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Problématique de l'égalité des droits des enfants légitime et naturel dans le nouveau régime des successions du Bénin

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par Julien HOUNKPE
Université d'Abomey Calavi (Bénin) - Maitrise en Droit 2006
  

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Paragraphe 2 - Persistance de la discrimination envers l'enfant

naturel

Les efforts des rédacteurs du code béninois des personnes et de la famille pour mettre fin aux discriminations envers les enfants naturels ne se sont pas vraiment étendus aux enfants incestueux pour lesquels subsiste toujours une hypothèse d'infériorité.

Etant donné qu'il ne leur est concédé qu'une moitié de filiation aux termes de l'article 319, alinéa 3, ils n'ont par suite, droit qu'à une succession réduite.

Au-delà donc du regroupement des enfants nés hors mariage sous le terme général d'enfants naturels et du traitement apparemment commun qui ressort d'un certain nombre de dispositions, le code des personnes et de la famille écarte, dans le fond, les enfants incestueux pour leur réserver un sort toujours différent.

C'est une situation assez préoccupante que nous essaierons d'expliquer ici, et que le législateur ferait bien de corriger en vue d'une certaine équité envers eux.

A- Une succession amputée pour l'enfant incestueux

L'intention du législateur de faire un sort particulier à l'enfant incestueux est manifeste à travers un bon nombre de dispositions du code béninois des personnes et de la famille.

Il est évident que son statut juridique a été spécialement étudié, de façon à « l'écarter » des autres enfants naturels qui ont pu voir le leur corrigé, amélioré. Il ne fait aucun doute que les rédacteurs du code des personnes et de la famille ont soigneusement veillé à établir les bases juridiques d'une situation discriminatoire pour les enfants incestueux.

En effet, les implications de l'article 319 alinéa 3 s'étendent à plusieurs points qui définissent, enfin de compte, pour ces enfants, un contexte juridique et social préoccupant.

Etant donné que le lien de filiation établi conditionne le statut de l'enfant à divers niveaux, notamment aux niveaux juridique, social et économique, on comprend que les rédacteurs, aient particulièrement pris soin de fixer les règles de l'établissement de leur filiation de façon à leur rendre impossible le bénéfice de l'assimilation dont les enfants naturel simple et adultérin ont fait l'objet par rapport à l'enfant légitime.

Une première manifestation se retrouve à l'article 328 dudit code où il est stipulé que : « lorsque la filiation est légalement établie, les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits que les enfants légitimes, sous les réserves prévues au titre des successions » .

Il serait donc plus sage de prendre quelque recul à la lecture de cette disposition qui accorde les mêmes droits à tous les enfants, et de tenir compte des réserves émises par la suite.

L'enfant incestueux, pour être précis, et surtout sans vouloir être hypocrite, est carrément exclu du lot des autres enfants naturels qui peuvent aujourd'hui jouir d'un statut juridique franchement corrigé ; nous voulons parler des enfants naturels et adultérins.

Il faut relever qu'au chapitre des successions, le législateur insiste sur les réserves déjà émises au niveau de l'établissement de la filiation. L'intention de traiter différemment ce type d'enfant persiste et on ne saurait dire qu'il s'agit là d'un hasard.

Aux termes de l'article 619, en effet, les enfants ou leurs descendants peuvent aller à la succession de leurs père et mère ou autres ascendants (...) sous réserve des dispositions prévues relativement aux enfants incestueux. L'article précise bien qu'il s'agit de l'enfant incestueux et pas celui adultérin ou naturel simple.

L'enfant incestueux a donc bien été mis de côté et il en est de même au niveau de l'article suivant, c'est-à-dire le 620 où l'enfant incestueux est clairement écarté : « les enfants, quelle que soit l'origine de leur filiation jouissent des mêmes droits successoraux, sous réserves des dispositions de l'article suivant ».

Ainsi, les réserves sont à chaque fois maintenues par le législateur vis-à-vis de l'enfant incestueux, tandis que les articles s'annoncent les uns les autres.

C'est le cas de l'article 620 qui renvoie au 621 où les rédacteurs du code précisent clairement le sort qu'ils réservent à l'enfant incestueux quant à sa part réelle de droits dans la succession de ses auteurs.

Le code ne reconnaît de droits successoraux à cet enfant qu'à l'égard de celui de ses auteurs qui l'aura reconnu et non à l'égard des deux. C'est la conséquence directe de l'alinéa 3 de l'article 319 du même code qui ne permet à l'enfant incestueux qu'une filiation à sens unique, c'est-à-dire une filiation unilinéaire, une moitié de filiation.

En dehors donc de celui de ses parents qui l'aura reconnu, l'enfant incestueux ne pourra prétendre à aucun droit dans la succession, ni de son autre auteur, ni d'aucun de ses autres ascendants. L'article 621 est suffisamment éloquent à cet effet : « l'enfant incestueux n'a de droits successoraux qu'à l'égard du parent qui l'a reconnu conformément à l'article 319 du présent code »

Il est donc clair que cette catégorie d'enfant n'a pas la moindre issue : Le législateur ne lui donne pas vraiment le choix ; il a plutôt pris grand soin de lui imposer une situation juridique dont il lui sera extrêmement difficile de se défaire. Ses droits héréditaires se trouvent ainsi amputés de moitié, ce qui n'est pas pour l'arranger du tout, à aucun point de vue.

Contrairement donc aux enfants adultérins et naturels simples qui peuvent aller à la succession de leurs deux parents, les enfants incestueux ne peuvent prétendre qu'à la succession, soit de leur père, soit de leur mère, c'est-à-dire celui d'entre eux qui l'aurait reconnu et d'aucun autre ascendant.

De la même façon, ils ne pourront, en vertu de l'article 6, alinéa 2 du CPF, porter que le nom du parent, père ou mère, qui les aura reconnus. L'enfant incestueux est ainsi inévitablement condamné à des pertes économiques sérieuses qui fragilisent d'autant plus son statut social.

En définitive, il se trouve, sans aucune objection, dans une situation bien inconfortable. Cette situation aurait pourtant été déplorable si la loi ne lui arrachait pas également la moitié de ses droits aux aliments (B).  

B- Une amputation qui s'étend au droit alimentaire

Aux termes de l'article 385 du code, les aliments comprennent tout ce qui est nécessaire à la vie, notamment la nourriture, le logement, les vêtements, les frais de maladie.

L'obligation alimentaire rend les parents débiteurs de leurs enfants pour la satisfaction des besoins essentiels de leur vie. Qui fait l'enfant, dit-on, doit le nourrir. C'est là un adage qui pose en substance une règle de profonde justice, d'équité.

Le code béninois des personnes et de la famille, en prohibant pourtant l'établissement d'une double filiation aux enfants incestueux, les prive par là même de la moitié de leurs droits aux aliments.

Par le terme « moitié », nous voudrions juste signifier l'ensemble des droits dont l'enfant incestueux est automatiquement privé du côté du parent qui ne peut pas le reconnaître, compte tenu de l'interdiction de double filiation qui lui est faite. En effet, l'obligation alimentaire ne résulte que de la parenté, qui elle, « résulte de la filiation et d'elle seule17(*) ».

Or, le lien de filiation étant impossible à établir vis-à-vis de l'un des auteurs pour l'enfant incestueux, il est clair que, de la même manière que les droits successoraux ont été amputés, ses droits aux aliments s'en trouvent eux aussi divisés en deux.

Ainsi, il lui sera tout simplement impossible de prétendre à des droits alimentaires vis-à-vis de celui de ses parents qui ne l'a pas reconnu, ou du moins, qui ne peut le reconnaître, le support juridique d'une prétention étant inexistant, interdit d'établissement.

Dans ces conditions, et sachant que les femmes sont généralement moins nanties que les hommes (produit de notre héritage culturel), quelle pourrait être la consistance des droits d'un enfant incestueux reconnu par sa mère18(*) ? Il serait condamné à une situation encore plus critique. Nous voyons là jusqu'à quel point l'interdiction de la double filiation peut rattraper l'enfant et compromettre inévitablement ses droits à quelque niveau que ce soit.

Autrement dit, l'ombre de l'infamie de l'inceste dont il a été couvert dès sa conception le poursuit en quelque sorte partout où il peut être question de ses droits et les réduits automatiquement, étant donné les prescriptions légales relatives à l'établissement de sa filiation.

En réalité, nous ignorons si le législateur a soupesé toutes les implications de cette interdiction de double filiation, mais, à voir la persistance des dispositions du code des personnes et de la famille pour écarter l'enfant incestueux des autres enfants naturels, cela ne fait pas vraiment de doute, à notre sens.

On pourrait en dire plus : ainsi que nous l'affirmions plus haut, les rédacteurs du code ont pris grand soin d'imposer à cette catégorie d'enfants, une situation juridique sans issue, étroite et difficilement attaquable.

Il faut à tout prix que les rédacteurs du code réétudient leur situation dans le sens d'une correction du tort qui leur est fait, ainsi que nous avons pu le remarquer à travers nos analyses. Le législateur doit être non seulement conséquent envers lui-même, mais aussi faire preuve d'un brin d'équité vis-à-vis de chaque sujet de droit.

* 17 Article 378 du Code béninois des personnes et de la famille

2 Il ne s'agit pas des femmes citadines qui ont généralement une « autonomie certaine sur le plan financier » selon Véronique AKANKOSSI-DEGUENON, De l'intérêt de l'enfant en droit positif, RBSJA

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote