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Un monde sans droit d'auteur

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par Chan chamnan THAN
Université Lyon 2 - Master 1 droit 2005
  

Disponible en mode multipage

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Introduction

Grâce aux données historiques, nous sommes bien enseignés que la créativité humaine joue toujours le rôle déterminant dès l'Antiquité dans l'évolution de la société sur tous les domaines. A titre d'exemple, l'invention des « machines à vapeur » à la fin du XVIIIème siècle (attribuée à l'Ecossais James Watt) déboucha sur la Révolution industrielle, sans précédent, en Europe occidentale. De même, sur le plan culturel, nous tenons à évoquer les oeuvres littéraires et artistiques de Molière, Balzac, Renoir, Gauguin... qui contribuèrent immensément à la prospérité de la civilisation française. En somme, nous pouvons estimer que le développement d'une nation est largement conditionné par l'ampleur des idées créatives ou inventives de sa population.

Or, les diverses idées qui circulent dans chaque société ne sont pas tous créatives et que tout le monde ne peut pas devenir « créateur » par toutes les idées qu'il exprime. Autrement dit, les idées susceptibles d'être qualifiées comme créatives sont en fait moins nombreuses, voire très rares. A cet égard, afin d'éviter toute ambiguïté et de récompenser cette précieuse « rareté intellectuelle », le législateur intervient en adoptant, d'une part, de multiples lois qui prévoient de la qualification des oeuvres de l'esprit. D'autres part, il met en place les mesures nécessaires destinées à les protéger en reconnaissant au profit de leurs auteurs un certain nombre de droits et prérogatives. D'une façon générale, nous constatons que ces derniers relèvent du droit de la propriété intellectuelle.

S'agissant de la propriété intellectuelle, le droit français entreprend, à partir de la fin du XIXème siècle, la distinction fondamentale entre les droits de la propriété industrielle et ceux de la propriété littéraire et artistique. Les premiers concernent toutes les créations dont le but est, comme son appellation nous indique, industriel et technique. C'est le cas notamment des brevets d'invention et des marques. Quant aux seconds, ils se rapportent plutôt à l'ensemble des créations qui figurent dans le périmètre culturel. Le plus souvent, quand l'on parle des droits littéraires et artistiques, on sera incité considérablement à songer à l'institution du droit d'auteur. Alors, de quoi s'agit-il ce dernier ?

D'après plusieurs constats, le droit d'auteur consistant essentiellement à protéger les intérêts des créateurs de « l'oeuvre de l'esprit » est toujours un des droits les plus affectés par l'évolution technique et sociale. A partir de l'invention des techniques modernes de l'imprimerie (au milieu du XVème siècle) jusqu'à l'époque contemporaine, marquée par la prédominance ubiquiste de la « numérisation », nous observons que le droit d'auteur a fait l'objet de plusieurs retouches spectaculaires. Bien évidemment, la protection du droit d'auteur constitue constamment une tâche très énorme pour le législateur qui est obligé de soutenir le secteur de création intellectuelle sans pourtant marginaliser des autres libertés et droits. Certes, cet esprit est également retenu par le système juridique français. De plus, nous constatons que le législateur français est particulièrement acharné à mettre à jour les dispositifs concernés en vue d'assurer l'existence de son droit d'auteur. Cette détermination admirable peut être témoignée par la récente adoption du projet de la loi dite « DADVSI » ou, encore, « DADvSI » (la loi sur le droit d'auteur et des droits voisins dans les sociétés d'information) par l'Assemblée nationale.

Pour autant, si nous examinons de manière plus attentive ce qui se passe réellement et actuellement autour de nous, nous constaterons qu'il existe beaucoup de soucis relatifs à l'efficacité juridique du droit d'auteur. L'une de ces préoccupations résulte de la coexistence entre le droit d'auteur et les techniques avancées dont l'Internet et le numérique. En fait, ce n'est pas cette coexistence pure et simple qui est à l'origine de problèmes. Par contre, ce sont des dangers découlant de ces techniques qui suscitent de nombreux débats concernant spécialement la sauvegarde du droit d'auteur. Plus précisément, nous devons reconnaître qu'il y a de plus en plus aujourd'hui certaines pratiques, réalisées par lesdits procédés, notamment « les téléchargements illégaux », qui portent atteinte sévèrement au droit sacré des créateurs. Face à ce nouveau phénomène social, nous constatons une pluralité des hypothèses relatives au sort du droit d'auteur. Parmi ces hypothèses, il y a une qui nous étonne considérablement car elle énonce la survenance d'un « monde sans droit d'auteur ».

De ce propos provocateur, nous aurions l'impression que le vocable « un monde » ici se réfère, par métonymie, à « une société » ou « un pays » où le droit d'auteur n'est pas présent. Pourtant, eu égard aux situations actuelles du droit d'auteur sur le plan international, rien ne nous empêcherait de prendre l'expression « un monde » en cause comme « la Terre », c'est-à-dire « le monde entier » en tant que tel. De toute façon, pour assurer un meilleur traitement de sujet, nous nous contentons de considérer plutôt « un monde » de notre cas dans la première signification.

Vis-à-vis de cet énoncé, nous pourrions en plus nous interroger si un tel monde a d'ores et déjà existé. Et, si c'est le cas, où se trouve-t-il exactement ? Comment peut-il avoir lieu ? Quand surviendrait-il ? etc. Cependant, ces questions ne sont que celles accessoires. A l'inverse, les principaux éléments qui mériteraient effectivement notre attention maximale consistent à savoir, premièrement, comment nous sommes en mesure de déterminer une absence du droit d'auteur et si cette absence est appréciée uniquement sur le plan juridique ou, au contraire, sur le plan factuel ou sur tous les deux conjointement. Deuxièmement, étant le corollaire de la première, quels seront les facteurs de l'absence du droit d'auteur. Troisièmement et dernièrement, il s'avère aussi incontournable de nous nous interroger des conséquences de cette absence.

Avant d'établir des réponses mûres et solides à ces questions, nous ne pouvons maintenant que dire qu'avec l'avènement de la nouvelle loi portant sur le droit d'auteur, le législateur français demeure encore fidèle à l'existence de ce dernier. De toute façon, nous devons concéder en même temps que le concept traditionnel du droit d'auteur est de nos jours mis en cause sur le plan pratique.

En raison de faveurs documentaires, notre étude s'appuiera essentiellement sur le système actuel du droit d'auteur français. Toutefois, le cas échéant et si possible, nous allons évoquer aussi certains aspects des législations étrangères afin d'éclaircir nos démarches.

Alors, en plaçant notre objectif global sur la détermination du contexte d'une société dénuée du droit d'auteur, nous allons aborder en premier lieu ce que nous appelons « L'absence du droit d'auteur ? » (CHAPITRE I). De cet intitulé interrogatif, il nous conviendra de faire des analyses du défaut de droit d'auteur, sur deux terrains contradictoires à savoir juridique et factuel. En second lieu, quel que soit la réponse dégagée du premier chapitre, nous traiterons d'une part des conséquences issues de l'absence du droit d'auteur et d'autre part les mécanismes que nous devrions mettre en oeuvre afin de prévenir la disparition du droit d'auteur. Ces deux grands points seront ainsi examinés dans « Les conséquences de l'absence du droit d'auteur et les solutions » (CHAPITRE II).

Chapitre I

Nous vivons maintenant une époque sans droit d'auteur ? A cette question succincte et droite, il existe un grand nombre de réponses qui ont été dégagées et justifiées différemment. Pourtant, elles pourraient être regroupées en deux catégories principales à savoir celle des « opinions affirmatives » et celle des « opinions négatives ».

Pour ceux dont la réponse est négative et qui appuient leurs arguments sur la « façade » du droit positif, ils relèvent que l'institution du droit d'auteur figure expressément dans la structure sociale et juridique. En plus, ce droit s'inscrit actuellement dans une importante évolution au regard des techniques modernes. Ils concluent donc que le système de protection des oeuvres de l'esprit est présent non seulement à l'échelon national, mais également à celui international. Au contraire, pour ceux qui ont répondu par l'affirmative à ladite question, ils se prévalent d'une montée des atteintes et violations de diverses natures au préjudice du droit d'auteur. Ils attribuent à titre principal ce phénomène bouleversant aux effets pervers de l'Internet et du numérique. Selon eux, le droit d'auteur devient de plus en plus « vulnérable » sur le plan pratique et est en voie de disparition de facto.

En particulier, pour la France, dans quelle situation se trouve-t-elle exactement pour l'heure ?

En prenant en compte de toutes ces réactions mixtes, nous allons déterminer « une place authentique » du droit d'auteur actuel tant sur le plan juridique que sur le plan pratique. Dans ce sens, il nous importe de commencer tout d'abord par l'examen des idées prétendant que l'absence du droit d'auteur est « une irréalité juridique » (SECTION I). Ensuite, nous devrons apprécier celles des personnes qui estiment que l'absence du droit d'auteur est sans doute « une réalité factuelle » (SECTION II).

SECTION I

Une irréalité juridique

Quel que soit son système juridique et économique, chaque Etat dispose d'un droit d'auteur. Autrement dit, l'attachement à un droit d'auteur constitue une tendance commune dans toutes parties du monde. Au sens large, ce droit n'a pas à être établi nécessairement dans un ensemble des règles soumises au même code. Cela signifie donc que la création des oeuvres culturelles dans un pays peut être tout simplement régie et protégée par des règles éparses, présentant néanmoins une cohérence légale.

A cet effet, il nous convient d'étudier, en premier lieu, « le droit d'auteur français » (§1). En tentant simplement d'affirmer l'existence du droit d'auteur sur le plan juridique, nous éviterons intentionnellement de détailler notre approche. D'ailleurs, pour attester ladite tendance commune en dehors de l'Hexagone, nous allons évoquer également des aspects juridiques de certaines législations étrangères. A dire vrai, il s'agira, en second lieu, de traiter « le droit d'auteur des autres pays » (§2).

§1. Le droit d'auteur français

Le droit d'auteur français se fonde sur deux textes fondamentaux : la loi du 11 mars 1957 et celle du 3 juillet 19851(*). La teneur de ces deux lois est reprise par l'ensemble des dispositions des Livres Ier et III du Code de la propriété intellectuelle (CPI), mis en place depuis le 1er juillet 1992. En outre, la France soumet son droit d'auteur à certains textes ayant la valeur supranationale, tels que la Convention de Berne et, plus récemment, les deux traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) portant sur l'Internet.

Le droit d'auteur français est caractérisé, d'une part, par son régime juridique de la création de l'esprit (A) et, d'autre part, son système de protection (B), jugé particulièrement élaboré.

A. Le régime juridique de la création de l'esprit

L'article L111-1 du CPI prévoit que « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial ». Cette disposition primaire du CPI pose le principe de la protection du droit d'auteur et, plus essentiellement, nous en fournit beaucoup d'informations. Néanmoins, en raison de son caractère général, elle ne nous donne pas une précision adéquate pour chaque élément qu'elle contient, notamment la notion de l'oeuvre de l'esprit. Par conséquent, nous pouvons nous interroger que signifie l'oeuvre de l'esprit et l'auteur ou comment acquérir le droit de propriété incorporelle etc.

Ainsi, nous allons examiner successivement des principaux aspects relatifs au droit d'auteur : l'acquisition du droit d'auteur (a), l'oeuvre de l'esprit (b) et l'auteur et ses droits (c). Il faut y inclure aussi les exceptions du droit d'auteur (d) et les rapports entre le droit d'auteur et les droits voisins du droit d'auteur (e).

a. L'acquisition du droit d'auteur

D'une manière plus nette, il s'agit de savoir comment les auteurs obtiennent la protection de leurs oeuvres. En vertu de l'article L111-1 du CPI (précitée), la protection légale est accordée à l'auteur du simple fait de la création de son oeuvre de l'esprit et n'est pas subordonnée à l'accomplissement de formalités, même administratives. A cet égard, nous constatons que, différemment aux autre droits de la propriété intellectuelle tels que ceux de brevet d'invention et de marque, les règles de dépôt préalable [auprès de l'Institut national de la propriété intellectuelle « INPI » ou des autres organismes administratifs] n'exercent aucune influence sur la naissance du droit d'auteur.

Cependant, l'existence d'un dépôt ou d'un enregistrement peut, en cas de litige, être de nature à faciliter des preuves de la paternité et celles de la date de création de l'oeuvre. A cette fin, pour établir le soutien probatoire préalable, l'auteur peut, en optant pour l'un des quatre procédés suivant, déposer son oeuvre :

1- chez un huissier ou un notaire;

2- sous enveloppe Soleau (enveloppe double dont l'une des parties est renvoyée au déposant, après l'enregistrement et la perforation), adressée soit auprès de l'INPI soit des centres régionaux de l'INPI (pour les dépositaires domiciliés en province);

3- auprès de l'une des sociétés de perception et de répartition des droits des auteurs « SPRD »; (infra, « les sociétés de perception et de répartition des droits »)

4- en s'envoyant à lui-même ou à un tiers l'oeuvre sous pli fermé avec accusé de réception sans ouvrir l'enveloppe lors de la réception. C'est le cachet de la poste sur l'enveloppe qui fera foi.

D'ailleurs, il est important de noter que la protection du droit d'auteur est reconnue au créateur d'une oeuvre de l'esprit sous forme de droit de la propriété incorporelle. Certes, ce droit fait partie du patrimoine de l'auteur. Mais, juridiquement, il se présenterait comme une catégorie autonome et particulière du droit patrimonial car il n'est pas un droit réel portant sur une chose matérielle (à l'inverse, il porte sur une création intellectuelle), ni un droit de créance exercé à l'encontre d'un débiteur déterminé (par contre, il produit des effets erga omnes).

De surcroît, ce droit de la propriété incorporelle ne porte pas sur l'objet matériel dans lequel s'incorpore la création, mais uniquement sur la création de l'oeuvre elle-même. Il en résulte que les droits d'auteur sont indépendants des droits de propriété corporelle portant sur l'objet matériel. Nous pouvons ainsi estimer que la vente du support matériel de l'oeuvre (par exemple un DVD) n'emporte pas la cession des droits d'auteur de la part de ce dernier à l'acheteur.

b- L'oeuvre de l'esprit

Quelles sont les oeuvres qui sont susceptibles d'être protégées par le mécanisme du droit d'auteur ? Aux termes de l'article L112-2 du CPI, la protection légale a vocation à s'appliquer à toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Les dispositions dudit texte peuvent être expliquées de manière suivante : les oeuvres de l'esprit sont protégées indépendamment de leur appartenance à un genre. Cela signifie qu'elles peuvent être celles littéraires ou artistiques ou musicales. De même, la protection est possible, peu importe la forme dans laquelle l'oeuvre se matérialise (par écrit ou oralement). La protection est également due indépendamment de toutes considérations tirées des mérites et destinations de l'oeuvre. C'est-à-dire que la protection est accordée à une oeuvre sans tenir compte de sa qualité esthétique ou encore de la finalité pour laquelle elle a été créée (nous parlons à ce propos des « créations esthétiques » ou « créations à but utilitaire »).

Pareillement, l'article L112-1 du CPI cite un certain nombre des oeuvres qui bénéficient de la protection légale. Elles comprennent, outre celles littéraires, artistiques et musicales, des oeuvres graphiques et plastiques, des oeuvres dramatiques, des oeuvres chorégraphiques (à condition qu'elles soient fixées par écrit ou autrement), des oeuvres audiovisuelles, des oeuvres publicitaires, des oeuvres photographiques, des oeuvres d'arts d'appliqués, des oeuvres d'architecte, des logiciels2(*)... Pour autant, la liste établie par ledit article n'est pas limitative ou exhaustive. Le législateur semble de reconnaître des autres oeuvres voisines par une définition largement étendue.

Malgré le flou de la loi sur les critères des oeuvres protégeables, nous constatons qu'en pratique les créations intellectuelles, de leur état pur et simple, ne sont pas automatiquement protégées par le droit d'auteur. Par contre, la protection bénéficie seulement aux oeuvres de l'esprit qui répondent à un certain nombre de conditions. Celles-ci, cumulatives, sont au nombre de deux à savoir :

1- L'exigence d'une concrétisation formelle de l'oeuvre : toutes les oeuvres intellectuelles doivent être conçues dans une forme précise qui la rend matériellement perceptible. A cet égard, le droit d'auteur est vu comme consistant à protéger la forme de l'expression littéraire ou artistique et pas les idées, les concepts ou les méthodes qui sont à la base de la création; lesquels sont de libre parcours et ne peuvent faire l'objet d'une appropriation privative. En plus, il est important de remarquer que le fait qu'une oeuvre soit inachevée ou en cours d'élaboration ne fait pas obstacle à sa protection (article L112-2 CPI). C'est le cas, par exemple, des « esquisses » ou des « ébauches » qui doivent être également couvertes par la protection du droit d'auteur.

2- L'exigence d'une forme « originale » : l'originalité est la condition vitale et la plus complète pour qu'une oeuvre bénéficie de la protection du droit d'auteur. Elle est considérée comme l'expression juridique de la créativité de l'auteur. Le plus souvent, elle est définie comme « le style personnel » ou « l'empreinte de personnalité » de l'auteur. De toute façon, elle ne relevant que d'une notion relative, les juges apprécient le caractère original de l'oeuvre cas par cas. A l'opposé de la notion de « la nouveauté »3(*), qualifiée objectivement, l'originalité d'une oeuvre est appréciée subjectivement. A dire vrai, elle est déduite de la capacité personnelle de chaque auteur et du lien d'extranéité entre ce dernier et son oeuvre. C'est le cas notamment où un paysage est le sujet traité par deux peintres distincts. Le tableau du second peintre n'est pas nouveau [par rapport à celui du premier]. Toutefois, il est considéré comme original car il exprime la personnalité de son auteur.

Grâce à ce double critère de qualification, on s'aperçoit que le titre d'une oeuvre de l'esprit peut aussi bénéficier d'une protection comme l'oeuvre elle-même, à condition qu'il revêtît sa propre originalité (article L112-4 CPI). D'ailleurs, selon une règle traditionnelle, il existe un certain nombre des actes ou oeuvres qui ne peuvent pas réclamer la protection du droit d'auteur. Ces actes sont normalement ceux officiels tels que les décisions judiciaires (y compris les jurisprudences), les travaux parlementaires, les décisions administratives (lois, règlements, arrêtés ministériels...) etc. De toute façon, cela ne signifie pas que les documents administratifs sont tous écartés de la protection du droit d'auteur. Dans ce sens, la loi impose, dans certains cas, le respect du droit d'auteur pour certains documents officiels lors de leur communication au public.

Nous nous demandons ensuite de la typologie des oeuvres de l'esprit, gouvernées par le droit d'auteur. Sans doute, la classification majeure et traditionnelle est celle des oeuvres littéraires et artistiques, à laquelle on pourrait ajouter, quelques fois, la catégorie des oeuvres musicales. Cependant, on peut aussi distinguer les oeuvres de l'esprit en recourant aux autres modes délicats. On relève, à titre d'exemple, la classification des « oeuvres individuelles » et des « oeuvres plurales ».

En fait, cette dernière distinction se fonde sur le nombre des auteurs qui participent à la création des oeuvres. A cet égard, les oeuvres individuelles ont pour un seul auteur. Par contre, pour les oeuvres dites « plurales », elles supposent la participation des efforts de deux ou plusieurs personnes. Nous constatons que le code de la propriété intellectuelle aménage « un statut particulier » pour les oeuvres plurales qui sont :

· L'oeuvre de collaboration. Elle est définie par l'article L113-2, alinéa 1er du CPI comme « l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ». Elle correspond aux cas où les participants font un apport créatif respectif dans la communauté d'inspiration. L'exemple typique d'une telle oeuvre est l'oeuvre audiovisuelle (chansons, paroles, musiques...).

· L'oeuvre collective. Selon l'article L113-2, alinéa 3 du CPI, elle est « l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ». C'est le cas notamment d'une encyclopédie ou d'un dictionnaire.

· L'oeuvre composite ou dérivée. L'article L113-2, alinéa 2 du CPI prévoit que l'oeuvre composite ou dérivée est « l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière ». Elle concerne par exemple l'adaptation, la traduction, les recueils des oeuvres préexistantes. Nous remarquons, d'une part, qu'elle suppose l'incorporation d'une oeuvre ancienne dans une oeuvre nouvelle. Cette incorporation peut être matérielle (notamment l'insertion d'une pièce de musique dans une oeuvre multimédia4(*)) ou intellectuelle (notamment une peinture inspirée d'un paysage d'un roman). D'autre part, l'oeuvre composite ou dérivée, de manière différente aux oeuvres collectives et celles de collaboration, n'exige pas que les efforts intellectuels de tous les auteurs concernés aient lieu en même temps. Par contre, l'auteur de cette oeuvre peut effectuer l'incorporation sur l'oeuvre ancienne dont l'auteur est décédée ou qui est d'ores et déjà tombée dans le domaine public (infra, « l'auteur et ses droits »). Dans ce cas, il doit respecter des règles relatives à une telle oeuvre, notamment les droits des héritiers de l'auteur.

Outre les classifications indiquées ci-dessus, il en existe d'autres que nous pouvons qualifier comme « secondaires ». Nous constatons que la plupart de ces classifications se basent essentiellement sur la méthode technique dont les oeuvres concernées dépendent. Pour les autres, elles peuvent se faire en fonction des situations de l'oeuvre ou celles de l'auteur. A ce propos, nous pouvons évoquer notamment la notion des « oeuvres posthumes ». Ces oeuvres sont définies par la loi5(*) comme celles qui ne sont pas divulguées ou portées à la connaissance du public du vivant de l'auteur. A l'inverse, elles ne le sont qu'à la suite du décès de ce dernier.

c- L'auteur et ses droits

Qui est investi de la protection du droit d'auteur ? Certes, la législation française confère l'ensemble des avantages de la protection en question à l'auteur d'une oeuvre de l'esprit donnée. Mais, qui est l'auteur ? Et, comment peut-on l'identifier ?

La qualité d'auteur appartient en général à la ou aux personnes qui ont effectué la création intellectuelle de l'oeuvre. Plus précisément, l'auteur est celui qui réalise « un apport intellectuel personnel » dans le processus de création des oeuvres. Donc, est exclu de la qualité d'auteur l'exécutant matériel (par exemple le maçon qui a construit une maison selon le plan d'architecture) ou une personne qui a fourni l'idée purement et simplement. En particulier, la loi présume que la qualité d'auteur est attribuée à celui sous le nom duquel l'oeuvre est divulguée (article L113-1 CPI). Toutefois, il s'agit d'une présomption simple susceptible d'être renversée par des preuves contraires. Comme nous avons vu, la preuve de la qualité d'auteur est libre, facile à établir et peut être apportée par tout moyen (supra, « l'acquisition du droit d'auteur »).

Normalement, le titulaire des droits sur une oeuvre de l'esprit est la personne physique (article L111-1 CPI). Ce principe se justifie par le fait que seules des activités, matérielles et intellectuelles, d'une personne physique peuvent aboutir à une création. Quant à la personne morale, elle ne peut pas, en tant que fiction juridique, réclamer la qualité d'auteur car elle se trouve dans l'impossibilité naturelle d'agir par elle-même pour réaliser une création intellectuelle. Ce principe semble être clairement confirmé par les dispositions de l'article L113-7, alinéa 1er du CPI, qui déclarent que « la qualité d'auteur d'une oeuvre audiovisuelle appartient à la ou aux personnes physiques ».

Cependant, comme l'on verra un peu plus tard, certains droits reconnus à l'auteur personne physique peuvent être transmis, à titre temporaire ou définitif, soit à une autre personne physique soit à une personne morale. A cet égard, il est évidemment intéressant de se demander quels sont ces droits transmissibles. En plus, il s'agit également de savoir si une telle transmission peut emporter celle de la qualité d'auteur proprement dite.

L'attribution de la qualité de titulaire des prérogatives conférées par le droit d'auteur pose également des problèmes délicats pour certains types d'oeuvres. En premier lieu, dans le cas où l'oeuvre est créée par le salarié dans le cadre de son contrat de travail, à qui appartient le droit de propriété sur cette oeuvre, le salarié ou l'employeur ? En vertu de l'article L111-1, alinéa 3 CPI, « l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu ». En conséquence, l'employeur ou le commanditaire de l'oeuvre ne devient pas de plein droit titulaire des droits d'auteur sur les oeuvres réalisées pour son compte. Dans ce cas, seule la passation d'un contrat prévoyant explicitement la cession des droits patrimoniaux (infra) peut lui permettre d'en acquérir le droit de propriété. Toutefois, il existe une exception en matière de logiciels où la loi organise une cession automatique des droits patrimoniaux au profit de l'employeur (article L113-9 CPI). En second lieu, il s'agit de droit de propriété en matière des oeuvres plurales. Pour l'oeuvre de collaboration, elle est la propriété des « coauteurs ». Ceux-ci doivent exercer leurs droits sur l'oeuvre d'un commun d'accord. A dire vrai, l'oeuvre en question est soumise au régime de copropriété. De toute façon, lorsque la contribution des auteurs relève de genres différents, chaque coauteur peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa propre contribution, à condition de ne pas porter préjudice à l'exploitation de l'oeuvre commune (article L113-3 CPI). Quant à l'oeuvre collective, le droit de propriété appartient, sauf preuve contraire, à la personne physique ou morale sous le nom de laquelle l'oeuvre est divulguée. Et, en ce qui concerne l'oeuvre composite ou dérivée, le propriétaire est l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve de respect des droits de l'auteur de l'oeuvre préexistante (article L113-4 CPI).

Ainsi, nous pouvons conclure que la personne morale ne peut pas être le titulaire des droits d'auteur ab initio, sauf en cas des oeuvres collectives. De toute façon, elle peut acquérir cette qualité par moyen de contrats, mais dans la limite des droits patrimoniaux. Pour la qualité d'auteur proprement dite, régie par le droit moral (infra), elle demeure toujours indissociable de l'auteur qui est la personne physique.

Alors, quels sont les droits reconnus à l'auteur ? En vertu de l'article L111-1 du CPI, l'auteur est le titulaire d'un droit de la propriété incorporelle, composé de deux volets distincts6(*). Le premier volet contient des droits dits « patrimoniaux » ou « pécuniaires ». Ces droits sont connus, plus couramment, comme le fondement d'un monopole d'exploitation exclusif de l'oeuvre de l'esprit. Ils permettent à l'auteur de tirer des avantages pécuniaires et financiers de sa création. Pour le second, il porte sur l'ensemble des droits dit « moraux » qui sont qualifiés « extrapatrimoniaux » et rangés dans la catégorie des droits de la personnalité. Ils ont pour but d'assurer, d'une part, l'intégrité de l'oeuvre dans son circuit d'exploitation et, d'autre part, le lien inséparable auteur/oeuvre.

Alors, il nous convient de préciser un peu ces deux sortes de droits dont l'auteur bénéficie.

* Les droits patrimoniaux

Selon l'article L123-1 CPI, l'auteur dispose du droit exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. Ce texte constitue bien sûr le fondement des droits patrimoniaux de l'auteur. Nous constatons que les prérogatives patrimoniales sont cessibles et transmissibles, par voie contractuelle, de l'auteur aux tiers. Elles peuvent être divisées en deux catégories de droits à savoir « le droit d'exploitation » et « le droit de suite ».

1- Le droit d'exploitation : il permet à l'auteur d'autoriser ou d'interdire toute forme d'exploitation de son oeuvre, quel qu'en soit les modalités. Toute utilisation de son oeuvre sans son autorisation constitue une « contrefaçon » (article L122-4 CPI) (infra, « la sanction du droit d'auteur »).

L'exploitation peut s'effectuer par l'auteur lui-même ou par des tiers qui ont obtenu l'autorisation de ce dernier. En cas d'exploitation par un tiers, la loi prévoit que l'autorisation par écrit de la part de l'auteur est indispensable. Les tiers autorisés d'exploiter une oeuvre de l'esprit sont des « ayants droit » de l'auteur. Ils sont soit des éditeurs (article L132-1 CPI) soit des producteurs (article132-24 CPI).

Le droit d'exploitation se compose de deux droits principaux étant « le droit de reproduction » et « le droit de représentation ».

i. Le droit de reproduction : il concerne la fixation matérielle de l'oeuvre par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte (article L122-3 CPI). Ces procédés sont l'imprimerie, la photocopie, l'enregistrement magnétique etc.

ii. Le droit de représentation : il consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque (article L122-2 CPI). Les modes de représentation comprennent la récitation, présentation et projection publique, la radiodiffusion et télédiffusion, l'émission d'une oeuvre par voie de satellite etc.

2- Le droit de suite : il bénéficie exclusivement aux auteurs ou aux ayants droit d'oeuvres graphiques ou plastiques. Ces auteurs ou ayants droit disposent du droit inaliénable de participer au produit de la vente de leurs oeuvres, faites aux enchères publiques ou par l'intermédiaire d'un commerçant (article L122-8 CPI). Le montant de ce droit est en principe de 3%, prélevé sur le prix de ladite vente. Pourtant, pour que ce droit soit applicable, la vente doit atteindre le prix minimal de 100 francs (environs 10€).

** Les droits moraux

Ces droits consistant à garantir le respect de la qualité d'auteur et celle d'oeuvre comportent quatre types de prérogatives :

1- Le droit de divulgation (ou le droit de la première divulgation) : il permet à l'auteur de décider du moment et des conditions selon lesquelles il livrera son oeuvre au public (article L121-2 CPI).

2- Le droit à la paternité : il permet à l'auteur d'exiger la mention de son nom et de ses qualités sur tout mode de publication de son oeuvre. Cela constitue l'obligation incombant à l'utilisateur de l'oeuvre d'indiquer le nom de l'auteur.

3- Le droit au respect de l'oeuvre : il permet à l'auteur de s'opposer à toute modification ou mutilation susceptible de dénaturer injustement son oeuvre.

4- Le droit de repentir et de retrait : il permet à l'auteur, nonobstant la cession de ses droits d'exploitation, de retirer son oeuvre momentanément en vue d'une amélioration complémentaire ou de faire cesser à titre définitif l'exploitation de son oeuvre. Nous constatons que ce droit peut s'exercer librement par l'auteur, à condition d'indemniser son cocontractant (le cessionnaire des droits d'exploitation) du préjudice causé (article L121-4 CPI).

Les droits moraux ont un caractère inaliénable, perpétuel et imprescriptible. Cela signifie, d'une part, qu'ils ne peuvent faire l'objet d'une renonciation volontaire de l'auteur ni d'une cession par voie contractuelle. Toutefois, ils sont transmissibles, à la suite de décès de l'auteur, à ses héritiers afin de continuer la protection de sa personnalité. D'autre part, ils subsistent de manière permanente après la mort de l'auteur. A titre de remarque, « la perpétuité » et « l'imprescriptibilité » des droits moraux constituent un aspect particulier par rapport aux droits patrimoniaux de l'auteur. Ceux-ci ne sont en principe valables que pendant toute la vie de l'auteur et dans une durée de 70 ans après le décès de l'auteur (article L123-1 CPI)7(*). A l'expiration de ce délai post mortem, l'oeuvre tombe dans le domaine public. De cet état, l'oeuvre peut être librement utilisée, reproduite et représentée par tout le monde, sous réserve de mentionner le nom et la qualité de l'auteur.

d- Les exceptions du droit d'auteur

D'une manière plus précise, il s'agit des dérogations du droit d'exploitation exclusif de l'auteur. Ces exceptions consistent à permettre l'utilisation (plutôt gratuite) par le public des oeuvres sans autorisation préalable de l'auteur. Elles sont énumérées par l'article L122-5 du CPI de manière suivante :

1- La représentation privée et gratuite (d'une oeuvre) effectuée exclusivement dans le cercle de famille. La notion de ce dernier doit s'entendre d'un public restreint aux parents et familiers. Dès lors, les membres d'association, d'une entreprise ou d'une collectivité ne sont pas considérés comme formant un cercle de famille.

2- La reproduction strictement réservée à l'usage privé du copiste et non destinée à une utilisation collective. Elle est beaucoup plus connue sous la dénomination de « l'exception de copie privée ».

Cette exception relève d'une application limitée. D'une part, elle vise seulement la copie réalisée pour les besoins personnels de celui qui la fait lui-même et ne s'étend pas l'utilisation collective (par exemple au sein d'une entreprise). D'autre part, elle ne s'applique pas aux copies des oeuvres d'art, destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'oeuvre originale a été créée, ni aux logiciels où seule « la copie de sauvegarde »8(*) est permise ni aux basses de données électroniques.

Nous constaterons que la notion assez vaste de l'exception de copie privée est actuellement l'une des raisons principales de l'atteinte au droit d'auteur. (infra)

3- Les analyses et courtes citations, justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information, de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées; la présentation à nature comparative par des revues de presse, sous réserve de respect des règles de journalisme; la diffusion à titre d'information d'actualité des discours publics; les reproductions d'oeuvre d'art destinées à figurer dans le catalogue d'une vente aux enchères publiques en France par un officier public ou ministériel.

4- La parodie, le pastiche et la caricature compte tenu des « lois du genre ».

5- Les divers actes nécessaires à l'accès au contenu d'une base de données électronique pour les besoins et dans les limites de l'utilisation prévue par contrat.

Ces cinq exceptions constituent une liste exhaustive qu'établit la loi. On ne peut pas invoquer des autres exceptions qui ne sont pas prévues par le législateur. Ainsi, les juges sont obligés d'interpréter les dispositions de l'article L122-5 CPI de manière très stricte afin de garantir tant les intérêts de l'auteur que ceux des utilisateurs bénéficiaires.

e- Les rapports entre le droit d'auteur et les droits voisins du droit d'auteur

La majorité des oeuvres de l'esprit donnent lieu non seulement aux droits de l'auteur, mais également ceux des autres personnes qui ont participé à leur mise en place. Autrement dit, certaines oeuvres nécessitent, pour être communiquées parfaitement au public, l'assistance matérielle et intellectuelle des autres personnes que l'on dénomme « les auxiliaires de la création ». C'est le cas notamment où un film qui ne peut être réalisé que par la participation des artistes, réalisateur, auteur de scénario etc. Etant donnée cette importance, le législateur français a instauré, par la loi du 3 juillet 1985, un système de protection indépendant de celui du droit d'auteur au profit des auxiliaires de la création. Il est structuré actuellement par les dispositions des Livres II et III du CPI qui consacrent « les droits voisins du droit d'auteur » ou, autrement connus, « les droits connexes ».

De son aperçu, le système des droits voisins ou connexes semble être calqué considérablement sur celui du droit d'auteur notamment le régime de sanction et les catégories des droits et prérogatives reconnus aux titulaires. De toute façon, il comporte aussi certaines particularités pour son propre compte.

La loi a établi une liste limitative des personnes qui peuvent réclamer la qualité du titulaire des droits voisins. Elle comprend des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes ainsi que des entreprises de communication audiovisuelles. Ces trois types de bénéficiaires jouissent d'un droit exclusif qui leur confère la possibilité d'autoriser ou d'interdire l'utilisation et l'exploitation de leurs prestations et d'en percevoir une rémunération. En tout état de cause, la loi précise que l'exercice des droits voisins doit se faire sans préjudice de ceux appartenant aux auteurs (article L211-1 CPI). Cela signifierait que les actes accomplis par les titulaires des droits voisins (par exemple l'exploitation) sur l'oeuvre doivent être conformes aux voeux de l'auteur.

Nous observons en premier lieu que la durée de la protection légale conférée par les droits voisins est plus courte que celle du droit d'auteur. A dire vrai, selon l'article L211-4 CPI, modifié par la loi du 27 mars 1997, la durée de protection des droits voisins n'est que de 50 ans à compter du 1er janvier de l'année civile suivant :

· l'interprétation de l'oeuvre (pour les artistes-interprètes);

· la première fixation du phonogramme ou du vidéogramme (pour les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes);

· la première communication au public des programmes (pour les entreprises de communication audiovisuelle).

Toutefois, si la fixation de l'interprétation, du phonogramme ou du vidéogramme fait l'objet d'une communication au public, pendant la période précitée, la durée de 50 ans sera décomptée à partir de la date de cette communication.

En second lieu, les prérogatives attachées aux droits voisins sont, comme le droit d'auteur, distinguées en deux sortes à savoir les prérogatives pécuniaires (ou patrimoniales) et celles morales. Les premières sont certes limitées dans le temps (50 ans), tandis que les secondes sont inaliénables et imprescriptibles. De toute façon, nous pourrions remarquer que cette double catégorie des prérogatives, surtout celles morales, semblent exister seulement en faveur des artistes-interprètes qui effectuent leurs propres apports intellectuels dans l'oeuvre (sous forme de l'interprétation). A l'inverse, pour les producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et les entreprises de communication audiovisuelle, ils recevraient uniquement des avantages et droits pécuniaires sur l'oeuvre à laquelle ils ont apporté des éléments matériels et techniques (sous forme de fixation).

Grâce à l'ensemble des éléments soulevés ci-dessus, nous pouvons estimer que le droit d'auteur français connaît « un régime juridique très subtile ». Cette subtilité serait évidemment confirmée par une certaine série des mesures flexibles, destinées à renforcer ledit système de protection.

B. Le système de protection renforcé

Pour obtenir le meilleur degré de la protection du droit d'auteur, le législateur français a mis en place un bon nombre de règles décisives, surtout depuis 1985. Elles sont considérées comme palliant des difficultés découlant des anciennes législations vis-à-vis de menaces techniques. Parallèlement, certaines de ces mesures ont été érigées en vue d'améliorer les intérêts des créateurs de l'oeuvre de l'esprit.

Elles varient de l'une à l'autre par leurs nature et but recherché. En fait, elles concernent respectivement la sanction du droit d'auteur (a), les sociétés de perception et de répartition des droits (b) et la rémunération de copie privée (c).

a- La sanction du droit d'auteur

Les oeuvres de l'esprit sont protégées pénalement et civilement contre toutes sortes de violations. Ainsi, ces dernières peuvent consister en utilisation, fixation, reproduction, représentation ou diffusion des oeuvres sans autorisation de l'auteur et au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs (articles L335-2 et L335-3 CPI). Selon ces deux textes, les actes cités constituent un délit de « contrefaçon ». Les auteurs de ladite infraction, commise sur une oeuvre publiée en France ou à l'étranger, sont punis de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende. En cas où l'infraction est commise en bande organisée [circonstance aggravante], les peines sont portées à 5 ans d'emprisonnement et 500 000 euros.

La qualification de contrefaçon et l'ensemble des peines mentionnées ci-dessus s'appliquent également aux débits, exportations et importations des oeuvres contrefaites (article L335-2, alinéa 3 CPI).

En matière de contrefaçon, la mauvaise foi du contrefacteur est préalablement présumée. Toutefois, cette « présomption de mauvaise foi » est simple et susceptible d'être renversée par la présentation des preuves contraires. D'ailleurs, pour apprécier l'existence d'une contrefaçon, les juges sont enclins le plus souvent à faire usage du critère de « ressemblance » (entre l'oeuvre authentique et celle prétendument contrefaite).

L'auteur lésé a le choix de recourir à l'action civile ou la poursuite pénale. La première dont la prescription est de 10 ans (article 2270-1 du code civil) a pour but de réclamer la réparation pécuniaire du préjudice, sous forme des dommages-intérêts. La seconde comportant la prescription de l'action publique de 3 ans vise essentiellement à engager les procédures répressives à l'encontre du contrefacteur.

Nous constatons en définitive que l'auteur peut faire jouer certaines procédures préparatoires avant l'audience officielle. A cet égard, nous pouvons soulever notamment le mécanisme de « saisie-contrefaçon » (articles L332-1 et s. CPI) qui permet, d'une part, de faire cesser l'acte de contrefaçon rapidement et, d'autre part, d'en établir des preuves.

b- Les sociétés de perception et de répartition des droits

La loi du 3 juillet 1985 a doté officiellement les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur (SPRD) d'un statut légal. Dans le langage courant, on parle plutôt des « sociétés de gestion collective » ou, encore, des « sociétés des auteurs ». Leur régime juridique est prévu par l'ensemble des dispositions du Titre II, Livre III CPI.

En général, les auteurs n'ont pas de moyens personnels suffisants pour exploiter leur oeuvre, surtout la commercialisation et la gestion des revenus acquis. C'est la raison pour laquelle ils décident de se réunir au sein d'un groupement pour garantir non seulement leurs intérêts individuels, mais également ceux communs. Cela constitue donc la logique de l'existence des SPRD jusqu'à l'heure actuelle.

Comme leur dénomination nous l'indique, les SPRD sont instituées pour deux missions principales. La première tâche est qu'elles perçoivent tous les revenus de différentes sources tirées de l'exploitation des oeuvres inscrites dans leur « répertoire », avant de les répartir à tous les auteurs étant leurs membres. Ces revenus sont de deux natures à savoir :

1- Les revenus directs : ils sont en général obtenus du paiement des consommateurs (livres, CD...) ou de celui des intermédiaires (les achats de droits de télévision par les diffuseurs ou la part du chiffre d'affaire du diffuseur...).

2- Les revenus indirects : ils consistent à s'assurer d'une remontée de revenus par divers mécanismes, par exemple à l'occasion de modification de reproductibilité (rémunération de copie privée) (infra), pour des utilisations qui ne permettent pas un contrôle unitaire des exploitations (barème des discothèques) ou pour des biens non rivaux par nature (télévision et radio par redevance ou la licence légale). Le prélèvement de ces revenus se traduit normalement par une absence de paiement direct par les consommateurs des oeuvres ou des programmes culturels.

La seconde tâche des SPRD est de représenter leurs membres auprès des tiers (notamment les producteurs), sur le plan de l'exploitation comme celui juridique. A dire vrai, les SPRD jouent un rôle, en tant que mandataires des auteurs, de négocier des contrats de l'exploitation des oeuvres de ces derniers. En plus, elles peuvent agir en justice, dans certains cas, afin de contester les actes attentatoires aux droits et prérogatives de leurs membres. Pour autant, les auteurs ne conservent pas moins de liberté et faculté d'ester en justice eux-mêmes en vue de protéger leurs propres intérêts.

De leur nature juridique, les SPRD sont en général des sociétés civiles. Cependant, eu égard à leur fonction, nous pouvons estimer qu'elles sont en fait des associations ayant le but non lucratif. L'une de leurs particularités est que ces sociétés entretiennent des relations considérablement étroites avec les autorités publiques, voire le gouvernement [représenté en principe par le ministère de la Culture et de la communication].

Actuellement, en matière du droit d'auteur, il existe un certain nombre des SPRD qui fonctionnent différemment selon la nature des oeuvres ou celle des domaines garantis. Toutefois, parmi ces SPRD, les plus connues et actives sont « la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique » (SACEM) (créée en 1851) et « la Société des auteurs et compositeurs dramatiques » (SACD) (créée en 1829).

A titre de remarque, un système quasi-identique des SPRD du droit d'auteur a été mis en place au profit des titulaires des droits voisins. A cet égard, nous pouvons citer notamment « la Société pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes » (ADAMI) et « la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse » (SPEDIDAM) (pour la catégorie des artistes-interprètes), et « la Société civile pour l'exercice des droits des producteurs phonographiques » (SCPP) (pour la catégorie des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes)9(*).

c- La rémunération de copie privée

La rémunération de copie privée est l'un des dispositifs les plus essentiels et, en même temps, les plus controversés du système de droit d'auteur français, comme l'a notée professeur Christophe CARON10(*). Instaurée par la loi du 3 juillet 1985, elle est considérée comme une réponse aux soucis des auteurs et des titulaires des droits voisins qui prétendaient que leur intérêt était considérablement mis en cause par l'exercice de l'exception de copie privée (supra, « les exceptions du droit d'auteur »).

Certes, la rémunération de copie privée a été mise en place en vue de limiter « des effets de plus en plus redoutables » de l'exception. D'ailleurs, nous constatons que sa nature juridique pose également beaucoup de problèmes. Selon certains notamment V.Y.GAUBIAC11(*), cette rémunération qui puisse sa source dans la taxation fiscale sur les appareils numériques a pour fondement indemnitaire au sens du droit de la responsabilité civile. Mais, la doctrine dominante actuelle12(*) et la jurisprudence ainsi que les divers travaux parlementaires se démontrent attachés à l'idée énonçant que la rémunération de copie privée participe du droit d'auteur lui-même.

Si l'on parle de son origine, le concept de la copie privée fut reconnu par le législateur dès la fin de XIXè siècle, dans l'époque où cette pratique n'est faite que rarement et avec la moindre quantité des moyens de reproduction. En fait, il existait d'autres motifs relatifs à son autorisation. Premièrement, on l'admettait puisque l'on est dans l'impossibilité matérielle de contrôler l'usage personnel des oeuvres par les individus. Deuxièmement, s'agissant aussi d'une impossibilité juridique, on ne pouvait pas interdire les gens de jouir au moins d'un élément de leur droit de propriété (à dire vrai, la copie relève en fait de son droit de disposition ou abusus sur l'oeuvre). On ne pouvait pas méconnaître non plus les droits du public dans la réception et le partage des informations culturelles. Dans ce sens, il fallait qu'une oeuvre appartenant à une personne donnée crée également des avantages pour les autres. Mais, à partir de la moitié du XXè siècle où on constata le développement catastrophique des techniques de reproduction, les idées ont beaucoup changées. A l'époque, on s'interrogeait si la copie privée gratuite aurait davantage de raison d'être maintenue telle quelle.

Avec l'avènement de la loi de 1985, nous nous apercevons que la réponse est encore conciliatrice. Cela signifie que l'on ne pouvait pas supprimer l'exception de copie privée. Mais, on ne pouvait pas non plus la conserver dans sa forme initiale. D'où est apparue le mécanisme d'une rémunération de copie privée.

A cet égard, l'article L311-1 CPI13(*) prévoit que : « les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres, réalisées dans les conditions mentionnées au 2° de l'article L122-5 et au 2° de l'article L212-314(*) CPI ». Selon ce texte, nous constatons que ladite rémunération s'applique à la fois aux auteurs et aux titulaires des droits voisins. Par conséquent, les revenus issus de la copie privée doivent préalablement faire l'objet d'un partage entre les auteurs et les artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle avant d'être repartis dans chaque catégorie des titulaires de ces droits. Or, les méthodes et critères de répartition semblent poser un gros problème. Cependant, en pratique, elle s'opère en fonction d'une part de la fréquence d'utilisation des oeuvres et d'autre part de l'importance de chaque interprétation ou exécution.

Alors, comment se déroulent les autres procédures de la rémunération de copie privée, surtout celles concernant le prélèvement ? En théorie, elle est la redevance obtenue des impôts sur les appareils numériques qui servent à enregistrer, copier et stocker des données ou éléments protégés par le droit d'auteur et les droits voisins. On ne pourrait pas énumérer à titre exhaustif tous les appareils qui sont soumis à l'imposition de copie privée. Toutefois, les plus connus sont : les photocopieurs, les scanneurs, les enregistreurs à bande magnétique, les magnétoscopes à cassettes, les cassettes audio ou vidéo vierges, les disques compacts enregistrables, les graveurs de CD15(*). Mais, à qui on impose cette taxe ? Les consommateurs ou les fabricants ou les importateurs ? La pratique nous montre que ce sont des importateurs (en cas où les produits sont fabriqués à l'étranger) ou des fabricants locaux (en cas où les produits sont fabriqués en France) qui sont assujettis à l'imposition, même si les supports numériques ne sont pas destinés effectivement à la copie privée. Dans ce cas, ces commerçants intéressés peuvent, en prouvant que les produits ne servent pas à la copie privée, obtenir le remboursement des sommes prélevée par le Fisc (Cass.com, 18 décembre 2001).

Il faut d'ailleurs noter que le défaut de versement des redevances de copie privée aux auteurs et titulaires des droits voisins constitue la contrefaçon qui sera punie de 300 000 euros d'amende (article L335-4, alinéa 3 CPI).

Nous constatons en définitive que la rémunération de copie privée est pour l'heure mise en cause car elle ne semble pas correspondre suffisamment à la pratique de l'exception. Elle ne semble pas pallier toutes les difficultés résultant des copies dites « excessives ». En conséquence, il existait toujours la réévaluation de redevance en matière.

La protection des oeuvres de l'esprit existe aussi dans les autres législations étrangères, malgré certaines différences de forme et de fond par rapport à celle française.

§2. Le droit d'auteur des autres pays

Bien que le système de protection du droit d'auteur soit harmonisé au fur et à mesure sur le plan international, chaque pays en conserve ses propres particularités. Certainement, nous ne sommes pas en mesure d'étudier ces dernières dans le cadre de tous les pays qui reconnaissent la valeur juridique de création des oeuvres de l'esprit.

A l'inverse, nous nous bornons simplement à les examiner dans deux cas, en comparaison du droit d'auteur français. En premier lieu, il s'agira certes de système de copyright (A) qui exerce actuellement une immense influence, directe ou indirecte, dans le monde entier. Pour démontrer le rôle incontournable du droit d'auteur dans les pays en voie de développement, nous allons invoquer, en second lieu, le droit d'auteur cambodgien (B).

A. Copyright

L'expression « Copyright » est largement utilisée, depuis longtemps, au sein des pays dont le système juridique relève de la famille anglo-saxonne. A cet effet, nous pouvons constater clairement son institution en Grande-Bretagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis... Il s'agit en fait de copyright de ces derniers qui va nous intéresser véritablement.

Consistant également à protéger les oeuvres de l'esprit ou celles créatives (creative works), le copyright est toujours assimilé au système du droit d'auteur français. A cet égard, on constate qu'il existe certains éléments du copyright américain qui ont des significations proches de ceux du droit d'auteur français tels que :

1- Faire Use16(*) qui relève d'une notion comparable de celle des exceptions du droit d'exploitation exclusif.

2- La protection post mortem qui est aussi d'une durée de 70 ans17(*).

3- L'exigence de caractère matérielle (tangibility) et d'originalité (originality) des oeuvres protégeables.

Actuellement, on observe le plus souvent l'utilisation du terme de copyright comme synonyme du droit d'auteur. De plus en plus, ces deux termes deviennent interchangeables. D'ailleurs, selon certains, les différences ou nuances entre le copyright et le droit d'auteur n'existent plus à partir de la signature de la Convention de Berne de 1886, réunissant presque toutes les nations dans le monde.

Toutefois, dans les pratiques commerciales et juridiques, le copyright dispose d'une définition propre. Cela signifierait qu'il existe au moins deux notions différentes du copyright à savoir la notion du copyright proprement dit et celle du copyright commercial (spécifique). D'ailleurs, on constate aussi que le copyright [américain] se diffère du droit d'auteur européen, voire français, sur certains points.

Premièrement, le copyright qui est prévu dans le Titre XVII du United States Code des Etats-Unis semble particulièrement favorable aux oeuvres qui, après leur création, ont accompli quelques formalités. Autrement dit, les oeuvres protégées (copyrighted works) devraient être celles qui ont fait l'objet d'un dépôt ou enregistrement officiel auprès des organismes administratifs des Etats fédérés ou de l'Etat fédéral. Néanmoins, en réalité, cette formalité n'est que facultative et elle n'a pas d'incident sur la reconnaissance et la protection juridiques de l'oeuvre déjà créée18(*). Elle consiste donc simplement à faciliter le régime de preuve (en ce qui concerne l'existence et l'authenticité de l'oeuvre). D'ailleurs, à titre de remarque, les Etats-Unis encouragent avec véhémence les auteurs à faire enregistrer leurs oeuvres car, en cas de litige, le Congrès leur accordera le doublement des dédommagements financiers réclamés. Si l'oeuvre n'est pas enregistrée, l'auteur ne bénéficie d'aucun dédommagement financier et doit reporter sur une éventuelle indemnité.

Deuxièmement, il existe d'autres formalités purement pratiques que les auteurs américains attachent à leurs oeuvres. C'est le cas notamment de l'usage du symbole (c) pour désigner les oeuvres protégées. Normalement, ce signe doit être suivi par d'autres mentions comprenant l'année de création de l'oeuvre et le nom de l'auteur. On peut citer par exemple le cas du moteur de rechercher le plus connu du monde « Google ». En appliquant la formule indiquée, il s'agira par exemple de (c)2006 Google. Nous constatons que cette pratique est maintenant répandue dans plusieurs pays, y compris la France. Mais, elle n'a pas été reprise brusquement en tant que telle car il y existe certaines adaptations. A cet égard, certains ouvrages juridiques français en font usage notamment (c)LexisNexis SA-2005 ou, encore, (c)Editions du Juris-Classeur-200219(*). Outre, il y existe d'autres techniques formelles pour affirmer la protection dont l'oeuvre bénéficie. C'est le cas notamment de mention « All rights reserved » ou, en français, « Tous droits réservés ». De toute façon, ces formalités n'ont que pour « rôle informatif » et n'a pas d'incident sur la protection légale. La France reconnaît ces pratiques, mais elle n'accorde pas des avantages spéciaux ou prérogatives supplémentaire aux oeuvres qui leur sont soumises.

Dernièrement et le plus essentiellement, le copyright à l'Américaine ne reconnaît que le volet des droits patrimoniaux au profit des auteurs. Pour les droits moraux, ils sont régis plutôt par des autres dispositions différentes. Autrement dit, la protection du copyright se limite à la sphère stricte de l'oeuvre, sans considérer d'attribut moral à l'auteur en relation avec son oeuvre, sauf sa paternité. Selon les juristes américains, la détermination des conditions et modalités de l'utilisation d'une oeuvre n'est pas le pouvoir de l'auteur proprement dit (c'est-à-dire le créateur lui-même), mais il appartient à ses ayants droits (éditeurs, producteurs...) à qui l'ouvre en question est transmise par voie de contrat d'exploitation ou de cession. Cette position est évidemment contraire à celle du droit d'auteur français qui, en considérant le lien personnel inséparable entre l'auteur et l'oeuvre, reconnaît tant les droits patrimoniaux que moraux à l'auteur.

A noter, cette différence juridique entre le copyright et le droit d'auteur a provoqué quelques fois l'ambiguïté des solutions en cas de litige à caractère international. De toute façon, après leur ratification en 1989 de la Convention de Berne, les Etats-Unis semblent reconnaître peu à peu la dimension morale des droits d'auteur. Par conséquent, la plupart des controverses ont été réduites.

B. Le droit d'auteur cambodgien

Le Cambodge fut l'un de pays qui se sont dotés très tardivement d'un régime juridique effectif de protection des oeuvres de l'esprit. Ce n'était jusqu'au 21 janvier 2003 que la première loi mettant en place le système du droit d'auteur a été adoptée officiellement par son Assemblée nationale. Cette loi, approuvée par le Sénat le 3 février et entrée en vigueur depuis le mois du mars de la même année, était l'un des textes longtemps exigés20(*) par la Communauté internationale pour valider l'adhésion du pays à l'Organisation mondiale de commerce (OMC) en 2004. Elle consiste en fait à donner un cadre juridique concret aux auteurs et, aussi, aux artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle. Ainsi, elle a été dénommée « la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins cambodgiens » ou, plus connue, « Law on Cambodian Copyright and Related Rights »21(*).

Composée de 69 articles, la loi de 2003 comporte de nombreux éléments qui sont analogues à ceux du droit d'auteur français. A cet égard, elle prévoit en premier lieu l'automatisme de la protection légale accordée aux oeuvres par leur simple création (article 38). Elle reconnaît également le dualisme des droits et privilèges attachés à chaque auteur à savoir les droits moraux (sith-selthor) et ceux économiques ou patrimoniaux (sith-betekaphorn) (article 18). En second lieu, elle détermine les oeuvres qui sont protégeables par le droit d'auteur (article 7) et qui ne le sont pas (article 10), de la manière quasi-identique de la législation française. En plus, elle opère une distinction assez explicite entre les oeuvres plurales telles que les oeuvres de collaboration (snadei-sahakar), les oeuvres collectives (snadei-samohapheap), les oeuvres dérivées ou composites (snadei-bantor) et autres.

Les autres dispositions du texte qui justifient un rapprochement considérable du droit cambodgien et celui français en la matière sont notamment les exceptions du droit exclusif de l'auteur (articles 23 à 29), les sociétés de gestion collective (article 56, alinéa 1er) et les sanctions pour violation des droits de l'auteur (articles 64, 65 et 66).

Pour autant, le droit d'auteur cambodgien est conçu avec un certain nombre de ses propres spécificités dont les plus principales sont :

· L'absence des règles relatives au « droit à la rémunération » des auteurs et titulaires des droits voisins en cas de copie privée. Mais, le défaut de ce droit pécuniaire semble être justifié par l'article 24 prévoyant que « la reproduction à titre privée pour l'usage personnel peut se faire sans l'autorisation de l'auteur lorsque cette reproduction se limite à une copie ». Selon cet article, nous constatons que la copie privée légale peut se faire seulement pour un seul exemplaire. En cas de non respect de la limite de cette quantité de copie, le copiste pourrait s'exposer à des sanctions de contrefaçon.

· La durée de protection post mortem des droits économiques de l'auteur est de 50 ans (70 ans pour le droit d'auteur français).

· La définition [très] précise de certaines notions essentielles telles que l'auteur, l'oeuvre de l'esprit, l'artiste-interprète... (article 2).

D'ailleurs, à titre de remarque, la législation cambodgienne reconnaît des influences techniques sur les oeuvres de l'esprit car elle contient certaines dispositions adaptées notamment aux logiciels ou à la numérisation. D'après certains, ces règles ne sont forgées que pour satisfaire les auteurs étrangers car les auteurs nationaux ne disposent pas encore de tels moyens techniques suffisants pour créer les oeuvres. Pourtant, eu égard aux situations actuelles au Cambodge, nous pouvons estimer que les nouvelles techniques de reproduction et celles de représentation ne leur sont plus vraiment étrangères.

La réalité du droit d'auteur ou copyright n'existe pas uniquement sur le plan national. A l'inverse, elle est évidente et progressivement renforcée tant dans les relations régionales que celles internationales. A ce propos, nous pouvons évoquer, sur le plan régional, le corps des règlementations communautaires qui sont destinées à harmoniser les législations des Etats membres de l'Union européenne. C'est le cas notamment de la Directive du 22 mai 2001 portant sur les problèmes de l'Internet et du numérique. De même, au niveau international, nous pouvons citer certains actes à valeur supranationale tels que :

· La Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques (9 septembre 1886)

· La Convention universelle de Genève (6 septembre 1952)

· Les Accords de Marrakech ou les Accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), établis dans le cadre du GATT (futur OMC) (15 avril 1994)

· Les deux Traités de l'OMPI sur l'Internet (20 septembre 1996)

Malheureusement, l'évolution du droit d'auteur sur le plan juridique comme nous avons invoquée ci-dessus ne correspond pas en fait à ce qui se passe réellement dans notre vie quotidienne. Les divers faits nous montrent au contraire que le droit d'auteur est en cours de détérioration et risque d'être disparu un jour à moins que certaines mesures nécessaires ne soient prises à temps.

SECTION II

Une réalité factuelle

La valeur morale et patrimoniale que la loi reconnaît aux oeuvres de l'esprit n'est pas effectivement respectée en pratique. Par contre, elle fait l'objet actuellement des myriades de violations hétérogènes qui sont beaucoup plus dommageables que celles survenues il y a quelques décennies. Autrefois, nous avons pu citer le phénomène du « photocopillage » sur des livres ou d'autres documents comme l'un des exemples typiques pour démontrer l'énorme souci des auteurs22(*). Mais, maintenant, les principaux dangers auxquels font face les auteurs et artistes-interprètes (ainsi que les autres titulaires de droits voisins, sous-entendus) et qui nous intéressent le plus sont des abus qui puisent leur source dans l'Internet et le numérique.

Selon plusieurs constats, il existe pour l'heure deux grandes catégories des atteintes numériques qui menacent la pérennité du droit d'auteur et celle des droits connexes. Elles sont, d'une part, « les téléchargements illégaux » (§1) et, d'autre part, « les partages de fichiers illégaux » (§2). La pratique nous montre bien que tant les téléchargements que les partages illégaux dépendent considérablement des techniques du réseau Peer-to-Peer (P2P)23(*) et ils présentent un lien réciproque très étroit. Cependant, nous allons traiter ces deux questions séparément car elles comportent chacune certains points singuliers l'une à l'autre.

§1. Les téléchargements illégaux

L'une des fonctions performantes du numérique est la faisabilité de téléchargement. Grâce à cette possibilité, on peut obtenir des informations affichées sur Internet ou des autres sources similaires de manière plus rapide, efficace et simple. Mais, en même temps, elle suscite des problèmes majeurs relatifs à la protection des oeuvres de l'esprit.

Il nous convient, en premier lieu, de déterminer la notion du téléchargement (A) afin de savoir dans quels cas la pratique est licite et, au contraire, quand elle devient illicite. En second lieu, nous soulignerons les atteintes des téléchargements illégaux (B).

A. La notion du téléchargement

Le téléchargement ne dispose pas d'une définition juridique. Par contre, c'est en informatique qu'il est décrit comme « l'opération de transmission d'informations - programmes, données, images, sons, vidéos - d'un ordinateur à un autre via un canal de transmission »24(*). Techniquement, le téléchargement peut se réaliser par l'un des canaux de transmission suivant :

· Le fil de cuivre. C'est le cas notamment du câble réseau (utilisation d'une carte réseau) ou d'une ligne téléphonique (utilisation d'un modem);

· Les ondes radio comme c'est le cas pour le Bluetooth et le Wifi (le réseau informatique sans fil);

· Les connexions infrarouges;

· Le plastique ou le verre comme c'est le cas pour la fibre optique.

Lato sensu, les téléchargements peuvent être distingués en deux sortes. Premièrement, lorsque l'on télécharge des informations depuis un ordinateur distant, il s'agit de download. Dans ce cas, on en téléchargeant joue un rôle comme le demandeur et le récepteur des informations convoitées. A dire vrai, notre téléchargement est considéré du point de vue du « client ». A l'inverse, deuxièmement, lorsque l'on télécharge des informations dont on dispose (dans notre ordinateur) vers un autre ordinateur distant, la pratique sera qualifiée comme upload25(*). A cet égard, on se trouve dans les situations du « serveur » qui traitera les demandes des autres ordinateurs clients par un refus ou une acception (en ce qui concerne la transmission des informations souhaitées). Nous constaterons que le terme « upload » désigne en fait la mise à disposition des éléments numériques via P2P (infra, « les partages de fichiers illégaux »).

De toute façon, la signification du téléchargement est limitée le plus souvent et stricto sensu au concept de download. Pour upload, il est souvent traduit par « la mise à dispositions d'une oeuvre (sur le réseau P2P) ».

D'ailleurs, on notera que, sur le plan informatique, l'option de « télécharger » est extrêmement proche de celles d'« enregistrer » et de « copier ». Celles-ci consistent aussi à obtenir des informations et à les garder dans un emplacement spécifique de l'ordinateur (normalement, « le disque dur ») ou des autres supports numériques (par exemple, la Clé USB). De toute manière, on peut les distinguer par leurs fonction et capacité respectives vis-à-vis des informations cibles.

Pour l'option de « copier » (copy), elle sert essentiellement à sélectionner des éléments textuels ou images d'un « endroit » d'une fenêtre (window) afin de les faire exister tels quels un peu plus tard [immédiatement] sur un autre endroit de la même fenêtre ou celui d'une autre fenêtre. Inévitablement, pour faire réapparaître les éléments copiés, on doit avoir recours à l'option de « coller » (paste). C'est la raison pour laquelle on entend parler toujours de l'interdépendance de copier/coller (copy/paste). Certes, cette dernière est distinguée du téléchargement dans la mesure où elle n'a pas pour effet de sauvegarder les informations dans une forme indépendante. En revanche, elle est destinée simplement à faciliter un mélange des textes ou images de différentes sources dans le même document numérisé.

Quant à l'« enregistrement » (save), il semble de se différencier du téléchargement par deux raisons techniques. Premièrement, l'enregistrement est caractérisé par les types des éléments auxquels il peut s'appliquer. En pratique, on ne peut enregistrer que des informations qui ont une taille numérique relativement petite. A titre d'exemple, les chansons de format MP3 dont la taille moyenne est de 3 à 5 Mo ou, encore, le document de 1,000 pages dont la taille est néanmoins moins de 10 Mo sont facilement enregistrables. A l'inverse, le procédé ne réussira pas pour les fichiers audiovisuels (chansons, films...) qui comportent en général une dimension minimale de 50 Mo26(*). Dans ce cas, seul le mécanisme de téléchargement peut l'achever. Deuxièmement, l'enregistrement semble être réalisable par la simple demande de la part de l'internaute auprès du serveur titulaire des oeuvres demandées. Normalement, ces dernières sont mises à la disposition des internautes à titre gratuit. De toute façon, on ne peut pas exclure l'idée que cette générosité est accompagnée en fait des fins commerciales ou publicitaires. En particulier, pour le téléchargement, il nécessite le plus souvent un examen un peu plus minutieux de la part du serveur sur les conditions de l'internaute demandeur. Et, en plus, eu égard à l'importance des oeuvres téléchargeables, les internautes pourrait être obligé de payer une certaine somme d'argent en contrepartie27(*).

Bien qu'un régime juridique propre du téléchargement fasse défaut, la loi n'ignore pas les réglementations de sa pratique. Elle semble qualifier le téléchargement comme un genre de la copie privée, compte tenu de sa fonction technique. A cet effet, d'aucuns ont pu faire référence à la loi du 17 juillet 2001 qui a étendu le mécanisme de la rémunération de copie privée à l'ensemble des supports numériques. Bien évidemment, la plupart de ces derniers permettent à leurs propriétaires de télécharger les oeuvres qu'ils désirent. L'imposition des taxes sur les appareils numériques dans le cadre de rémunération de copie privée nous conduit à croire que le téléchargement relève également de cette fameuse exception. Dès lors, il serait licite s'il s'effectue conformément aux dispositions des articles L122-5, L212-3 et L311-1 du CPI.

Or, la question n'a pas été réglée aisément car les articles susmentionnés semblent insuffisants pour bien déterminer le caractère licite et illicite du téléchargement. Donc, nous devrions envisager les autres solutions parmi lesquelles prime celle de la Directive européenne du 22 mai 2001. Cette Directive a proposé aux Etats membres de l'Union le recours du mécanisme de « Triple test » pour rendre leurs exceptions respectives du droit d'auteur « plus compatibles » avec les intérêts des auteurs. Ledit mécanisme peut être en fait expliqué par trois conditions cumulatives que doit respecter chaque exception. Elles sont les suivantes :

1- Les exceptions doivent correspondre à certains cas spécifique. Cela en suppose des textes spéciaux;

2- Elles ne doivent pas porter atteinte à « l'exploitation normale » de l'oeuvre;

3- Elles ne doivent pas causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.

Ces trois exigences ont été fréquemment invoquées par les ayants droit de l'auteur pour justifier que les téléchargements des oeuvres protégées étaient illicites. Pourtant, dès lors que la Directive en cause n'est pas encore transposée dans le droit français (en l'attente de l'adoption de la loi DADVSI), le principe de « Triple test » ne semble pas pouvoir être actuellement allégué pour s'opposer aux téléchargements dits illégaux. Au surplus, cette impossibilité résulte des faits que l'on ne sait pas à qui la Directive s'est adressée exactement, le législateur ou le juge ? En bref, nous constatons que les juges ont hésité assez souvent à condamner des téléchargements qui se sont fait dans le cadre de la copie privée, malgré son caractère « excessif » et « attentatoire ».

Selon le jugement du tribunal de Paris, datant le 4 mai 2004, la seule certitude en la matière est que le caractère illégal des téléchargements sera établi lorsque ceux-ci sont réalisés par P2P. Les juges parisiens ont affirmé de surcroît que le téléchargement via P2P paralyse l'exploitation normale de l'oeuvre. Grâce à cette décision originale, nous pouvons estimer que l'une des atteintes majeures au droit d'auteur est due aux téléchargements effectués par le biais du réseau P2P (infra, « les partages de fichiers illégaux »).

B. Les atteintes des téléchargement illégaux

Les téléchargements qui s'opèrent au-delà de la limite de copie privée ou par P2P sont illégaux. Ils nuisent, comme l'a jugé le tribunal de Paris, à l'exploitation normale et légitime de l'auteur et, surtout, des ayants droit de celui-ci sur l'oeuvre. Plus précisément, ils violent leurs droits patrimoniaux, surtout le droit de reproduction. Pour les droits moraux, sont-ils aussi touchés par les actes illicites de téléchargement ? Bien sûr, ces actes porte également préjudice à l'encontre des privilèges moraux de l'auteur et des artistes-interprètes parce que les oeuvres téléchargées sont normalement altérées (taille, format, programme d'opération...). Dans ce cas, il s'agit de violation du droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre.

Selon les statistiques de plusieurs enquêtes, le domaine de la création de l'esprit le plus affecté par les téléchargement illégaux ou les « piratages »28(*) en France est celui audiovisuel. D'une manière plus précise, ce sont des produits phonogrammes (chansons) et vidéogrammes (films) qui font l'objet de la « manie » des téléchargements. Les sondages des IFPI et CNC29(*) nous montrent que la majorité des titres ou fichiers qui circulent illégalement sur les réseaux P2P sont ceux musiques. Ces titres téléchargeables ont été chiffrés (en million) comme les suivants :

- Avril 2002 - avril 2003  : 1 000 millions

- Avril 2003 - janvier 2004 : 800 millions

- Janvier 2004 - juin 2004  : 700 millions

- Juin 2004 - janvier 2005  : 760 millions

En ce qui concerne les films, l'AFP30(*) nous en a fournis les informations suivantes :

- 400 nouveaux films dont la moitié est des productions américaines, recensés en 2004 - 2005, ont été piratés et téléchargés;

- 92% des films piratés sont disponibles avant leur sortie vidéo en France sur les réseaux P2P;

- 53% des films américains sont téléchargeables avant leur sortie en salles.

Indéniablement, les téléchargements via P2P provoquent beaucoup de soucis sur l'avenir des « téléchargements légaux en ligne ». Les téléchargements en ligne connaissant un énorme succès31(*) dans ces dernières années (surtout dès le début du XXIè siècle) sont caractérisés par le système des « offres payantes » des oeuvres de l'esprit sur Internet. A dire vrai, il s'agit d'un des types du commerce électronique (e-commerce) portant sur les produits culturels. De même, en France, ce nouveau business est massivement prospère et représente 5% du marché mondial et 6% des ventes physiques, comme l'a remarqué Hervé RONY32(*), directeur général du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP). De toute façon, actuellement, seule les musiques font l'objet de téléchargement légal en ligne, alors que les films y demeurent encore incompatibles. Eu égard à la « gratuité » des téléchargements illégaux et au flou des règles légales, nous avons peur que le développement des offres onéreuse en ligne serait freiné.

D'ailleurs, les téléchargements par P2P entraînent sans doute la baisse de recettes de la vente des CD, DVD et des autres supports d'oeuvres. Ce problème a été rapporté à maintes reprises par de nombreuses maisons de disques.

Outre les chansons et les films, les téléchargements illégaux des logiciels, images et documents ont aussi un taux de plus en plus élevé. Nous constatons que la pratique semble d'être étendue maintenant aux autres catégories des oeuvres protégées par le droit d'auteur notamment les basses de données. Pour l'heure, il n'existe pas un signe crédible de diminution des atteintes aux droit d'auteur et droits voisins. A l'inverse, étant donnée les récentes études indiquant que la France est l'un des pays de la planète qui s'équipent de l'Internet de plus haut débit et que la plupart des français y ont accès suffisamment, nous sommes persuadés que les situations s'aggraveront au fur et à mesure à moins que « des solutions extrêmement courageuses » de la part des autorités publiques ne soient dégagées (infra, « les solutions » Chapitre II).

A côté des téléchargements illégaux, les auteurs, les artistes-interprètes et leurs ayants droit doivent résister en plus aux menaces insupportables provenant du partage des fichiers illégaux sur Internet.

§2. Les partages de fichiers illégaux

A titre de rappel, la jouissance d'une oeuvre de l'esprit par un individu doit en principe s'exercer personnellement. Cela signifie que c'est lui qui a seul droit sur l'oeuvre et les avantages qu'il en tire doivent correspondre à ses fins personnelles. Il ne peut pas donc, en tant que propriétaire du support matériel de l'oeuvre, autoriser les tiers d'en jouir conjointement avec lui ou à titre collectif, sauf la représentation dans le cadre strictement règlementé du cercle de famille (supra, « les exceptions du droit d'auteur). Dans ce sens, l'acheteur d'un DVD ne peut pas le prêter à son ami pour que celui-ci puisse en faire la copie ou en bénéficier autrement.

Le but central de cette interdiction de partage des oeuvres est de garantir les intérêts pécuniaires que l'auteur mérite de recevoir en proportion de ses investissements intellectuels. Elle aurait aussi pour effet de faciliter l'identification des personnes qui ont violé les droits moraux de l'auteur notamment en cas de modification injustifiée de l'oeuvre. De toute façon, en pratique, on a du mal à contrôler l'usage des oeuvres par des consommateurs et, encore pire, à prévenir leur partages d'une main à l'autre.

Hormis les problèmes irrésolus signalés ci-dessus, nous faisons face en plus aujourd'hui aux difficultés résultant de la diffusion des oeuvres qui s'effectuent sur Internet sans l'autorisation et au détriment des auteurs. Il s'agit certes de partages illégaux via P2P. Ils semblent être plus visibles et plus dangereux que les partages physiques « d'une main à l'autre ». Pour pouvoir déterminer les atteintes (B) qu'ils portent aux droits de l'auteur, il nous convient initialement d'examiner la notion du réseau Peer-to-Peer (A) par lequel ils sont réalisés.

A. La notion du réseau Peer-to-Peer (P2P)

A l'instar du téléchargement, le réseau Peer-to-Peer (P2P) n'a pas de signification juridique. A l'inverse, c'est la science informatique qui le définit comme « le système de communication via l'Internet qui permet la mise en commun de fichiers de toutes sortes entre internautes ». Cette définition explique bien sa dénomination (Peer signifie la personne de même range; dans notre contexte, le terme «Peers» semble désigner les internautes qui ont le même but, c'est-à-dire qu'ils se contactent afin d'échanger les éléments dont ils disposent respectivement).

Le réseau P2P a une fonction polyvalente et présente de multiples utilités pour les utilisateurs de l'Internet. A cet égard, nous observons que « le trafic téléphonique » (notamment Skype), le service de chat (notamment Yahoo Messenger ou, encore, MSN Messenger) ainsi que les autres services innombrables opérés sur Internet sont tous dépendants de la technologie P2P. De toute façon, le rôle le plus notoire et le plus controversé de cette technique est celui qui consiste à faciliter le partage des fichiers (files sharing). Les contenus ou les fichiers partageables via P2P comprennent : les fichiers audio, fichiers vidéo, bases de données et les autres qui ont la formule numérique commune.

Le fonctionnement de P2P est tributaire, d'une part, de la capacité des ordinateurs et, d'autre part, du débit de l'Internet. En plus, le processus de téléchargement et le partage des fichiers peuvent durer pour une période longue ou courte selon le nombre des internautes participants de chaque réseau P2P. A ce propos, il est important de noter que lorsqu'un fichier est en cours de téléchargement par plusieurs internautes, cela ne rend pas le processus plus lent ou entravé. Au contraire, ladite situation va permettre d'accélérer le téléchargement pour chaque internaute intéressé (« plus nombreux internautes, plus vite le téléchargement »). En plus, elle peut prévenir la rupture prématurée du téléchargement. Cela explique pourquoi la plupart des internautes préfèrent télécharger des fichiers ou des titres qui ont beaucoup d'utilisateurs et qui ont été téléchargés à plusieurs reprises33(*).

Techniquement, on distingue les réseaux P2P en deux grandes catégories à savoir « les P2P pures » (Pure P2P) et « les P2P hybrides » (Hybrid P2P). Pour les P2P pures, ils sont caractérisés par trois traits essentiels :

1- Les internautes se contactent par eux-mêmes en tant que soit « serveur » soit « client ». Cela signifie que lorsqu'un internaute entend télécharger un fichier de la part d'un autre, il est considéré comme « le client » alors que ce dernier est « le serveur ». Autrement dit, le client est celui qui demande de télécharger tandis que le serveur est celui dont le fichier est demandé pour le téléchargement;

2- Il n'existe pas « le serveur central » pour administrer le partage et le téléchargement des fichiers au sein du réseau. En fait, les contacts entre les internautes sont noués sans l'intermédiaire d'un tiers;

3- Le nombre des internautes est normalement limité à deux ou trois. Il est important que les liens entre eux soient établis avant l'opération [le partage et le téléchargement]. A dire vrai, un tel P2P est utilisé le plus souvent entre les personnes qui se réunissent sous forme d'un groupe déterminé (par exemple associations...).

Dans un sens plus large, les P2P pures englobent tous les réseaux dont certains peuvent fonctionner même sans l'Internet. A cet égard, on peut quelques fois s'échanger les fichiers par le biais des autres techniques similaires notamment le Bluetooth et l'Infrarouge.

Quant aux réseaux P2P hybrides, ils sont structurés de manière beaucoup plus sophistiquée que les précédents et ils supposent des relations plus vastes que ces derniers. Il existe aussi un triple caractère auquel ils s'attachent. Ces trois caractères sont :

1- Les contacts entre les internautes sont établis par le truchement d'un serveur central. Celui-ci répond à la demande de téléchargement des internautes, en leur fournissant des renseignements concis relatif au fichier partagé demandé.

2- Les informations de chaque titre sont affichées sur le réseau par les internautes qui le partagent. Cela signifie que le serveur central ne contient pas lui-même les fichiers téléchargeables. Il se borne à communiquer les messages entre les internautes.

3- L'adresse d'ip de chaque internaute concerné ne peut être connue que par l'analyse soigneuse des divers indices. Cela rend la lutte contre de circulations illicites des oeuvres sur Internet un peu difficile.

Selon plusieurs études, il s'agit actuellement de réseaux P2P hybrides qui constituent la véritable menace des droits d'auteur et ceux des artistes-interprètes. Dès la naissance du Napster34(*) en 1999 jusqu'à maintenant, on constate une croissance miraculeuse des nombres de tels P2P. Les principaux P2P auxquels on peut avoir recours facilement pour partager les fichiers protégés ou, à l'inverse, les télécharger sont KaZaA, BitTorrent, eMule (eDonkey) et BearShare. Il existe d'autres dont on ne peut pas dresser une liste exhaustive et qui se transforment progressivement en un mécanisme extrêmement dangereux.

En particulier, d'aucuns s'interrogent si les P2P proprement dits sont illégaux par nature ? La réponse de cette question ne serait formée qu'après un réexamen de méthodes en vertu desquelles les P2P se déroulent. En fait, lorsque l'on s'échange des objets non couverts par la protection du droit d'auteur, le P2P en cause ne sera pas censé être illicite. C'est le cas par exemple où l'échange porte sur des oeuvres déjà tombées dans le domaine public, sous réserve de respect de droits moraux de l'auteur (supra). Par contre, lorsque la pratique concerne les oeuvres protégées (ouvrage récemment publié, film en salle...), elle sera illégale. Par conséquent, les partages via P2P sont licites ou illicites en fonction des oeuvres sur lesquelles ils portent.

Alors, quelles sont les conséquences engendrées par les partages illégaux et les réseaux P2P à l'égard du système de protection des oeuvres de l'esprit ?

B. Les atteintes de partages illicites via P2P

Comme les téléchargements illégaux, les partages des oeuvres sur Internet, sans l'autorisation de la part des auteurs et des titulaires de droits voisins, portent atteinte d'abord à leurs droits patrimoniaux. De toute façon, il faut noter qu'il s'agit essentiellement de droit de diffusion des oeuvres qui est violé35(*). Puis, on peut faire une petite remarque sur les droits moraux de l'auteur en cas de partages illégaux.

Dans la quasi-totalité des cas, les oeuvres offertes gratuitement sur P2P sont des oeuvres différentes de celles originales. Cette différence pourrait porter soit sur le caractère « matériel » des oeuvres soit sur leur caractère « authentique ». Concernant la différence matérielle, on constate que les oeuvres partageables entre les internautes sont celles qui ont subi la modification, altération, déformation ou encore mutilation, surtout les fichiers audio et ceux vidéo. Ces actes de dénaturation d'oeuvres s'exercent normalement sur leur taille, format, programme d'opération etc. Donc, ils portent atteinte gravement au droit de respect de l'intégrité de l'oeuvre (supra). De plus, dans certains cas, ils abusent très explicitement le droit à la paternité de l'auteur et celui des titulaires des droits connexes car ils ne reconnaissent pas le nom et la qualité de ceux-ci. A titre d'exemple, le fait par un internaute de prétendre frauduleusement qu'il est l'éditeur de tel ou tel fichier partagée36(*).

S'agissant de la différence authentique, les oeuvres partagées sur P2P ne sont pas la modification ou l'altération matérielle de celles originales. A l'inverse, elles sont en fait des fichiers dont le contenu ne correspond pas à leurs informations fournies. C'est le cas notamment où le fichier vidéo de « Mission Impossible 2 » est partagé ou mis à dispositions des internautes sous le titre et autres mentions de « Mission Impossible 3 ». C'est aussi le cas où un fichier audio est décrit par l'internaute le partageant comme celui vidéo. A cet égard, il n'y aurait que de violation des droits moraux de l'auteur dont l'oeuvre a été réellement partagée. Pourtant, pour l'auteur propriétaire des oeuvres faussement mentionnées, il pourrait se prévaloir du faux usage de son nom ou celui de son oeuvre pour demander des dommages et intérêts.

Grosso modo, les partages des fichiers protégés par P2P produisent autant d'effets attentatoires au droit d'auteur que les téléchargements illégaux. Les partages ou diffusions illicites des oeuvres entraînent donc la diminution colossale, directe ou indirecte, des revenus chez les auteurs et les artistes-interprètes. Cela résulte essentiellement de la baisse des ventes des oeuvres, tant physiques qu'en ligne. Les répercussions seront aussi prévisibles pour les ayants droit de l'auteur. A cet égard, on est certain que les éditeurs et les producteurs des oeuvres subissent des grosses pertes pour l'investissement ils effectuent. Le phénomène affecte d'ailleurs les entreprises ou groupement qui ont pour fonction de communiquer les oeuvres au public.

Certes, le duo partage-téléchargement illégal est le plus grand obstacle pour le développement du secteur des créations intellectuelles dans tous les pays. Nous nous apercevons qu'il serait très difficile de lutter contre ce nouveau casse-tête, compte tenu de son ampleur. A ce propos, beaucoup de millions des internautes français se livrent, fréquemment ou occasionnellement, aux téléchargements illégaux, comme l'a souligné professeur Michel VIVANT dans une interview accordée à la Présence PC en 2005. Des autres données montrent que la pratique est difficile à contrecarrer car elle concerne à peu près de ¾ des ménages français bénéficiant des services de l'Internet.

Nous pourrions nous demander pourquoi de plus en plus des gens en France sont impliqués dans tous ces actes de violations. Il semble en exister trois raisons envisageables. Premièrement, l'augmentation des taux de téléchargements illégaux comme ceux de piratages est due aux commodités que l'Internet nous offre. Certainement, avec cette technologie, on trouve qu'il est facile d'accéder à une oeuvre et à en acquérir, même au détriment de l'auteur. Deuxièmement, les actes ne semblent pas être sanctionnés strictement par les autorités. A cet égard, nous constatons que les peines prononcées contre les personnes poursuites pour téléchargement illégal étaient souvent clémentes, ce qui ne dissuaderait pas les internautes de la pratique. Troisièmement, certains arguent que le prix des oeuvres est trop cher et prohibitif. Par conséquent, ils se livrent aux offres gratuites de téléchargement illégal afin d'en jouir, même si la qualité de fichier téléchargé est moins satisfaisante que l'original et s'ils sont conscient des peines auxquelles ils s'exposent.

Ces trois motifs ne se justifient pas eux-mêmes, surtout le troisième. En effet, on peut s'abstenir d'effectuer le téléchargement illégal par le téléchargement légal. La création de vente en ligne des oeuvres comporte bien cette logique. On ne peut pas jouir d'une oeuvre sans payer la contrepartie à son auteur ou aux artistes-interprètes qui y injectent leurs prestations. Le paiement d'une somme moyennant la jouissance d'une oeuvre représente bien le respect d'une valeur de celle-ci.

Nous devrions reconnaître que les atteintes numériques actuelles au droit d'auteur sont liées essentiellement à l'état moral des internautes qui n'apprécient pas les efforts de la création intellectuelles.

Alors, le droit d'auteur conserve-t-il encore sa place dominante dans le droit positif actuel, compte tenu de tous ces évènements inquiétants ? 

En considérant de la mosaïque des analyses ci-dessus, nous sommes bien rassurés que la France n'ait point d'intention d'abandonner la notion du droit d'auteur de son patrimoine juridique. De même, le courant global actuel nous montre qu'aucun pays ne méconnaît le système de protection des auteurs, ni dans le cadre du droit d'auteur ni du copyright. A l'inverse, il s'efforce de s'en doter et de l'améliorer au fur et à mesure. Même si l'atteinte aux oeuvres protégées se multiple et devient plus soucieuse, cela ne signifie vraiment que, dans la pratique, personne ne respecte le droit d'auteur. En fait, il y aurait deux raisons qui viennent justifier cette dernière idée. Premièrement, « les pratiques anti-copyright » ne sont effectuées que par un certain nombre contrôlable des individus. Deuxièmement, il nous paraît que les mobiles de ces pratiques soient compréhensibles : la moralité, l'économie et les besoins indus. Donc, il est indispensable de faire mobiliser tous les sujets du droit à propos de l'importance et du rôle du droit d'auteur. D'ailleurs, avec la mise en place de diverses législations récentes, nous avons l'impression que ces dangers seront peu à peu éliminés.

Bien que le droit d'auteur soit maintenant assuré, cela ne signifie forcément qu'il demeurait tel quel dans le futur. Dès lors, nous ne devons plus rester indifférents à l'arrivée éventuelle du défaut du droit d'auteur.

Chapitre II

Imaginons-nous alors d'une société dépourvue du droit d'auteur, tant sur le plan juridique que sur celui pratique. De prime abord, il s'agirait d'une « énorme catastrophe sociale », compte tenu de contexte actuel. A noter, cette « absence totale » ne serait pas en fait sans précédent puisqu'elle est déjà survenue dans certains coins du monde. A ce propos, nous pourrons citer, comme l'exemple, le cas du Cambodge avant le mois du janvier 2003. Certes, elle engendrait un grand nombre des effets inattendus. D'autrement parler, il y aurait des conséquences, plutôt négatives, qui affectent tous les aspects sociaux. Force est donc de trouver les instruments nécessaires afin d'empêcher la réalisation d'un tel évènement indésirable.

Ainsi, comme nous indique l'intitulé de notre second chapitre, il faut étudier tout d'abord les conséquences de l'absence du droit d'auteur (SECTION I). Ensuite, après être conscient de celles-ci, nous devons en envisager les solutions (SECTION II).

SECTION I

Les conséquences de l'absence du droit d'auteur

La fin du droit d'auteur, enraciné depuis plusieurs siècles dans la société française, nous ferait songer immédiatement à l'ensemble de ses suites concevables. Quelles seront donc ces conséquences ?

Nous allons noter que sur le plan pratique (§1) il y aurait un profond changement des relations culturelle et informative entre l'auteur et le public. Pareillement, sur le plan juridique (§2), les conséquences seront encore plus inquiétantes.

§1. Sur le plan pratique

Naturellement, les êtres humains n'agissent qu'avec une raison. Dans ce sens, les gens vont au travail puisqu'ils savent bien qu'ils seront payés, gagneront d'argent ou vont obtenir d'autres avantages. De même, pour les auteurs, quelle que soit la dimension de leur oeuvre, ils s'efforcent de créer les oeuvres et les mettent à la disposition du public parce qu'ils anticipent, en contrepartie, un minimum d'intérêts que ce dernier lui offre. Autrement dit, il s'agit avant tout d'une rémunération qui est le facteur central galvanisant ses activités intellectuelles. En outre, les auteurs créent les oeuvres parce qu'ils entendre d'enrichir la société dont ils sont ressortissants avec leurs éléments d'esprit personnels. Ce double objectif de l'auteur mérite incontestablement une considération du législateur.

Par cette logique sociale, les auteurs seront effectivement découragés de continuer leurs activités créatives si les violations de leurs droits ne sont pas sanctionnées par la loi. Cette dernière méconnaissant l'institution du droit d'auteur, les auteurs vont cesser leur participation dans le développement de la société. Comment peuvent-ils poursuivre leur « boulot » lors que la loi ne garantit pas suffisamment leur rémunération décente et le respect de leur paternité ? Et, même si les auteurs retiennent leur activité, on a raison de s'inquiéter que la qualité de leurs oeuvres ne serait pas vraiment satisfaisante comme elle était autrefois. A ce propos, il est important de permettre aux auteurs de pouvoir vivre dignement de leurs oeuvres. Cela constitue le seul moyen le plus logique de la survie des créations intellectuelles.

Le retrait des activités de l'auteur du champ culturel va produire inéluctablement beaucoup de répercussions pénibles à l'encontre du public. Autrement dit, quand les écrivains ne n'écrivent plus de romans, poèmes, des pièces théâtrales ou les artistes-interprètes ne jouent plus de films... on devrait automatiquement s'interroger des réactions du public. Certes, on constatera essentiellement la mise en oeuvre de « l'effet domino ». Cela signifie que c'est le public dont certains membres ont compromis les prérogatives de l'auteur qui va subir en définitive de toutes les conséquences néfastes en découlant. Donc, il ne pourrait plus s'amuser de nouvelles chansons, films... Il n'y aurait plus de nouveaux programmes intéressants sur la télévision et la radio ainsi que les autres moyens médiatiques. En somme, on pourrait estimer qu'il serait la fin de l'expression de nouvelles idées.

De même, certaines professions qui sont liées naturellement aux oeuvres de l'esprit telles que les sociétés assurant l'édition, la production, la publication, la commercialisation, la distribution des oeuvres... vont disparaître ipso facto. Dans ce sens, nous allons voir également la fermeture des cinémas, des théâtres et les autres établissements de loisirs culturels.

Il existe en fait d'autres corollaires de l'arrêt d'activité des auteurs que l'on ne pourrait pas énumérer ou traiter exhaustivement. Beaucoup de domaines seront aussi affectés notamment l'économie, l'éducation et les recherches. Finalement, les atteintes ne surviennent plus puisqu'il n'y aurait d'autres nouvelles oeuvres cibles pour les téléchargements illégaux ou les piratages.

Néanmoins, puisque ces conséquences envisageables n'ont pas encore lieu en France, c'est-à-dire qu'elles ne sont qu'imaginables pour l'heure, il nous paraît nécessaire d'examiner les cas plus concrets. A ce propos, nous allons relater un peu les situations auxquelles a fait face le Cambodge avant et après la loi instaurant le droit d'auteur du pays.

* Le cas du Cambodge

Le Cambodge pourrait constituer un bon exemple pour démontrer les conséquences dramatiques en cas d'absence d'un système de protection des oeuvres de l'esprit. Le pays, connaissant depuis longtemps l'anarchie des actes de violations de droits d'auteur et droits connexes, a pu enfin mettre en place un ensemble des mécanismes propres pour protéger les intérêts de l'auteur. Cette nouvelle attitude historique a été caractérisée par l'adoption de la première loi du pays portant sur le droit d'auteur et les droits voisins, le 21 janvier 2003 (supra, « le droit d'auteur cambodgien » Chapitre I).

Néanmoins, nous constatons qu'il n'existe pas en fait une grande différence au Cambodge avant et après l'entrée en vigueur de ladite loi.

** Avant l'entrée en vigueur de la loi du 2003

Les violations des droits de l'auteur d'une oeuvre de l'esprit étaient pénalement sanctionnées par l'article 48 du code pénal de 1992 (localement et couramment appelé « le code d'UNTAC » (United Nations' Transitional Authority in Cambodia37(*)) ). Ces atteintes aux droits et prérogatives de l'auteur sont également qualifiées comme « la contrefaçon » dans le système français. Toutefois, bizarrement, ledit article ne comporta pas de précision de peines qui sont susceptibles de frapper les auteurs de ladite infraction. Cette absence de pénalité provoqua une vive critique et nous constatons que le plus souvent les juges cambodgiens se sont fondés sur les dispositions des autres infractions voisines notamment l'escroquerie (article 45 du même code) pour condamner les auteurs de contrefaçon.

A titre de remarque, nous constatons que le législateur cambodgien a, en défaut d'une législation propre relatif au droit d'auteur, fait référence à l'ensemble des dispositions de la Convention de Berne de 1886 et de la Convention de Genève de 1952.

Nous observons également qu'à cette époque-là, les actes de contrefaçon consistent essentiellement dans la reproduction et la distribution des oeuvres audiovisuelles telles que les chansons et les films. Pour les oeuvres littéraires, elles n'étaient pas touchées massivement car le développement en la matière demeura encore faible. Les moyens servant à réaliser la contrefaçon étaient le plus souvent les cassettes vidéo, récemment importées dans le pays. Cette pratique illégale, occasionnellement réprimée, a entraîné quasiment la chute de domaine cinématographique et musical khmer, surtout dans les années 90. Les violations en matière du droit d'auteur ont affecté non seulement les oeuvres nationales, mais également celles étrangères, surtout des pays voisins.

Cette période a été décrite par la plupart des Cambodgiens comme celle la plus sombre de la culture moderne khmère car il n'y avait quasiment d'oeuvre littéraire ou artistique nationale pour caractériser leur société. Sur le plan filmographique et musical, on a dû importer les produits des autres pays voisins qui disposaient du système de protection des auteurs plus stricte et efficace. Un nombre important d'auteurs et écrivains prolifiques ont abandonné leur carrière habituelle car leur contribution intellectuelle ne fut pas protégée et les violations furent méprisées par les autorités publiques.

** Après l'entrée en vigueur de la loi du 2003

L'introduction des nouvelles techniques dans le pays à partir du 1993 signifie également que les atteintes seront plus modernisées et plus dangereuses. Toutefois, nous constatons que, à l'opposé des situations actuelles en France et aux autres pays développés, le Cambodge ne semble pas subir profondément des atteintes par voie numérique en matière des propriétés littéraires et artistiques. Plus précisément, jusqu'à l'heure actuelle, la violation du droit d'auteur n'est liée essentiellement ni à l'Internet ni au numérique. De manière rarissime, on entend les téléchargements illégaux (que les Cambodgiens connaissent plutôt, en Anglais, Download) ou les échanges de fichiers protégés via Peer-to-Peer (P2P). En fait, il existe quelques raisons qui explique ce paradoxe (par rapport à ce qui se passe en France). Elles comprennent :

- Le service d'Internet du pays est très limité territorialement puisqu'il n'est disponible que dans certains endroits des grandes villes. En plus, il est trop cher pour la majorité des Cambodgiens (les frais sont normalement d'environ de 0,50 € par heure, alors que le revenu quotidien d'un Cambodgien est en moyen d'un dollar). A noter, il n'y a qu'un petit nombre de familles qui peuvent financer les frais élevés d'installation et ceux d'abonnement de l'Internet chez eux.

- Le débit d'Internet est relativement faible. Cela ne favorise pas le processus de téléchargement qui nécessite normalement au moins de 3 à 4 heures pour saisir un fichier vidéo de format normal (dont taille minimale est à partir de 700 Mo).

- Les informations relatives aux échanges P2P ne sont pas au courant de la plupart des internautes cambodgiens. En plus, certains logiciels qui servent de l'intermédiaire des tels échanges ne sont pas utilisables.

Pourtant, c'est encore la reproduction et les distributions des oeuvres protégées sous forme de cassettes, CD ou DVD faux qui suscitent le problème majeur pour les auteurs. On a peur que la récente résurrection cinématographique du pays ne durerait pas longtemps car, à certaines reprises, les nouveaux films qui viennent d'être produits et qui ne sont pas encore disponibles en salles de cinéma peuvent être trouvés facilement dans certains coins de Phnom Penh. D'ailleurs, le prix des produits contrefaits est normalement beaucoup moins cher que celui des produits authentiques. Cette pratique est attribuée à la perte colossale et la faillite de certains producteurs. Même s'il y a la montée de « raids » policiers contre ces pratiques illégales notamment par le biais de la confiscation, on observe que ces atteintes ne sont pas effectivement réduites.

Certains ont reproché au caractère bénin des pénalités prévues par cette nouvelle loi. Pourtant, on doit reconnaître qu'il s'agit plutôt de l'application infructueuse de cette dernière, par les autorités publiques, qui pose des problèmes et attire des critiques incessantes de la part du public.

Grâce à l'exemple du Cambodge, nous nous apercevons que la seule existence juridique du droit d'auteur ne suffit pas à assurer les intérêts de ces derniers. Il faut en outre que leurs droits soient respectés sur le plan pratique et factuel par toutes les couches sociales. D'ailleurs, nous constatons la différence de natures des atteintes au droit d'auteur en fonction de situations économiques et techniques de chaque pays.

§2. Sur le plan juridique

L'absence du droit d'auteur causerait un grand bouleversement sur le plan juridique. Elle opérait avant tout la modification drastique de certaines notions principales et classiques du droit en général. Parmi ces domaines touchés, il faut mettre l'accent sur les institutions de « la propriété » et « la personnalité », qui constitue le double élément central de la philosophie de n'importe quel système juridique.

Premièrement, elle donnera lieu à une restriction du champ d'application de la propriété en tant que telle. Dès lors que les efforts intellectuels des auteurs ne sont plus protégés, on reviendra spontanément à la notion primitive de la propriété. Cela signifie, plus précisément, que cette dernière ne concernera plus que des biens corporels et tangibles. Certes, cette limitation de la notion de propriété constituera un inverse à la tendance primordiale de « dématérialisation » des biens. Depuis quelques décennies, cette tendance, guidée et développée par les membres de la doctrine et reconnue par la jurisprudence, consiste à démontrer que la valeur économique des biens incorporels ou intangibles est beaucoup plus importante et plus stable que les biens corporels. C'est le cas notamment de la clientèle (civile ou commerciale) ou du fonds de commerce.

Deuxièmement, la désinstitutionalisation du droit d'auteur ou, plus simplement, l'inobservation des privilèges de l'auteur équivaut également à une méconnaissance de la personnalité de l'auteur sur ses oeuvres. Ce nouveau traitement sera bien évidemment opposé à la théorie lockéenne, portant le nom de John Locke, qui préconisa les efforts du travail humain. Selon lui, « l'oeuvre est l'émanation de l'auteur ». Par conséquent, il est incontestable qu'existe un lien personnel très étroit entre l'auteur et son oeuvre38(*). Cette théorie de base, justifiant des droits moraux au profit de l'auteur, a été consacrée par plusieurs législations nationales, surtout celles occidentales, en matière de la propriété intellectuelle.

Nous pourrions estimer que l'abandon de jure du droit d'auteur ne justifiera plus le maintien des autres disciplines juridiques qui portent aussi sur la propriété intellectuelle. A cet égard, il ne serait plus raisonnable de conserver les mécanismes du brevet d'invention, de la marque, des dessins et modèles ainsi que des appellations d'origine. De parler simplement, il s'agirait d'une abolition définitive du code de la propriété intellectuelle. D'ailleurs, nous sommes convaincus qu'il serait temps de cesser la reconnaissance d'une valeur patrimoniale au profit du fonds de commerce, valeurs mobilières (actions et parts sociales), électricité... car ces biens sont également incorporels.

Les autres évènements que l'on pourrait envisager à ce propos comprennent tout d'abord la disparition automatique de certains instruments contractuels utilisés dans l'exploitation de l'oeuvre de l'esprit, tels que le contrat de commande, contrat d'édition, licence de reproduction ou de représentation etc.

Nous noterons ensuite que les effets pervers résultant d'une absence du droit d'auteur d'un Etat ne se limitent pas dans le cadre national. Dès lors que les oeuvres d'un auteur ont vocation pour l'instant à circuler au-delà de la frontière nationale, nous croyons que l'impact se produira également sur les relations interétatiques ou internationales. Si, par exemple, la France ne dispose plus de législation protégeant les oeuvres de l'esprit, nous somme certains que l'importation des produits littéraires et artistiques des autres pays sera arrêtée car ceux-ci ne sont plus rassuré de la garantie des intérêts de leurs ressortissants. A cet effet, l'échange et le partage des éléments culturels et loisirs d'un pays à l'autre connaîtront de grands obstacles qui entraîneront finalement leur impossibilité absolue. En plus, les rapports patrimoniaux et personnels retenus dans le contexte du droit international, tant privé que public, seront mis en cause.

De surcroît, nous remarquerons que les conventions et les traités internationaux qui consacrent la propriété intellectuelle notamment la Convention de Berne en 1886 ne peuvent plus préserver sa logique et légitimité. Il faut avouer, en considérant d'une mondialisation inévitable de la quasi-totalité des domaines, que l'inexistence du système de protection des auteurs dans un pays attribuera à son intégration tardive au sein des Communautés régionales ou internationales. A certaines instances, elle est la cause majeure de l'isolation du pays des autres techniques généralisées.

Conscients de toutes ces conséquences susceptibles de survenir, nous sommes alors incités à contempler des moyens cruciaux pour prévenir un tel évènement désastreux.

SECTION 2

Les solutions

Sans doute, l'Internet et le numérique font naître de grandes menaces actuelles des intérêts et droits de l'auteur, surtout ceux pécuniaires. Cependant, ils favorisent considérablement l'évolution des activités créatives. En plus, grâce à ces procédés techniques, la diffusion et la réception des éléments culturels sont beaucoup plus faciles, efficaces et rapides. Donc, on ne peut pas écarter, de manière absolue, leur importance et existence du système juridique afin de conforter uniquement les privilèges de l'auteur. Par contre, les solutions les plus sages seront celles visées à concilier la coexistence entre ces réalités sociales, c'est-à-dire la numérisation et le droit d'auteur.

Cette idée a été bien comprise et matérialisée par les députés français pendant la construction de la fameuse loi DADVSI. Les dispositions de ce texte dont le projet a été adopté le 21 mars 2006 sont destinées essentiellement à sauvegarder la valeur du droit d'auteur à l'encontre de puissants défis numériques. Le texte apporte des nouveaux éléments nécessaires afin de réaliser la neutralisation des effets numériques (§1). D'ailleurs, nous constatons que parmi les solutions soulevées dans le cadre de ladite législation, il existait au moins une qui a été jugée relativement « inappropriée» et, par conséquent, rejetée. A dire vrai, c'était la tentative d'instaurer une licence légale, connue sous nom très polémique de « la licence globale » (§2).

§1. La neutralisation des effets numériques

Historiquement, la loi DADVSI est décrite comme la réponse, un peu tardive, de la France à l'exigence communautaire, issue de la Directive du 22 mai 2001 portant sur « la harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et droits voisins dans les sociétés de l'information » des Etats-membres. Cette dernière fut, quant à elle, inspirée des deux traités de l'OMPI du 20 décembre 1996 qui portèrent également sur les problèmes du numérique.

L'objet principale de la loi DADVSI est bien entendu d'entreprendre un « aménagement le plus large possible» de diverses composantes numériques (B), en mettant l'accent sur la lutte contre les téléchargement illégaux et les partages illicites des oeuvres protégées via P2P. Parallèlement, ce texte a fait ressorti les aspects controversés de la notion de copie privée qui était, depuis son établissement, le sujet très ambigu. Elle nécessite donc un encadrement juridique pertinent et précis (A).

A. L'encadrement de la copie privée

L'exception de copie privée est celle au droit d'exploitation exclusif de l'auteur ou ses ayants droit. Prévue par l'article L122-5, 2° du CPI, elle permet à un individu de reproduire une oeuvre protégée et divulguée, sans l'autorisation de son auteur, dans le cadre de l'usage strictement privée du copiste et pas collectif. En contrepartie, les bénéficiaires de cette exception doivent s'acquitter de la taxe sur les supports numériques servant à la reproduction. Cela signifie que la copie privée n'est pas « une liberté gratuite ». Les recettes provenant de ladite taxation constituent une rémunération au profit des auteurs ou ses ayants droit pour réparer son « préjudice légalisé ».

Nous constatons que, dès son instauration, la copie privée est une notion énormément floue et comporte une signification très vaste. A ce propos, nous pourrions nous interroger de son étendue, sa nature, ses méthodes d'application etc. La question se complique de plus lorsqu'elle porte sur une possibilité de la copie privée par voie numérique. Donc, pouvons-nous fonder le téléchargement d'un fichier de musique sur la copie privée ? En s'appuyant sur les pures dispositions de l'article précité, il nous paraît sans doute possible. Mais, si nous admettons une telle possibilité, sans aucune restriction, il y aurait beaucoup de conséquences regrettables vis-à-vis des auteurs. Il nous convient donc d'en trouver immédiatement des solutions.

A cause de caractère imprécis de l'exception légale, les juges ont connu des difficultés dans leur décision, notamment l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 10 mars 200539(*). Cet arrêt faisant d'ores et déjà l'objet de nombreux débats a été vivement critiqué pour avoir relaxé le prévenu, poursuivi pour avoir téléchargé ou copié de plus de 500 films, en se fondant sur l'exception de la copie privée. Selon les parties civiles (dont principalement le Syndicat national de l'édition vidéo « SEV »), les juges n'ont pas cherché si le téléchargement ou la copie effectué par le prévenu portait sur les oeuvres dont la source est licite ou pas. A dire vrai, les juges montpelliérains n'ont pas procédé à déterminer si la copie en cause était faite sur l'original d'une oeuvre ou via P2P. Cette décision a contredit celle, rendue le 2 février 2004, d'un tribunal de première instance qui a condamné Alexis, un jeune, pour avoir téléchargé illégalement sur le réseau P2P. En plus, elle a adopté une position différente de celle du tribunal de grande instance de Paris (jugement du 4 mai 2004) qui avait énoncé que « la copie d'une oeuvre éditée sur support numérique peut porter atteinte à son exploitation normale ».

De toute façon, nous ne pouvons pas reprocher totalement aux juges de la cour d'appel de Montpellier car leur décision a été évidemment rendue dans l'absence de précision légale sur les problèmes du téléchargement et de la copie privée. Il est donc indispensable que le législateur intervienne.

L'alinéa 1er de l'article 8 du projet de la loi DADVSI semble également en apporter une solution à sa manière. Il prévoit que « l'auteur d'une oeuvre autre qu'un logiciel, l'artiste-interprète, le producteur de phonogramme ou de vidéogramme, l'entreprise de communication audiovisuelle peuvent mettre en place des mesures techniques de protection des droits qui leurs sont reconnus par les Livres Ier et II du CPI ». Cette nouvelle possibilité consistant à limiter la copie de l'oeuvre est ouverte également aux producteurs de base de données. Grâce à une telle disposition, on pourrait tout d'abord se demander pourquoi la liste n'inclut pas les éditeurs de logiciel. Aucune réponse à cet égard n'est établie suffisamment. Ensuite, la nouvelle mesure de protection est octroyée tant aux titulaires du droit d'auteur que ceux des droits connexes. Cela est bien justifié, d'une part, par le fait que la notion de copie privée s'applique également aux oeuvres nécessitant la participation des artistes-interprètes (ou exécutants), des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle. D'autre part, on observe que les problèmes de copie numérique affectent aussi considérablement ces titulaires.

D'après plusieurs bénéficiaires habituels [les internautes] de l'exception, la mise en place des mesures techniques de protection (MTP)40(*) telles que l'anticopie serait une massive atteinte à la copie privée. De plus, certains d'eux n'ont pas hésité à dénoncer la nouvelle loi comme celle « liberticide » (par rapport aux libertés d'expression et de jouissance culturelle). Leur contestation nous ferait songer au caractère réel de cette fameuse exception. Nous nous demanderons si la copie privée relève d'un droit ou une simple exception, tolérée par le bon vouloir des auteurs ? Encore, aucune réponse précise de la part du législateur ni celle doctrinale ou jurisprudence n'est formée. Il faut noter, de surcroît, qu'aucun texte international ne qualifie la copie privée comme un droit ou autrement. Mais, la Directive du 22 mai 2001 a évoqué « une faculté » liée à l'exception.

Pour autant, cela ne signifie pas que l'exception de copie privée est en voie de disparition sur le plan juridique si l'on examine la suite de l'article 8 du projet la loi DADVSI. L'alinéa 2 de cet article prévoit, quant à lui, que « les mesures de protection doivent permettre au bénéficiaire des exceptions prévues deuxièmement de l'article L122-5 et deuxièmement de l'article L221-3 d'en jouir, lorsqu'il a un accès licite d'oeuvre ». Or, que signifie l'accès licite ? Le téléchargement fait-il partie de cet accès licite ? Encore, la loi ne parvient pas à éclaircit ces points sensibles. Elle ne précise ni énumère des formes de restrictions de l'utilisation que les auteurs et ses ayants droit peuvent mettre en place. D'ailleurs, elle s'abstient de déterminer les méthodes pour les utilisateurs d'une oeuvre de se rendre compte des mesures protectrices (notamment l'anticopie). Même si la question « est-ce que la copie privée est une simple exception ou un droit ? » ne soit pas définitivement résolue, nous pouvons estimer que les mesures techniques de protections, quelque soit leur forme, ne doivent pas supprimer totalement la faculté pour les utilisateurs de faire la copie conformément aux règles posées par les articles L122-5 et L221-3 du CPI. Notre idée est bien sûr inspirée par certaines décisions judiciaires, notamment celle de la Cour d'appel de Paris dans la fameuse affaire « Mulholland Drive ».

En définitive, il nous paraît également important de savoir si le nouvel encadrement de la copie privée s'appliquera d'une même façon à tous les domaines de l'oeuvre de l'esprit sans distinction. A défaut d'une précision du nouveau texte, nous pouvons estimer qu'il concernera toutes sortes de l'oeuvre régies par l'effet numérique. Cela signifie donc que les MTP seront susceptibles d'être érigées analogiquement tant pour un fichier musique ou vidéo-film que pour un article journal affiché sur le Web. Mais, si l'on analyse un peu plus soigneusement des différents buts et avantages de chaque oeuvre pour le public, on serait convaincu que les limitations techniques ne doivent pas être de la même nature. A dire vrai, on doit assouplir, à titre d'exception, la rigidité des MTP pour certains éléments qui comporte l'importance éducative, d'enseignement ou de recherche etc. Ainsi, l'accès à une oeuvre par des étudiants, dans le cadre de leur étude ou recherche, devrait être facilité et la copie privée devrait pouvoir se réaliser avec moins de restrictions.

Bien que le dernier alinéa de l'article 8 du projet en question confie la protection de l'exception aux juges, cela ne pourrait pas constituer une bonne solution. Autrement dit, la décision qui est tributaire du pouvoir souverain des juges ne suffira pas à résoudre les problèmes de la copie privée dans le contexte actuel. Il faut, en revanche, avoir recours essentiellement aux dispositions législatives comme le fondement le plus stable et le plus solide.

A part la question de copie privée, nous devons également envisager des solutions pour lutter contre les autres menaces numériques.

B. La gestion du numérique

Avec l'adoption du projet de la loi DADVSI, la France a rattrapé finalement son retard en matière de numérique, en vue d'aligner son système de droit d'auteur sur la ligne communautaire et internationale. Pourtant, le nouveau texte ne semble pas assez audacieux de résoudre, à titre définitif, des problèmes liés à l'Internet et au numérique. A cet effet, nous constatons que, outre la question de copie privée, les menaces des téléchargements illégaux et de la diffusion des oeuvres protégées via des réseaux P2P persistent.

En ce qui concerne les téléchargements, comme nous avons su, les difficultés sont dues principalement au caractère imprécis de la copie privée (supra). Même si la nouvelle loi ait reconnue officiellement la mise en place des mesures techniques de protection (MTP) sur des supports d'oeuvre, cela n'empêcherait pas effectivement des téléchargements qui deviennent maintenant de plus en plus redoutables. Bien sûr, le recours au mécanisme anticopie ou verrouillage des éléments affichés sur l'Internet va résulter dans la diminution de téléchargement ou copie « sauvage » ou, encore, « excessive ». Mais, en même temps, nous sommes persuadés de croire qu'il y aurait des nouvelles pratiques qui consistent à « casser » ces systèmes protecteurs. A dire vrai, certains individus que l'on baptise « hackers » s'efforceront de faire usage d'autres moyens plus modernes afin d'infiltrer dans le contenu des oeuvres ainsi protégées et les usurper.

A l'encontre de ce phénomène, la nouvelle législation a prévu un corpus des peines, qualifiées plutôt « graduées » [par rapport aux celles initialement proposées] (supra, « la sanction du droit d'auteur » Chapitre I). Désormais, nous constatons que les hackers qui piratent une oeuvre en brisant son système de protection seront condamnés d'une amende de 3 750 euros. Pour ceux qui détiennent ou simplement utilisent un logiciel anti-cryptage, la peine applicable est l'amende de 750 euros. En particulier, les personnes, morales ou physiques, qui fournissent des moyens destinés à contourner le cryptage des oeuvres, elles seront punies de 6 mois d'emprisonnement et 30 000 euros. Et, en définitive, celui qui commercialise un logiciel servant de piratage s'écopera d'une peine de 3 ans et de 300 000 euros.  

Quant au partage des fichiers protégés par l'intermédiaire de réseaux P2P, il est sans doute illicite et constitue une contrefaçon au sens du CPI, comme l'a remarqué Philippe ROCHETEAU dans son article intitulé « Peer-to-Peer et copie privée », publié le mercredi 13 juillet 2005 sur le www.zdnet.fr. La raison est que, comme on a vu, le consommateur dispose seulement de droit de propriété sur le support de l'oeuvre, et pas sur le contenu de cette dernière. La propriété du contenu de l'oeuvre appartient toujours à l'auteur ou ses ayants droits. Dans ce sens, nous pouvons estimer que l'acheteur d'un CD ou DVD ne peut pas mettre l'oeuvre dans le circuit P2P pour que cette dernière soit téléchargeable par des autres internautes. A cet égard, le projet de la loi DADVSI inflige une amende de 150 euros à l'encontre des individus qui ont partagé ainsi une oeuvre, quel quoi soit son mobile. De même, pour ceux qui reçoivent ou téléchargent, même de manière occasionnelle, un fichier publié sur la plate-forme P2P, ils seront sanctionnés d'une amende de 38 euros.

En examinant l'ensemble des pénalités ci-dessus, nous pouvons déduire en premier lieu que le législateur les a organisés en tenant compte de leur gravité et leur caractère dangereux à l'encontre des intérêts de l'auteur. En second lieu, certains actes reprochables sont légèrement condamnés, notamment le fait de télécharger une oeuvre par P2P. Cette bénignité de peine est expliquée par l'intention du législateur qui souhaite en fait « une répression d'exemplarité » [plutôt que celle systématique]. Une telle position législative connaît à la fois des soutiens et des oppositions. Pour le camp des partisans, le téléchargement illégal représentant la plus grande atteinte actuelle aux oeuvres de l'esprit est exercé par de milliers de ménages français. Donc, la lutte contre la pratique ne peut pas s'effectuer par la sévérité traditionnelle des armes pénales. Autrement dit, si l'on applique strictement des dispositions relatives à la contrefaçon, il y aurait à l'évidence une énorme « inflation des délinquants ». Il faut procéder à une répression qui a pour rôle plutôt éducatif, mais qui se déroule fréquemment. A l'inverse, pour ceux qui sont hostiles à la clémence des nouvelles peines, le montant de 38 euros [pour le téléchargement illégal] ou celui de 150 euros [pour la mise à la disposition illégale] ne produira aucun effet contraignant à l'envers des internautes. De plus, les situations seront aggravées si la mise en place des telles sanctions n'est pas faite régulièrement. Selon eux, les peines auraient du être suffisamment dissuasives à l'égard des utilisateurs des P2P. De toute façon, ils n'arrivent pas eux-mêmes à indiquer comment une peine serait « suffisamment dissuasive ».

Concernant même lesdites peines, nous pourrons nous demander si elles s'appliquent à chaque acte de violation ou à l'ensemble des actes effectués par un internaute poursuivi. C'est le cas, par exemple, où un individu a téléchargé illégalement une fois par rapport à un autre qui l'a fait pour plusieurs fois. Est-ce que l'amende de 38 euros s'applique à ces deux personnes de la même manière ? Sur le plan logique, « celui qui commet deux faute doit être puni plus lourdement que celui qui ne commet qu'une faute ». Pareillement, sur le plan pénal, la répétition habituelle ou la pluralité des infractions commises par un individu constitue « une circonstance aggravante » qui justifie ses sanctions plus sévères. Il nous paraît donc injuste de constater que l'amende de même montant serait applicable indifféremment à ces deux personnes. Toutefois, en silence de la loi DADVSI sur ce point, nous devons dépendre encore une fois de décisions judiciaires.

En particulier, Xavier GREFFE a proposé la mise en place une série des amendes en fonction de la valeur des oeuvres protégées qui sont téléchargées gratuitement par des internautes41(*). Selon lui, si le montant d'amende est moins cher que le coût réel d'une oeuvre téléchargée ou copiée (illégalement), l'utilisateur préférerait plutôt contrevenir à la loi. Par contre, si l'amende est équivalente au ou plus élevée que le prix de l'oeuvre, l'utilisateur serait naturellement dissuadé de la pratique illicite. Nous constatons que les idées de M. GREFFE sont assez intéressantes dans la mesure où elles ont tenté de rendre l'incrimination, en la matière, « flexible » et « équitable ». De toute façon, il n'a pas non plus répondu à la question d'un éventuel cumul des amendes en cas de pluralité des mêmes actes illégaux.

Etant donnée les récents progrès techniques, nous nous rendons que la gestion du numérique ne relève pas d'une tâche facile. Des difficultés en la matière ne cessent à se multiplier dès lors qu'il s'agit d'une question universelle. De surcroît, il semble inévitable que des nouvelles mesures envisageables pour bien administrer le numérique soient, peu ou prou, contradictoires à certains droits et libertés des utilisateurs de l'oeuvre de l'esprit. Cependant, nous devons accomplir cette « mission » cruciale afin d'assurer la survie du droit d'auteur.

Le projet de la loi DADVSI, qui sera examiné par le Sénat à partir du 4 mai 200642(*), se borne à reconnaître au profit des auteurs et leurs ayants droit une faculté de recourir aux MTP, sans néanmoins préciser des formes ou des procédures de celles-ci. En fait, le texte sera perçu comme une confirmation officielle de la part du législateur français pour ce qui a été pratiqué en effet depuis un peu longtemps. Plus précisément, avant le 21 mars 2006, certains producteurs ou éditeurs ont déjà fait usage de mécanismes techniques tels que le cryptage et l'anticopie pour protéger leurs oeuvres commercialisées contre des attaques brutales. C'est le cas notamment où les CD ou DVD mis en location sont impossibles d'être copiés, même à titre d'usage privé du locataire. Dans l'ensemble, nous constatons que le système de protection conçu par le nouveau texte du droit d'auteur a pour vocation plutôt « préventive ». A cet égard, nous pourrions nous interroger si ces mesures préventives sont adéquates en elles-mêmes pour pallier au problème actuel de téléchargements illégaux et de P2P.

Certes, le projet de la loi DADVSI a prévu un certain nombre des peines à l'encontre de violations des MTP. Mais, comment peut-on savoir qu'il existe un comportement préjudiciable aux droits de l'auteur ? La réponse semble puiser sa source dans le contexte des MTP elles-mêmes. A dire vrai, la puissance des MTP doit permettre également à l'auteur ou ses ayants droits de déceler tout acte contrevenant. D'où vient une idée de mettre en place des « procédés techniques de détection des atteintes et d'anti-déformation injustifiée des oeuvres ». En réalité, après quelques amendements, ledit projet de loi semble beaucoup favorable à ces procédés dans le cadre des MTP. Or, le texte n'en établit pas non plus une liste. Par conséquent, il nous convient de déterminer des formes qu'ils pourraient prendre et leur déroulement.

Comme indique leur appellation, ces MTP devraient, en premier lieu, avoir pour finalité de détecter un acte de téléchargement illégal ou de piratage, exercé sur une oeuvre. En second lieu, elles devraient être aussi en mesure d'enregistrer toutes les informations concernant la mutilation ou la modification injustifiée de l'oeuvre par des utilisateurs. Ce double volet de mesures devrait s'exercer tant sur les supports d'oeuvre (notamment DVD) que sur le réseau d'Internet. Mais, le problème se pose tout d'abord est de savoir comment on peut le faire sur des CD ou DVD vendus. Sur le plan pratique, il est absolument impossible. De toute façon, si l'oeuvre contenue dans un DVD acheté est altérée et mise à la disposition des autres utilisateurs de l'Internet, il faudrait un mécanisme qui permet d'identifier l'acte afin d'engager la responsabilité du propriété de ce support. Ensuite, le système détecteur des atteintes en cause ne rencontrerait pas beaucoup de difficultés si des actes ont été commis par l'internaute chez lui. A contrario, si les actes sont commis dans un magasin de service Internet, nous aurions du mal à les découvrir. Techniquement, on peut savoir qu'un Internaute télécharge une oeuvre par le biais de l'ip43(*) de l'ordinateur qu'il est en train d'utiliser. Toutefois, cela n'est plus facile si l'internaute est assez prudent de changer régulièrement d'un poste à l'autre ou, dans certain cas, d'un magasin à l'autre. Face à cette pratique maligne, il est incontournable de renforcer des collaborations entre l'autorité publique et le fournisseur de service d'Internet. Plus précisément, ce dernier doit être obligé d'assister l'autorité compétente dans le processus d'indentification de l'auteur de téléchargement illicite ou de piratage. A cet effet, il doit fournir des informations nécessaires relatif à l'acte illégal, telles que la date où ce dernier a eu lieu ou encore l'ampleur des oeuvres téléchargées etc. Outre l'intervention des fournisseurs de service d'Internet, on devrait chercher également celle des propriétaires de Web ou serveur à travers lequel l'oeuvre est piratée ou téléchargée. De surcroît et le plus essentiellement, il faut que les propriétaires ou administrateurs privés de magasin de service d'Internet jouent un rôle plus actif dans l'opération en cause. Leur participation serait sans doute déterminante dans la réduction de téléchargements ou pirateries des oeuvres de l'esprit puisque ces agissements illicites sont effectués le plus souvent auprès d'un « Internet Shop ».

Une fois qu'un acte de téléchargement illégal soit diagnostiqué, on appliquera l'amende de 38 euros brusquement ? Etant donnée que le législateur tente plutôt d'exemplifier chaque sanction, certains proposent une procédure extrêmement tolérante dans la mise en place de cette peine pécuniaire. A dire vrai, lorsque le système a détecté un acte de téléchargement, on doit tout d'abord avertir l'internaute des conséquences juridiques qu'il subirait s'il poursuit l'acte, par voie d'un courriel électronique ou d'une lettre recommandée ou d'autres moyens, notamment un signal particulier. Ensuite, après ledit avertissement, s'il ne l'arrête pas, on peut appliquer sans hésitation la peine. A titre de remarque, cette mesure spécifique présenterait un intérêt incontournable car elle fait part à l'internaute que ses actes illégaux n'échappent jamais à l'attention de la loi. Pourtant, pour ceux qui soutiennent des mesures « musclées » vis-à-vis de téléchargements illégaux, le procédé d'un avertissement préalable et une somme dérisoire de l'amende constitueront « une double souplesse » inutile et, par conséquent, ne pourraient pas supprimer des violations.

Eu égard à l'enjeu des MTP, si elles sont définitivement autorisées [bientôt] par la loi, nous sommes certains que leur fonctionnement serait confronté aux deux grands défis. Premièrement, le dispositif des MTP devrait être capable de résoudre tous les problèmes issus de l'Internet. Or, l'Internet est sans doute un phénomène universel. Donc, comment peut-on protéger l'intégrité d'une oeuvre française contre des atteintes d'origine étrangère ? De même, en bilatéralisant la question, comment on est en mesure de contrecarrer l'atteinte d'un Internaute français à l'encontre d'une oeuvre étrangère ? Certes, pour réaliser l'objectif, il faut que les MTP soient internationalisées. Cela supposera des coopérations plus étroites entre les pays dont les oeuvres font l'objet des violations. Même si les deux traités de l'OMPI du 1996 ont prévu d'une « profonde harmonisation » des législations des Etats membres en matière numérique, cela ne suffit pas exactement d'assurer et encourager la création intellectuelle. Il faut donc procéder aux autres procédés complémentaires, tels que :

- la création d'une police nationale de l'Internet dont la mission est de surveiller, d'une part, le bon usage de la technique par les internautes et, d'autre part, la proportionnalité des MTP. De même, sur le plan international, une institution de police spécialisée en la matière deviendrait indispensable.

- Le partage régulier des informations entre des pays à propos de dernières techniques avancées de l'Internet et la numérisation. Cela permettra une prévention plus efficace des nouveaux dangers que présentent les internautes.

- La coopération transfrontalière, civilement et pénalement, pour lutter contre des téléchargements illégaux qui portent atteintes à la sécurité commune de deux ou plusieurs Etats.

Deuxièmement, il s'agirait de respecter un minimum des droits et libertés des utilisateurs de l'oeuvre, soumise à chaque composante des MTP. Certainement, les techniques de cryptage, de verrouillage et d'autres similaires, portant sur une oeuvre, dont l'usage est justifié par l'intérêt des auteurs constituent une « entrave » à l'accès et la jouissance des consommateurs. Dans un sens plus large, c'est le public qui voit leur droit à l'information et aux loisirs culturels diminuer. Plus gravement, c'est la possibilité que les auteurs ou leurs ayants droit exercent le contrôle de plus en plus vigilant sur l'usage des oeuvres par un particulier. Cela porte atteinte indéniablement à un certain nombre des droits fondamentaux des consommateurs, notamment le droit au respect de la sphère privée et celui de l'intimité privée. Naturellement, les internautes ne supportent guerre le fait que le contenu des éléments qu'ils consultent sur Web soit sous surveillance, quel que soit le motif de cette dernière. Donc, il serait absolument important de concilier la pratique des MTP et les droits des utilisateurs de l'oeuvre. A cet égard, il faut que la mise en place de chaque mesure protection soit soumise à un ensemble des procédures précises et strictement vérifiées. Dans le même contexte, nous pouvons envisager un rôle plus actif de certains organismes publics et privés. C'est le cas par exemple où les responsables de MTP sont obligés, avant de mettre en place une mesure technique, de consulter essentiellement des avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et ceux des associations de consommateurs.

La dernière question relative à la gestion du numérique serait de savoir le sort des réseaux P2P après l'adoption définitive du projet de la loi DADVSI. Cette dernière, dans sa version actuelle, semble fortement défavorable au caractère intermédiaire des P2P qui facilitent l'échange illégal des titres protégés par le droit d'auteur et les droits voisins. L'antagonisme du texte à cet égard est témoigné par la condamnation à l'encontre des éditeurs de logiciels servant à effectuer des téléchargements illégaux44(*). Il faut noter que l'attitude anti-P2P n'est pas discernée uniquement en France. A l'inverse, on constate un nombre croissant des pays qui s'opposent aussi à l'épidémie de P2P. Ce nouveau mouvement a eu lieu, dans de divers formes, notamment aux Etats-Unis45(*) et, plus récemment, en Suisse et en Belgique où les autorités de ces deux nations européennes ont fermé le serveur « eDonkey », l'un des plus grands P2P sur Internet. De toute façon, nous devrions prendre en compte deux sortes de situations avant de décider « une certaine position », en ce qui concerne l'existence des P2P. Premièrement, la lutte contre l'incident P2P serait considérablement difficile puisque la plupart de ces logiciels sont créés et installés en dehors du territoire français. En plus, certains éditeurs de tels appareils sont des personnes physiques qui savent dissimuler habilement leur identité. Dès lors, un système de coopération international en la matière devrait être instauré impérativement. Deuxièmement, il est compréhensible que les P2P comportent néanmoins certains traits positifs pour l'évolution culturelle que l'on ne peut pas ignorer. Cela s'explique par ses fonctions d'échange des éléments intellectuels, tant licites qu'illicites. Donc, pourquoi on ne légaliserait pas des P2P qui permettent aux internautes de jouir raisonnablement des oeuvres libres de la protection du droit d'auteur, notamment celles tombées dans le domaine public ?

Hormis l'encadrement de copie privée et la gestion du numérique, nous sommes intéressés spécifiquement à une autre solution qui a été proposée dans le cadre du projet de la loi DADVSI. Il s'agit plus précisément de question d'une « licence globale » qui n'existe plus pour l'heure.

§2. La licence globale

Avant le vote définitif du 21 mars 2006, le projet de la loi DADVSI avait fait l'objet de nombreux amendements parmi lesquels était soulevée imprévisiblement la question d'une licence globale46(*). Ce mécanisme, étant annoncé par ses artisans comme une bonne remède aux périls de téléchargement illégal et des P2P, a constitué un sujet massivement sensible et médiatisé pour plusieurs mois. Son introduction dans le texte original47(*) était une grande contrariété au but recherché par ce dernier. A l'expliquer, la licence globale est différente des autres solutions du texte dans la mesure où elle consisterait à légaliser des libres échanges de titres culturels via réseaux P2P, en contrepartie de versement d'une certaine redevance aux auteurs et leurs ayants droit.

S'étant finalement soldé par un « enterrement » total, le mécanisme de licence globale a présenté toutefois un enjeu discutable (A) car il a suscité deux courants hétérogènes entre les personnes qui créent l'oeuvre et celles qui en bénéficient. Son rejet n'est pas dû uniquement à son défaveur financier, mais en même temps, aux autres rasions d'impraticabilité (B).

A. L'enjeu de la licence globale

La première remarque que nous pourrions faire à propos de la licence globale est que celle-ci n'a pas pour effet de supprimer l'ensemble des règles de droit d'auteur ni celles des droits voisins. Plutôt, elle en serait simplement un élément complémentaire. De toute façon, celui-ci serait susceptible d'affecter profondément la structure traditionnelle des droits et privilèges de l'auteur et ses ayants droits. La seconde est que la mise en oeuvre de cette licence exigerait le support des réseaux P2P. Autrement dit, elle se fonde entièrement sur la technique des P2P pour être applicable. Par conséquent, nous pourrions estimer que le système P2P se doterait d'un statut légal. La troisième et la dernière repose sur le caractère unique de la licence globale qui n'existerait qu'en France. Jusqu'à l'heure actuelle, aucune législation étrangère ne reconnaît ni instaure un système tellement généreux [envers les internautes].

Dans sa pure formule, la licence globale ferait aussi partie des contrats d'exploitation des oeuvres de l'esprit. Mais, elle revêt un trait spécifique par rapport aux autres actes classiques. A cet effet, elle se distingue des licences ordinaires dans la mesure où les licenciés, qui agissent en tant qu'intermédiaires de la jouissance de l'oeuvre [dans le cadre des relations entre l'auteur et les consommateurs], seront des consommateurs eux-mêmes. Pour les logiciels P2P, ils assureraient le prélèvement de frais d'usage auprès des internautes [licenciés] utilisant leur serveur et les versent ultérieurement aux auteurs. D'ailleurs, contrairement aux autres systèmes d'abonnement qui permettent à leurs adhérents [abonnés] de bénéficier des avantages spécifiques et limités48(*), la licence globale autorisait aux internautes de télécharger, de manière illimitée pour une certaine période49(*), toutes sortes des éléments (films, musiques, documents, logiciels...) disponibles par le biais du P2P. A titre de rappel, le P2P n'héberge ni stocke lui-même des oeuvres téléchargeables. Au contraire, il sert simplement d'un intermédiaire de l'échange des oeuvres entre les internautes.

Il faut avouer que l'instauration légale de la licence globale constituerait une immense révolution dans le contexte actuel. Mais, elle a pour effet positif ou négatif à l'égard du droit d'auteur ? En plus, garantit-elle l'équilibre des intérêts de l'auteur et ceux de consommateurs ?

Indubitablement, la licence globale serait le bienvenu chez les consommateurs. Ils s'apprêtent à payer un certain montant, sous forme de forfait spécial, pour télécharger librement des oeuvres. Ils iraient opter pour le système de licence globale car celui-ci leur offre un bon nombre d'avantages. Ce qui est le plus important est que les internautes ne s'inquiètent plus d'une peine pour téléchargement illégal ou piratage.

Une vive opposition à ladite licence a été explicitement aperçue à l'inverse dans le milieu des auteurs et artistes-interprètes. Selon eux, le fait de permettre aux internautes de télécharger librement des oeuvres, en contrepartie d'un paiement modique, ne répare pas le préjudice qu'ils subissent sur le plan pécuniaire. Par contre, il aggravera profondément leur perte des revenus. D'ailleurs, certains artistes, notamment Johnny HALLYDAY, ont dénoncé le nouvel instrument juridique envisagé comme « légalisant le vol des oeuvres intellectuelles ». M. HALLYDAY a poursuit que « le téléchargement illimité, contre un paiement mensuel de 10 ou 20 euros, va tuer le travail des artistes ». Cette même idée a été aussi partagée par DIAM'S et CALOGERO qui se sont prononcés fortement contre la licence globale50(*)

Nous constatons que la détermination d'un « montant périodique » que les internautes s'engagent à payer aurait constitué un des problèmes majeurs dans la mise en place éventuelle de licence globale. Faut-il combien pour être satisfaisant et équitable, tant pour auteurs/artistes-interprètes que pour les internautes ? 10 ou 20 ou 100 euros par mois ? Aucune réponse n'est établie à ce propos suffisamment. Normalement, un internaute se livre au téléchargement illégal, en risquant d'être condamné, parce qu'il sait que l'acte est gratuit. Mais, il préfèrerait payer une petite somme afin de ne pas s'exposer aux sanctions liés à ses actes illicites. Donc, pour être séduisante, le système de licence globale devrait exiger un montant moins élevé de la part des internautes intéressés. En particulier, pour les auteurs et les artistes-interprètes, la médiocrité de somme est évidemment inconcevable. Comment pourrait-on accepter une redevance mensuelle de 10 ou 20 euros de chaque internaute qui télécharge autant plus de fichiers qu'il souhaite. En plus, selon eux, même si le montant mensuel serait un peu important, par exemple 100 euros par mois, cela ne signifie pas que leur intérêt est équilibré convenablement. C'est le cas notamment où un internaute très actif télécharge plus de 100 filmes par mois. On se demanderait donc si la facture de 100 euros pour 100 films relève d'une mesure raisonnable.

Les conséquences que l'on pourrait attribuer à une mise en place de la licence globale ne sont pas négligeables. Tout d'abord, elle encouragerait un développement inédit des logiciels P2P, tant gratuit qu'onéreux. A cet égard, il serait fortement évident que les éditeurs de ces techniques les améliorent au fur et à mesure afin de retenir leur compétitivité. Ensuite, il y aurait un changement radical de l'attitude des consommateurs en ce qui concerne la jouissance des oeuvres de l'esprit. Plus précisément, la plupart d'eux préfèreraient faire usage de l'Internet pour acquérir une oeuvre téléchargée, plutôt que celle achetée à la maison de disques. Cet évènement va résulter également dans la baise des autres revenus d'une oeuvre, notamment ceux issus de la représentation aux cinémas. Enfin, le mécanisme de licence globale entraînerait indirectement l'augmentation des actes de piratage.

B. L'impraticabilité de la licence globale

Outre l'impossibilité dans la fixation d'un montant équitable, il existe d'autres motifs qui ont été avancés en vue de justifier le rejet du mécanisme de la licence globale. Ces motifs sont liés tous à une complexité insurmontable.

Premièrement, il s'agit de modes et procédure de la répartition des redevances. Comment peut-on distribuer les recettes réalisées dans le cadre de licence globale ? Dès lors que les téléchargements s'effectuent par voie de serveur P2P, il serait juste que les administrateurs de celui-ci puissent en réclamer une partie. Cependant, le véritable problème réside dans la détermination des auteurs et artistes-interprètes qui peuvent se faire attribuer une portion de tels bénéfices ? Est-ce que les auteurs dont les oeuvres ne sont pas intéressés par des internautes ou sont téléchargées moins fréquemment que les autres peuvent obtenir une rémunération équivalente à ces derniers ? A cet égard, nous croyons qu'il y aurait inéluctablement le conflit des intérêts entre ces titulaires du droit de propriété intellectuelle. Cela nécessiterait préalablement « un compromis » entre les auteurs. Au surplus, il serait indispensable de créer un organisme qui s'occuperait de percevoir et répartir l'ensemble des redevances de la licence globale.

De même, la licence globale s'appliquant tant aux oeuvres nationales que celles étrangères, nous nous demandons si les auteurs de ces dernières peuvent participer à ladite répartition. Il faut rappeler que, selon plusieurs indications, les oeuvres qui ont été téléchargés via P2P, en France, sont aussi des films et musiques étrangers, surtout ceux américains. Par conséquent, en cas d'un partage des revenus, il y aurait des litiges qui sont beaucoup plus difficiles à trancher car ils relèvent d'une question internationale.

Deuxièmement, la licence globale « à la française » constituerait un paradoxe de la position universelle actuelle en matière de protection des droits d'auteur et ceux des artistes-interprètes. La mise en oeuvre du système d'une telle licence par la France ne correspond à l'exigence communautaire ni celle internationale qui souhaitent le rôle prédominant des MTP dans la protection des créations intellectuelles. En plus, certains estiment que la licence globale, si elle aurait été adoptée, symboliserait un énorme échec du gouvernement dans la lutte contre le piratage et les téléchargements illégaux.

Heureusement, la proposition critiquable de licence globale n'abouti pas. Elle a été finalement abandonnée au profit de la politique plus adaptable des MTP, en raison de ses vocation et démarche illogiques. Autrement dit, eu égards à toutes les circonstances actuelles, ni P2P ni licence globale constituent une bonne réponse aux inquiétudes des activités de créations intellectuelle.

Conclusion

En dépit de contraintes techniques, le droit d'auteur subsiste encore fermement en tant que composante immanquable du droit positif actuel de chaque Etat. Il n'a ni succombé à la domination de l'Internet ni aux effets répandus du numérique. Par contre, le système juridique de protection des droits de l'auteur a comblé, de manière très flexible, toutes ses lacunes, engendrées par lesdites techniques. Ces dernières étant impossibles à être refusées de la réalité sociale, il faut procéder plutôt à une adaptation opportune et régulière des éléments du droit d'auteur. Nous remarquons que des multiples réformes en la matière, en fonction d'évolution scientifique et technique, ont été entreprises non seulement dans le cadre national, mais également pour des relations internationales.

Dans ce même contexte, la France démontrerait, avec l'imminente adoption du projet de la loi DADVSI, que son système modèle du droit d'auteur demeure intact et conserve toujours sa philosophie, malgré l'attaque sauvage du numérique. En écartant l'absurde conception de licence globale, le texte a décidé de reconnaître, en faveur des auteurs, artistes-interprètes et leurs ayants droit, une faculté, autrefois controversée, de mettre en place des diverses procédés techniques afin de protéger leurs oeuvres contre des violations d'origine numérique. De plus, pour assurer l'efficacité de ces MTP, il a instauré un assortiment des pénalités bien structurées qui aurait vocation à réprimer certains agissements dangereux des individus consommateurs de l'oeuvre, surtout les téléchargements illégaux par P2P. Nous constatons que la nouvelle législation constituerait la première étape que la France devrait franchir afin de voir survivre leur système du droit d'auteur dans l'environnement numérique actuel. De toute façon, cela ne suffit pas. Il faut qu'elle mette en oeuvre, de surcroît, des autres règles importantes, notamment un régime juridique des logiciels P2P.

Contrairement à certains arguments égoïstes, la loi DADVSI n'aurait pas pour but de réduire, de manière injuste, des avantages dont les internautes bénéficient pour l'heure de l'Internet et de la numérisation matérielle. Au contraire, il s'agit lucidement d'une nouvelle politique du législateur français qui entreprend de rééquilibrer les intérêts de l'auteur et ceux des consommateurs, voire des internautes. On ne peut plus admettre la pratique excessive des internautes, sous couvert de certaines exceptions légales, de menacer et de fragiliser la logique des créations intellectuelles.

D'ailleurs, en attendant la promulgation de la plus controversé loi [DADVSI], nous restons constamment attentif aux mesures que le législateur doit prendre afin de résoudre certains d'autres problèmes tels que le statut des « logiciels libres » et, encore plus essentiellement, « l'interopérabilité » des oeuvres musicales sur les différents supports numériques [il s'agit surtout les fichiers téléchargés de l'iTune d'Apple qui ne sont pas compatibles avec les autres lectures].

Les expériences indésirables que certains pays ont d'ores et déjà connues nous enseigneront le rôle cardinal du droit d'auteur dans une société. En plus, nous sommes convaincus que les problèmes qui inquiètent le travail de l'esprit varient selon des circonstances propres de chaque pays. De toute façon, nous devrions accepter, de manière unanime, que l'état de technique constitue un facteur fondamental de toutes distinctions. D'ailleurs, la seule présence d'un texte concret et formel du droit d'auteur ne signifie pas que son respect soit garanti automatiquement en pratique. Autrement dit, nous devrions apprécier l'existence du droit d'auteur d'un pays en s'appuyant tant sur l'apparence juridique que sur des divers faits réels. A cet égard, il nous paraît raisonnable de nous nous interroger quel est l'intérêt de faire une distinction entre « l'absence matérielle du droit » et « le non respect du droit existant ».

En bref, nous pouvons estimer que, outre l'influence technique, la conciliation entre les intéressés d'une oeuvre de l'esprit demeurait toujours la formule de base, utilisée par le législateur, dans le processus perpétuel de façonner le droit d'auteur. Le faveur, moins ou plus, dont ce dernier présente au profit des auteurs ou, dans le cas contraire, des utilisateurs varie de temps en temps en fonction des différentes situations imprédictibles.

A l'extremis, nous aurions l'impression que le propos « un monde sans droit d'auteur » soit une simple phrase, attachée à un évènement imaginaire, et ne reflète aucune réalité d'aujourd'hui. De toute façon, si nous approfondissons un peu plus nos pensées, il semble qu'il serve d'un message nous avertissant d'une approche, de plus en plus probable, d'une telle situation surprenante. Par conséquent, nous devrions adopter dès maintenant de nouvelles attitudes appropriées envers la sphère des créations intellectuelles. Sinon, rien n'empêcherait qu'un tel monde soit de réalité de demain.

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Eléments de Bibliographie

* Ouvrages généraux

- TAFFOREAU P., Droit de la propriété intellectuelle, Gualino éditeur, 2005

- LINANT de BELLEFONDS X., Droit d'auteur et droits voisins : propriété littéraire et artistique, Encyclopédie Delmas pour la vie des affaires, Delmas, 1997

- GEIGER C., Droit d'auteur et droit du public à l'information, Litec, 2004

- POLLAUD-DULIAN F., Le droit d'auteur, Economica, 2005

- LINANT de BELLEFONDS X., Droit d'auteur et droits voisins, Dalloz, 2002

- LUCAS A., Droit d'auteur et numérique, Litec, 1998

- GREFFE X., L'économie de la propriété artistique, Economica 2005

- BERTRAND A., Le droit d'auteur et les droits voisins, Dalloz 2è éd., 1999

- GAUTIER P.Y., Propriété littéraire et artistique, PUF 3è éd. mise à jour, 1999

- BAETENS J., Le combat du droit d'auteur, Les impressions nouvelles, 2002

- MALABAT V., Droit pénal spécial, Dalloz 2002

- Commercial laws and intellectual property rights law (vol.1), Ministère de commerce du Cambodge, 2004

- CORNU M., De LAMBERTERIE L., SIRINELLI P. et WALLAERT C., Dictionnaire comparé du droit d'auteur et du Copyright, CNRS éditions, 2003

- Dictionnaire universel francophone, Hachette, 1997

- Lexique de termes juridiques, Dalloz 8è ed., 1970

* Codes

- Code de la propriété intellectuelle

- Code civil

- Code de la procédure civile

- Code pénal

* Périodiques et revues

- Petites affiches

- La Semaine juridique

- Revues de l'OMPI

- Métro (journal)

- LyonPlus (journal)

- 20 Minutes (journal)

- Le Point (magazine)

* Sites Web

- www.inpi.fr

- www.ompi.org

- www.sacem.fr

- www.sacd.fr

- www.legifrance.fr

- www.znet.fr

- www.lemond.fr

- www.culture.gouv.fr

- www.templetons.com

- www.fr.wikipedia.org

- www.unesco.org

* 1 La loi du 11 mars 1957 a instauré officiellement le droit d'auteur en France, en réunissant toutes les règles fondamentales antérieures, surtout celles issues de la Convention de Berne (1886). Quant à la loi du 3 juillet 1985, elle a entrepris une profonde réforme de la précédente, en modernisant cette dernière sur le plan technique. De plus, elle a mis en place des « droits voisins du droit d'auteur », reconnus essentiellement aux artistes-interprètes ou exécutants des oeuvres de l'esprit. Outre ces deux textes, il existe d'autres qui sont venus élargir le champ d'application du droit d'auteur, tels que la loi du 10 mai 1994 (en matière de logiciels), loi du 5 février 1994 (sur les contrefaçons) et celle du 3 janvier 1995 (sur la reprographie).

* 2 Auparavant, les logiciels ont fait l'objet de nombreuses discussions controversées, surtout doctrinales, de leur nature et d'un régime juridique auquel ils devraient être soumis. Mais, à partir de la Directive européenne du 14 mai 1994, ils sont régis par le droit d'auteur, sous réserve de leur caractère original.

* 3 La « nouveauté » est une exigence que chaque invention ou dessin et modèle doit comporter afin d'être brevetable (pour l'invention : article L611-10 s. CPI) ou d'être protégé par le droit de la propriété industrielle (pour le dessin et modèle : article L511-3 CPI).

* 4 L'oeuvre multimédia est « celle qui se compose, d'une part, de divers éléments techniques et audiovisuels tels que les textes, sons, images fixes et animées etc., et, d'autre part, de moyens informatiques (programmes, base de données...) qui sont susceptibles d'être diffusés simultanément et de manière interactive »; Dictionnaire universel francophone, édition Hachette 1997, p.848.

* 5 L'article L123-4 du code de la propriété intellectuelle.

* 6 Le régime juridique des droits patrimoniaux et ceux moraux, reconnus à l'auteur de l'oeuvre de l'esprit, est prévu par les articles L121-1 à L121-12 du code de la propriété intellectuelle.

* 7 Sous l'empire de la loi 14 juillet 1866 et avant la Directive européenne du 29 octobre 1993, la protection des droits patrimoniaux de l'auteur ne fut que de 50 ans post mortem (ancien article L123-1, alinéa 2 CPI).

* 8 La copie de sauvegarde ne concerne que les logiciels et est différente de la notion générale de la copie privée dans la mesure où elle se limite à des sources acquises par le copiste, sans redistribution; « copie privé », Wikipedia, 22 mars 2006, www.fr.wikipedia.org.

* 9 TAFFOREAU P., « Le droit de la propriété intellectuelle », édition Gualino éditeur 2005, p. 178.

* 10 Christophe CARON : « la rémunération pour copie privée est une question passionnelle, difficile et mouvante qui témoigne des évolutions considérables qui, depuis deux décennies (dès 1985), ébranlent les fondements du droit d'auteur. »; CARON C., « Rémunération pour copie privée », Edition du Juris-Classeur 2002 - propriété littéraire et artistique, fasc. 1510, p.2.

* 11 V.Y.GAUBIAC, « Les nouveaux moyens techniques de reproduction et le droit d'auteur », RIDA 1985, n°123, p.107.

* 12 V.A et H.J. LUCAS , « Traité de la propriété littéraire et artistique ».

* 13 L'article 31 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985.

* 14 L'article L212-3 CPI stipule des exceptions au droit exclusif des titulaires des droits voisins. Dans l'ensemble, ces dérogations sont proches de celles en matière du droit d'auteur.

* 15 « Réussite commerciale, droit d'auteur et environnement numérique », Revue de l'OMPI/Mars-Avril 2003, p.10.

* 16 « Fair Use » (aux Etats-Unis) ou « Fair Dealing » (au Canada et certaines autres nations) permet certaines pratiques sur des oeuvres protégées sans l'autorisation de l'auteur, telles que : la copie à titre privée, la reproduction à but critique (citation courte...) etc. La notion de faire use est actuellement étendue à des nouvelles possibilités, au profit des consommateur de l'oeuvre de l'esprit, notamment time-shifting video recording, computer backup, space-shifting media files et autres.

* 17 Au Canada, la durée de protection post mortem est de 50 ans.

* 18 Cette position est identique de celle du droit d'auteur français ; article L111-1 CPI : « ...l'oeuvre est protégée dès sa création... ».

* 19 Par rapport à la formule de copyright, on constate la différence de l'ordre de précédence entre l'année de création de l'ouvre et le nom de l'auteur.

* 20 L'adhésion définitive du Cambodge à l'OMC a été soumise à l'adoption du pays de trois lois fondamentales : « la loi sur le droit d'auteur et les droits voisins », « la loi sur la juridiction de commerce » et « la loi sur les entreprises commerciales ».

* 21 « Commercial laws and intellectual property rights laws » vol.1, Ministère de commerce du Cambodge, 2004, p. 71-102.

* 22 Les conséquences nocives du photocopillage, demeurant jusqu'aujourd'hui, semblent toutefois être réduites substantiellement par la mise en place du dispositif de « cession légale obligatoire du droit de reproduction par reprographie » (articles L122-10 et s. et articles R332-1 CPI).

* 23 Il existe certaines propositions concernant la traduction de cette expression technique en Français, notamment le réseau « pair-à-pair ». De toute façon, en raison de la spécificité de ce terme, il nous semble que sa forme anglaise soit préférable.

* 24 « Le téléchargement », fr.wikipedia.org.

* 25 On parle aussi du « téléversement » ou, encore, « télédéchargement ». Ces deux termes sont pourtant peu utilisés.

* 26 Mo est la forme abrégée de « Mégaoctet »; 22 mai 2006, www.wikipedia.org.

* 27 C'est le cas notamment de téléchargement des jeux vidéo en ligne.

* 28 L'expression « piratage » est utilisée le plus souvent pour désigner à la fois la reproduction illégale (téléchargement illégal) et la commercialisation d'une oeuvre sans payer les droits leur dus aux ayants droit. Pourtant, au sens strict, le piratage est assimilé au « vol » ou à « l'usurpation » des oeuvres protégées au moyen de procédés techniques illicites (notamment le fait de casser le système de protection des oeuvres). Il est normalement commis par une ou plusieurs personnes dénommées « hackers ».

* 29 « Débat sur le prix de la musique », Métro, lundi 6 mars 2006, p. 10.

* 30 « Le numérique, voilà le hic », Lyonplus, mardi 7 mars 2006, p. 4.

* 31 C'est le cas notamment d'iTune d'Apple qui vend un titre de chanson pour 0.99 euro.

* 32 « Le téléchargement légal a été multiplié par dix en un an », Métro, lundi 6 mars 2006, p.10.

* 33 Normalement, les fichiers qui ont beaucoup d'utilisateurs et ont été téléchargés fréquemment sont marqués par les signes spécifiques. Par exemple, pour le P2P « Ares », le nombre des étoiles jaunes qui se trouvent à côté de chaque titre sert à indiquer sa popularité.

* 34 Napster est considéré comme le premier P2P hybride opéré sur Internet et créé par Shawn Fanning, étudiant américain en informatique. Celui-ci a en fait écrit les programmes du logiciel Napster dans le seul but de s'en servir comme un moyen pour faciliter l'échange de fichiers musicaux avec ses amis étant aussi les étudiants. Malgré beaucoup actions intentées à son encontre en 2000, Napster a été utilisé par plus de 60 millions d'internautes en 2001; GREFFE X., « Economie de la propriété artistique », édition Economica 2005, p. 161.

* 35 Pour les téléchargements illégaux, ils concernent plutôt le droit de reproduction et celui de représentation (en considérant des agissements des personnes les pratiquant).

* 36 L'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité constitue le délit d'escroquerie (article 313-1 du code pénal). Cette infraction est punie de 5 ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende.

* 37 En Français, on parle de l'APRONUC étant l'acronyme de « l'Autorité PROvisoire des Nations Unies au Cambodge ».

* 38 LOCKE J., « Les deux Traités du gouvernement civil » (1690) et « Essai sur l'entendement humain » (II, 27,9).

* 39 DUMOUT E., « La copie privée légitimée par la Cour d'appel de Montpellier », ZDNet France, publié le vendredi 15 mars 2005.

* 40 Les mesures techniques de protections sont techniquement et juridiquement conçues dans le cadre de « la gestion des droits numériques » (GDN). En Anglais, la GDN est connue sous le nom de Digital Rights Management (DRM).

* 41 GREFFE X., « Economie de la propriété artistique », édition Economica 2005, p. 165

* 42 « RDDV vs iTunes », Métro Lyon, mardi 2 mai 2006, n° 923, p.18

* 43 « IP » est l'abréviation anglaise de « Internet Protocole ». En Français, on parle du « protocole Internet » ou, encore plus simplement, « l'adresse IP ».

* 44 Les éditeurs du logiciel de téléchargement illégal seront punis de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.

* 45 L'affaire « MGM c/ Grokster », 27 juin 2005, Cour suprême fédérale des Etats-Unis. Les juges américains ont estimés que les services de Grokster, un grand serveur d'Internet, permettant ses utilisateurs de se partager les fichiers couverts par le Copyright en sont une violation.

* 46 Le mécanisme de licence globale a été introduit dans le projet de loi original par les amendements n° 153 et 154 en décembre 2005.

* 47 Le projet de la loi DADVSI était à l'initiative du ministre de la culture et de la communication, Renaud DONNEDIEU de VABRES.

* 48 C'est le cas notamment du quotidien Le Monde qui permet à ses abonnés de rechercher, via son site Internet, des articles spécifiques déjà publiés. De même, le serveur gamespot, dont le site est www.gamespot.com, permet aux abonnés de son service spécial de télécharger des merveilles images ou vidéos appartenant à un tel ou tel jeu vidéo.

* 49 Normalement, il s'agirait d'un engagement mensuel. A défaut d'une précision, des autres fixations temporelles sont possibles.

* 50 « Débat sur le prix de la musique », Métro, lundi 6 mars 2006, p. 10.






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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe