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Expérience client et cross-canal: quels sont les enjeux de la cross-canalité dans le pilotage de l'expérience client

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par Sandra LEGER
ISC Paris Business School - Master 2 2015
  

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Introduction

En décembre 2014, Philippe Mauchamp écrivait pour le Cercle les Echos « Cross-canal : un facilitateur d'achat pour une expérience client réussie »1. C'est en partant de cet article que nous avons voulu nous pencher sur l'expérience client dans un univers cross-canal et plus particulièrement sur la valeur accordée à ces expériences. Est-ce vraiment facile ? Dans un contexte de consommation ubiquitaire, les entreprises sont amenées à créer de nombreux points de contact pour être présent, en permanence, dans la vie du client. On parle donc de stratégie cross-canal. De ce fait, en étant au contact permanent de ses clients, l'entreprise doit apprendre à gérer ses «moments» de contacts avec le client, car chacun de ces «moments» laisse une trace dans l'esprit du client, que l'on peut qualifier d'expérience, puisqu'il s'agit d'un vécu entre le client et la marque.

La problématique à laquelle nous souhaitons répondre est la suivante :

Expérience client et cross-canal : quels sont les enjeux de la cross-canalité dans le pilotage de l'expérience client ?

Pour tenter de répondre à cette problématique, il est nécessaire de se poser plusieurs questions : - Sur le cross-canal : comment se manifeste une stratégie cross-canal dans les entreprises et en quoi l'adopter est-il nécessaire ? Pourquoi en est-on arrivé au cross-canal ? Quels sont les risques et les enjeux d'une telle stratégie ?

- Sur l'expérience : comment peut-on définir l'expérience ? Quels sont les termes que l'on peut associer à l'expérience ? Lesquels sont importants pour les entreprises aujourd'hui ? Est-ce que l'expérience client est réellement prise en compte par les entreprises ? L'expérience client se limite-t-elle à l'expérience de consommation ?

Ce sujet est aujourd'hui très largement abordé (par des experts, des étudiants, dans la presse, etc.), c'est pourquoi, nous avons choisi de construire notre réflexion à partir des deux livres blancs écrits par Catherine Barba en 2011 et 20132. Cependant, il était nécessaire de faire de nombreuses recherches au travers de lectures d'ouvrages et d'articles de recherches principalement, sur le marketing expérientiel, l'émotion, l'évolution des mentalités en entreprises et les attentes des clients. Le sujet étant très actuel, la lecture d'articles sur internet pouvait permettre de donner une vision différente des auteurs experts mais au vu de la multitude d'articles, nous avons choisi de s'en servir pour mesurer les grandes tendances mais de ne pas

1 Philippe Mauchamp, PDG du Groupe 361 sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-119344-cross-canal-un-facilitateur-dachat-pour-une-experience-client-reussie-1070001.php#

2 BARBA, « 2020 la fin du e-commerce, l'avènement du commerce connecté », 2011 et BARBA, « Le magasin n'est pas mort », 2013

7

les citer. Enfin, pour avoir des réponses précises sur les points restés en suspens à la suite de ces lectures, il apparaissait utile de rencontrer des professionnels, soit expert dans le domaine de l'expérience client, notamment dans un univers cross-canal, soit des équipes au contact du client. Enfin, interroger le client a permis de vérifier si ses attentes étaient en adéquation avec les démarches initiées par les entreprises.

Dans une première partie, correspondant à notre revue de littérature, nous proposerons une définition du cross-canal puis nous aborderons l'évolution du concept ainsi que les risques identifiés pour vérifier l'intérêt d'une telle stratégie. Puis, après avoir défini l'expérience client de la manière la plus complète possible, les composantes de celle-ci seront détaillées, qu'elles soient propres au client (émotions, réflexes, etc.) ou qu'elles fassent partie de son environnement (social, technologique, lieu, etc.). C'est avec une attention particulière que nous avons choisi d'aborder la notion de satisfaction car il était important de vérifier s'il existait une corrélation entre expérience et satisfaction : l'expérience client a-t-elle une valeur pour le client et pour l'entreprise ? En évoquant les limites de l'expérience client, cela nous amènera à nous interroger, dans notre seconde partie, sur ses enjeux et ses limites dans une stratégie cross-canal. A ce stade, l'intérêt d'interroger les professionnels et les clients s'avérait alors primordial, pour vérifier les hypothèses et répondre aux interrogations posées à l'issue de notre première partie. Enfin, dans notre troisième partie, nous fournirons une analyse critique de tout ce qui a été étudié précédemment, où nous ferons des suggestions pour participer à l'amélioration de l'expérience client, apparue comme fondamentale tout au long de nos recherches.

8

1 Partie 1 : revue de littérature : cross-canal et expérience client

L'expérience client et le cross-canal, deux thèmes très à la mode qui semblent incontournables pour pouvoir rester dans la course à la transformation digitale, sont ici abordés, analysés et traités sous plusieurs angles.

A l'issue de toutes les lectures et diverses recherches, cela nous conduira à la deuxième partie où nous mettrons en évidence quelques points restés en suspens.

1.1 Le cross-canal

Après avoir défini et décrit, de la manière la plus détaillée possible, ce qu'est le cross-canal, nous allons retracer l'historique puis les raisons qui ont menées les entreprises à se lancer dans «l'aventure cross-canal» ; nous abordons ensuite les ruptures qui existent aujourd'hui entre les canaux et au regard des conséquences que cela peut engendrer, nous allons entrevoir les pistes qui peuvent être envisagées pour l'avenir.

1.1.1 Définition

DESCRIPTION PHYSIQUE

Cross-canal, que l'on peut traduire littéralement par «canaux croisés», est en fait un « enchevêtrement de canaux voulu par le client » (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011). Il s'agit d'une réponse aux besoins et aux demandes des clients selon Trunick3 ou alors, c'est lorsque « le consommateur fréquente plusieurs canaux lors de la même décision d'achat » (Cliquet & Hure, 2011). Nous allons donc commencer par identifier les différents canaux, que l'on peut regrouper sous les catégories suivantes (Llosa & Renaudin, 2012) :

-Vente en face-à-face (magasin, vente à domicile, foire/salon...),

-Centre d'appels (assistance, vente, démarchage...),

-Médias écrits (courrier, mail, sms...),

-Sites et Mobiles (site web de la marque, application, site optimisé pour mobile...),

-Self-care4 (FAQ5, suivi colis, borne d'information...)

L'ensemble de ces canaux représentent des points de contact avec le client (Bodin, 2014) qui interagissent nécessairement entre eux car « les sphères virtuelles et réelles de l'enseigne

3 « a response to customer needs and demands » (Trunick, 2015)

4 Correspond au libre-service ou «faire soi-même»

5 Signifie «Foire aux questions»

9

semblent progressivement devoir se rapprocher » (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011), autrement dit, le online et le offline6 sortent de leurs silos. Pour faire du cross-canal, non seulement, ces canaux doivent se rencontrer mais aussi apprendre à communiquer :

-entre eux (adopter un langage commun à tous les canaux, des outils communs)

-avec le client (être cohérent sur la communication faite au client, quel que soit le canal)

UN « CANAL MARKETING »

Si nous parlons de points de contact (Bodin, 2014) plutôt que de canaux de distribution, c'est parce que les canaux peuvent avoir une dimension relationnelle et/ou transactionnelle. La notion de canal marketing semble donc appropriée pour aborder et justifier la multiplicité des canaux s'offrant aux clients. Le canal marketing, qui « est composé de deux canaux : d'une part, un canal de distribution, et d'autre part, un canal de communication » (Cliquet, 2011), va permettre de comprendre l'intérêt de chaque canal même s'il ne génère pas de chiffre d'affaire directement. On parle par exemple de « voies multiples pour obtenir de l'information ou acheter des biens et des services » (Llosa & Renaudin, 2012)

S'il s'agit de tous les points de contact avec le client, on peut alors l'assimiler au parcours client, puisque l'organisation, en étant multicanal, cherche à être présente à tous les niveaux du parcours d'achat du client.

Figure de Loïc Bodin, « Le parcours d'achat consommateur » (Bodin, 2014)

En voulant agir à tous les niveaux du parcours d'achat, nous allons voir pourquoi et comment les organisations sont arrivées à une stratégie cross-canal.

6 Online et Offline correspondant au commerce en ligne et au commerce en dur.

10

HISTORIQUE

Avant de rentrer dans le détail de l'intérêt du cross-canal pour une marque, nous allons voir quelles ont été les raisons du déploiement du multicanal dans un premier temps. Avec l'arrivée des sites e-commerce, les entreprises «brick and mortar»7 ont d'abord voulu être présentes sur internet pour pouvoir capter de nouveaux clients mais aussi, pour que leurs clients magasins ne partent pas chez leurs concurrents sur internet. Ils sont donc devenus «click and mortar»8. On choisit alors de faire du multicanal car c'est un « must-have » (Llosa & Renaudin, 2012). Il faut être présent sur le web, et en même temps, c'est « un atout incomparable que de disposer d'un réseau «en dur» pour offrir aux consommateurs une expérience shopping plus riche et plus complète qu'aucun pure player ne saura proposer, lui qui n'existe pas IRL («In Real Life») » (Barba, 2011)9.

Une organisation multicanal est donc une organisation qui possède simplement plusieurs canaux pour entrer en contact avec le client. Il a été possible de voir l'exemple de Nouvelles Frontières qui, en 2006, possédait un réseau d'agences (en propre et franchisées), un plateau téléphonique (pour renseigner les clients, effectuer les réservations, suivre les dossiers...), un site web informatif et transactionnel...etc. Le client pouvait alors passer par n'importe lequel de ces canaux, mais ces canaux restaient indépendants les uns des autres. Voyons alors comment le multicanal est devenu cross-canal ou omni-canal.

1.1.2 L'évolution des mentalités, du multi-canal à l'omni-canal

DE LA STRATEGIE D'ENTREPRISE A LA REPONSE ORGANISATIONNELLE

Le multicanal a d'abord été une stratégie d'entreprise, parfois inconsciente (Cliquet, 2011), pour être présent partout où se trouvait le client, pour faire mieux que la concurrence mais surtout être là où va le consommateur.

CLIENTS

Le client a le choix de la direction qu'il veut prendre, plusieurs canaux s'offrent à lui, il n'a plus qu'à choisir.10

7 Cela correspond aux commerces en dur, aux magasins.

8 Cela fait référence au «brick and mortar» avec la notion du commerce en ligne en plus.

9 L'exemple de Pixmania avait justement été cité pour appuyer l'importance de posséder un réseau «en dur», mais ce pure Player n'a pas réussi à s'implanter dans le «brick and mortar» puisque ses magasins ont tous fermés en 2013.

10 Figure inspirée de l'entretien avec Christophe Marée, Senior Marketing Manager Adobe

Au début, il s'agissait simplement de « décider si les produits de l'entreprise seraient vendus dans un seul et même canal [...] ou dans plusieurs canaux » (Cliquet, 2011). Puis le multicanal est devenu la norme (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011). Nous sommes alors passés du «brick and mortar» au «click and mortar»11. C'est alors que la présence de plusieurs canaux indépendants les uns des autres a commencé à poser problème :

-à l'intérieur même de l'entreprise, l'organisation cloisonnée créait une « concurrence interne plus ou moins saine entre les deux silos » avec des « systèmes de vente exclusifs l'un de l'autre » (Cliquet, 2011).

-au niveau des clients, le manque d'intégration et de synchronisation des canaux fabriquait de la frustration, avec « pour conséquences possibles un faible niveau de service global, une dégradation des communications et l'insatisfaction des clients » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012).

L'évolution vers le cross-canal ou trans-canal ou omni-canal a donc été nécessaire. Tout d'abord, parce que le terme «multicanal» n'était plus adapté « pour décrire les relations étroites que certains chercheurs et praticiens [préconisaient] d'instaurer entre les canaux » (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011). Cette évolution, indispensable pour désamorcer la concurrence interne, a aussi permis de mieux connaître le client. Les organisations cloisonnées ou même juste multicanal se font éjecter12 (Bhalla, 2014) donc il faut décloisonner pour maîtriser la gestion des parcours clients (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Alors que l'entreprise multicanal segmentait sa clientèle en fonction du canal d'achat utilisé, l'entreprise cross-canal cherche à savoir où a été le client, où il est et où il veut aller, pour pouvoir lui proposer l'offre la plus adaptée sur le ou les canaux souhaités. On se trouve alors dans une vision où le client se trouve au centre, et chaque canal se dirige vers lui.

CLIENTS

Le client est au centre de toutes les attentions et tous les canaux se dirigent vers lui pour pouvoir le capter13

11

11 Op. cit.

12 Abstract «The omni-channel customer experience: Driving engagement through digitisation»

13 Ibid. Christophe Marée

12

« Avant, si vous aviez un bon emplacement ou un important budget de communication, vous pouviez amener un consommateur chez vous pour acheter. Aujourd'hui c'est le client qui décide. » (Barba, 2013)

Lorsque l'on passe d'une stratégie multicanal à une organisation cross-canal, c'est que l'entreprise a créé des « interrelations [...] entre les canaux et [une] répartition judicieuse des produits en fonction de ces canaux ». On a alors besoin de savoir où est le consommateur et de l'orienter (Cliquet, 2011). La gestion des données client devient alors un enjeu.

DE LA CANNIBALISATION A L'OPPORTUNITE DE DEVELOPPEMENT COMMERCIAL

Les équipes de vente ont d'abord été réfractaires face à l'arrivée du multicanal.

Pourquoi ?

? Pourquoi un vendeur commissionné uniquement sur ses ventes accepterait de «perdre du temps» avec un client qui a déjà acheté sur internet et qui souhaite une information complémentaire ?

? Pourquoi un client qui n'achète que sur internet devrait être traité comme un client qui «prend la peine» de se déplacer en magasin ?

? Pourquoi un vendeur prendrait-il du temps pour un client par téléphone qui appelle pour se faire aider lors de son achat sur internet ?

Toutes ces questions se sont réellement posées et quel client ne s'est jamais vu accueillir froidement en boutique car il avait eu «l'audace» d'acheter sur internet ?

Il fallait trouver une réponse, une adaptation à l'organisation multicanal en place, une solution qui permettrait de capitaliser sur ce qui existe déjà, les différents canaux, et glisser vers une nouvelle organisation qui développerait les interactions entre canaux, créatrice de valeur. En effet, là où les équipes de ventes ont d'abord eu peur de la cannibalisation (Sharma, Gassenheimer, & Alford, 2010), nous avons pu voir que les canaux sont devenus complémentaires car « plutôt que d'observer une substitution du canal physique par le canal électronique, on assiste à une fréquentation hybride des deux canaux » (Hure & Cliquet, 2011). Nous avons l'exemple des clients qui avaient choisis de faire leurs courses alimentaires sur internet pour deux raisons identifiées :

- aller en magasin est une corvée,

- la tentation, donc le risque, d'achats impulsifs

Ces mêmes clients décident aujourd'hui de retourner en magasin, justement pour vivre des moments plus « hédoniques » et même se laisser aller à des achats non planifiés (Hure & Cliquet, 2011). Cependant, nous avons pu voir que l'achat sur internet, aussi, pouvait être

13

source de plaisir et de satisfaction, voire même déclencher des achats d'impulsion (Roustan, Lehuede, & Hebel, 2005)14.

En parlant d'opportunité de développement commercial, nous pouvons utiliser la notion d'omni-canal. En effet, le terme «omni» insiste sur la notion d'ubiquité des canaux : il y a dorénavant toujours au moins un canal à la disposition du client et c'est pour cette raison que cela représente une formidable opportunité de développement commercial. Le client peut acheter, contacter, s'exprimer où, quand et comme il le souhaite. Les entreprises se doivent de saisir cette chance pour développer leur chiffre d'affaires.

LES ENJEUX

La technologie et la personnalisation

Plus de canaux, plus de clients, plus de données : cela engendre l'industrialisation, la centralisation et l'automatisation, notamment au travers du développement d'un CRM15 multicanal (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). En effet, un client présent sur plusieurs canaux apporte plus d'informations : comportements d'achat, recherches d'informations, attentes et besoins, etc. Le client a su profiter des canaux qui s'offraient à lui, il s'est adapté à l'offre et a su tirer parti de chaque canal. L'entreprise doit maintenant s'adapter au client. Se servir des données client pour personnaliser l'offre est efficace cependant, nous avons vu que « la préservation de la vie privée limite le potentiel de personnalisation » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Il y a un paradoxe entre la traçabilité qui est rassurante et le sentiment d'être suivi à la trace qui est angoissant (Roustan, Lehuede, & Hebel, 2005)16. D'autre part, certes, on cherche à mieux connaître le client pour pouvoir lui proposer des offres personnalisées mais paradoxalement, plus on met le client au centre, plus on a besoin de la technologie et plus on utilise la technologie, plus on oublie le client.

L'omniprésence

Ce que l'entreprise peut maîtriser, c'est ce qu'il gère directement : ses magasins, son site, sa page Facebook, son call-center...etc. Mais qu'en est-il de cette maîtrise :

- si un client s'exprime sur un forum ?

- si un franchisé ne respecte pas l'attitude «dictée» par le franchiseur ou ouvre son propre site transactionnel (Cliquet, 2011) ?

14 P54 : les enchères sur Ebay sont assimilées au jeu, on cherche à gagner. D'autre part, les cyberacheteurs ont le sentiment d'avoir pris moins de temps, pour se décider à acheter, que s'ils avaient été en magasin.

15 Customer Relationship Management, que l'on traduit en français par la gestion de la relation

16 P80

14

- si la marque est vendue dans de nombreuses enseignes aux politiques différentes ?17

- ...etc.

Nous verrons plus tard si une entreprise présente partout dans la vie des gens peut lui permettre de devenir un réflexe, c'est-à-dire de déclencher des achats «réflexe».

Les coûts

Le développement des canaux ou points de contact ne doit pas être considéré comme étant un centre de coût mais plutôt comme un tremplin, un moyen de développer le chiffre d'affaires de l'entreprise : le risque est qu'« en visant la réduction des coûts, on arrive à une taylorisation de la relation client » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Maîtriser les coûts ne doit pas être au détriment de la qualité de la relation client18.

Le pilotage des canaux

Il apparaît que le « pilotage de la stratégie multicanal réside dans la capacité des entreprises à faire adopter les «bons» canaux aux «bons» clients, en fonction du motif de contact » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012)

La logistique

La mise en place d'interactions entre les différents canaux implique une prise en compte des moyens logistiques existants et ceux à mettre en place pour assurer la fluidité du parcours client. Tenir compte des besoins des équipes en place (Mathe et al., 2013)19 et adapter les moyens logistiques permettra d'assurer cette fluidité.

La conduite du changement

Il faut acculturer les équipes de vente, leur dire que le digital n'est pas seulement dans leur vie personnelle (Barba, 2013), il est partout. Le client est devenu adepte de la « boulimie d'informations » et le vendeur doit savoir dans quelles dispositions se trouvent son client quand il arrive dans le magasin.

Le parcours client

17 Exemple de Nuxe vendu en pharmacie : chaque pharmacie est indépendante, et l'enjeu de la marque qui ne contrôle pas ses canaux de vente est centré sur l'image véhiculée et la qualité des produits (exemple inspiré de l'entretien avec Catherine Barba le 13 février 2015).

18 L'exemple de Zappos qui a décidé de tout miser sur sa relation client, disponible 24H/24, sans aucune limite de temps pour répondre à la question du client, en partant du principe de symétrie des attentions (Mathe et al., 2013).

19 La symétrie des attentions : si les équipes se sentent écoutées et soutenues, elles déploieront tous les efforts nécessaires à la bonne réalisation du service.

15

Chaque parcours client est unique et aléatoire (Barba, 2013)20. L'enjeu est alors d'assurer une certaine cohérence entre tous les canaux, afin d'assurer une certaine fluidité et homogénéité dans tous les parcours clients, quels qu'ils soient.

LES RISQUES

? Privilégier « la réalisation d'une vente à court terme [plutôt qu'] une relation de qualité empreinte de confiance mutuelle et d'engagement respectif, et résultant en un échange gagnant-gagnant sur le long terme » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012).

? Vouloir utiliser plusieurs canaux comme les concurrents sans repenser sa stratégie21.

? Dispersion de moyens et d'actions (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012).

1.1.3 Quid de la rupture entre les canaux

Lorsque l'on parle de rupture, cela signifie qu'il n'y a pas la fluidité et la perméabilité recherchées entre les canaux. C'est alors que la notion de parcours client «sans couture» apparaît : l'entreprise cherche à optimiser tous ses canaux en assurant la fluidité entre eux pour avoir ce parcours «sans couture» (« Omni-channel retailing for a seamless customer experience », 2013). Pour cela, sur tous les canaux, il faut « parler d'une seule et même voix » (Barba, 2013). Cependant, le parcours client est devenu plus difficile à maîtriser22. Il ne suffit pas d'être bon sur chaque canal, il faut être bon et cohérent sur tous les canaux, au travers des items que nous allons voir.

L'OFFRE

Il faut proposer une offre cohérente quel que soit le canal (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012) en définissant sa politique de prix (par canal ou identique sur tous les canaux) et en décidant des produits à proposer ou ne pas proposer selon chaque canal pour délivrer la même expérience partout (« Omni-channel retailing for a seamless customer experience », 2013).

20 Unicité du parcours client mis en avant dans une étude faite par Google dans le cadre du ZMOT : 3000 consommateurs étudiés, 3000 parcours clients identifiés (Lecinski, 2011).

21 Nous verrons plus loin, lors de l'entretien avec Christophe Marée, les cinq étapes à respecter pour réussir sa conversion.

22 Google a mis en avant dans le ZMOT (Lecinski, 2011) la multiplicité des points de contact avec le client avant même qu'il ait acheté quoi que ce soit et l'impossibilité de maîtriser tout ce qui peut influencer le client avant l'achat.

16

LES EQUIPES EN CONTACT

Il y a les vendeurs, qui sont l'interface directe du client et à leur niveau, plusieurs points peuvent empêcher la fluidité entre les canaux, voire même créer une rupture:

- Manque d'autonomie : il faut maintenir leur autonomie « pour que l'organisation soit en capacité d'être réceptive aux initiatives individuelles » (Mathe et al., 2013). Si les équipes «terrain» se sentent encouragées à prendre des initiatives, elles se feront le «porte-drapeau» de l'entreprise et faciliteront l'intégration des canaux.

- Process rigides : si les process sont trop rigides, les équipes n'auront aucune autonomie et ne pourront donc pas s'adapter au client.

- Conduite du changement : pour la transformation digitale et la stratégie cross-canal de l'entreprise, il faut accompagner les équipes avec une conduite du changement adaptée, notamment pour expliquer l'automatisation des tâches à faible valeur ajoutée (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012)

- Adaptation des fiches de poste et rémunérations : que le client vienne acheter ou simplement se renseigner pour valider sa commande sur internet, pour assurer un accueil de qualité, la redéfinition des fiches de poste et des politiques de rémunération est indispensable.

LE RÔLE DES MANAGERS

« Il serait contre-productif pour l'organisation de ne pas mobiliser l'intégralité de ses acteurs » (Mathe et al., 2013)23

RÔLES A TENIR
PAR LE
MANAGER

LEADER

« Permettra de maintenir l'efficacité
de l'organisation et la mobilisation
de tous les acteurs »

FORMATEUR

« Mettre en place un langage

commun », « autonomisation » et « auto responsabilisation »

COORDINATEUR

« Il appartient donc aux managers d'agir en coordinateurs efficients »

SUPPORT

« Managers comme piliers de la relation client »

23 Figure inspirée de «L'influence des dialogues sur les relations et l'expérience client»23 (Mathe et al., 2013) P37-38

DES CANAUX PAS TOUJOURS MAITRISES

- Lorsqu'il y a des franchisés, le canal franchisé peut échapper à la maîtrise de l'entreprise (Cliquet, 2011). Et cela empire lorsque le franchisé décide de créer son propre site transactionnel.

- Lorsqu'il y a intermédiation, la marque revendue uniquement dans des enseignes qui ne lui sont pas propres, ne peut pas maîtriser ces canaux24.

SAVOIR GERER LA RICHESSE D'INFORMATION

L'arrivée du cross-canal a généré une masse de données clients et l'entreprise a dû s'adapter. En effet, l'entreprise a dû faire face à la « gestion de [...] millions de prospects et de clients » et avoir beaucoup d'informations sur son client est une richesse à la seule condition de savoir comprendre et utiliser ces données. Il fallait « un outil de management », capable de « faire converger les objectifs de l'entreprise (baisse des coûts de contact, augmentation des ventes croisées) » et l'outil CRM25 multicanal a permis tout cela ; il a permis l'« industrialisation », la « centralisation » et l' « automatisation » des données (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012).

RÉCOLTE DES DONNÉES

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NAVIGATION CLIENTS

ACHATS CLIENTS

COORDONNEES CLIENTS

DONNÉES MASSIVES

--* ANALYSE

--* DES DONNÉES --* VIA LE CRM --* MULTICANAL

17

24 Deux exemples pour illustrer cette difficulté à maîtriser :

-Nuxe n'est vendu que dans des pharmacies, la plupart étant indépendantes, chacune possède son implantation, sa politique de recrutement, son ambiance de vente...

-Spontex ne connaît pas ses clients finaux car il y a intermédiation et aucun point de vente propre à la marque.

25 Op. cit.

18

Attention toutefois, à ne pas oublier que si l'on cherche à gérer ces données, c'est pour le client : mieux le connaître pour mieux le satisfaire. Et malheureusement, dans la plupart des entreprises, « le client est souvent l'oublié de l'histoire du CRM multicanal » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Attention alors à ne pas se retrouver dans le cas de figure suivant : « grandes promesses pour l'entreprise et [...] désillusions pour le client » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012) !

1.2 L'expérience client

L'expérience client, qui représente un enjeu majeur pour les entreprises et que nous allons définir de la manière la plus complète possible, est composée de nombreux éléments, propres au client ou faisant partie de son environnement. Enfin, lorsqu'une entreprise veut se pencher sur «l'expérience client», nous voulons vérifier si c'est, avant tout, pour générer de la satisfaction.

1.2.1 Définition

L'expérience client, souvent considérée comme un vécu, un lien entre le client et la marque, peut toutefois être envisagée de différentes manières.

L'ORIGINE DES MOTS

L'expérience, au sens de la définition du dictionnaire, a déjà plusieurs significations26.

? Pratique de quelque chose, de quelqu'un, épreuve de quelque chose, dont découlent un savoir, une connaissance, une habitude.

? Fait de faire quelque chose une fois, de vivre un événement, considéré du point de vue de son aspect formateur.

? Action d'essayer quelque chose, de mettre à l'essai un système, une doctrine, etc. ; tentative.

? Mise à l'épreuve de quelque chose, essai tenté sur quelque chose pour en vérifier les propriétés ; expérimentation

? Épreuve qui a pour objet, par l'étude d'un phénomène naturel ou provoqué, de vérifier une hypothèse ou de l'induire de cette observation.

Il ressort, de la définition de l'expérience, trois notions :

26 Les définitions qui suivent sont tirées du dictionnaire Larousse et sont consultables sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/exp%C3%A9rience/32237

19

- La pratique de quelque chose

- L'action d'essayer quelque chose

- La mise à l'épreuve de quelque chose

Nous noterons également l'aspect inductif et déductif de l'expérience, c'est-à-dire que l'on peut d'abord pratiquer quelque chose, vivre un évènement duquel ressortira une expérience ou, à l'inverse, faire une expérience de laquelle découlera un résultat.

Si l'on décortique le mot expérience, on retrouve la citation d'un extrait de Lacoue-Labarthe (Fabio, 2007) qui rend bien compte de la complexité de l'expérience elle-même : « Il y a d'abord l'étymologie. «Expérience» vient du latin experiri, éprouver. Le radical est periri que l'on retrouve dans periculum, péril, danger. La racine indo-européenne est -per à laquelle se rattachent l'idée de `traversée' et, secondairement, celle d'«épreuve». En grec, les dérivés sont nombreux qui marquent la traversée, le passage : peirô, traverser; pera, au-delà ; peraô, passer à travers : perainô, aller jusqu'au bout ; peras, terme, limite [...] Les confins entre un sens et l'autre sont imprécis. De même qu'en latin periri, tenter et periculum, qui veut d'abord dire épreuve, puis risque, danger. L'idée d'expérience comme traversée se sépare mal, au niveau étymologique et sémantique, de celle de risque. L'«expérience» est au départ, et fondamentalement sans doute, une mise en danger »

Philosophiquement et selon Jean-Jacques Daumoine sur le champ expérientiel : on peut considérer que l'humain est indissociable de son environnement, tout en insistant sur la nécessité de se différencier de son champ expérientiel27.

HISTORIQUE

La notion d'«expérience client», apparue en 1982 (Holbrook & Hirschman, 1982), évoque pour la première fois, l'expérience de consommation, empreinte de symboles, de critères esthétiques et de réponses hédonistes. Le processus de traitement de l'information n'est alors plus le seul critère de décision d'achat. On ouvre de nouvelles voies pour analyser le comportement du client.

Le deuxième ouvrage de référence est celui de Gilmore et Pine qui, en 1998, « mettait en lumière les enjeux stratégiques de l'expérience de consommation pour la pratique du marketing par les entreprises » (Filser, 2012) et qui parle d'une offre complémentaire où il s'agirait de faire vivre aux clients des expériences « singulières, mémorables et économiquement valorisées ». L'expérience devient alors un critère de différenciation.

27 Voir http://www.jean-jacques-daumoine.net/pages/a-cogiter/interdependance-ou-l-indissociabilite-soi-environnement.html

20

Nombre d'ouvrages ont été écrits sur l'expérience client et pourtant la qualité de l'expérience délivrée aux clients semble décliner (Payne & Frow, 2007)28.

Les termes associés à l'expérience client qui nous semblent récurrents et importants sont :

Interactions

 

Satisfaction

 

Emotion

Ré-enchantement

 
 
 

Co-création

 

Valeur

 
 
 
 

Nous aborderons toutes ces notions au travers de différents items.

Le concept d'expérience client est à la fois ancien, comme on a pu le voir chez chez Holbrook et Hirschman, et totalement d'actualité, au vu des quantités d'articles et d'ouvrage sortis ces dernières années. Il peut donc apparaître comme un sujet à la mode mais aussi comme un sujet clé pour réussir à se différencier dans un contexte ultra-concurrentiel. Les basiques du commerce ne suffisent plus pour vendre, il faut se démarquer : de nos jours, « la valeur ne réside pas dans l'objet de la consommation mais dans l'expérience de la consommation » (Payne & Frow, 2007).

1.2.2 Les composantes de l'expérience client

Avant de détailler les composantes de l'expérience client, il apparaît que celles-ci peuvent se regrouper en deux catégories :

- les composantes internes, ou tout ce que ressent personnellement le client lors de cette expérience, ce qu'il sent, perçoit et mémorise «intérieurement».

- les composantes externes, ou tout ce qui influence, impacte et interagit avec le client.

LES COMPOSANTES INTERNES

Expérience et émotions

- Holbrook et Hirschman sont les premiers à envisager le consommateur comme un être sensible à la recherche d'émotions.

- Au-delà de l'expérience de consommation, Damasio souligne l'importance des émotions dans la prise de décision. En effet, c'est « lorsque l'émotion ressentie est positive » que l'humain est marqué par celle-ci : ainsi la prise de décision sera influencée par l'émotion «marquante».

28 On peut trouver 200 millions de références à l'expression « Customer experience » et les entreprises semblent tout juste commencer à comprendre de quoi il s'agit (Payne & Frow, 2007)

21

-Pour convaincre le plus grand nombre, on considère que « provoquer une émotion commune à la majorité et communiquer par l'émotionnel s'avère indispensable », car « l'émotion est contagieuse » (Van Hoorebeke, 2008)29

- Selon Lazarus, « les émotions ont [...] plusieurs fonctions, telles qu'informer la personne sur la qualité de l'expérience qu'elle vit [...], l'aider à évaluer les situations [...] (satisfaction ou insatisfaction), donner le sens et la valeur de son expérience » (Van Hoorebeke, 2008)

Au-delà des émotions primaires ressenties par le client, celles-ci peuvent déclencher en lui d'autres phénomènes, tels que les sensations, les souvenirs, activer sa mémoire sensorielle ou le rendre nostalgique. « Les émotions primaires génèrent des états mixtes créant ainsi des combinaisons en cascades » (Boussicaud, 2014) comme le montre la figure ci-dessous.

La roue des émotions (Boussicaud, 2014)

Nous avons vu que les émotions réagissent donc en cascades au niveau de l'individu, mais aussi au niveau de son entourage. C'est pourquoi, les entreprises cherchent alors à aborder des « thématiques virales », à avoir des « feedbacks positives » avec « des contenus à forte charge émotionnelle ». Boussicaud (2014) parle de « contagion sociale » :

- Positivement : on parle d'engouement généralisé.

29 Dans la prise de décision, il y a les approches cognitivistes et celles des émotions : le point commun aux deux est l'évaluation, ce qui nous rapproche de la définition de l'expérience au sens de l'expérimentation (test puis évaluation du résultat)

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- Négativement : il y a le risque d'industrialisation des émotions en suggérant des ressentis (via les hashtags30) ou même en les anticipant (via des termes tels que «LOL» ou «OMG»31)

Finalement, pour générer des émotions au client, il faut lui rappeler de beaux et bons moments, des odeurs (nostalgie), des images (souvenirs), des mots (valeurs), des instants (marquants), des personnes (importantes)...etc.

--des évènements passés

Mais on parle également de la valeur hédonique du processus d'achat32, qui doit avoir un « caractère ludique, émotionnel et intangible », où le client va vouloir échanger, se distraire, découvrir et se détendre (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011)

--des évènements à venir

Expérience et ré-enchantement

Si l'on doit prendre en considération les évènements à venir, il est intéressant d'aborder la notion de ré-enchantement. En partant du constat de Firat et Venkatesh (Bonnefoy-Claudet, 2011) qu' « après avoir été désenchantée par trop de rationalisation, la consommation peut maintenant être réenchantée », nous avons pu voir que la notion de ré-enchantement est l'une des thématiques du marketing expérientiel. Nous détaillerons plus loin la thématisation, l'immersion, l'authenticité, l'habillage et la théâtralisation, composantes de l'environnement externe et participant au ré-enchantement du client.

Selon Bouchet (2004), le ré-enchantement nécessite la production d'un contexte pour favoriser les expériences : un distributeur ré-enchantera l'offre non pas en se concentrant sur l'offre elle-même mais en privilégiant les expériences recherchées par les clients (Parissier, 2008)

Expérience et instincts

-Satisfaction des besoins primaires : au travers de l'application «Compagnon» lancée par la SNCF, certains des instincts primaires de l'homme sont satisfaits, une sensation de confort et de sécurité qui améliore sensiblement l'expérience client.

-Réflexe : selon les travaux sur le cerveau tri-unique de Maclean et les quatre quadrants de réactivité cérébrale de Hermann (Chedru & Le Mehaute, 2009), nous pouvons nous interroger sur :

30 Identifié par le signe #, il se place devant un mot ou une expression et permet une identification en créant une communauté temporaire.

31 Ces termes sont considérés comme « des catégories affectives [...] [qui] viennent jouer le rôle d'allégories de l'émotion visée et permettent aux internautes d'anticiper leur ressenti » (Boussicaud, 2014). LOL signifie «laughing out loud» et OMG «Oh my god»

32 Nous soulignons ici la volonté de se faire plaisir, dans le présent et le futur

23

-le limbique et le reptilien étant regroupés chez Hermann, les émotions peuvent-elles devenir ou être considérées comme des réflexes ?

-les réflexes, innés ou acquis, ont-ils une place dans l'expérience client et l'entreprise doit-elle agir sur ceux-ci dans l'intérêt de l'expérience client ? Est-ce que l'achat fidèle peut se transformer en achat réflexe par le biais des expériences vécues ?

-lorsque la marque devient un réflexe (confiance aveugle en la marque ou «foi inébranlable» en elle, ou risque de marque associée au produit33), peut-elle espérer susciter de l'émotion et est-ce important de le faire ? (Cestre)

-si une identité sonore peut déclencher un réflexe, est-ce que la marque peut créer quelque chose de comparable qui déclencherait une émotion (devenant identité de la marque) ?

-est-ce que les prix «ronds», «psychologiques» ou «magiques» créent vraiment une émotion34 ?

Expérience et fierté

Si le client se sent fier de son achat, il en retirera une expérience positive35. Nous pouvons citer plusieurs exemples :

- Fier d'avoir fait un geste pour la planète,

- Fier d'avoir contribué à une bonne action (commerce équitable, financement de vaccins36, etc.),

- Fier de nourrir sa famille avec des produits bio, de les habiller avec des vêtements écoresponsables

- Fier de trouver des promotions, des ODR37, de se débrouiller seul pour réaliser des économies pour sa famille (Djelassi, Odou, & Belvaux, 2008)

LES COMPOSANTES EXTERNES

L'importance du personnel en contact

Le vendeur est celui qui a le rôle clé dans l'expérience délivrée au client. Le client fait aujourd'hui face à un surplus d'information (Lecinski, 2011) et le vendeur peut l'aider « à

33 Exemple des marques Scotch, Post-it ou Karcher qui sont devenus un nom commun dans l'esprit des clients

34 Selon Henri Kaufman, sur http://henrikaufman.typepad.com/et_si_lon_parlait_marketi/2008/07/prix-ronds-et-p.html, il semblerait que les prix suscitent des émotions.

35 Cela rejoint la notion de communauté et d'environnement social que nous aborderons dans les composantes externes.

36 Exemple du programme Pampers Unicef : « 1 paquet = 1 vaccin » en partenariat avec l'Unicef pour financer des vaccins contre le tétanos http://www.pampers.fr/childrens-charities-around-the-world

37 Signifie «Offre de remboursement»

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arbitrer, à passer à l'acte » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Au-delà du vendeur, il y a aussi le personnel en caisse, au point retrait marchandises, au service après-vente...etc., et tous ceux-ci sont les « points de départ du processus de création de la relation client » (Mathe et al., 2013). Malgré le rôle clé du réseau de vente, face à l'« intégration des données client » et la « centralisation des décisions », celui-ci se trouve peu à peu « dépossédé de sa fonction marketing/communication » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Lorsqu'il s'agit d'un centre d'appels, une autre problématique se pose : les équipes sont jeunes et inexpérimentées, peu motivées et le turn-over est très important alors que ceux-ci sont le premier contact que le client a avec la marque après avoir navigué sur le site ou visité l'application (« Taking an omni-channel approach to customer experience management », 2014)

Comment peut-on alors faire pour que le réseau de vente retrouve ou conserve son autonomie et sa puissance ? Et comment faire pour qu'il représente, aux yeux du client, un contact de grande qualité ?

Les technologies

Aujourd'hui, les nouvelles technologies comme faisant partie intégrante de l'expérience client, c'est une réalité. Cependant, la plupart du temps, ces nouvelles technologies viennent du client lui-même : son smartphone, sa tablette, son application. La solution, qui est envisagée pour redonner du pouvoir aux équipes de vente, est justement de les équiper en nouvelles technologies (« Taking an omni-channel approach to customer experience management », 2014). Si les nouvelles technologies font partie de nos vies à tous, pourquoi s'arrêteraient-elles à la porte des magasins ? Prenons le cas d'un vendeur, qui se trouve en rayon avec un client, et qui doit vérifier le stock d'un produit : ne serait-il pas plus simple et plus fluide de le vérifier sur place :

- au travers de bornes installées dans chaque rayon ?

- sur une tablette dont serait équipé chaque vendeur38 ?

Qui n'a jamais eu à attendre son tour pour se faire renseigner en suivant un vendeur qui navigue dans tous les rayons, tel des wagons accrochés à une locomotive ? Certes le vendeur est et doit rester mobile, mais la technologie pourra lui faire gagner du temps et donc, gagner en efficacité. D'autre part, si les nouvelles technologies équipent les vendeurs, il faut aussi se servir de celles-ci pour mesurer la performance et la qualité de l'expérience client. Grâce aux nouvelles technologies, il existe de nouveaux indicateurs pour mesurer la performance des magasins

38 La notion de simplicité est ici primordiale (« Taking an omni-channel approach to customer experience management », 2014)

25

(Cook, 2014). Alors oui, comme le dit Philippe Farge, « le digital est un levier indispensable, mais ne suffit pas pour influencer les achats »39.

L'offre globale

Certes le monde du commerce a beaucoup évolué, mais il ne faut pas oublier les fondamentaux du commerce :

- le produit : qualité, largeur de gamme, choix

- le prix : rapport qualité prix, promotions

- l'emplacement : accès, visibilité

Avec l'accélération des évolutions technologiques, il ne faut pas penser que tout ce qui existait avant n'existe plus. Simplement les choses évoluent : peut-être que le magasin va devenir le showroom, la vitrine du site e-commerce (Barba, 2013), peut-être que le vendeur va encourager le client à visiter le site internet sans pour autant détruire de la valeur pour le magasin, mais il ne faut pas pour autant oublier les fondamentaux. L'expérience client n'est pas faite que de nouvelles technologies, elle est aussi faite des basiques du commerce. « L'expérience en magasin reste essentielle pour recruter et fidéliser »40

Le contexte social

Si le terme société de consommation est connu de tout le monde, la notion de consommation sociale peut aussi être envisagée. Nous entendons par consommation sociale, le fait de consommer pour :

-faire comme les autres

-le partager avec ses proches

-se différencier des autres

L'exemple de Kiabi qui, dans ses cabines d'essayage, propose de pouvoir se faire prendre en photo et l'envoyer sur le profil Facebook d'un(e) ami(e) pour avoir son avis en direct, montre bien l'importance du contexte social41. Quand il s'agit de la marque, le prestige de celle-ci pour faire comme les autres, ou au contraire, se différencier, met en exergue cette socialisation de notre consommation : « n'est-ce pas grâce à elle (la marque) que nous sommes acceptés, reconnus, enviés, imités, confortés ou fiers ?42 ».

39 Blog «Workshop : Brand Experience and Retail Design» sur les fondamentaux du commerce consulté le 27 mars 2015 http://www.workshop.fr/blog/noublions-pas-les-fondamentaux-du-commerce-loffre-et-sa-visibilite/

40 Ibid.

41 Shopping Connect Kiabi qui propose une expérience sociale unique http://www.marketment-votre.com/reseaux-sociaux-magasin-influence-consommation/

42Selon Lucile R. de la Team Marketment Vôtre sur http://www.marketment-votre.com/reseaux-sociaux-magasin-influence-consommation/

L'image que l'on renvoie fait donc partie du contexte social, mais au-delà de l'impact que l'on peut avoir sur les autres, il y a bien sûr l'impact que les autres peuvent avoir sur nous. En effet, « les interactions sociales [...] sont susceptibles d'influencer positivement ou négativement la qualité de l'expérience vécue » (Batat & Frochot, 2014). Au-delà du contexte social, c'est l'environnement global qui doit être pensé dans les moindres détails pour créer une belle expérience client.

L'environnement

Nous savons que Kotler, en 1973, a fait des recherches sur l'atmosphère du lieu et nous avons pu voir que « les composantes de l'atmosphère influencent les réactions affectives, l'attitude des clients, les comportements d'approche ou de fuite, le temps passé en magasin ou encore le montant des dépenses » (Bonnefoy-Claudet, 2011). C'est ici la vision sensorielle de Sophie Rieunier que nous retiendrons. En effet, l'environnement, d'achat, de communication ou d'information, selon les couleurs ou la lumière par exemple, influence le client. Il semble que les couleurs de l'environnement notamment aient des effets sur la perception, la cognition et les émotions (Rieunier, 2004). Dans la figure ci-dessous, nous présentons les différentes options identifiées pour créer un environnement propice à l'expérience client. La figure permet de lister, simplement, les différents types d'environnement expérientiel.

THEMATISATION

IMMERSION

AUTHENTICITE

ENVIRONNEMENT « EXPERIENCIEL »

HABILLAGE

THEATRALISATION

Figure « L'environnement expérienCIEL »

26

Voyons, maintenant, des exemples illustrant chacune des options d'environnement expérientiel.

27

- Disney, qui parle de « Marketing de «l'expérience bonheur», propose la thématisation du lieu, avec une immersion du client dans l'univers enchanteur des dessins animés pour faire vivre « des «moments d'exception», des «instants magiques» »43.

- L'enseigne Abercrombie&Fitch propose également une immersion dans une ambiance très particulière et qui leur est propre44.

- Nature&Découvertes propose un parcours client «dans la nature», mais il s'agit d'une authenticité recréée avec « les chants d'oiseaux qui participent de l'ambiance du point de vente » (Bonnefoy-Claudet, 2011).

- Au Puy du Fou, le public assiste à une théâtralisation de combats de chevaliers car ceux-ci « ne sont pas de véritables chevaliers venus tout droit du Moyen Age » (Bonnefoy-Claudet, 2011).

- On parlera d'« habillage expérientiel » lorsque la marque ne cherche pas à produire une expérience extraordinaire et exceptionnelle, mais plutôt à ré-enchanter le quotidien par de petites attentions et améliorations (Bonnefoy-Claudet, 2011). Nous pouvons citer le cas de Zappos qui se plaît à créer un « effet Wow » en surprenant le client (Mathe et al., 2013).

Lorsque l'on parle d'environnement expérientiel, nous avons donc deux possibilités :

- Créer un environnement : « proposer aux consommateurs des immersions dans des expériences extraordinaires » (Carù & Cova, 2006) comme cela peut exister dans les grands centres commerciaux américains, qui proposent notamment des parcs d'attractions. Pour Leigh et al. (2006), le client d'aujourd'hui cherche à vivre des expériences « où l'authenticité est mise en scène. Et plus la mise en scène est de qualité, plus l'expérience est jugée authentique » (Bonnefoy-Claudet, 2011)

- Ajouter des petites attentions pour ré-enchanter le quotidien du client : « Pour certains, en particulier les spécialistes de ce que l'on appelle le « ré-enchantement de la distribution » (Filser, 2002), le plaisir viendrait d'un simple habillage expérientiel, type McDonald, de la banalité quotidienne. Le ré-enchantement du quotidien passerait par une succession de micro-plaisirs, de micro-gâteries abordables et renouvelées que procurerait l'expérience de consommation en magasin. Au travers de très nombreuses stimulations polysensorielles (Rieunier,

43 http://radiodisneyclub.fr/la-strategie-marketing-de-disneyland-paris/

44 On peut trouver dans les boutiques Abercrombie&Fitch plongées dans une quasi obscurité, de la musique très forte, des mannequins torse-nu et l'interdiction d'entrée pour les mineurs. En créant le buzz, l'enseigne attire !

28

2002), la consommation se transformerait ainsi en occasion de divertissement et de vécu hédonique. » (Carù & Cova, 2006)

Voici quelques exemples de ce qui a été mis en place par les marques pour créer un environnement expérientiel :

- Nouveau magasin Darty à Paris Beaugrenelle, un commerce connecté45

- Lush, qui fabrique des cosmétiques à base de fruits et légumes issues de l'agriculture bio, a mis en place une politique de marketing sensoriel en mobilisant les cinq sens46

- Sephora, en mettant des tapis épais dans ses magasins, donne une sensation de confort et incite ses clients à flâner47.

Mais alors, lorsqu'un contexte est créer, dans un magasin par exemple, comment l'expérience peut se prolonger sur les autres canaux ? Et est-ce que les autres canaux peuvent nuire à l'expérience vécue initialement ?

Les autres canaux

Si l'on sait que « l'expérience vécue dans un canal influence celle vécue dans un autre

canal » (Hure & Cliquet, 2011), comment est-il possible :

- de prolonger une expérience ?

- de délivrer la même expérience quel que soit le canal ?

- de se servir d'un canal pour améliorer l'expérience sur les autres canaux ?

1.2.3 Expérience et satisfaction

«Expérience client» et «satisfaction» sont souvent évoquées ensemble, c'est pourquoi nous souhaitons aborder plus en détail la notion de satisfaction.

Tout d'abord, il y a l'expérience de satisfaction, autrement appelée «expérience originelle» par Freud, « qui consiste à satisfaire une pulsion, combler un besoin puis un désir »48. «Satisfaction» et «expérience» étant intimement liés, il a fallu mettre en place des outils pour mesurer le degré de satisfaction et la qualité de l'expérience client, comme le «Net Promoter Score» proposé par Reichheld (Payne & Frow, 2007). Si la satisfaction est maximale, nous avons vu que les termes «parfait» et «exceptionnel» apparaissent. On appelle une expérience client parfaite ou exceptionnelle lorsqu'elle est notée 5 sur 5. L'entreprise qui souhaite délivrer

45 Voir http://www.darty.com/achat/boutique/Darty_Beaugrenelle/index.html

46 Voir https://www.1min30.com/content-marketing-inbound-marketing/13-exemples-de-marketing-sensoriel-reussi-et-rate-5507

47 Ibid.

48 Voir la définition sur http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/d%C3%A9sir/42476

29

une expérience client «exceptionnelle» ou «parfaite», devra tenir compte des deux aspects : rationnel (approche traitement de l'information) et émotionnel (approche des expériences privées qui touchent au subconscient) (Payne & Frow, 2007)49. Nous pouvons d'ailleurs voir, au niveau de l'entreprise, que « les logiques de rationalisation des ressources humaines et de réduction des coûts priment souvent sur la satisfaction client » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). Pourtant, vivre une expérience reste « sans assurance de satisfaction au consommateur » (Fabio, 2007). Alors, si des logiques de rationalisation viennent entraver la satisfaction client, sur quoi peut capitaliser une entreprise pour s'assurer une satisfaction durable ?

En associant la confiance à la satisfaction, il semble que cela constitue une piste de satisfaction pérenne, notamment si cela se ressent sur chaque canal (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012). En effet, la confiance permet « de créer et pérenniser la relation » (Mathe et al., 2013) : « La confiance entre le client et l'organisation est le fruit d'un équilibre entre la qualité du service fourni par l'organisation et la prise en compte de l'unicité du client par celle-ci.»

Mais pour pouvoir s'assurer une satisfaction durable, il faut aussi « traiter les motifs d'insatisfaction au risque de détourner les clients du canal de distribution » (Stevens, N'Goala, & Pez, 2012).

1.2.4 Les limites et les réflexions

Au travers de tout ce que nous avons pu découvrir dans nos lectures, il apparaît certaines limites sur lesquelles il sera nécessaire de réfléchir :

- Est-ce que l'expérience délivrée au client est envisagée de la même manière lorsqu'il s'agit d'une vente de produit ou de service ?

Pour les produits, le client vit une expérience en achetant le produit, une autre expérience en l'utilisant. Pour les services, c'est très différent puisque la production et la consommation sont simultanées et l'expérience peut être beaucoup plus longue. Par exemple, le client commence par payer un service en n'ayant qu'une facture, notamment lors de l'achat d'un voyage plusieurs mois à l'avance, puis il vit une expérience entre l'achat et la consommation du service -suivi, réactivité, informations...- ; l'expérience dure longtemps avant même la consommation du service, et elle doit impérativement être irréprochable, sinon le client part sur de très mauvaises bases pour vivre son expérience de consommation positivement.

49 « A rational perspective might be the predominant emphasis in a business-to-business context, while an emotional experiential perspective may be emphasised in a businessto-consumer context such as the leisure industry » (Payne & Frow, 2007)

30

- Une marque, qui ne vend ses produits qu'à des intermédiaires et qui ne connaît donc pas son client final, devra-t-elle penser l'expérience client différemment ?

L'enseigne vend directement au client et il y a une dimension transactionnelle à l'expérience vécue. Ce que l'enseigne entreprend pour faire vivre une expérience client positive, peut-on le transposer aux marques qui ne vendent pas en direct aux clients ? Comment la marque peut laisser une expérience positive dans l'esprit des consommateurs autrement que par la qualité de son produit ?

L'enseigne voit ses clients, les connaît, nominativement, personnellement et peut savoir tout de suite si l'expérience n'a pas été satisfaisante. La marque, si elle n'a pour client direct que les enseignes, ne connaît pas les clients finaux qui consomment ses produits (Exemple de Spontex, Nuxe...etc.)

- Le rôle des émotions ayant été largement abordé dans les écrits académiques, constitue-t-il un sujet d'une grande importance dans les entreprises ? Est-il réellement pris en compte sur le terrain ?

2 Partie 2 : L'expérience client au sein d'une stratégie cross-canal

Nous allons voir ici les tendances et les interrogations qui ressortent à la suite de tout ce qui a été exposé dans la première partie. Voici les points que nous souhaitons creuser car ils représentent : - des enjeux

- des limites

- des interrogations

- des hypothèses

Nous verrons que certains points se recoupent entre eux car le sujet est apparu complexe et mouvant.

L'EXPERIENCE CLIENT, CLE DU SUCCES D'UNE STRATEGIE CROSS-CANAL ? Alors que l'on a vu l'inquiétude des entreprises vis-à-vis des clients, quant au risque d'« éclatement de leur processus de décision et fragmentation de leur vécu auprès de l'enseigne » (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011), le cross-canal semble être un enrichissement indéniable de l'offre. En effet, grâce à un accès ubiquitaire et à l'augmentation du nombre de

31

références proposées selon les canaux, le cross-canal enrichit l'expérience client. Et dans l'autre sens, aujourd'hui, pour enrichir son offre, l'entreprise doit-elle intégrer l'expérience client qui sera la clé du succès de sa stratégie cross-canal ?

L'EXPERIENCE CLIENT : AVANTAGE CONCURRENTIEL ? STRATEGIE DE DIFFERENCIATION ?

« Les clés de succès d'un concept retail50 efficace pour recruter et fidéliser sont le bon mix entre assortiment, design, architecture, parcours client, clarté de l'offre et digital » selon Philippe Farge 51. Tous ces éléments représentent une partie de l'expérience client. Nous avons pu voir que l'expérience client elle-même représentait un élément stratégique pour pouvoir se différencier, un avantage concurrentiel évident. La stratégie de différenciation étant par essence le fait d'apporter quelque chose de différent et qui apporte de la valeur à l'offre existante, cela semble être une évidence dans le contexte de l'expérience client. Le marketing expérientiel doit effectivement être considéré comme un enrichissement de l'offre existante, pour se différencier de la concurrence ; nous avons pu voir qu'il existe « de nombreux moyens de différenciation tout au long d'une chaîne de valeur » (Magretta, 2012)

CREATION DE VALEUR

Le cross-canal semble créer de la valeur pour l'expérience client car il offre des possibilités multiples : la multiplicité des points de contacts fait apparaître la notion de commerce ubiquitaire. De son côté, l'expérience client semble aussi créer de la valeur pour le cross-canal, en amenant, par exemple, l'envie d'aller sur les autres canaux après une expérience client réussie sur un premier canal. La valeur perçue par le client comme la relation que l'on développe avec lui se construit avec le temps52. Alors, comment créer de la valeur sur le long terme et en continu ? Là où Michael Porter parlait d'union impossible entre la différenciation et les bas coûts, il est important de voir comment se positionne la création d'expérience client pour créer de la valeur (Magretta, 2012).

EXPERIENCE PARTICIPATIVE, CONCEPTION COLLABORATIVE

Le client aime se sentir unique (Mathe et al., 2013) et le fait de se sentir unique se construit de diverses manières. Il est important de s'adresser au client de manière ultra personnalisée pour

50 Traduit par «commerce de détail»

51 Voir le blog Workshop de Philippe Farge http://www.workshop.fr/blog/noublions-pas-les-fondamentaux-du-commerce-loffre-et-sa-visibilite/

52 « Customer perceived value is created and delivered over time as the relationship with the customer develops » (Payne & Frow, 2007).

32

qu'il sache que c'est à lui, et seulement à lui, que l'on parle. De plus, en introduisant de la personnalisation dans l'acte d'achat, le client est devenu co-constructeur, il devient « co-créateur de valeur » (Payne & Frow, 2007). Le client peut «faire lui-même» (« Taking an omni-channel approach to customer experience management », 2014) et il peut aussi co-construire son expérience de consommation du début jusqu'à la fin (Batat & Frochot, 2014)53.

UNE EXPERIENCE CLIENT COHERENTE, CONTINUE AU SEIN DE TOUS LES CANAUX

Il s'agit là encore d'unicité : unicité du message pour créer une expérience, pas forcément identique sur tous les canaux mais cohérente sur l'ensemble de ces canaux. L'expérience ne doit pas être uniforme, homogène puisqu'elle doit s'adapter à chaque canal, mais elle doit apparaître sans couture (« Omni-channel retailing for a seamless customer experience », 2013), pour délivrer le même message, quel que soit le canal sur lequel se trouve le client. Il faudra donc voir comment il est possible d'assurer cette cohérence et cette fluidité.

LA MAITRISE DE L'EXPERIENCE CLIENT DANS TOUS LES CANAUX

Lorsque l'on parle de fluidité et de cohérence dans tous les canaux, nous avons pu constater que cela semble possible uniquement dans les canaux totalement maîtrisés par la marque. En effet, un franchisé peut s'octroyer des libertés vis-à-vis du franchiseur (Cliquet, 2011). Comment l'expérience client peut alors être la même ? De même, l'arrivée de « l'asymétrie d'information inversée » (les clients en savent plus que les vendeurs) est un point important à aborder pour comprendre la maîtrise de l'expérience client (Cliquet, 2011). Nous chercherons donc à comprendre, si comme le définit Vanheems (2010)54, la stratégie cross-canal est bien «la stratégie qui consiste à éliminer les ruptures, quelle que soit leur nature (physique, émotionnelle, économique, cognitive ...) lors des changements de canaux par un client tout au long d'une même expérience avec une enseigne ».

UNE MEILLEURE EXPERIENCE CLIENT AU DETRIMENT DE CERTAINS CANAUX Le client d'aujourd'hui peut repérer en magasin, vérifier les prix sur son smartphone puis valider sa commande une fois chez lui sur son ordinateur, donc il quitte le magasin sans rien acheter (Cliquet, 2011). Le client a tout ce qu'il veut, n'importe où, n'importe quand : c'est la notion d'ubiquité du processus d'achat. Les entreprises se demandent aujourd'hui si le magasin

53 P62 : « les étapes de la participation du client dans l'expérience de consommation » : pré-conception, co-création et co-production.

54 Voir l'article (Collin-Lachaud & Vanheems, 2011)

33

risque de devenir un showroom (Barba, 2013), concept qui peut être intéressant pour les grandes enseignes qui se serviront de tous les canaux pour ne pas laisser le client leur échapper. Mais qu'en est-il des petits magasins indépendants qui risquent de faire office de showroom pour les sites e-commerce des pure-players ?

Une fois toutes ces interrogations posées, il était important d'y répondre en allant sur le terrain. Nous pourrons voir également:

- ce qu'il existe actuellement dans les entreprises :

o au niveau du cross-canal

o au niveau de l'expérience client

- quels sont les enjeux pris en compte par les entreprises

- quelles sont les pistes envisagées pour intégrer cross-canal et expérience client

Les réponses seront présentées de manière croisée et au travers de grands thèmes, plutôt que

dans l'ordre chronologique des thèmes abordés.

2.1 Le point de vue des professionnels

Après avoir défini la méthodologie utilisée et la composition de l'échantillon, nous regarderons les résultats qui nous permettent de dégager des grandes tendances.

2.1.1 Méthodologie et échantillon

ENTRETIENS INDIVIDUELS SEMI-DIRECTIFS

Pour se pencher sur les interrogations restées en suspens, nous avons choisi de nous adresser à des professionnels choisis pour leur expertise (chef d'entreprise, DG, associé en cabinet de gestion de la relation client, category manager et directeur marketing). Pour réussir à avoir une vision globale, proche du terrain et la plus réaliste possible, nous avons choisi de réaliser des interviews auprès de ces professionnels, en adoptant une approche qualitative, avec des questions ouvertes, pour que les réponses soient les plus larges possibles. Nous avons voulu mettre en avant des concepts à partir des données collectées, ainsi que déduire des données à partir de concepts étudiés (Thiétart et coll., 2007)55. Cette démarche d'entretiens qualitatifs avait pour but d'ouvrir le champs des possibles, à partir de tout ce qui a été abordé en première partie, tout en laissant libre cours aux réponses des interviewés. Ainsi, nous avons pu réaliser

55 Voir la démarche de traduction et d'abstraction (Thiétart et coll., 2007)

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s'il existe des différences ou des similitudes voire des contradictions entre la réalité du terrain, la perception de celle-ci et ce que nous avons appris lors de nos recherches.

PRESENTATION DE L'ECHANTILLON

Nous avons contacté plusieurs professionnels : 7 ont accepté de répondre, par téléphone, en face-à-face ou par écrit (selon leurs disponibilités). Seule une interview n'a pas pu être réalisée, dans le délai imparti, du fait de l'emploi du temps de la personne en question56. Les professionnels interviewés ont été choisis du fait de leur grande expertise de l'expérience client et/ou de leur connaissance de l'univers cross-canal ainsi que pour leur vision des enjeux. Ces entretiens ont été particulièrement enrichissants car issus de secteurs différents. Les interviewés se différenciaient de par leur métier, leur position hiérarchique, leur engagement personnel ou leur compréhension des enjeux. Cet échantillon est typique plutôt que représentatif car nous avons considéré que, de par leur expertise, nous pouvions faire ressortir les tendances du terrain et les défis de demain.

Tableau récapitulatif des personnes interrogées

Nom

Fonction

Date

Durée de l'entretien

DE ROTALIER Béatrice

DG France Delta Airlines

4 février 2015

35 minutes

BARBA Catherine

Experte e-commerce, transfor-

mation digitale, entrepreneuse
et présidente CB Group

13 février 2015

35 minutes

MAREE Christophe

Senior Marketing Manager

Adobe

18 mars 2015

47 minutes

BOURGOGNON François

Associé Cabinet Ambicio

20 mars 2015

22 minutes

VERGE Thierry

Category Leader, Amazon

27 mars 2015

26 minutes

CAUTELA Maurice

Associé, PMP Conseil

31 mars 2015

57 minutes

56 S'agissant d'un directeur de magasin et si cette interview avait pu être réalisée, plusieurs N-1, N-2 et N-3 ainsi que des clients de l'enseigne auraient pu être interviewés pour analyser les différences de perception, d'intérêt et d'implication selon les niveaux hiérarchiques. Nous ne manquerons pas de rajouter ces interviews dès qu'elles auront été réalisées.

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Tous ces entretiens ont été réalisés autour d'un guide semi-directif autour de plusieurs thèmes

(Annexe 1) :

- Présentation

- Définitions (cross-canal et expérience client)

- Enjeux

- Limites

- Avenir

2.1.2 Résultats

Il paraissait plus intéressant de présenter les résultats des entretiens avec les professionnels en abordant, dans un premier temps, les priorités apparentes et identifiées par les entreprises, pour voir dans un second temps, les enjeux retenus de l'expérience client.

LES PRIORITES DES ENTREPRISES

Améliorer la rentabilité

En adoptant une stratégie multicanal au départ, les entreprises ont cherché à améliorer leurs profits, le but étant d'être présent partout. Au fil du temps, voyant que l'organisation en silos devenait un handicap, la stratégie cross-canal s'est imposée d'elle-même. La stratégie cross-canal s'est donc très largement répandue dans les entreprises : on en parle dans les articles de presse spécialisée, on organise des séminaires, de nombreux étudiants rédigent des mémoires sur ce sujet d'actualité, etc. Et pourtant, le sujet est apparu inévitable et le terme quasiment obsolète lors des entretiens professionnels car c'est devenu une norme. Les professionnels s'accordent sur leur vision du cross-canal, en ayant quelques nuances complémentaires. En effet, on ne parle même pas de cross-canal chez Amazon ; selon Thierry Verge, si une entreprise ne possède pas de nombreux points de contact, que l'on appelle des « touchpoint » chez Amazon, elle risque de ne pas survivre dans un monde ultra connecté où tout est disponible tout le temps et partout. Selon Maurice Cautela et Christophe Marée, le cross-canal est, de toute manière, « devenu une obligation ». C'est ce que confirme Catherine Barba en ajoutant que l'« on ne devrait plus considérer qu'il y a plusieurs canaux, parce qu'en fait, les Américains, ils parlent carrément de «no canal», ils ne disent même plus cross ou omni canal, ils disent «no canal» ». Cependant, pour François Bourgognon, le cross-canal « dépend de là où on part », ouvrir un canal peut être un moyen de générer du trafic, de vendre ou simplement de

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communiquer, l'objectif étant d'« arriver à une bonne synergie » entre les canaux. Les objectifs des entreprises au niveau du cross-canal, comme chez Delta Airlines selon Béatrice De Rotalier, est maintenant de donner la sensation d'« un service sans couture ».

L'aspect technologique

Dans un monde devenu ultra connecté, la technologie est évidemment présente partout. Les clients veulent de la technologie car elle fait partie intégrante de leur vie (smartphone, tablette, géolocalisation...) et les entreprises veulent séduire en investissant dans les outils technologiques «dernier cri». Prenons l'exemple d'une banque qui investit pour que ses clients puissent géolocaliser, en quelques secondes, l'agence qui se trouve la plus proche d'eux. Une telle technologie risque de toucher une population très restreinte de pures technophiles : Maurice Cautela, en donnant cet exemple, insiste sur le fait d'investir dans des technologies utiles plutôt que de vouloir créer un effet d'annonce. Tous les professionnels s'accordent pour dire que la technologie n'est que la partie visible de l'iceberg : la plus visible donc la plus mise en avant. En effet, pour garantir une parfaite transformation digitale, de nombreux autres paramètres sont à prendre en compte. Alors que François Bourgognon dit qu'il faut prendre en compte « l'axe métier, l'axe harmonisation, l'axe process, l'axe outils technologiques, l'axe veille technologique », Christophe Marée a listé précisément les cinq points qui, combinés ensemble, semblent être la clé de la réussite de cette transformation digitale : c'est en effet « un problème d'organisation, de définition des stratégies, de choix des personnes et des collaborateurs, de changement culturel et de choix des technologies ». Alors oui, c'est la technologie qui a commencé à faire «bouger» les entreprises du fait de sa viralité : « Aujourd'hui si vous avez quelqu'un qui n'est pas satisfait, très rapidement il va toucher des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers, voire des millions de personnes très rapidement avec un message négatif. Donc la marque, elle a dû s'adapter à ça, il a fallu qu'elle change sa manière de gérer ses clients. Et c'est pour ça que les entreprises aujourd'hui sont passées d'un modèle «product centric» à un modèle «customer centric»57 ». La technologie n'est donc pas le seul critère à prendre en compte par l'entreprise pour réussir sa transformation, malgré les apparences évidentes. Le principal obstacle à franchir, selon les professionnels, est la résistance au changement.

57 Signifie «centrée sur le client»

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La fidélisation

En étant présent partout, sur tous les canaux, l'entreprise peut occuper une part de vie plus importante dans la vie de ses clients. Les professionnels Maurice Cautela, Christophe Marée, Thierry Verge et Catherine Barba s'accordent sur la notion de simplicité qui donne envie au client de rester. Plus précisément, en créant une part de vie, il faut qu'elle soit parfaite, pour que le client ait envie de rester ; l'exemple de Google, au niveau de la part de vie, est très approprié selon Maurice Cautela : « C'est une page blanche, où il y a un rectangle vide dans lequel on peut écrire tout ce que l'on veut et où l'on va avoir des réponses appropriées en un temps record ». La simplicité du processus amène le client à revenir très naturellement pour recommencer «l'expérience». C'est sur ce principe que «Capitaine Train»58 fonctionne également : il s'agit d'une application de réservation de billets de train dans laquelle on a besoin de rentrer une seule fois ses coordonnées, puis toutes les réservations qui suivent peuvent se réaliser en trois clics ; « la simplicité est un frein au changement ».

LES ENJEUX DE L'EXPERIENCE CLIENT

L'art et la manière de s'adresser au client

Parce que les changements rapides qui s'opèrent ont mis en avant les inquiétudes des clients quant à leurs données personnelles59, les entreprises ont tendances à :

- soit ne pas utiliser les données qui sont en leur possession sous prétexte d'outils non adaptés et d'investissements trop lourds : en effet, selon Catherine Barba, pour « avoir une vision du client unique f...] il faut avoir investi dans des outils de data ». Tous les interviewés s'accordent sur le fait qu'il faut investir.

- soit utiliser les données de manière non adaptée : mailings non ciblés, bannières de pub «périmées» (prenons l'exemple donné par Christophe Marée : un client, qui a fait des recherches pour un voyage aux Maldives ; il a réservé ce voyage, il est parti puis revenu de ce voyage et, à son retour, il retrouve, lors de ces consultations sur internet, des publicités qui s'affichent pour un voyage aux Maldives).

En effet, lorsque l'on s'adresse à un client, si l'on sait beaucoup de choses à son sujet, tout est une question de forme selon Catherine Barba: « Tout est une façon de tourner les choses, ça relève de la posture, de l'attitude et du comportement. Je peux connaître énormément de choses sur une cliente, et m'en servir pour lui faire acheter plus de choses ou en tout cas lui donner

58 Application qui propose au client des réservations de billets de train.

59 La CNIL dit : « La création et le traitement de données personnelles (numéro d'identifiant, nom, adresse, numéro de téléphone...) sont soumis à des obligations destinées à protéger la vie privée des personnes fichées et les libertés individuelles ». Voir http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F24270.xhtml

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l'impression que je suis très pertinente, ou alors, que la cliente reparte en disant "Ben dites donc, ici, c'est vraiment 1984 ici !". C'est une question de posture! D'ailleurs chez Sephora, ils travaillent beaucoup, ce qu'ils appellent la «Sephora Attitude», qui consiste à savoir mesurer, mettre le curseur au bon endroit, savoir où est la bonne distance. Je sais beaucoup de choses sur mon client, mais je ne vais pas l'utiliser comme un outil de pouvoir et d'intimidation. Je vais l'utiliser comme quelque chose pour valoriser mon client et créer du lien. C'est comme avec un ami, on le connaît mieux, on le connaît bien, donc on lui parle de lui et pas de nous. L'analogie avec les proches est très intéressante. Je pense qu'en France aussi c'est utile, ça marchera dès lors que la façon dont on fait les push d'informations aux clients, est adaptée, délicate, respectueuse de l'intimité des gens. Il y a un vrai travail de rédaction car c'est vraiment important la forme ». Si l'on considère alors le client comme un ami, la notion de confiance est importante selon Thierry Verge car chez Amazon, le mot d'ordre du PDG Jeff Bezos est de « ne jamais trahir la confiance du client ». C'est pourquoi, utiliser les données de manière inadaptée ou ne pas utiliser les données, augmente le risque de s'adresser au client de la mauvaise manière. Christophe Marée ajoute que « la contextualisation » va permettre de proposer des offres adaptées à chaque moment de vie, dans chaque endroit visité, pour chaque intérêt, c'est-à-dire, mettre la «bonne forme» pour toucher chaque client. Cela nous amène donc à la personnalisation.

La personnalisation

Là où Catherine Barba parlait d'un parcours d'achat aléatoire, multiforme voire unique (Barba, 2013), nous avons pu voir toute l'ampleur du défi à relever quant à la personnalisation. La notion d'unicité est présente chez tous les professionnels interrogés :

- Unicité du client : nous sommes passés de l'époque où tout le monde avait la même voiture, une Ford T noire, à l'ère de l'ultra personnalisation où l'« on vous propose de personnaliser jusqu'aux autocollants que vous allez pouvoir mettre sur le toit de la voiture par exemple» selon Christophe Marée, alors que Béatrice De Rotalier parle de la difficulté à personnaliser du fait de la subjectivité.

- Unicité du parcours client : Christophe Marée a évoqué l'unicité du parcours client comme « un véritable enjeu, parce que derrière, il va falloir que l'on (Adobe) soit capable, nous en tant qu'éditeur, mais surtout nos clients en tant que marque, d'identifier quels sont les contributeurs majeurs à la prise de décision des clients ». L'enjeu de la personnalisation est envisagé sous différents angles selon les professionnels. La contextualisation, dont il a été question précédemment avec Christophe Marée, est un élément important de la personnalisation

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dont voici un exemple : le client consulte un mail alors qu'il se trouve à Nice, une publicité pour des maillots de bain s'affiche ; il ouvre ce même mail et il se trouve à Courchevel, c'est une autre publicité qui apparaît, cela s'adapte au contexte du client. La personnalisation peut passer par le fait de s'adapter à chaque demande selon Thierry Verge : chez Amazon, la personnalisation passe aussi par la largeur de l'offre, pour essayer de toucher tout le monde. En allant jusqu'à proposer le produit quasiment introuvable (produits rares, anciennes éditions, etc.) même s'il n'est acheté que par un seul client dans l'année, l'émotion que va ressentir ce client vaut tous les efforts de personnalisation que déploie Amazon. Et c'est en ayant des outils d'analyse de données extrêmement performants, que chaque proposition ou emailing est percutant et efficace chez Amazon. La personnalisation crée de l'émotion selon Christophe Marée, car le client se sent unique.

L'intermédiation

Comment est-il alors possible de créer de l'émotion, délivrer une belle expérience client lorsque la marque n'est pas en contact direct avec son client final ? Cliquet (2011) évoquait le problème que pouvaient poser les franchisés et Cestre parlait des difficultés rencontrées par les marques. Est-ce que les acteurs qui doivent passer par un réseau de distribution risquent de ne pas maîtriser l'expérience client ? Y'en a-t-il d'autres qui ont ce risque? Tout d'abord, « l'intermédiation existe partout » selon Maurice Cautela comme dans l'exemple de Tripadvisor qui s'est interposé entre le client et l'hôtel. En partant de ce constat, le risque existe alors partout. Ce qu'Amazon a mis en place, a précisé Thierry Verge, pour réussir à maîtriser et véhiculer l'image de marque, c'est de proposer des « boutiques de marques » où chaque marque bénéficie de son identité propre mais avec une très large visibilité, grâce à la notoriété d'Amazon. Cela permet à la marque de véhiculer son image malgré l'intermédiation du site Amazon. Alors, si l'intermédiation est nécessaire ou inévitable, créer de l'émotion peut passer par d'autres moyens : Béatrice De Rotalier a, par exemple, invité des agents de voyages à un ciné-concert de West Side Story car elle veut que, dès qu'« il y a une connotation «États-Unis», f...] Delta soit systématiquement associé dans le subconscient des agents de voyages. Quelque part, cela les conditionne à acheter du Delta, en associant la marque comme étant la première sur les États-Unis ». Cela passe également par l'expérience vécue à bord avec l'idée qu' « un Français qui embarque sur Delta et qui monte dans l'avion, est déjà un petit peu aux États-Unis » ; tout cela permet d'associer la marque aux Etats-Unis et donc de créer des réflexes.

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L'omniprésence

Si l'on veut créer des réflexes, c'est-à-dire, faire en sorte que le client ne réfléchisse même plus avant d'effectuer son achat, il semble que cela passe par la création d'« une part de vie » selon Maurice Cautela. Béatrice De Rotalier estime que pour créer cette part de vie, cela passe par la présence de la marque dans la vie des citoyens, sans qu'il n'y ait de dimension transactionnelle : « en agissant à tous les niveaux... Par exemple, [...] Delta Airlines travaille avec les communautés aux États-Unis, [...] dans les quartiers les moins favorisés, [...] nous investissons dans des «Play grounds»60 pour les enfants. On s'investit également beaucoup auprès de «Habitat for Humanity», qui construit partout dans le monde, des maisons pour des gens qui n'en ont pas [...], on est une des premières compagnies associées aux levées de fonds pour le cancer : on a deux avions qui, tous les mois d'octobre, tournent : un sur les vols intérieurs et un autre sur les vols internationaux. Ils sont peints en rose et cela fait référence au cancer du sein, avec, tous les ans à cette époque, une campagne sur les levées de fonds pour le cancer du sein ». Il existe beaucoup d'autres exemples chez Delta Airlines qui montrent leur très grande implication dans la vie des américains : participation aux Gay Pride, transporteur officiel du Superbowl, des équipes de basketball (Knicks, Rangers) et de baseball (Yankees, Mets), soutien culturel (The Whitney Museum, New York City Wine & Food Festival, National September 11 Memorial & Museum, Queens Theatre, Queens Museum, Brooklyn Academy of Music, The Public Theater/Shakespeare in the Park etc.). C'est grâce à toute cette présence, dans des moments de vie «non transactionnels», que Delta créé une part de vie dans la vie des américains et Delta devient alors un réflexe. Pour occuper une part de vie du client, cela peut aussi passer par la largeur de l'offre proposée chez Amazon selon Thierry Verge : en faisant en sorte de tout proposer à la vente, Amazon fera nécessairement partie de votre vie à un moment ou un autre. Enfin, la notion de «part de vie», largement abordée par Maurice Cautela, passe avant tout par la simplicité : simplicité d'utilisation, « ne pas transiger avec l'essentiel » ; demain, « les entreprises qui seront leader sur leur marché, seront des entreprises qui sauront, dans leur domaine, occuper une part de vie du client plus importante ». Être capable de créer une «part de vie» dans la vie des clients, comme plusieurs professionnels le préconisent, amènerait-il à créer des réflexes dans l'esprit du client ? Et cette simplicité qui peut créer le réflexe, peut-elle passer par la fluidité du parcours client ?

60 Ce sont des endroits où les enfants peuvent jouer, des petits jardins pour enfants avec des toboggans, des murs à escalader.

La fluidité du parcours client

Nous avons pu voir les difficultés du multicanal, d'abord organisé en silos, à passer au cross-canal, nécessitant technologies, conduite du changement et souvent restructuration. Dans ce contexte, comment est-il possible d'assurer un parcours fluide au client ? Déjà, si le client à « l'impression que c'est la même personne (qui s'occupe de lui), même si ce n'est pas la même personne f...] (qu'il) passe d'un canal à l'autre, (qu'il) butine d'un canal à l'autre », cela amène de la fluidité, parce qu'« en réalité, c'est une seule et même marque, une seule et même enseigne qui (lui) parle et qui (le) connaît » selon Catherine Barba. La fluidité du parcours passe donc par la personnalisation (comme c'est le cas chez Amazon avec un adressage ultra ciblé) et l'identification (notamment à un personnage lié à la marque comme c'est le cas chez vente-privee.com, avec Cécile de Rostand). Nous évoquions précédemment la simplicité : c'est justement au travers de la facilité de navigation, avec un site optimisé, de nombreux filtres, une mise en avant de produits et des emailing ciblés, qu'Amazon réussit à assurer une parfaite fluidité, comme évoqué par Thierry Verge. Un achat sur le site Amazon est extrêmement facile, intuitif et fluide. Cette simplicité est donc indispensable. Lors de l'arrivée du tactile, Christophe Marée confirme que l'effet « pop » du doigt qui glisse sur l'écran, « au-delà de l'émotion, ça créé une simplicité d'utilisation, une simplicité d'usage ». Pourtant, Catherine Barba estime que c'est aussi en tenant compte du parcours effectué par le client avant son arrivée dans la magasin, que les équipes de vente pourront être dans de bonnes dispositions pour accueillir le client et assurer cette fluidité: c'est en acculturant les équipes et en leur montrant que la technologie n'existe pas que dans leur vie personnelle, mais aussi en investissant, justement, dans des technologies qui vont fluidifier le parcours (par exemple, création d'un numéro d'identifiant unique, historique des achats et des interactions entre le client et la marque...).

Après avoir vu les priorités des entreprises et les points de vue d'experts, il est maintenant nécessaire d'avoir une «vision client».

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard