Introduction
Grâce aux données historiques, nous sommes bien
enseignés que la créativité humaine joue toujours le
rôle déterminant dès l'Antiquité dans
l'évolution de la société sur tous les domaines. A titre
d'exemple, l'invention des « machines à vapeur »
à la fin du XVIIIème siècle (attribuée
à l'Ecossais James Watt) déboucha sur la Révolution
industrielle, sans précédent, en Europe occidentale. De
même, sur le plan culturel, nous tenons à évoquer les
oeuvres littéraires et artistiques de Molière, Balzac, Renoir,
Gauguin... qui contribuèrent immensément à la
prospérité de la civilisation française. En somme, nous
pouvons estimer que le développement d'une nation est largement
conditionné par l'ampleur des idées créatives ou
inventives de sa population.
Or, les diverses idées qui circulent dans chaque
société ne sont pas tous créatives et que tout le monde ne
peut pas devenir « créateur » par toutes les
idées qu'il exprime. Autrement dit, les idées susceptibles
d'être qualifiées comme créatives sont en fait moins
nombreuses, voire très rares. A cet égard, afin d'éviter
toute ambiguïté et de récompenser cette précieuse
« rareté intellectuelle », le législateur
intervient en adoptant, d'une part, de multiples lois qui prévoient de
la qualification des oeuvres de l'esprit. D'autres part, il met en place les
mesures nécessaires destinées à les protéger en
reconnaissant au profit de leurs auteurs un certain nombre de droits et
prérogatives. D'une façon générale, nous constatons
que ces derniers relèvent du droit de la propriété
intellectuelle.
S'agissant de la propriété intellectuelle, le
droit français entreprend, à partir de la fin du
XIXème siècle, la distinction fondamentale entre les
droits de la propriété industrielle et ceux de la
propriété littéraire et artistique. Les premiers
concernent toutes les créations dont le but est, comme son appellation
nous indique, industriel et technique. C'est le cas notamment des brevets
d'invention et des marques. Quant aux seconds, ils se rapportent plutôt
à l'ensemble des créations qui figurent dans le
périmètre culturel. Le plus souvent, quand l'on parle des droits
littéraires et artistiques, on sera incité
considérablement à songer à l'institution du droit
d'auteur. Alors, de quoi s'agit-il ce dernier ?
D'après plusieurs constats, le droit d'auteur
consistant essentiellement à protéger les intérêts
des créateurs de « l'oeuvre de l'esprit » est
toujours un des droits les plus affectés par l'évolution
technique et sociale. A partir de l'invention des techniques modernes de
l'imprimerie (au milieu du XVème siècle)
jusqu'à l'époque contemporaine, marquée par la
prédominance ubiquiste de la
« numérisation », nous observons que le droit
d'auteur a fait l'objet de plusieurs retouches spectaculaires. Bien
évidemment, la protection du droit d'auteur constitue constamment une
tâche très énorme pour le législateur qui est
obligé de soutenir le secteur de création intellectuelle sans
pourtant marginaliser des autres libertés et droits. Certes, cet esprit
est également retenu par le système juridique français. De
plus, nous constatons que le législateur français est
particulièrement acharné à mettre à jour les
dispositifs concernés en vue d'assurer l'existence de son droit
d'auteur. Cette détermination admirable peut être
témoignée par la récente adoption du projet de la loi dite
« DADVSI » ou, encore, « DADvSI » (la
loi sur le droit d'auteur et des droits voisins dans les sociétés
d'information) par l'Assemblée nationale.
Pour autant, si nous examinons de manière plus
attentive ce qui se passe réellement et actuellement autour de nous,
nous constaterons qu'il existe beaucoup de soucis relatifs à
l'efficacité juridique du droit d'auteur. L'une de ces
préoccupations résulte de la coexistence entre le droit d'auteur
et les techniques avancées dont l'Internet et le numérique. En
fait, ce n'est pas cette coexistence pure et simple qui est à l'origine
de problèmes. Par contre, ce sont des dangers découlant de ces
techniques qui suscitent de nombreux débats concernant
spécialement la sauvegarde du droit d'auteur. Plus
précisément, nous devons reconnaître qu'il y a de plus en
plus aujourd'hui certaines pratiques, réalisées par lesdits
procédés, notamment « les
téléchargements illégaux », qui portent
atteinte sévèrement au droit sacré des créateurs.
Face à ce nouveau phénomène social, nous constatons une
pluralité des hypothèses relatives au sort du droit d'auteur.
Parmi ces hypothèses, il y a une qui nous étonne
considérablement car elle énonce la survenance d'un
« monde sans droit d'auteur ».
De ce propos provocateur, nous aurions l'impression que le
vocable « un monde » ici se réfère, par
métonymie, à « une société » ou
« un pays » où le droit d'auteur n'est pas
présent. Pourtant, eu égard aux situations actuelles du droit
d'auteur sur le plan international, rien ne nous empêcherait de prendre
l'expression « un monde » en cause comme « la
Terre », c'est-à-dire « le monde entier »
en tant que tel. De toute façon, pour assurer un meilleur traitement de
sujet, nous nous contentons de considérer plutôt « un
monde » de notre cas dans la première signification.
Vis-à-vis de cet énoncé, nous pourrions
en plus nous interroger si un tel monde a d'ores et déjà
existé. Et, si c'est le cas, où se trouve-t-il exactement ?
Comment peut-il avoir lieu ? Quand surviendrait-il ? etc. Cependant,
ces questions ne sont que celles accessoires. A l'inverse, les principaux
éléments qui mériteraient effectivement notre attention
maximale consistent à savoir, premièrement, comment nous
sommes en mesure de déterminer une absence du droit d'auteur et
si cette absence est appréciée uniquement sur le plan
juridique ou, au contraire, sur le plan factuel
ou sur tous les deux conjointement.
Deuxièmement, étant le corollaire de la première,
quels seront les facteurs de l'absence du droit d'auteur.
Troisièmement et dernièrement, il s'avère aussi
incontournable de nous nous interroger des conséquences de cette
absence.
Avant d'établir des réponses mûres et
solides à ces questions, nous ne pouvons maintenant que dire qu'avec
l'avènement de la nouvelle loi portant sur le droit d'auteur, le
législateur français demeure encore fidèle à
l'existence de ce dernier. De toute façon, nous devons concéder
en même temps que le concept traditionnel du droit d'auteur est de nos
jours mis en cause sur le plan pratique.
En raison de faveurs documentaires, notre étude
s'appuiera essentiellement sur le système actuel du droit d'auteur
français. Toutefois, le cas échéant et si possible, nous
allons évoquer aussi certains aspects des législations
étrangères afin d'éclaircir nos démarches.
Alors, en plaçant notre objectif global sur la
détermination du contexte d'une société
dénuée du droit d'auteur, nous allons aborder en premier lieu ce
que nous appelons « L'absence du droit
d'auteur ? » (CHAPITRE I). De cet intitulé
interrogatif, il nous conviendra de faire des analyses du défaut de
droit d'auteur, sur deux terrains contradictoires à savoir juridique et
factuel. En second lieu, quel que soit la réponse dégagée
du premier chapitre, nous traiterons d'une part des conséquences issues
de l'absence du droit d'auteur et d'autre part les mécanismes que nous
devrions mettre en oeuvre afin de prévenir la disparition du droit
d'auteur. Ces deux grands points seront ainsi examinés dans
« Les conséquences de l'absence du droit d'auteur et
les solutions » (CHAPITRE II).
Chapitre I
Nous vivons maintenant une époque
sans droit d'auteur ? A cette question succincte et droite, il existe un
grand nombre de réponses qui ont été
dégagées et justifiées différemment. Pourtant,
elles pourraient être regroupées en deux catégories
principales à savoir celle des « opinions
affirmatives » et celle des « opinions
négatives ».
Pour ceux dont la réponse est négative et qui
appuient leurs arguments sur la « façade » du droit
positif, ils relèvent que l'institution du droit d'auteur figure
expressément dans la structure sociale et juridique. En plus, ce droit
s'inscrit actuellement dans une importante évolution au regard des
techniques modernes. Ils concluent donc que le système de protection des
oeuvres de l'esprit est présent non seulement à l'échelon
national, mais également à celui international. Au contraire,
pour ceux qui ont répondu par l'affirmative à ladite question,
ils se prévalent d'une montée des atteintes et violations de
diverses natures au préjudice du droit d'auteur. Ils attribuent à
titre principal ce phénomène bouleversant aux effets pervers de
l'Internet et du numérique. Selon eux, le droit d'auteur devient de plus
en plus « vulnérable » sur le plan pratique et est
en voie de disparition de facto.
En particulier, pour la France, dans quelle situation se
trouve-t-elle exactement pour l'heure ?
En prenant en compte de toutes ces réactions mixtes,
nous allons déterminer « une place authentique » du
droit d'auteur actuel tant sur le plan juridique que sur le plan pratique. Dans
ce sens, il nous importe de commencer tout d'abord par l'examen des
idées prétendant que l'absence du droit d'auteur est
« une irréalité juridique »
(SECTION I). Ensuite, nous devrons apprécier celles des
personnes qui estiment que l'absence du droit d'auteur est sans doute
« une réalité factuelle » (SECTION
II).
SECTION I
Une irréalité juridique
Quel que soit son système juridique et
économique, chaque Etat dispose d'un droit d'auteur. Autrement dit,
l'attachement à un droit d'auteur constitue une tendance commune dans
toutes parties du monde. Au sens large, ce droit n'a pas à être
établi nécessairement dans un ensemble des règles soumises
au même code. Cela signifie donc que la création des oeuvres
culturelles dans un pays peut être tout simplement régie et
protégée par des règles éparses, présentant
néanmoins une cohérence légale.
A cet effet, il nous convient d'étudier, en premier
lieu, « le droit d'auteur français »
(§1). En tentant simplement d'affirmer l'existence du droit
d'auteur sur le plan juridique, nous éviterons intentionnellement de
détailler notre approche. D'ailleurs, pour attester ladite tendance
commune en dehors de l'Hexagone, nous allons évoquer également
des aspects juridiques de certaines législations
étrangères. A dire vrai, il s'agira, en second lieu, de traiter
« le droit d'auteur des autres pays »
(§2).
