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Usages et pratiques d'internet par les étudiants au Cameroun: quels enjeux ?

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par Hermann ESSOUKAN EPEE
Université Stendhal-Grenoble 3 - Master 2 2014
  

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V-2 DEFINITIONS DES CONCEPTS :

- Usage :

L'un des premiers emplois de la notion d'usage en sociologie des médias provient du courant fonctionnaliste américain des « uses and gratifications », proche de l'École de Columbia. Dans les décennies 1960 et 1970, des chercheurs désirent prendre une distance face à la pensée unitaire dominante décrivant l'action des médias trop exclusivement en termes d'effets (« ce que les médias font aux gens »). Ils cherchent à abandonner ce média-centrisme. Ils proposent un déplacement du programme de recherche vers les usages (« ce que font les gens avec les médias »). Ils postulent ainsi que les membres des audiences utilisent « activement » les médias pour en retirer des satisfactions spécifiques répondant à des besoins psychologiques ou psychosociologiques55(*).

Dans le dictionnaire Robert de sociologie (1999), l'usage renvoie à « l'utilisation d'un objet, naturel ou symbolique, à des fins particulières ». On pense ici aux usages sociaux d'un bien, d'un instrument, d'un objet pour mettre en relief « les significations culturelles complexes de ces conduites de la vie quotidienne ». C'est assurément ce sens qui est utilisé dans le contexte des études d'usages des TIC. Pour Proulx, les usages sociaux sont définis comme les patterns d'usages d'individus ou de collectifs d'individus (strates, catégories, classes) qui s'avèrent relativement stabilisés sur une période historique plus ou moins longue, à l'échelle d'ensembles sociaux plus larges (groupes, communautés, sociétés, civilisations)56(*).

Avec Millerand (1998), le terme « usage » peut être utilisé pour signifier à la fois utilisation, pratique et appropriation. Il renvoie ainsi à un continuum de définitions qui vont de l'adoption à l'appropriation en passant par l'utilisation (Breton et Proulx, 2002)57(*). Emmanuel Béché quant-à lui, défini les usages comme des tâches, actions et activités à connotations techniques, sociales et cognitives qui sont effectivement réalisées avec une technologie58(*).

Dans de nombreux travaux, l'usage est conçu comme un construit social ; mais les divers cadres d'analyses théoriques du concept, a amené Pierre Chambat à nuancer. Pour ce dernier : « Alors que la question des usages occupe une place importante, voire centrale dans la sociologie des TIC, le contenu et le statut théorique sont loin de faire consensus. Il serait vain de prétendre en apporter ici une définition, car sa signification résulte d'opinions théoriques qui la dépassent : elle participe en effet de débats qui opposent, en sociologie, l'agent et l'acteur, les niveaux micro et macro, la technique et le social, l'empirisme et la théorie critique. Elle constitue donc moins un point d'appui qu'un noeud de difficultés, d'autant que s'ajoutent les incertitudes sur la communication comme objet scientifique. Notion carrefour, l'usage peut cependant être l'occasion des confrontations entre les disciplines qui se partagent le champ de communication. Encore faut il dépasser le stade de l'accumulation des monographies sur telle ou telle technique particulière et sortir d'un schéma linéaire plaçant les usages en bout de course59(*) ».

Malgré cette posture de Chambat qui stipule que l'usage ne peut être défini dans son ensemble nous pouvons souligner avec Josiane Jouët que les usages sont souvent le prolongement de pratiques sociales déjà formées comme le bricolage domestique exercé par les premiers programmeurs amateurs. Pour cette dernière, de l'adoption à la banalisation, la construction de l'usage s'opère par étapes marquées par le désenchantement de la technique, par un rétrécissement des usages au regard des attentes initiales et des emplois frénétiques de la phase d'exploration, bref par son passage au statut d'objet d'ordinaire qui l'incorpore dans les pratiques sociales60(*).

Bien que nous partageons l'avis de Pierre Chambat, nous emploierons le terme d'usage selon Josiane Jouët ; puisque nous tenons compte des bricolages, de la banalisation d'Internet lors de son usage par les acteurs sociaux. En d'autres termes, nous mettons l'accent sur «ce que les usagers (étudiants) font du Net ».

- Pratique :

Yoann Bazin nous précise qu'il n'existe pas d'approche unifiée du concept de pratique. Ce qui devient compréhensible si l'on considère la littérature sur la pratique comme un « point de tension » dans l'action humaine - tension déjà présente dés l'étymologie du terme. D'un côté, le terme de pratique est emprunté au grec ancien où prassein qui signifie « faire, exécuter, accomplir » mais aussi « traverser, parcourir ». On y trouve donc une dimension de conduite de l'action atteignant un objectif ; elle est un medium complet et efficace pour atteindre un objectif fixé. Avec ce dernier pratiquer c'est, étymologiquement, mener une action à bien, concevoir et réaliser une activité : la modeler. Il est intéressant de souligner ici que ce n'est pas tant l'objectif qui est central mais bien sa réalisation via une conduite définie et répétitive : la pratique61(*).

Pour l'auteur (...) Toute l'ambiguïté de la pratique vient du fait que, d'un autre côté, le latin pratice renvoie à la vie active et à la conduite des affaires et que le praktikê grec se rapporte à la science pratique (en opposition la theoretikê ou à la gnôstikê, la théorie comme science spéculative) et relève de ce que l'on pourrait appeler un rapport au monde. Elle devient plus une attitude ou une posture qu'une action efficace62(*).

Ainsi, pour Schatzki et al. (2001), la pratique est l'unité d'un champ, d'un réseau de pratiques humaines interconnectées, elle est fondamentalement collective puisqu'elle se construit et se transmet dans un processus de socialisation et s'organise sur la base d'un ensemble de compréhension pratiques partagées. Selon Bourdieu, le champ est à la fois le lieu d'origine et de réalisation des pratiques, il est un espace structuré de positions dans lequel la vie sociale trouve son sens63(*). La pratique n'existe donc pas en dehors d'un espace social où les individus évoluent. Étant un produit de l'histoire de l'acteur et du champ social, l'habitus va générer des pratiques qui sont à la fois fondamentalement individuelles et toujours collectives64(*).

Avec Rouleau Linda et al, il s'agit de comprendre comment les individus réalisent leurs actions en contexte, étant entendu que ces actions ne sont pas le seul fait d'une délibération, mais qu'elles s'inscrivent dans un contexte de relations sociales, de significations, de règles et routines, de savoir-faire et d'objectifs donnant sens à l'action; autrement dit que ces actions actualisent et renouvellent un ensemble de pratiques existantes. C'est ce que l'on entend généralement par perspective de la pratique65(*).

La pratique est une activité mettant en oeuvre les principes d'un art ou d'une science, d'une doctrine ou d'un corps obligatoire66(*). Selon Lévy-Bruhl, elle désigne les règles de la conduite individuelle et collective, le système des devoirs et des droits, en un mot les rapports moraux des hommes entre eux67(*).

La notion de pratique chez Michel de Certeau se situe « entre sa dimension stratégique (le lien) et sa dimension tactique (l'autre) »68(*). Ihadjadene en abordant le concept établit un net distinguo ; pour lui l' « usage » désigne la façon dont on utilise le dispositif et la « pratique » les études centrées sur l'humain qui analysent son comportement, ses représentations son état cognitif ses attitudes.

Nous nous inscrivons dans le même sillage qu'Ihadjadene, nous établissons une différence entre l'usage et la pratique d'Internet. L'usage implique la dimension technique et technologique de l'objet (fonctions et services qui permettent les usages) et la pratique implique la dimension sociale (culture, conduites, compétences, habitudes, représentations).

- Internet :

Etymologiquement Internet est une abréviation de l'anglais international network, « réseau international ». Employé avec une majuscule, le mot désigne la même réalité en anglais et en français. Avec une minuscule, le mot anglais désigne une interconnexion de réseaux informatiques. Parler d'Internet avec une majuscule signifie en revanche que l'on se réfère au réseau mondial le plus étendu69(*).

Pour Francis Balle, Internet est un réseau mondial constitué lui-même par une multitude de réseaux informatiques de dimension locale, régionale, nationale ou continentale reliés les uns aux autres, interconnectés. Pour l'auteur c'est un mode de communication planétaire accessible à tous70(*).

Avec Serge Cacaly et al, Internet est l'interconnexion des réseaux de transmission (...) cette possibilité d'échanger les données avec les environnements divers va modifier le comportement de nombreux universitaires, lesquels mettront au point et installeront gratuitement sur le réseau mondial aussi constitué plusieurs outils facilitant l'usage « du réseau des réseaux »71(*).

Jacques Le Bohec définit Internet comme un Réseau informatique mondial qui permet de télécharger et d'expédier des documents, de s'informer sur les sites ou les blogs, de jouer en ligne, de gérer ses messages électroniques, de chatter avec ses amis, d'acheter et de partager des oeuvres culturelles (peer to peer), de remplir des formalités administratives, etc.72(*)

Bernard Lamizet et Ahmed Silem quant-à eux abordent une dimension tout autre. Alors que l'on parle de plus en plus d'autoroutes de l'information, censées véhiculer aisément et rapidement textes, sons et images, selon ces auteurs Internet opérationnel depuis plusieurs années, préfigure ce que pourrait être un réseau international de communication. Expérience scientifique grandeur nature pour les uns, « lieu de rencontre le plus branché depuis woodstock » pour les autres73(*). Les auteurs considèrent Internet comme un espace sociologique de communication ; pour eux, Internet est né de la collaboration entre la politique publique, les industriels et le monde de la recherche (...) ils continuent en affirmant que la définition sociologique de la nature de l'espace de communication que représente Internet se pose. Internet donne l'image d'une métaphore de démocratie ; car les principes qui ont présidé à l'évolution de l'Internet favorisent l'égalité des usages et la liberté de tous74(*).

La définition de Bernard Lamizet et Ahmed Silem nous semble la plus appropriée, bien que nous concevons également Internet comme une épée à double lames tranchantes qui peut servir d'une part à la manifestation d'une démocratie et d'autre part comme outil de répression. Cela étant dit, dans notre étude Nous définissons Internet comme une plate-forme de réseautage informant et communicant, qui permet de générer des négociations entre usagers dans le processus relationnel de médiation et de médiatisation.

- Appropriation :

Le concept appropriation tire ses origines du latin « proprius » et « ation ». Le radical « Propius » renvoie à la fois à « celui que je suis » et à « ce qui m'appartient en propre » ; le suffixe « ation » renvoie à « l'action en train de s'accomplir ». Ainsi, nous aborderons le concept d'appropriation selon les auteurs appartenant à différentes disciplines et courant de pensées.

Avec le philosophe Haumesser, l'appropriation se définit à travers quatre notions : l'aliénation(l'appropriation passe par une croyance, une culture, une technologie de l'objet étranger qui devient propre à l'individu), l'intériorisation(l'individu à travers l'apprentissage modifie les règles de l'usage de l'objet de l'appropriation et les ajustent dans le but de singulariser l'objet), la singularisation() et la volonté autonome de l'individu(elle ne vise pas la modification de l'objet d'appropriation, toutefois se présente comme une stratégie individuelle propre à faciliter l'apprentissage)75(*).

Dans ses propos, Haumesser met en exergue la volonté consciente de l'individu sans laquelle l'appropriation ne peut se réaliser. Pour ce dernier, par opposition à un processus naturel, l'appropriation est un processus voulu car l'objet de l'appropriation ne provient pas de l'individu, il vient s'ajouter comme une « seconde nature » à l'individu.

En sociologie le concept d'appropriation trouve son origine dans l'anthropologie de Karl Marx, qui l'inscrit dans sa conception du travail comme l'impulsion motrice primordiale76(*). L'appropriation désigne, chez Marx, le processus par lequel les hommes dépassent ce qu'ils ont extériorisé grâce à un effort d'objectivation pour s'engendrer eux-mêmes à travers la maîtrise et l'évolution de savoirs. L'école marxiste met ainsi en lumière les dimensions majeures de l'appropriation : L'action sur le monde, le travail, la praxis.

Pour les sociologues, l'appropriation peut être définit comme un processus dont les acquis, l'instabilité et les recherches de nouveaux équilibres correspondent à la dynamique de l'identité individuelle. C'est un accomplissement intérieur. C'est aussi, par nature, une expérience socialement médiatisée, qui implique donc l'existence de modèles transmis, en particulier, par l'éducation77(*).

Avec Proulx ces travaux s'inscrivent dans les courants dits de l'autonomie sociale : l'appropriation est un procès à la fois individuel et social. Josiane Jouët quant-à elle, trouve que l'appropriation est un autre acte qui parcourt les problématiques des usages domestiques et professionnels et que l'on retrouve analysée dans sa dimension subjective et collective. Pour l'auteure, « L'appropriation est un procès : elle est l'acte de se constituer un soi »78(*). Dans la construction de l'usage elle se fonde aussi sur des processus qui témoignent d'une mise en jeu de l'identité personnelle et de l'identité sociale de l'individu. L'appropriation précède alors d'une double affirmation : de la singularité et de l'appartenance qui relie au corps social79(*).

Ainsi, nous pouvons comprendre travers ces définitions que l'appropriation est un processus individuel dont l'expression se manifeste au niveau social. Cette définition de Josiane Jouet est adaptée à notre étude, mais nous tenons également compte des conditions de réalisation de l'appropriation selon Serge Proulx.

Avec Serge Proulx, quatre conditions sont requises pour que l'appropriation d'une technique s'avère : a) maîtrise technique et cognitive de l'artefact ; b) intégration significative de l'objet technique dans la pratique quotidienne de l'usager ; c) l'usage répété de cette technologie ouvre vers des possibilités de création (actions qui génèrent de la nouveauté dans la pratique sociale) ; d) finalement, à un niveau plus proprement collectif, l'appropriation sociale suppose que les usagers soient adéquatement représentés dans l'établissement de politiques publiques et en même temps pris en compte dans les processus d'innovation (production industrielle et distribution commerciale) (voir Breton et Proulx, 2002, chapitre 11)80(*).

En sus, il est important de souligner avec Nelly Massard81(*) que l'appropriation recouvre trois processus donnant lieu chacun à un résultat qu'elle a nommé « état » d'appropriation :

- Le processus cognitif, issu des travaux en Sciences du langage, en Sciences de l'éducation, en Ergonomie. A ce niveau l'appropriation est le processus qui permet à un individu de rééquilibrer sa structure cognitive suite à des perturbations dans son environnement. Ses représentations vont guider son action avec l'outil et cette action va réactualiser ses représentations. C'est un processus récursif. Le résultat de ce processus est une « stabilité » retrouvée suite à cette phase de perturbation dans la structure cognitive de l'individu. Dans le cas de l'appropriation d'un outil, il se manifeste par une récurrence en termes d'utilisation et se caractérise par une maîtrise cognitive et technique minimale du dispositif technique pour en faire usage. Dans le cas de l'appropriation d'un savoir, on parle d'une intériorisation des connaissances.

- Le processus de construction de sens, à partir des travaux en Sociologie des usages, en Sciences de l'Information et de la Communication, en Sociologie et Psychologie du travail. L'appropriation ici est le processus par lequel un individu va investir des significations, des valeurs dans l'usage de l'outil. C'est le processus par lequel un individu va donner du sens à un outil. Ces études s'appuient sur le fait que le concepteur d'un objet a des usages prescrits et l'utilisateur via un processus d'appropriation va construire son propre usage de celui-ci. Et, lorsque l'outil est mis en production, l'utilisateur via le processus d'appropriation va construire son usage propre. La littérature explorée montre que le mécanisme est le suivant : l'acteur va choisir parmi un ensemble de possibles, et construire son usage pour donner du sens et de l'efficience à la technologie. Le résultat du processus est caractérisé, par un écart d'usage entre ceux imaginés par les concepteurs et ceux effectifs des utilisateurs, et par des usages différents entre utilisateurs dans un même contexte.

- Le processus de formation de pratiques qui provient des travaux en Sciences de gestion, et notamment l'approche structurationniste. L'appropriation est le processus par lequel les routines de l'organisation vont se construire sur les bases des propriétés de la technologie. Le mécanisme (au niveau organisationnel) est le suivant : L'organisation a des structures sociales. Le développeur de la technologie incorpore les structures sociales de l'organisation dans la technologie. La technologie a des structures sociales (des caractéristiques structurelles et l'esprit). Son introduction va perturber la stabilité de l'organisation. A partir de plusieurs cycles de structuration (action des utilisateurs avec la technologie), il y a production de structures sociales de l'organisation avec une technologie en usage. L'organisation retrouve ainsi une stabilité.

C'est par l'appropriation des technologies que de nouvelles structures émergent dans l'organisation, ce qui explique donc les changements vécus par une organisation avec l'introduction de TIC. Le résultat de ce processus se caractérise par une stabilité en termes de structures de l'organisation suite à des transformations structurelles plus ou moins importantes.

Au delà des définitions se rapportant uniquement à des disciplines ou à des courants de pensées, Nelly Massard apporte une définition intégrante qui permet de prendre en compte les facteurs cognitif, relationnel et praxéologique de l'appropriation.

- Dispositif :

La plupart des définitions en Sciences de l'Information et de la Communication, se rapportant au dispositif s'appuie sur les travaux de Michel Foucault, qui définit le dispositif comme : « Un ensemble hétérogène, comportant des discours, des institutions, des aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que du non-dit82(*)». Nous comprenons donc avec Foucault que le dispositif est de nature essentiellement stratégique. Ce qui suppose qu'il s'agit là d'une certaine manipulation de rapports de forces, d'une intervention rationnelle et concertée dans ces rapports de forces, soit pour les développer dans telle direction, soit pour les bloquer, ou pour les stabiliser, les utiliser. Le dispositif est donc toujours inscrit dans un jeu de pouvoir, mais toujours lié aussi à une ou des bornes de savoir, qui en naissent mais, tout autant le conditionnent. C'est cela le dispositif : des stratégies de rapports de forces supportant des types de savoir, et supportés par eux83(*).

S'inscrivant dans le même sillage que Foucault, Giorgio Agamben84(*) appelle dispositif : « tout ce qui a, d'une manière ou d'une autre, la capacité de capturer, d'orienter, de déterminer, d'intercepter, de modeler, de contrôler et d'assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants ». L'auteur donne une définition plus grande à la classe déjà très vaste des dispositifs de Foucault, et inclut dans les dispositifs non seulement les prisons, les asiles, les écoles, les usines, les disciplines, la confession, les mesures juridiques, dont l'articulation avec le pouvoir est en un sens évident. Mais aussi, le stylo, l'écriture, la littérature, la philosophie, l'agriculture, la cigarette, la navigation, les ordinateurs, les téléphones portables et, pourquoi pas le langage lui-même.

Ce qui est d'avantage intéressant dans la pensée de Giorgio Agamben, c'est qu'il en ressort deux grands ensembles ou classes : d'une part les êtres vivants (ou les substances), de l'autre les dispositifs à l'intérieur desquels ils ne cessent d'être saisis ; entre les deux classes (...) résulte de la relation. Pour l'auteur pour parler de dispositif, il faudrait faire allusion à la subjectivation. Car, un même individu, une même substance, peuvent être le lieu de plusieurs processus de subjectivation : l'utilisateur de téléphones portables, l'internaute, l'auteur de récits, le passionné de tango, l'altermondialiste, etc. La définition de Giorgio Agamben nous semble plus adéquate, car en abordant le concept de dispositif l'auteur ressort la dimension relationnelle qui existe entre l'Homme et les dispositifs, entrainant ainsi la subjectivation.

Ainsi, pour Armand et Michelle Mattelart, le terme dispositif renvoie à l'idée d'organisation et de réseau. Il désigne un ensemble hétérogène qui englobe discours, institution, architecture, décisions réglementaires, lois et mesures administratives, énoncés scientifiques, propositions philosophiques, morales et philanthropiques85(*).

En Sciences de l'Information et de la Communication, nous affirment Appel V., Boulanger H., Massou L., le dispositif est une notion clé intimement liée à l'analyse des processus de médiation, analyse qui permet notamment d'associer l'étude des supports médiatiques et technologiques à celle des enjeux et acteurs de situations sociales particulières. Dans ses usages et mutations, le dispositif peut être envisagé comme instrument de captation et de compréhension des processus de médiation et des situations (ou contrats) de communication, en identifiant les composants en jeu et leurs articulations86(*).

Dès lors, pour Philippe Breton, J. Caune, Dominique Wolton et al, un dispositif est un agencement d'éléments, organisé selon une intention plus ou moins visible et cherchant à atteindre des effets (objectifs, finalités). Il n'est pas isolé. Il dépend « d'objets de même nature qui le précédent et qui le suivent ». Un dispositif est composé d'éléments stables et intangibles auxquels se greffent des procédures, des actions de médiation et des outils dérivés de leur fonction première (guides, annuaires, diverses ressources, etc.). Les dispositifs sont considérés comme des réseaux de médiation du savoir, où sont en tension des échanges, des transmissions et des productions87(*).

Avec Boyomo Assala, entre la médiation et les dispositifs, il existe des passerelles qui interpénètrent, juxtaposent et entrecroisent les deux concepts88(*). C'est ainsi qu'il mentionne plusieurs formes de dispositifs en communication des organisations : les dispositifs de médiation des organisations, les dispositifs institutionnels, les dispositifs formels et techniques de la communication des organisations. Et ces dispositifs permettent selon lui, à la communication de gérer et d'entretenir des sentiments d'appartenance et de véhiculer des référents identitaires organisationnels89(*).

Pour Ngo Ndom Nina90(*), le dispositif désigne un complexe d'humain et de non humain à travers lequel s'échange l'information ; et les dispositifs communicationnels subsument des représentations idéologiques relatives à leurs utilisateurs. L'auteure relève dans un premier temps un appel respectif des positions des intervenants ou des utilisateurs, ensuite représente les dispositifs de communication comme des appareillages qui permettent d'asseoir et de véhiculer des idéologies.

En s'inscrivant dans le même sillage qu'Agamben, nous entendons par dispositif :

« Tout réseau coercitif d'éléments concrets mis en relation, au sein duquel se définissent les manières de faire, d'agir et de sentir propres à induire les comportements, à orienter les modes de penser et à modifier les visions du monde91(*)».

* 55 Proulx Serge; Penser les usages des TIC aujourd'hui : enjeux, modèles, tendances in Lise Vieira et Nathalie Pinède, éds, Enjeux et usages des TIC : aspects sociaux et culturels, t. 1, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2005, p. 7-20, disponible sur http://www.sergeproulx.info

* 56 Ibid. Proulx, 2005

* 57 Béché Emmanuel ; Usages et représentations sociales de l'ordinateur chez les élèves dans deux lycées du Cameroun. Esquisse d'une approche de l'appropriation des technologies. Éducation. Université de Liège, Belgique; Université de Yaoundé I, Cameroun, 2013, disponible sur https://tel.archives-ouvertes.fr

* 58 Ibid. Béché Emmanuel

* 59 Chambat Pierre ; Usages des technologies de l'information et de la communication (TIC) : évolution des problématiques, TIS, vol. 6, n°3, Dunod, 1994, p. 249-270

* 60 Op. Cit. ; Retour critique sur la sociologie des usages, In: Réseaux, 2000

* 61 Bazin Yoann ; Lente acquisition de la pratique et construction de l'expérience: vers une gérontocratie organisationnelle ? Management & Avenir, 2009/10 n° 30, p. 90-106, disponible sur http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009-10-page-90.htm

* 62 Ibid. Bazin Yoann

* 63 Caro Jean-Yves ; La sociologie de Pierre Bourdieu : éléments pour une théorie du champ politique, Revue française de science politique, volume 30, 1980 disponible sur http://www.persee.fr 

* 64 Ibid. Bazin Yoann

* 65 Rouleau Linda, Allard-Poesi Florence, Warnier Vanessa ; Le management stratégique en pratiques, Revue française de gestion 5/2007 (n° 174), p. 15-24 disponible sur www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-5-page-15.htm

* 66 Ferréol Gilles (dir) ; Dictionnaire de sociologie, 4e édition (revue et augmentée), Paris, Armand Colin, 2011

* 67 Lévy-Bruhl Lucien ; La morale et la science des moeurs, Paris, Alcan, 1903, p. 9

* 68 Freijomil Andrés G., « Les pratiques de la lecture chez Michel de Certeau », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 44 | 2009, mis en ligne le 16 novembre 2011, consulté le 04 juin 2015. URL : http://ccrh.revues.org/3533 ; DOI : 10.4000/ccrh.3533

* 69 Corroy Laurence, Gonnet Jacques ; Dictionnaire d'initiation à l'info-com, 2e Edition, Paris, Vuibert, 2008, p. 169

* 70 Balle Francis (dir) ; Dictionnaire des Médias, Paris Larousse, 1998, p. 129

* 71 Cacaly Serge, Le Coadic Yves-François, Pomart Paul-Dominique, Sutter Eric, Dictionnaire de l'information, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2008, p. 144

* 72 Le Bohec Jacques, Dictionnaire du journalisme et des médias, Mayenne, Presses Universitaires de Rennes, 2010, p. 317

* 73 Lamizet Bernard, Silem Ahmed ; Dictionnaire encyclopédique des sciences de l'information et de la communication, Paris, ellipses/édiction markéting S.A, 1997, p. 313

* 74 Ibid. Lamizet, Silem, p. 316

* 75 Haumesser, M. ; « La « seconde nature », entre propre et appropriation » 2004, in J.-P. Zarader (dir.) ; La propriété : le propre, l'appropriation, CAPES/Agrégation Philosophie, Paris, Ellipses, p. 93

* 76 Serfaty-Garzon, P.; L'appropriation, 2003, in M. Segaud, J. Brun et J.-C., Driant (dir.); Dictionnaire critique de l'habitat et du logement, Paris, Éditions Armand Colin, p.27-30 disponible sur http://www.perlaserfaty.net

* 77 Ibid. Serfaty-Garzon

* 78 Jouët Josiane; Retour critique sur la sociologie des usages, In: Réseaux, 2000, volume 18 n°100. pp. 487-521, disponible sur http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reso.

* 79 Op. Cit. ; Retour critique sur la sociologie des usages

* 80 Proulx Serge; Penser les usages des TIC aujourd'hui : enjeux, modèles, tendances in Lise Vieira et Nathalie Pinède, éds, Enjeux et usages des TIC : aspects sociaux et culturels, t. 1, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2005, p. 7-20, disponible sur http://www.sergeproulx.info

* 81 Massard Nelly, Revisiter la notion d'appropriation : Pour une application au cas des ERP, Sciences de Gestion, Université Claude Bernard, Lyon 1 Institut Universitaire de Technologie A

* 82 Foucault M. ; Dits et écrits, volume III, p.299, in Qu'est-ce qu'un dispositif ? Agamben G. p.9-10

* 83 Ibid. p. 9

* 84 Agamben Giorgio ; Qu'est-ce qu'un dispositif ? Edition Payot et Rivage, Paris, 2007, p.31-32

* 85 Mattelart A., Mattelart M. ; Histoire des théories de la communication, Edition La Découverte, Paris, 2004, p.53

* 86 Appel V., Boulanger H., Massou L. (dir.) ; Les dispositifs d'information et de communication, concept, usages et objets, De Boeck, Bruxelles, 2010, p.9-10

* 87 Op.cit. Médiations, p. 153-154

* 88 Op.cit. Communication organisationnelle, sociologie de la médiation organisationnelle, p.20

* 89 I bid. p.101

* 90 Op. cit. p.14

* 91 Essoukan Epée Hermann ; Missions et défis du journal d'entreprise dans les organisations au Cameroun : entre propagande blanche, marketing holiste et construction d'une image institutionnelle, Mémoire de DEA/Master II en Communication des organisations, Université de Douala, Douala, 2014

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