les consequences que l'on peut imaginer sur le deroulement du procés et sur le justiciable.

*L'expertise psychiatrique penale, Bruno Gravier

*Certains avancent la nécessité d'une réforme réaliste de l'OEexpertise psychiatriqueç et de l'OEexpertise psychologiqueç. Face a l'évolution prévisible des effectifs de psychiatres (en baisse) et de psychologues (en hausse) ces deux appellations d'expertise devraient être abandonnées au profit d'un concept unique d'OEexpertise mentaleç réalisée indifféremment par des psychiatres ou par des psychologues sélectionnés sur la base de leurs compétences évaluées pour mener a bien ces missions. La mise en place de quelques autres grands principes (création d'un consensus clinique et juridique de l'expertise mentale, obligation de formation harmonisée et actualisée des experts, prise en compte de l'expérience professionnelle des experts, temps passé et périodes opportunes pour réaliser les expertises, revalorisation des actes d'expertise) permettrait de mettre a la disposition de la justice et des justiciables des effectifs suffisants d'experts de qualité sur l'ensemble du territoire national

La seconde problématique réside dans les conditions de réalisation de ces expertises :

Celles-ci sont dans la plupart des cas réalisées en une voire deux visites rendues au prévenu placé dans le contexte de la détention provisoire. Ces visites dont la durée varie de deux a trois heures sont-elles suffisantes pour permettre pour permettre a l'expert de réaliser une analyse au plus près de la personnalité de l'accusé ?

Réalisées trop tot, les manifestations symptomatiques liées au choc carcéral peuvent impacter les résultats de l'expertise ; mais réalisées tardivement, OE l'accoutumance ç a la gestion de la situation d'incarcération peut produire semblable effet. L'extraction pourrait être une solution partielle même si davantage mobilisatrice de moyens humains et financiers.

Failles de l'enquete de personnalit

L'objectif de l'enquête de personnalité est de produire un " portrait social " et une analyse de cette image réfractée par l'intéressé et par son entourage. De manière approfondie, l'enquêteur vérifie et développe les éléments concernant l'histoire de l'intéressé, sa personnalité, sa situation matérielle, familiale et sociale. S'il n'est pas rare de voir l'exécution de cette mesure confiée au secteur associatif spécialisée s'agissant des auteurs de délits ou des victimes ; l'enquête de personnalité en matière criminelle demeure fréquemment effectuée par les services de police ou de gendarmerie recevant commission rogatoire pour entendre les personnes susceptibles d'apporter un éclairage sur la personnalité de l'accusé. Contrairement aux associations, la police ou la gendarmerie disposent ici de moyens d'action limités par un cadre dont la modification est soumise a l'obtention d'une nouvelle commission rogatoire, octroyée ou non par le magistrat. La pratique associative révèle une méthodologie plus souple, permettant peut-être une meilleure adaptation des auditions au vécu de l'intéressé. L'enquêteur rencontre l'intéressé, sujet de l'enquête, soit dans des locaux sécurisés au Palais de justice, soit en maison d'arrêt, pour un entretien de deux a trois heures. Son entourage est ensuite contacté et/ou rencontré pour enrichir le recueil d'informations biographiques ou a caractère psychosocial et professionnel. L'enquête ainsi rédigée est systématiquement relue par le chef de service ou son adjointe puis transmise au juge prescripteur. Pour les missions criminelles, les enquêteurs, au même titre que la police ou la gendarmerie peuvent être amenés a témoigner en cour d'assises lors du proces pour lequel l'enquête a été réalisée. Le témoignage est alors préparé en détails avec un responsable du service. Les salariés en charge de ces missions sont généralement psychologues, juristes ou issus de formations sociales. Leur regard et leur expérience est par nature différent de celui d'un policier ou d'un gendarme. Le rendu sera donc différent.

Ici encore, l'objectivité requise par l'article 81 alinéa1 est confrontée a une problématique de délai et de moyens : D'une part, il n'est pas concevable que l'exécution des commissions rogatoires ou des enquêtes puissent constituer une cause supplémentaire d'allongement des procédures; d'autres part, il n'est pas admissible de voir clOturer une enquête de personnalité bâclée pour cette même raison. La seule surveillance des échanges de courrier peut-elle dispenser le magistrat instructeur de l'audition de l'ex-épouse et de l'épouse de l'accusé, par exemple ?

Enfin, il sera parfois difficile d'obtenir un portrait réaliste de l'accusé beaucoup plus enclin a citer les personnes dont il sait qu'elles donneront de lui une vision positive que de communiquer l'identité de personnes avec lesquelles il aura eu des relations plus complexes quelque soit le cadre de celles-ci.

N'oublions pas les cas oü l'enquête de personnalité se révèle quasiment vaine : crime commis par un SDF de passage dans une région ou toute personne non stabilisée socialement donc sans attache ni véritable entourage.

*revue internationale de victimologie, JP Bouchard

Carence de formation de la profession d'avocat

La place de la psychologie dans la profession d'avocat est grandissante, tout domaine d'intervention confondus. Ce constat directement issu du quotidien fait l'objet d'une reflexion de la commission prospective du Conseil National des Barreaux :* Même si le droit reste le fil conducteur de l'avocat, celui-ci doit recourir la psychologie. La psychologie doit être un outil au service de l'avocat lui permettant de mieux gerer son dossier, mieux accompagner le client mais aussi mieux gerer son stress personnel. La psychologie se developpe dans les affaires, civiles, sociales et familiales ; en matière penale et plus particulièrement en matière criminelle, elle revêt une importance specifique largement evoquee dans le present document.

L'avocat developpe avec l'experience la connaissance de la psychologie humaine, ce qui, pour autant, ne suffit pas a limiter le risque de se sentir demuni face a un client au comportement irrationnel, instable ou agressif. D'autre part, l'acquisition de l'experience necessite bien evidemment une duree de pratique professionnelle plus ou moins longue selon les aptitudes de chacun a l'approche psychologique. Durant, cette periode d'acquisition de la competence, le risque d'erreur est accru, risque aux consequences non negligeables pour le client mais egalement pour l'avocat dont la carrière debute et qui a besoin de forger sa reputation.

Le besoin recense par le CNB se situe sur un double niveau : celui de la connaissance au service du client mais aussi celui du soutien au service de l'avocat lui-même. Si la psychologie fait son entree dans la formation continue, elle demeure encore absente du cursus de formation initiale.

S'agissant d'un besoin de soutien, celui-ci peine a s'exprimer pour de multiples raisons aisement comprehensibles : la profession est par nature stressante et difficile ; ceux qui l'embrassent en sont generalement conscients et manifestent la volonte d'assumer seuls cette responsabilite. D'autre part, chacun d'entre eux a a l'esprit la necessite de preserver l'image de la profession et cet enjeu collectif prime sur les enjeux individuels. Les difficultes psychologiques pas plus que les difficultes economiques ne sont evoquees. Là ou se decident de la liberte des individus ou de leur privation de liberte pour des durees generalement longues, les deux niveaux de besoins se combinent : la capacite a gerer le comportement d'un accuse et a y adapter sa strategie de defense dont une part de l'elaboration se fait au fil du deroulement du procés depend aussi de l'etat psychologique du defenseur qui doit surmonter sa propre problematique pour se concentrer sur sa mission. L'eloquence en depend et dans une certaine mesure l'intime conviction aussi.

Peines susceptibles d'être aggravées du fait de facteurs comportementaux non dOmonstrateurs de dangerosité.

Les arrêts rendus par les Cours d'Assises ne sont pas motives; il en consequence impossible de connaItre le fondement de l'intime conviction des jures. L'intime conviction est le contraire d'un raisonnement legal construit tendant vers la declaration de culpabilite. Elle ressemble plus au mode de croyance du profane que celui que doit avoir un juriste. L'intime conviction fait place a des decisions purement subjectives et non objectives. Elle n'est pas reellement conciliable avec le principe selon lequel le doute profite a l'accuse, doute qui se trouve de la sorte ampute de toute sa substance.

Or, si precisement cette intime conviction semble relever du ressenti; elle fait necessairement place a l'humain dans l'integralite de sa perception de l'autre. D'oü l'interdependance de la sanction prononcee, avec, entre autres facteurs, le comportement de l'accuse, voire sa presentation, son aspect physique.

L'avocat, dans sa preparation du procès, tentera d'inviter son client a la moderation de ses propos dans le choix des termes employes (plus ou moins large selon le niveau de culture de l'interesse) et dans l'intonation. Il l'invitera a des explications les plus claires et concises possibles, a se concentrer sur la question sans en elargir le champ, a l'exception des points contestes qui devront l'être brièvement. C'est a l'avocat que revient la tâche d'expliciter les fondements de ces contestations.

Cependant, en fonction du contexte unique de chaque affaire, de la personnalite du client et de son etat psychologique de l'instant, le risque de voir ces conseils balayes par l'emotion n'est jamais nul. Cette emotion qu'un jure sera naturellement enclin entendre de la part de la victime ou de ses proches sera perçue de façon beaucoup plus aleatoire si exprimee par l'accuse. Le sentiment de revolte et la colère sont particulièrement dangereux pour ce dernier même si, dans de nombreux cas, ils temoignent d'une souffrance de n'être pas cru ou incompris dans les explications fournies ; voire d'un besoin d'exprimer une profonde detresse, certes differente mais parfois tout aussi intense que celle de la victime.

Mais la traduction de telles emotions passent souvent par la noirceur du regard, la hauteur du son de la voix, une gestuelle excessive... autant de signes qui peuvent être interpretes comme marques de dangerosite. S'il est capable de s'emporter dans une salle d'audience, lieu oü par nature il devrait faire preuve de retenue, que pourrait-il faire dans un contexte de liberte ?

La prise en compte du paroxysme des emotions suscitees par un procès criminel peut être exclue de l'analyse faite de l'attitude de la personne.

* CNB

La peur règne sur ces moments: les jures aussi ont la leur, celle de commettre une erreur, de ne pas être la hauteur de la responsabilite qui est la leur. Centres sur leur peur, ils peuvent en oublier celle de l'accuse qui l'amène a tous les etats, de la prostration a la prise de risque.

Le silence même donne lieu a interpretation : froideur, indifference quant au sort de la victime et a son propre sort, absence de regrets...Capable de recidive ?

Il arrive frequemment qu'au fil du procès, aprioris et idees reçues s'estompent au profit d'une recherche reelle de comprehension; le sentiment d'investissement d'une mission aidant. Cela n'occulte pas pour autant l'importance de l'impression laissee par un comportement quelque soit son mode d'expression et le risque de voir la peine prononcee sur la base d'une intime conviction forgee sur cet element ; lequel ne pouvant être qualifies de demonstrateur de dangerosite.

Au-delà de la presentation, de l'attitude et de l'expression de l'individu, le contenu de ses propos est de la plus haute importance: il est necessaire prealablement au deroulement de procés de parcourir une ultime fois le recit des faits avec son client, de s'assurer de chaque etape, de façon aussi detaillee que possible. Soulever les difficultes pouvant resulter des contradictions de la version soutenue et du resultat des mesures expertales diligentees est notamment capital: A titre d'exemple, la contradiction du geste effectue par l'accuse lors de la reconstitution et du rapport d'autopsie demontrant une difference remarquable de distance du tir ne manquera pas d'être remarquee et de soulever un questionnement.

L'avocat sait qu'entre un tir a dix metres et une autopsie relevant les brulures circulaires d'un tir a bout portant ou a bout touchant selon leur profondeur et leur circonference ne passera pas inaperçue. Il se doit d'interpeller son client sur le risque engendre par le maintien de sa version. Il se doit d'expliquer a celui qui s'enferre dans le mensonge par peur de sa condamnation que la sincerite est son meilleur allie ; il se doit de ne pas adherer a des strategies bancales tout droit sorties d'une imagination debordante d'angoisse. L'horreur même peut se decrire, susciter des tentatives de comprehension; le mensonge grossier ou decouvert ne recevra comme echo que la severite.

Démultiplication du phénomène en cas de co-auteurs ou complices : des défenses parfois inconciliables.

Le risque genere par le facteur comportemental se trouve en toute logique multiplie par le nombre d'accuses ; autant de personnalites, autant de risques. Le constat relève de l'evidence mais merite neanmoins qu'une attention y soit portee car source de problematiques pour les avocats, qui bien que côte a côte, savent qu'ils auront a gerer des defenses parfois inconciliables lorsque divergent les versions des faits, parfois fondamentalement, lorsque chacun des co-auteurs ou complices tentent de minimiser sa participation par un recit accablant son comparse.

Les praticiens ont parfaitement conscience que ce type de conflit, en cas d'eclatement en audience constitue un risque aggrave pour la defense dans son ensemble. Generalement, ils en connaissent l'existence au vu des elements du dossier car les contradictions emergent des interrogatoires, des confrontations et du comportement de chacun lors de la reconstitution. Cette connaissance leur permet parfois d'eluder le point litigieux, selon sa nature et son impact sur la comprehension de l'affaire. S'il s'avère impossible qu'il ne soit pas evoque ; ils tenteront d'abord de cadrer le debat sur un plan technique le cas echeant.

L'objectif reside en l'absence d'affrontement au sein de la defense car cela tend a produire sur les jures une impression negative. La contestation floue la manifestation de la verite, le manque de clarte traduit une volonte de dissimulation de la realite. Loin de creer un doute profitable a la defense, elle renforce le crime par le mensonge, car parmi les versions donnees, certaines sont inevitablement erronees.

? Pistes de réflexion et d'appréhension du phénomène :

Se pretendre en capacite de gerer, contrâler, canaliser la nature humaine placee dans un contexte d'extrême difficulte et detresse psychologique relève du domaine de l'utopie voire de l'imposture. Ce ne peut être un objectif même enonce dans l'interêt exclusif de la personne defendue. La profession d'avocat ne saurait imaginer un seul instant faire fi du respect de l'autre et des libertes fondamentales que sont en l'occurrence la liberte de pensee ou d'expression. L'enjeu n'est jamais d'imposer ; il reside en la recherche de la comprehension et de l'adhesion du client a la strategie adoptee pour sa defense.

Cette adhesion passe par la conviction de ce dernier que le choix des arguments developpes constitue pour lui la solution la plus rationnelle ou en tout cas la moins pire dans le but de reduire autant que faire ce peut la sanction prononcee au regard de la peine encourue.

L'adhesion de la personne a la strategie employee pour la defendre implique d'amener celle-ci a se positionner comme actrice de sa defense et non en spectatrice de son avocat. Etre acteur de sa defense suppose de veiller a observer en toutes circonstances un comportement modere et courtois que l'impulsion ne doit en aucun cas guider.

Parvenir a ce resultat est plus ou moins difficile selon les personnalites ; pour l'avocat cela implique non seulement la confiance de son client mais aussi de disposer de moyens adaptes. Ces moyens peuvent être internes a la profession mais egalement externes a celle-ci; touchant au contexte environnemental de l'accuse.

La problematique des victimes est abordee de façon plus specifique par la collectivite ; un accompagnement psychologique est systematiquement propose. Son abord n'est en rien plus facile mais très different et necessitant un approfondissement impossible dans le present cadre d'etude ; aussi les axes de progrès potentiels degages sont plus precisement orientes vers la defense.

Formation des avocats

*Le projet de resolution presente par la commission prospective du Conseil National des Barreaux sur le theme OE Avocat et psychologie ç propose des avances interessantes, principalement axees sur un objectif de mieux vivre sa profession en levant des l'accès a l'EDA un certain nombre d'interrogations fondamentales quant a la gestion de l'avenir des elèves avocats. Il s'agit d'expliciter des questions essentiellement d'ordre pratique, liees a la gestion d'un cabinet ou l'insertion au sein d'un cabinet afin de limiter le stress lie a la meconnaissance de ces fonctionnements et a l'apprehension relationnelle et economique. Des preconisations sont egalement formulees au stade de la formation continue et en direction de la gestion du besoin de soutien psychologique emanant de la profession.

Cette preoccupation de l'etat psychologique des avocats est legitime et en lien direct avec le contexte par nature conflictuel dans lequel ils evoluent.

La commission souhaite engager une reflexion sur la mise en place d'un test d'aptitude a l'examen d'entree a la profession d'avocat, cela qui pourrait constituer une etape interessante a condition toutefois de savoir eviter les ecueils de la subjectivite a combien nombreux sur le terrain de l'analyse des savoir-être : Ce test devrait être integre aux formalites d'inscription aux IEJ, en amont des epreuves classiques. Son contenu pourrait être elabore par des psychologues sur la base de comportements definis comme attendus par la profession dans le cadre de mises en situation. Il s'agirait cependant de ne pas anticiper une demande en competences qui seront acquises ulterieurement, a l'EDA notamment. Les objectifs du test viseraient a evaluer des savoir-être de base en matière de capacite de concentration, de tenacite, de resistance au stress, de gestion de conflit et d'aisance relationnelle...au sein desquels une place devrait être reservee a l'expression du candidat permettant d'evaluer sa conception de la profession, ses attentes et son degre d'engagement dans celle-ci. La difficulte ne se situe pas tant au stade de l'identification des aptitudes attendues mais dans le choix d'une methode d'evaluation de celles-ci. Il n'est pas souhaitable de voir un tel test doubler par son contenu, le grand oral par exemple.

Au-dela des preconisations deja formulees et s'agissant de la psychologie mise de façon directe au service de la clientele, une formation de base pourrait être proposee au niveau de l'EDA, de façon facultative, dans le cadre du semestre consacre au projet professionnel personnalise. Cette formation, dont la duree devrait être necessairement restreinte au profit de la densite afin de ne pas rallonger la formation dont la charge financière pèse sur la profession, pourrait perdre son caractère facultatif des lors que le projet elabore tendrait vers une pre-specialisation en matière penale.

Le complement a cette base residerait essentiellement dans l'acquisition de l'experience mais des modules de formation continue pourraient être organises en lien avec des thematiques specifiques afin de permettre l'abord des questions psychologiques appliquees a des contextes juridiques particuliers.

* CNB

Ce mode d'organisation, proche des contenus de formation continue proposes par l'ENM (formations auxquelles les avocats ont accès) serait plus aisement accessible a la profession car moins eloigne geographiquement si dispense par les EDA ; ces formations seraient bien sOr prises en compte au titre des vingt heures annuelles obligatoires.

Evolutions souhaitable du régime de detention preventive et développement du role des associations d'aide aux détenus

Du tabou au cheminement de la reflexion sur la situation des detenus, la progression se caracterise par sa lenteur. L'image de la prison est naturellement rattachee a la condamnation et a la peine purgee ; il en decoule une faible sensibilite de l'opinion publique face a la situation de ceux qui s'y trouvent. C'est oublier la proportion encore importante des prevenus en attente de jugement et par consequent presumes innocents. Reduire l'impact du choc carceral et de la detention sur les individus doit constituer un objectif. Au stade de la detention preventive, il est necessaire de parvenir a instaurer un regime differentiel effectif plus compatible avec le respect de la presomption d'innocence. Le mixage de population et l'absence de gestion adaptee des locaux lies au manque de moyens ne peuvent continuer a constituer l'unique reponse apportee a une problematique d'une telle ampleur humaine. L'emprisonnement cellulaire individuel est demeure un voeu pieux sous le règne de la promiscuite.

Dans les maisons d'arrêt, il n'est pas rare de constater que la seule difference notoire entre le regime d'incarceration des prevenus et celui des condamnes est le nombre hebdomadaires de parloirs qui peuvent leur être accordes (deux pour les prevenus, un pour les condamnes).

L'absence totale de prise en consideration de la situation sociale et familiale du prevenu renforce la violence du choc cause par sa projection dans le milieu carceral : permettre au magistrat instructeur de OE ventiler ç coauteurs et complices dans les etablissements penitentiaires de la region afin d'eviter tout contact entre eux ; ce peut être aussi augmenter l'isolement du prevenu qui, incarcere a des kilomètres de son domicile recevra peu de visites de son entourage dont la situation materielle se trouve frequemment fragilisee du fait de l'incarceration ; c'est aussi choisir d'accroitre le risque de rupture familiale. Sans compter le fait qu'une telle pratique engendre d'autres difficultes qui peuvent sembler materielles et derisoires mais sont cruciales pour un detenu : l'entretien de son linge et donc l'enjeu de son hygiene personnelle et de sa dignite, le coOt des transports subi par ses proches qui influera peut-être sur leur capacite a lui adresser des mandats pour lui permettre de cantiner...

Peut-on decemment se contenter de considerer qu'il n'aurait pas du par ses actes se placer dans une situation de risque d'incarceration ? N'oublions pas qu'a ce stade de la procedure, il est toujours presume innocent...

Si l'on peut aisement entendre le fait que les necessites de l'instruction requierent l'interdiction de tout contact entre les co-prevenus, on peut aussi entendre qu'il puisse être mis en oeuvre d'autres securites pour parvenir a cet objectif que la solution simpliste de l'eloignement geographique.

D'autre part, le placement d'un prevenu a l'isolement constitue un moyen de pression psychologique tout aussi deloyal que la fabrication de preuves ; or, si cette dernière est lourdement sanctionnee l'isolement, lui, est pratique en toute legalite. L'individu passe en l'espace d'au maximum 72 heures de la liberte a l'absence et la prohibition de tout contact avec autrui. Seul face a lui-même, ne disposant d'aucun droit de visite hormis son avocat et les gardiens qui, en depit de leur eventuelle bonne volonte, ne peuvent lui accorder davantage que de courtes minutes pour parler. Il conserve le droit a la correspondance. Il n'est pas rare qu'au cours de cette periode l'observation de la correspondance revèle un etat de confusion voire un etat depressif profond duquel il mettra parfois longtemps a sortir. Des symptômes physiques peuvent être constates : après deux mois d'isolement, la voix est changee, eteinte ; elle se ranimera progressivement avec l'usage retrouve.

Les liens actuels de rattachement de l'infraction au ressort du tribunal competent ne permettent pas davantage la prise en compte de cette problematique : le lieu d'arrestation et le lieu de detention tendent a favoriser le deracinement des individus : l'arrestation peut, au gre des circonstances, se derouler aux antipodes du lieu de vie, il serait en consequence souhaitable qu'elle ne figure au rang des liens de rattachement determinant la competence territoriale dans le seul cas oü la procedure prevoit la jonction ou l'indivisibilite. Le lieu de detention ne devrait pas, etant donne l'inexistence de regles autre que la gestion des places disponibles, pouvoir être pris en compte au titre des liens de rattachement. En effet, la competence geographique determinee va souvent induire les decisions prises quant a l'etablissement auquel sera adresse le mandat de depôt et conditionnera pour de longs mois l'eloignement du detenu de ses proches.

Le milieu carceral ne peut pas par nature être ouvert sur l'exterieur ; il se doit neanmoins de permettre au secteur associatif specialise un accés et le tissage de liens psychologiquement necessaires au detenu pour limiter les mefaits engendres par une deconnexion faussant la perception des realites. Les associations intervenant auprès de ces publics sont assez peu nombreuses, disposent de moyens limites et interviennent

sur des champs d'intervention reduits. Si le reseau fonctionne relativement bien autour des centres de detention ; la presence associative est plus limitee au voisinage des maisons d'arrêt. La pratique des visiteurs de prison est essentielle car elle constitue un contact exterieur avec lequel le detenu peut nouer des liens; un contact non concerne par son affaire et centre sur l'ecoute. Cependant, la mission de ces benevoles ne peut aller au-dela de l'attention et du reconfort moral prodigue. Elle n'a pas pour finalite l'apport d'un soutien psychologique qui dans ce cadre fait cruellement defaut.

Systématisation de prise en charge psychologique et expertise construite a partir d'une relation suivie.

La proposition d'une visite de psychologue en dehors du contexte de l'expertise obligatoire est frequemment formulee au detenu. Son effectivite reste subordonnee a l'echo reçu d'une part car ce type de demarche rendue obligatoire se vide instantanement de sa substance, d'autre part, cette intervention qui demeure ponctuelle est loin d'être suffisante. La visite permet de debonder mais non d'entamer un veritable travail de fond autour de l'acte commis et du vecu de la detention. Il serait necessaire de se doter de moyens importants permettant la mise en place de suivi a la demande des detenus.

Les personnes adherentes a cette proposition seraient informees du fait que l'expertise psychologique serait effectuee par le praticien en charge de ce suivi; solution compatible avec celle de l'expertise unique precedemment evoquee.

Les personnes non adherentes a cette proposition feraient l'objet d'une expertise classiquement organisee. Une telle preconisation necessite l'elargissement de la reflexion a la possibilite pour le praticien de conserver le recul necessaire a l'accomplissement de sa mission mais aussi aux moyens materiels qui devraient être mobilises : L'augmentation du temps consacre a l'expertise via la mise en place d'un suivi mobilise des coOts supplementaires et peut-être rendue difficile par le nombre d'experts relativement faibles au regard du nombre de cas a traiter par ressort de cour d'appel, d'autant que les experts exercent a titre principal d'autres fonctions et que ces professions tendent vers une certaine penurie. Il pourrait être fait appel au secteur associatif specialise dont l'intervention serait sans doute moins coOteuse et dont la proximite faciliterait l'accomplissement de ces missions. Certaines associations emploient du personnel qualifie et pourraient sous reserve de la mise en place d'un cadre d'intervention formalise être mandatees et financees pour ce faire.

Lien entre défenseur et praticien

Actuellement, ce lien n'existe pas et tend même vers une certaine forme de prohibition puisque l'avocat doit se contenter de recevoir le resultat des expertises psychologique et psychiatrique et d'eventuellement solliciter une contre-expertise. La non information de la designation de l'expert prealablement a l'accomplissement de sa mission peut s'apparenter a une certaine forme de diabolisation de la profession d'avocat qui pourrait detenir un pouvoir d'influence sur des professionnels de la connaissance du fonctionnement de l'humain !!! ...C'est la prêter aux avocats une faculte de retournement dont ils aimeraient sans doute disposer, malheureusement pour leurs clients, ils ne sont encore que des hommes et des femmes, anges c'est a voir, gardiens... des libertes fondamentales sans doute ; mais Josephine...le droit de rêver ne peut être ôte a quiconque.

Le contact etabli entre avocat et expert pourrait enrichir la connaissance dont ce dernier dispose du dossier. L'avocat se forge une vision singuliere de l'accuse car celui-ci lui accorde sa confiance et s'exprimera beaucoup plus aisement auprès de lui que face a un psychologue ou psychiatre qu'il tendra a considerer avec une certaine defiance. Sans pour autant trahir le secret professionnel, l'avocat peut apporter des elements non de fait mais de perception de son client. Ce contact s'etablirait a l'initiative de l'avocat, facultativement et selon ce que ce dernier estime pouvoir fournir comme eclairage dans l'interêt de son client. La critique issue du risque a voir s'etablir une relation entre avocat et expert est sans objet, d'autant que cette même relation existe entre expert et magistrat.

Eriger les mesures préconisées externes a la profession d'avocat en composantes effective de l'exercice des droits de la defense.

Reforme de l'expertise psychiatrique et psychologique, instauration du suivi psychologique effectif sur demande des prevenus, ouverture a l'avocat d'une possibilite de contact avec l'expert : De telles mesures necessiteraient une reforme en consequence du code de procedure penale accompagnee d'une reflexion conduite sur le regime des nullites auxquelles ces mesures se rattacheraient. Il en va de leur portee et de leur effectivite, s'agissant notamment de la proposition de suivi psychologique faite au detenu et de l'information de l'avocat de l'expert designe de façon a lui permettre s'il le souhaite d'etablir le contact. Nullite textuelle ou virtuelle, peu importe ; le debat se situe bien davantage sur la reconnaissance ou non du caractère d'interêt general de ces deux mesures. A priori, ces nullites seraient des nullites d'interêt prive car les mesures visees

semblent bénéficier au seul mis en examen et par consequent, leur invocation serait subordonnée a la demonstration de l'existence d'un grief.

En revanche, leur rattachement aux formalités de clâture de l'information, par exemple en conditionnant la validité de l'arrêt de mise en accusation a l'adjonction a ce dernier du compte rendu de l'exécution de ces mesures, pourrait permettre de les lier a l'intérêt de la bonne administration de la justice et de les ériger au rang des nullités d'intérêt general, cette conception integrant la prise en compte du caractère intrinseque du grief. L'invalidité de l'arrêt de mise en accusation emporterait d'office la fin des effets du mandat de dépôt auquel se substituerait le placement sous contrâle judiciaire de l'intéressé pour la durée.

Du pied de l'avocat glisse en 1798 dans la porte du cabinet d'instruction a l'étendue actuelle des droits de la defense, deux portes fondamentales demeurent a ouvrir : celle du commissariat dont les verrous commencent a ceder et celle de la maison d'arrêt pour adapter le traitement des prévenus aux exigences requises par la présomption d'innocence.

Le comportement de l'accusé guide par son avocat répond a deux enjeux fondamentaux : celui d'une defense de qualite et celui d'un procès equitable dans une conception infiniment plus large que celle enoncee par la jurisprudence de la Cour Europeenne des Droits de l'Homme.

CONCLUSION

Renforcer les droits de la defense, mieux armer les avocats pour lutter contre les multiples assauts du tout repressif equivaut sans conteste a plaider a contre-courant de notre epoque, a lutter contre les derives d'un regime dissimulant son autoritarisme sous une rigueur rendue incontournable dans un contexte de crise.

Face a la manipulation de l'opinion publique a qui l'on explique a grand renfort d'exemples cibles que la securite est un objectif repondant a son besoin ; les concepts positivistes ressortent des placards, depoussieres, astiques, savamment saupoudres de notions non juridiquement definies telles la dangerosite, la deviance...

La necessaire justification des mesures proposees passe par une phase d'objectivation et d'amoindrissement du principe de personnalisation de la peine, comme si l'automatisation de la sanction pouvait constituer un remède contre le crime.

N'en deplaise a ceux qui portent l'ideologie d'une societe ayant vaincu le crime; ce dernier ne peut être eradique quelque soit la politique penale mise en oeuvre : le crime fait partie integrante de la vie sociale dont il est lui-même le produit.

En revanche, le portrait même du criminel semble evoluer, plongeant au choeur du système judiciaire des individus qui, contrairement a tout dogme positiviste, n'ont a priori aucune <<raison ç de s'y retrouver. Des individus de plus en plus jeunes et d'autres de plus en plus âges ; pour ces derniers souvent decrits comme sans histoire par leur entourage. Les stereotypes du tueur en serie et du crime organise font sans nul doute recette sur ecran mais sont loin d'être a l'origine de l'engorgement des cours d'assises. Le crime actuel est le reflet des maux de notre societe souffrant la perte de ses valeurs, l'eclatement de la cellule familiale, la solitude et le chômage recurrent...

Hormis la specificite des crimes revelateurs de pathologies, le criminel d'aujourd'hui peut être potentiellement chacun d'entre nous dans un geste d'impuissance, de desesperance, de lassitude face aux difficultes de la vie...Près de 80% d'entre eux ne recidiveront jamais ; a commencer par les auteurs de viols dont seulement environ 2% reitèrent leur crime; est-ce par crainte de se voir appliquer une peine plancher ?

Si la mobilisation dans la lutte contre la criminalite est necessaire, encore faut-il situer les interventions au niveau ou elles auront une chance de produire l'effet escompte soit la diminution des crimes et non la satisfaction de l'electorat.

La prevention de la delinquance a desormais quitte ces frontières, envahit la quasi-totalite des domaines de l'interventionnisme public, de l'education nationale a l'aide sociale.

Apprehender les ressorts de la psychologie de ces individus dont la vie bascule soudain dans le crime, sans le moindre precedent, sans le plus infime signe avant coureur, est un enjeu majeur pour l'avocat penaliste qui tient a bout de bras ou plus exactement de voix les prochaines annees de la vie de son client.

La profession a conscience de cet enjeu et de ses responsabilites. Elle sait aussi que son positionnement et son engagement dans une reflexion sur la place de la psychologie ne saurait suffire en depit de toutes les resolutions qui pourront être prises.

Il appartient a l'ensemble des acteurs politiques ou judiciaires d'introduire le facteur psychologique dans leur reflexion vers des axes de progrès, pour une procedure penale plus respectueuse de la presomption d'innocence, pour une applicabilite plus effective des dispositions de l'article 144 du dit code; pour lutter contre la survivance du traumatisme vecu bien au-dela de la duree de la peine prononcee.

La victime demande respect de sa souffrance et indemnisation du prejudice subi; par notamment la loi sur la retention de sOrete, la societe demande l'acharnement sur le condamne ayant purge sa peine... De l'ancien regime a l'epoque contemporaine, sommes-nous seulement passe de la vengeance privee a la vengeance publique ? Quand serons-nous donc en capacite de bannir ce terme de notre système repressif ?

SOURCES

Ouvrages :

L'aveu, Renaud Dulong

Histoire du droit criminel des peuples anciens, A du Boyes Aperçu de l'histoire du droit pénal français, JP Doucet Introduction a l'histoire du droit pénal, Dalloz

Guide des archives judiciaires et pénitentiaires, JC Farcy Droit pénal spécial, précis Dalloz

La victimisation, Souad Bouaoili-Ait Ouarab

Médiatiser ou média-attiser le crime Mickael Tantinne Place des experts Me François Gibault

La parole est a la défense Me Emile Polack

Revues:

Journal international de victimologie, article de Jean-Pierre Bouchard 2006 Revue international de droit pénal ERES 2001

Le jury en France, une histoire jamais terminée, Jean Pradel

Le Monde, article de Dominique Boy-Mottard 7 juin 2010

Etudes:

Les tournantes, Laurent Mucheilli

L'expert et l'avocat dans le procès pénal, Philippe Thomas Les condamnés de 2001, SDSED

Les conditions de détention en France, Sénat 2005 L'expertise psychiatrique pénale, Bruno Gravier

Sites Internet:

Association Lysias

Droit criminel

Archives de France

Sénat

Légifrance

Criminocorpus

Ministère de la Justice et des Libertés

Documentation Française

Amnesty International

Journal d'un avocat

Centre National de Documentation Pédagogique Conseil National des Barreaux

Citoyens et Justice






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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote