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L'art numérique: médiation et mises en exposition d'une esthétique communicationnelle


par Lauren Malka
Celsa-Paris IV - Master 2 de Management Interculturel et Communication 2005
  

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2. L'art numérique en question : confrontation de définitions institutionnelles

Les différentes formes artistiques comprises sous la dénomination d'art numérique ont été, jusque là, tantôt négligées par les institutions artistiques et culturelles, tantôt au coeur de polémiques définitionnelles et esthétiques. Dans les deux cas, qu'il soit l'objet d'un rejet ou d'une curiosité et de questionnements renouvelés, il ne parvient pas à trouver une place à part entière et légitime dans le paysage artistique contemporain. Il semble que le caractère singulier de l'art numérique ne suscite la curiosité des médiateurs culturels que de manière ponctuelle, comme s'il s'agissait d'un objet exotique, mais ne parvienne à se banaliser sur le plan de la médiation institutionnelle. Pour comprendre les raisons de cette inconstance institutionnelle et accéder à une définition plus fine du courant, il faut s'intéresser aux perceptions que les différents médiateurs culturels ont de l'art numérique, de sa légitimité artistique, des potentialités et des éventuelles problématiques qu'il pose en terme d'institutionnalisation et de médiation. Pour ce faire, nous avons décortiqué les rapports, les initiatives passées et projetées des différentes institutions concernées. Nous nous appuyons ici sur une définition de la médiation proche de celle développée par Jean Caune10(*) : celle d'une relation à autrui par le biais d'une « parole » proposant le partage d'un monde de référence. Les institutions que nous observons offrent un écho, plus ou moins important, à l'art numérique et proposent ainsi à leurs publics de partager leur perception, les références qu'ils associent à cet art. Apparaissent ainsi trois perceptions, et par là trois médiations culturelles différentes révélant les conceptions possibles de l'art numérique, les espoirs et les craintes qu'il inspire :

- tout d'abord, une médiation publique que le gouvernement français élabore, dès le début des années 80, par la commande de rapports multiples traitant de l'art et des nouvelles technologies 

- puis, une médiation universitaire, par l'appropriation des outils numériques des écoles d'art et universités anciennes et récentes 

- et enfin une médiation culturelle et artistique, impliquant un positionnement des musées et institutions artistiques vis-à-vis de leurs publics.

a) La conception officielle de l'art numérique en France : des perspectives aussi florissantes que confuses

Dès la naissance de l'art numérique, de nombreux rapports ont été commandés par la France pour tenter de comprendre, de remettre en question ou d'exploiter au mieux les possibilités et les contraintes de l'art numérique.

.Les conceptions politiques de l'art numérique

Ces études et rapports publics sont fondamentaux pour la compréhension de ce champ artistique dans la mesure où ils en véhiculent une conception particulière. Tout d'abord, au travers de ces études, est confirmée l'idée, déjà perceptible avec l'art vidéo, d'une dimension politique de l'art numérique. Ce courant semble souvent considéré par l'Etat comme capable de véhiculer ou de réaffirmer des valeurs culturelles et politiques importantes. Dès les années 80, il se voit ainsi attribuée la vocation de renforcer l'identité culturelle. Une étude commandée par Claude Mollard, délégué aux arts plastiques en 1982, réalisée par Louis Bec, le peintre Cueco, Edmond Couchot, Jean Coudy, Jean-René Hissard, Pierre Guislain et Paul Virilio, et traitant des métiers de l'art numérique, illustre cette tendance d'une manière significative11(*). Cette étude insiste en effet sur la perspective de renforcement identitaire et culturel, inspirée par l'émergence de cette forme artistique, d'une part sur le plan national et d'autre part sur le plan régional. Au niveau national, le développement et le perfectionnement de la création numérique permettraient à la France de se distinguer de la production hégémonique, « médiocre et stéréotypée » de certains pays. Cette production désignée comme « médiocre et stéréotypée » est celle de la création d'images publicitaires ou commerciales, inspirant des confusions dont l'art numérique serait souvent victime. L'étude montre donc l'importance de se démarquer de cette production, dont la finalité n'est pas artistique, afin de construire un espace communicationnel et artistique propre à la France. Par ailleurs, au travers de cette étude, apparaît la perspective plus spécifique d'une réaffirmation des valeurs régionales par le développement institutionnel de l'art numérique. En parvenant à se développer et en construisant une esthétique claire, bien distincte des domaines commerciaux, ce mouvement créatif doit permettre de promouvoir, par le biais des identités régionales, les valeurs et la culture française.

.L'étude des difficultés communicationnelles de l'art numérique

Or, de nombreux rapports publics ont suivi celui-ci montrant précisément la difficulté de cette définition nécessaire du champ esthétique et de l'institutionnalisation de l'art numérique. En 1992, le délégué aux arts plastiques François Barré commande notamment une étude concernant « Le développement des nouvelles technologies dans leurs relations à l'art »12(*). Cette étude pose d'une manière plus approfondie les grandes difficultés de l'épanouissement des nouvelles technologies dans le monde de l'art. Tout d'abord, elle souligne une confusion récurrente des médiateurs culturels entre les notions d'art numérique et de production industrielle. L'assimilation de ces deux notions explique en partie la difficulté, pour ces mêmes médiateurs, d'accepter ce qu'ils considèrent comme le rapprochement du champ artistique et du champ commercial. Ce rapport souligne ainsi l'opacité aux yeux des publics les plus avertis, de la notion d'art numérique, et la récurrence de cette confusion entre les artistes et les créatifs publicitaires. De même, l'étude relève une certaine tendance des acteurs de l'art contemporain, à voir dans l'usage artistique des nouvelles technologies une intrusion illégitime des techniciens et informaticiens dans l'art. Les médiateurs culturels ne peuvent accepter de voir leur culture artistique contestée par ce mouvement qui remet en question les techniques et les notions de l'art traditionnel. Enfin, parallèlement à ces problématiques de perception par les différents acteurs et médiateurs concernés, est posé le problème de l'institutionnalisation de l'art numérique. Comment les institutions, culturelles, artistiques, ou encore universitaires, pourrait-elles s'approprier un champ créatif aussi hétérogène et aussi mouvant ? Comment institutionnaliser cet art sans le figer ou en transmettre une représentation altérée ? L'art numérique semble caractérisé par les notions éphémères de nouveauté, de singularité ou encore de révolution esthétique. Est-il réellement possible d'attribuer une définition, des institutions constantes, et une esthétique fixe à un mouvement en continuel renouvellement? Apparaît ainsi, à travers cette étude, la crainte d'une mise à l'écart systématique de l'art numérique, due à l'aspect éphémère et imprécis de ses frontières et à la singularité de son champ d'investigation. En 2000, le Ministère de la culture commande à Jean-Michel Lucas, Annick Bureaud et Serge Pouts-Lajus une étude concernant les structures qui soutiennent le développement de l'art numérique en France. Les auteurs de ces études s'interrogent sur la perception de l'esthétique numérique. Ils insistent sur la nécessité pour les structures publiques et privées de reconnaître la légitimité de la notion d'expérimentation artistique propre à l'art numérique. Cette étude se concentre ainsi sur l'esthétique de la réception de l'art numérique qui doit se fonder sur la notion d'expérimentation, et non plus sur la notion traditionnelle des oeuvres, ou en d'autres termes des résultats artistiques. Dès lors, selon ces auteurs, l'art numérique ne peut prendre corps et se développer sans la réception appropriée, et donc la bonne compréhension du public. Si de nombreuses études s'intéressaient au pouvoir culturel du développement de la création numérique sur la société, cette étude cherche à comprendre, à l'inverse, le pouvoir du public sur le développement de ce courant. Ces deux approches divergentes de la création et de la réception de l'oeuvre d'art numérique, ne sont cependant pas incompatibles dans la mesure où elles confirment l'importance de la notion d'interaction entre l'oeuvre et le spectateur, inhérente à cette discipline.

Les études interrogeant ainsi les vocations et les problématiques reliées au développement de l'art numérique ont été extrêmement nombreuses en France et nous ne pouvons ici en évoquer que quelques exemples représentatifs. Cependant, ces exemples révèlent déjà l'hétérogénéité des perceptions de l'art numérique et des perspectives qui lui sont attribuées, une hétérogénéité amenant à la fois richesse et opacité à la définition de ce courant.

* 10 Jean Caune, Pour une éthique de la médiation : le sens des pratiques culturelles, PUG, 1999.

* 11 Pour des raisons que nous ignorons, ce rapport officiel, résumé par Edmond Couchot et Norbert Hillaire dans leur ouvrage L'Art numérique, Comment la technologie vient au monde de l'art, (Champs Flammarion, 2005)

n'est pas directement accessible ou consultable.

* 12 Etude réalisée par Edmond Couchot, Thierry de Duve, Anne-Marie Duguet, Norbert Hillaire, Piotr Kowalski, Paul Virilio, Jean Zeiton, Jean-Jérôme Bertholus, Louis Bec et Martine Bour. De même pour cette étude, nous nous référons à l'ouvrage d'Edmond Couchot et de Norbert Hillaire L'art Numérique Comment la technologie vient au monde de l'art, (Champs Flammarion, 2005)

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