§1. Le droit d'auteur français
Le droit d'auteur français se fonde sur deux textes
fondamentaux : la loi du 11 mars 1957 et celle du 3 juillet 19851(*). La teneur de ces deux lois est
reprise par l'ensemble des dispositions des Livres Ier et III du
Code de la propriété intellectuelle (CPI), mis en place depuis le
1er juillet 1992. En outre, la France soumet son droit d'auteur
à certains textes ayant la valeur supranationale, tels que la Convention
de Berne et, plus récemment, les deux traités de l'Organisation
mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) portant sur
l'Internet.
Le droit d'auteur français est
caractérisé, d'une part, par son régime juridique
de la création de l'esprit (A) et, d'autre
part, son système de protection (B), jugé
particulièrement élaboré.
A. Le régime juridique de la création de
l'esprit
L'article L111-1 du CPI prévoit que
« l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul
fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle
exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre
intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre
patrimonial ». Cette disposition primaire du CPI pose le
principe de la protection du droit d'auteur et, plus essentiellement, nous en
fournit beaucoup d'informations. Néanmoins, en raison de son
caractère général, elle ne nous donne pas une
précision adéquate pour chaque élément qu'elle
contient, notamment la notion de l'oeuvre de l'esprit. Par conséquent,
nous pouvons nous interroger que signifie l'oeuvre de l'esprit et l'auteur ou
comment acquérir le droit de propriété incorporelle
etc.
Ainsi, nous allons examiner successivement des principaux
aspects relatifs au droit d'auteur : l'acquisition du droit
d'auteur (a), l'oeuvre de l'esprit (b) et
l'auteur et ses droits (c). Il faut y inclure aussi
les exceptions du droit d'auteur (d) et les rapports
entre le droit d'auteur et les droits voisins du droit d'auteur
(e).
a. L'acquisition du droit d'auteur
D'une manière plus nette, il s'agit de savoir comment
les auteurs obtiennent la protection de leurs oeuvres. En vertu de l'article
L111-1 du CPI (précitée), la protection légale est
accordée à l'auteur du simple fait de la création de son
oeuvre de l'esprit et n'est pas subordonnée à l'accomplissement
de formalités, même administratives. A cet égard, nous
constatons que, différemment aux autre droits de la
propriété intellectuelle tels que ceux de brevet d'invention et
de marque, les règles de dépôt préalable
[auprès de l'Institut national de la propriété
intellectuelle « INPI » ou des autres organismes
administratifs] n'exercent aucune influence sur la naissance du droit
d'auteur.
Cependant, l'existence d'un dépôt ou d'un
enregistrement peut, en cas de litige, être de nature à faciliter
des preuves de la paternité et celles de la date de création de
l'oeuvre. A cette fin, pour établir le soutien probatoire
préalable, l'auteur peut, en optant pour l'un des quatre
procédés suivant, déposer son oeuvre :
1- chez un huissier ou un notaire;
2- sous enveloppe Soleau (enveloppe double dont l'une des
parties est renvoyée au déposant, après l'enregistrement
et la perforation), adressée soit auprès de l'INPI soit des
centres régionaux de l'INPI (pour les dépositaires
domiciliés en province);
3- auprès de l'une des sociétés de
perception et de répartition des droits des auteurs
« SPRD »; (infra, « les
sociétés de perception et de répartition des
droits »)
4- en s'envoyant à lui-même ou à un tiers
l'oeuvre sous pli fermé avec accusé de réception sans
ouvrir l'enveloppe lors de la réception. C'est le cachet de la poste sur
l'enveloppe qui fera foi.
D'ailleurs, il est important de noter que la protection du
droit d'auteur est reconnue au créateur d'une oeuvre de l'esprit sous
forme de droit de la propriété incorporelle. Certes, ce droit
fait partie du patrimoine de l'auteur. Mais, juridiquement, il se
présenterait comme une catégorie autonome et particulière
du droit patrimonial car il n'est pas un droit réel portant sur une
chose matérielle (à l'inverse, il porte sur une création
intellectuelle), ni un droit de créance exercé à
l'encontre d'un débiteur déterminé (par contre, il produit
des effets erga omnes).
De surcroît, ce droit de la propriété
incorporelle ne porte pas sur l'objet matériel dans lequel s'incorpore
la création, mais uniquement sur la création de l'oeuvre
elle-même. Il en résulte que les droits d'auteur sont
indépendants des droits de propriété corporelle portant
sur l'objet matériel. Nous pouvons ainsi estimer que la vente du support
matériel de l'oeuvre (par exemple un DVD) n'emporte pas la cession des
droits d'auteur de la part de ce dernier à l'acheteur.
b- L'oeuvre de l'esprit
Quelles sont les oeuvres qui sont susceptibles d'être
protégées par le mécanisme du droit d'auteur ? Aux
termes de l'article L112-2 du CPI, la protection légale a vocation
à s'appliquer à toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soit
le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
Les dispositions dudit texte peuvent être
expliquées de manière suivante : les oeuvres de l'esprit
sont protégées indépendamment de leur appartenance
à un genre. Cela signifie qu'elles peuvent être celles
littéraires ou artistiques ou musicales. De même, la protection
est possible, peu importe la forme dans laquelle l'oeuvre se matérialise
(par écrit ou oralement). La protection est également due
indépendamment de toutes considérations tirées des
mérites et destinations de l'oeuvre. C'est-à-dire que la
protection est accordée à une oeuvre sans tenir compte de sa
qualité esthétique ou encore de la finalité pour laquelle
elle a été créée (nous parlons à ce propos
des « créations esthétiques » ou
« créations à but utilitaire »).
Pareillement, l'article L112-1 du CPI cite un certain nombre
des oeuvres qui bénéficient de la protection légale. Elles
comprennent, outre celles littéraires, artistiques et musicales, des
oeuvres graphiques et plastiques, des oeuvres dramatiques, des oeuvres
chorégraphiques (à condition qu'elles soient fixées par
écrit ou autrement), des oeuvres audiovisuelles, des oeuvres
publicitaires, des oeuvres photographiques, des oeuvres d'arts
d'appliqués, des oeuvres d'architecte, des logiciels2(*)... Pour autant, la liste
établie par ledit article n'est pas limitative ou exhaustive. Le
législateur semble de reconnaître des autres oeuvres voisines par
une définition largement étendue.
Malgré le flou de la loi sur les critères des
oeuvres protégeables, nous constatons qu'en pratique les
créations intellectuelles, de leur état pur et simple, ne sont
pas automatiquement protégées par le droit d'auteur. Par contre,
la protection bénéficie seulement aux oeuvres de l'esprit qui
répondent à un certain nombre de conditions. Celles-ci,
cumulatives, sont au nombre de deux à savoir :
1- L'exigence d'une concrétisation formelle de
l'oeuvre : toutes les oeuvres intellectuelles doivent être
conçues dans une forme précise qui la rend matériellement
perceptible. A cet égard, le droit d'auteur est vu comme consistant
à protéger la forme de l'expression littéraire ou
artistique et pas les idées, les concepts ou les méthodes qui
sont à la base de la création; lesquels sont de libre parcours et
ne peuvent faire l'objet d'une appropriation privative. En plus, il est
important de remarquer que le fait qu'une oeuvre soit inachevée ou en
cours d'élaboration ne fait pas obstacle à sa protection (article
L112-2 CPI). C'est le cas, par exemple, des « esquisses »
ou des « ébauches » qui doivent être
également couvertes par la protection du droit d'auteur.
2- L'exigence d'une forme
« originale » : l'originalité est la
condition vitale et la plus complète pour qu'une oeuvre
bénéficie de la protection du droit d'auteur. Elle est
considérée comme l'expression juridique de la
créativité de l'auteur. Le plus souvent, elle est définie
comme « le style personnel » ou « l'empreinte de
personnalité » de l'auteur. De toute façon, elle ne
relevant que d'une notion relative, les juges apprécient le
caractère original de l'oeuvre cas par cas. A l'opposé de la
notion de « la nouveauté »3(*), qualifiée objectivement,
l'originalité d'une oeuvre est appréciée subjectivement. A
dire vrai, elle est déduite de la capacité personnelle de chaque
auteur et du lien d'extranéité entre ce dernier et son oeuvre.
C'est le cas notamment où un paysage est le sujet traité par deux
peintres distincts. Le tableau du second peintre n'est pas nouveau [par rapport
à celui du premier]. Toutefois, il est considéré comme
original car il exprime la personnalité de son auteur.
Grâce à ce double critère de
qualification, on s'aperçoit que le titre d'une oeuvre de l'esprit peut
aussi bénéficier d'une protection comme l'oeuvre elle-même,
à condition qu'il revêtît sa propre originalité
(article L112-4 CPI). D'ailleurs, selon une règle traditionnelle, il
existe un certain nombre des actes ou oeuvres qui ne peuvent pas
réclamer la protection du droit d'auteur. Ces actes sont normalement
ceux officiels tels que les décisions judiciaires (y compris les
jurisprudences), les travaux parlementaires, les décisions
administratives (lois, règlements, arrêtés
ministériels...) etc. De toute façon, cela ne signifie pas que
les documents administratifs sont tous écartés de la protection
du droit d'auteur. Dans ce sens, la loi impose, dans certains cas, le respect
du droit d'auteur pour certains documents officiels lors de leur communication
au public.
Nous nous demandons ensuite de la typologie des oeuvres de
l'esprit, gouvernées par le droit d'auteur. Sans doute, la
classification majeure et traditionnelle est celle des oeuvres
littéraires et artistiques, à laquelle on pourrait ajouter,
quelques fois, la catégorie des oeuvres musicales. Cependant, on peut
aussi distinguer les oeuvres de l'esprit en recourant aux autres modes
délicats. On relève, à titre d'exemple, la classification
des « oeuvres individuelles » et des « oeuvres
plurales ».
En fait, cette dernière distinction se fonde sur le
nombre des auteurs qui participent à la création des oeuvres. A
cet égard, les oeuvres individuelles ont pour un seul auteur. Par
contre, pour les oeuvres dites « plurales », elles
supposent la participation des efforts de deux ou plusieurs personnes. Nous
constatons que le code de la propriété intellectuelle
aménage « un statut particulier » pour les oeuvres
plurales qui sont :
· L'oeuvre de collaboration. Elle est
définie par l'article L113-2, alinéa 1er du CPI comme
« l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru
plusieurs personnes physiques ». Elle correspond aux cas
où les participants font un apport créatif respectif dans la
communauté d'inspiration. L'exemple typique d'une telle oeuvre est
l'oeuvre audiovisuelle (chansons, paroles, musiques...).
· L'oeuvre collective. Selon l'article L113-2,
alinéa 3 du CPI, elle est « l'oeuvre créée
sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la
publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la
contribution personnelle des divers auteurs participant à son
élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est
conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un
droit distinct sur l'ensemble réalisé ». C'est le
cas notamment d'une encyclopédie ou d'un dictionnaire.
· L'oeuvre composite ou dérivée.
L'article L113-2, alinéa 2 du CPI prévoit que l'oeuvre composite
ou dérivée est « l'oeuvre nouvelle à
laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la
collaboration de l'auteur de cette dernière ». Elle
concerne par exemple l'adaptation, la traduction, les recueils des oeuvres
préexistantes. Nous remarquons, d'une part, qu'elle suppose
l'incorporation d'une oeuvre ancienne dans une oeuvre nouvelle. Cette
incorporation peut être matérielle (notamment l'insertion d'une
pièce de musique dans une oeuvre multimédia4(*)) ou intellectuelle (notamment
une peinture inspirée d'un paysage d'un roman). D'autre part, l'oeuvre
composite ou dérivée, de manière différente aux
oeuvres collectives et celles de collaboration, n'exige pas que les efforts
intellectuels de tous les auteurs concernés aient lieu en même
temps. Par contre, l'auteur de cette oeuvre peut effectuer l'incorporation sur
l'oeuvre ancienne dont l'auteur est décédée ou qui est
d'ores et déjà tombée dans le domaine public (infra,
« l'auteur et ses droits »). Dans ce cas, il doit
respecter des règles relatives à une telle oeuvre, notamment les
droits des héritiers de l'auteur.
Outre les classifications indiquées ci-dessus, il en
existe d'autres que nous pouvons qualifier comme
« secondaires ». Nous constatons que la plupart de ces
classifications se basent essentiellement sur la méthode technique dont
les oeuvres concernées dépendent. Pour les autres, elles peuvent
se faire en fonction des situations de l'oeuvre ou celles de l'auteur. A ce
propos, nous pouvons évoquer notamment la notion des « oeuvres
posthumes ». Ces oeuvres sont définies par la loi5(*) comme celles qui ne sont pas
divulguées ou portées à la connaissance du public du
vivant de l'auteur. A l'inverse, elles ne le sont qu'à la suite du
décès de ce dernier.
c- L'auteur et ses droits
Qui est investi de la protection du droit d'auteur ?
Certes, la législation française confère l'ensemble des
avantages de la protection en question à l'auteur d'une oeuvre de
l'esprit donnée. Mais, qui est l'auteur ? Et, comment peut-on
l'identifier ?
La qualité d'auteur appartient en
général à la ou aux personnes qui ont effectué la
création intellectuelle de l'oeuvre. Plus précisément,
l'auteur est celui qui réalise « un apport intellectuel
personnel » dans le processus de création des oeuvres. Donc,
est exclu de la qualité d'auteur l'exécutant matériel (par
exemple le maçon qui a construit une maison selon le plan
d'architecture) ou une personne qui a fourni l'idée purement et
simplement. En particulier, la loi présume que la qualité
d'auteur est attribuée à celui sous le nom duquel l'oeuvre est
divulguée (article L113-1 CPI). Toutefois, il s'agit d'une
présomption simple susceptible d'être renversée par des
preuves contraires. Comme nous avons vu, la preuve de la qualité
d'auteur est libre, facile à établir et peut être
apportée par tout moyen (supra, « l'acquisition du droit
d'auteur »).
Normalement, le titulaire des droits sur une oeuvre de
l'esprit est la personne physique (article L111-1 CPI). Ce principe se justifie
par le fait que seules des activités, matérielles et
intellectuelles, d'une personne physique peuvent aboutir à une
création. Quant à la personne morale, elle ne peut pas, en tant
que fiction juridique, réclamer la qualité d'auteur car elle se
trouve dans l'impossibilité naturelle d'agir par elle-même pour
réaliser une création intellectuelle. Ce principe semble
être clairement confirmé par les dispositions de l'article L113-7,
alinéa 1er du CPI, qui déclarent que
« la qualité d'auteur d'une oeuvre audiovisuelle
appartient à la ou aux personnes physiques ».
Cependant, comme l'on verra un peu plus tard, certains droits
reconnus à l'auteur personne physique peuvent être transmis,
à titre temporaire ou définitif, soit à une autre personne
physique soit à une personne morale. A cet égard, il est
évidemment intéressant de se demander quels sont ces droits
transmissibles. En plus, il s'agit également de savoir si une telle
transmission peut emporter celle de la qualité d'auteur proprement dite.
L'attribution de la qualité de titulaire des
prérogatives conférées par le droit d'auteur pose
également des problèmes délicats pour certains types
d'oeuvres. En premier lieu, dans le cas où l'oeuvre est
créée par le salarié dans le cadre de son contrat de
travail, à qui appartient le droit de propriété sur cette
oeuvre, le salarié ou l'employeur ? En vertu de l'article L111-1,
alinéa 3 CPI, « l'existence ou la conclusion d'un contrat
de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit
n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit
reconnu ». En conséquence, l'employeur ou le
commanditaire de l'oeuvre ne devient pas de plein droit titulaire des droits
d'auteur sur les oeuvres réalisées pour son compte. Dans ce cas,
seule la passation d'un contrat prévoyant explicitement la cession des
droits patrimoniaux (infra) peut lui permettre d'en acquérir le
droit de propriété. Toutefois, il existe une exception en
matière de logiciels où la loi organise une cession automatique
des droits patrimoniaux au profit de l'employeur (article L113-9 CPI). En
second lieu, il s'agit de droit de propriété en matière
des oeuvres plurales. Pour l'oeuvre de collaboration, elle est la
propriété des « coauteurs ». Ceux-ci doivent
exercer leurs droits sur l'oeuvre d'un commun d'accord. A dire vrai, l'oeuvre
en question est soumise au régime de copropriété. De toute
façon, lorsque la contribution des auteurs relève de genres
différents, chaque coauteur peut, sauf convention contraire, exploiter
séparément sa propre contribution, à condition de ne pas
porter préjudice à l'exploitation de l'oeuvre commune (article
L113-3 CPI). Quant à l'oeuvre collective, le droit de
propriété appartient, sauf preuve contraire, à la personne
physique ou morale sous le nom de laquelle l'oeuvre est divulguée. Et,
en ce qui concerne l'oeuvre composite ou dérivée, le
propriétaire est l'auteur qui l'a réalisée, sous
réserve de respect des droits de l'auteur de l'oeuvre
préexistante (article L113-4 CPI).
Ainsi, nous pouvons conclure que la personne morale ne peut
pas être le titulaire des droits d'auteur ab initio, sauf en cas
des oeuvres collectives. De toute façon, elle peut acquérir cette
qualité par moyen de contrats, mais dans la limite des droits
patrimoniaux. Pour la qualité d'auteur proprement dite, régie par
le droit moral (infra), elle demeure toujours indissociable de
l'auteur qui est la personne physique.
Alors, quels sont les droits reconnus
à l'auteur ? En vertu de l'article L111-1 du CPI, l'auteur est le
titulaire d'un droit de la propriété incorporelle, composé
de deux volets distincts6(*). Le premier volet contient des droits dits
« patrimoniaux » ou
« pécuniaires ». Ces droits sont connus, plus
couramment, comme le fondement d'un monopole d'exploitation exclusif de
l'oeuvre de l'esprit. Ils permettent à l'auteur de tirer des avantages
pécuniaires et financiers de sa création. Pour le second, il
porte sur l'ensemble des droits dit « moraux » qui sont
qualifiés « extrapatrimoniaux » et rangés
dans la catégorie des droits de la personnalité. Ils ont pour but
d'assurer, d'une part, l'intégrité de l'oeuvre dans son circuit
d'exploitation et, d'autre part, le lien inséparable auteur/oeuvre.
Alors, il nous convient de préciser un peu ces deux
sortes de droits dont l'auteur bénéficie.
* Les droits patrimoniaux
Selon l'article L123-1 CPI, l'auteur dispose du droit
exclusif d'exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un
profit pécuniaire. Ce texte constitue bien sûr le fondement des
droits patrimoniaux de l'auteur. Nous constatons que les prérogatives
patrimoniales sont cessibles et transmissibles, par voie contractuelle, de
l'auteur aux tiers. Elles peuvent être divisées en deux
catégories de droits à savoir « le droit
d'exploitation » et « le droit de suite ».
1- Le droit d'exploitation : il permet à
l'auteur d'autoriser ou d'interdire toute forme d'exploitation de son oeuvre,
quel qu'en soit les modalités. Toute utilisation de son oeuvre sans son
autorisation constitue une « contrefaçon » (article
L122-4 CPI) (infra, « la sanction du droit
d'auteur »).
L'exploitation peut s'effectuer par l'auteur
lui-même ou par des tiers qui ont obtenu l'autorisation
de ce dernier. En cas d'exploitation par un tiers, la loi
prévoit que l'autorisation par écrit de la part de l'auteur est
indispensable. Les tiers autorisés d'exploiter une oeuvre
de l'esprit sont des « ayants droit » de l'auteur.
Ils sont soit des éditeurs (article L132-1 CPI) soit des
producteurs (article132-24 CPI).
Le droit d'exploitation se compose de deux droits
principaux étant « le droit de
reproduction » et « le droit de
représentation ».
i. Le droit de reproduction : il concerne la
fixation matérielle de l'oeuvre par tous les
procédés qui permettent de la communiquer au public de
manière indirecte (article L122-3 CPI). Ces
procédés sont l'imprimerie, la photocopie, l'enregistrement
magnétique etc.
ii. Le droit de
représentation : il consiste dans la communication de
l'oeuvre au public par un procédé quelconque (article L122-2
CPI). Les modes de représentation comprennent la
récitation, présentation et
projection publique, la radiodiffusion et
télédiffusion, l'émission d'une oeuvre par voie de
satellite etc.
2- Le droit de suite : il bénéficie
exclusivement aux auteurs ou aux ayants droit d'oeuvres graphiques ou
plastiques. Ces auteurs ou ayants droit disposent du droit inaliénable
de participer au produit de la vente de leurs oeuvres, faites aux
enchères publiques ou par l'intermédiaire d'un commerçant
(article L122-8 CPI). Le montant de ce droit est en principe de 3%,
prélevé sur le prix de ladite vente. Pourtant, pour que ce droit
soit applicable, la vente doit atteindre le prix minimal de 100 francs
(environs 10€).
** Les droits moraux
Ces droits consistant à garantir le respect de la
qualité d'auteur et celle d'oeuvre comportent quatre types de
prérogatives :
1- Le droit de divulgation (ou le droit de la
première divulgation) : il permet à l'auteur de
décider du moment et des conditions selon lesquelles il livrera son
oeuvre au public (article L121-2 CPI).
2- Le droit à la paternité : il
permet à l'auteur d'exiger la mention de son nom et de ses
qualités sur tout mode de publication de son oeuvre. Cela constitue
l'obligation incombant à l'utilisateur de l'oeuvre d'indiquer le nom de
l'auteur.
3- Le droit au respect de l'oeuvre : il permet
à l'auteur de s'opposer à toute modification ou mutilation
susceptible de dénaturer injustement son oeuvre.
4- Le droit de repentir et de retrait : il permet
à l'auteur, nonobstant la cession de ses droits d'exploitation, de
retirer son oeuvre momentanément en vue d'une amélioration
complémentaire ou de faire cesser à titre définitif
l'exploitation de son oeuvre. Nous constatons que ce droit peut s'exercer
librement par l'auteur, à condition d'indemniser son cocontractant (le
cessionnaire des droits d'exploitation) du préjudice causé
(article L121-4 CPI).
Les droits moraux ont un caractère inaliénable,
perpétuel et imprescriptible. Cela signifie, d'une part, qu'ils ne
peuvent faire l'objet d'une renonciation volontaire de l'auteur ni d'une
cession par voie contractuelle. Toutefois, ils sont transmissibles, à la
suite de décès de l'auteur, à ses héritiers afin de
continuer la protection de sa personnalité. D'autre part, ils subsistent
de manière permanente après la mort de l'auteur. A titre de
remarque, « la perpétuité » et «
l'imprescriptibilité » des droits moraux constituent un aspect
particulier par rapport aux droits patrimoniaux de l'auteur. Ceux-ci ne sont en
principe valables que pendant toute la vie de l'auteur et dans une durée
de 70 ans après le décès de l'auteur (article L123-1
CPI)7(*). A l'expiration de
ce délai post mortem, l'oeuvre tombe dans le domaine public. De
cet état, l'oeuvre peut être librement utilisée, reproduite
et représentée par tout le monde, sous réserve de
mentionner le nom et la qualité de l'auteur.
d- Les exceptions du droit d'auteur
D'une manière plus précise, il s'agit des
dérogations du droit d'exploitation exclusif de l'auteur. Ces exceptions
consistent à permettre l'utilisation (plutôt gratuite) par le
public des oeuvres sans autorisation préalable de l'auteur. Elles sont
énumérées par l'article L122-5 du CPI de manière
suivante :
1- La représentation privée et gratuite
(d'une oeuvre) effectuée exclusivement dans le cercle de famille. La
notion de ce dernier doit s'entendre d'un public restreint aux parents et
familiers. Dès lors, les membres d'association, d'une entreprise ou
d'une collectivité ne sont pas considérés comme formant un
cercle de famille.
2- La reproduction strictement réservée
à l'usage privé du copiste et non destinée à
une utilisation collective. Elle est beaucoup plus connue sous la
dénomination de « l'exception de copie
privée ».
Cette exception relève d'une application
limitée. D'une part, elle vise seulement la copie
réalisée pour les besoins personnels de celui qui la fait
lui-même et ne s'étend pas l'utilisation collective (par exemple
au sein d'une entreprise). D'autre part, elle ne s'applique pas aux
copies des oeuvres d'art, destinées à être
utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles
l'oeuvre originale a été créée, ni aux
logiciels où seule « la copie de
sauvegarde »8(*)
est permise ni aux basses de données électroniques.
Nous constaterons que la notion assez vaste de
l'exception de copie privée est actuellement l'une des raisons
principales de l'atteinte au droit d'auteur. (infra)
3- Les analyses et courtes citations, justifiées
par le caractère critique, polémique, pédagogique,
scientifique ou d'information, de l'oeuvre à laquelle elles sont
incorporées; la présentation à nature comparative par des
revues de presse, sous réserve de respect des règles de
journalisme; la diffusion à titre d'information d'actualité des
discours publics; les reproductions d'oeuvre d'art destinées à
figurer dans le catalogue d'une vente aux enchères publiques en France
par un officier public ou ministériel.
4- La parodie, le pastiche et la caricature compte tenu
des « lois du genre ».
5- Les divers actes nécessaires à
l'accès au contenu d'une base de données électronique pour
les besoins et dans les limites de l'utilisation prévue par contrat.
Ces cinq exceptions constituent une liste exhaustive
qu'établit la loi. On ne peut pas invoquer des autres exceptions qui ne
sont pas prévues par le législateur. Ainsi, les juges sont
obligés d'interpréter les dispositions de l'article L122-5 CPI de
manière très stricte afin de garantir tant les
intérêts de l'auteur que ceux des utilisateurs
bénéficiaires.
e- Les rapports entre le droit d'auteur et les droits
voisins du droit d'auteur
La majorité des oeuvres de l'esprit
donnent lieu non seulement aux droits de l'auteur, mais également ceux
des autres personnes qui ont participé à leur mise en place.
Autrement dit, certaines oeuvres nécessitent, pour être
communiquées parfaitement au public, l'assistance matérielle et
intellectuelle des autres personnes que l'on dénomme « les
auxiliaires de la création ». C'est le cas notamment où
un film qui ne peut être réalisé que par la participation
des artistes, réalisateur, auteur de scénario etc. Etant
donnée cette importance, le législateur français a
instauré, par la loi du 3 juillet 1985, un système de protection
indépendant de celui du droit d'auteur au profit des auxiliaires de la
création. Il est structuré actuellement par les dispositions des
Livres II et III du CPI qui consacrent « les droits voisins du droit
d'auteur » ou, autrement connus, « les droits
connexes ».
De son aperçu, le système des droits voisins ou
connexes semble être calqué considérablement sur celui du
droit d'auteur notamment le régime de sanction et les catégories
des droits et prérogatives reconnus aux titulaires. De toute
façon, il comporte aussi certaines particularités pour son propre
compte.
La loi a établi une liste limitative des personnes qui
peuvent réclamer la qualité du titulaire des droits voisins. Elle
comprend des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de
vidéogrammes ainsi que des entreprises de communication audiovisuelles.
Ces trois types de bénéficiaires jouissent d'un droit exclusif
qui leur confère la possibilité d'autoriser ou d'interdire
l'utilisation et l'exploitation de leurs prestations et d'en percevoir une
rémunération. En tout état de cause, la loi précise
que l'exercice des droits voisins doit se faire sans préjudice de ceux
appartenant aux auteurs (article L211-1 CPI). Cela signifierait que les actes
accomplis par les titulaires des droits voisins (par exemple l'exploitation)
sur l'oeuvre doivent être conformes aux voeux de l'auteur.
Nous observons en premier lieu que la durée de la
protection légale conférée par les droits voisins est plus
courte que celle du droit d'auteur. A dire vrai, selon l'article L211-4 CPI,
modifié par la loi du 27 mars 1997, la durée de protection des
droits voisins n'est que de 50 ans à compter du 1er janvier
de l'année civile suivant :
· l'interprétation de l'oeuvre (pour les
artistes-interprètes);
· la première fixation du phonogramme ou du
vidéogramme (pour les producteurs de phonogrammes et de
vidéogrammes);
· la première communication au public des
programmes (pour les entreprises de communication audiovisuelle).
Toutefois, si la fixation de l'interprétation, du
phonogramme ou du vidéogramme fait l'objet d'une communication au
public, pendant la période précitée, la durée de 50
ans sera décomptée à partir de la date de cette
communication.
En second lieu, les prérogatives attachées aux
droits voisins sont, comme le droit d'auteur, distinguées en deux sortes
à savoir les prérogatives pécuniaires (ou patrimoniales)
et celles morales. Les premières sont certes limitées dans le
temps (50 ans), tandis que les secondes sont inaliénables et
imprescriptibles. De toute façon, nous pourrions remarquer que cette
double catégorie des prérogatives, surtout celles morales,
semblent exister seulement en faveur des artistes-interprètes qui
effectuent leurs propres apports intellectuels dans l'oeuvre (sous forme de
l'interprétation). A l'inverse, pour les producteurs de phonogrammes ou
de vidéogrammes et les entreprises de communication audiovisuelle, ils
recevraient uniquement des avantages et droits pécuniaires sur l'oeuvre
à laquelle ils ont apporté des éléments
matériels et techniques (sous forme de fixation).
Grâce à l'ensemble des éléments
soulevés ci-dessus, nous pouvons estimer que le droit d'auteur
français connaît « un régime juridique
très subtile ». Cette subtilité serait
évidemment confirmée par une certaine série des mesures
flexibles, destinées à renforcer ledit système de
protection.
B. Le système de protection renforcé
Pour obtenir le meilleur degré de la protection du
droit d'auteur, le législateur français a mis en place un bon
nombre de règles décisives, surtout depuis 1985. Elles sont
considérées comme palliant des difficultés
découlant des anciennes législations vis-à-vis de menaces
techniques. Parallèlement, certaines de ces mesures ont
été érigées en vue d'améliorer les
intérêts des créateurs de l'oeuvre de l'esprit.
Elles varient de l'une à l'autre par leurs nature et
but recherché. En fait, elles concernent respectivement la
sanction du droit d'auteur (a), les sociétés de
perception et de répartition des droits (b) et la
rémunération de copie privée (c).
a- La sanction du droit d'auteur
Les oeuvres de l'esprit sont
protégées pénalement et civilement contre toutes sortes de
violations. Ainsi, ces dernières peuvent consister en utilisation,
fixation, reproduction, représentation ou diffusion des oeuvres sans
autorisation de l'auteur et au mépris des lois et règlements
relatifs à la propriété des auteurs (articles L335-2 et
L335-3 CPI). Selon ces deux textes, les actes cités constituent un
délit de « contrefaçon ». Les auteurs de
ladite infraction, commise sur une oeuvre publiée en France ou à
l'étranger, sont punis de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros
d'amende. En cas où l'infraction est commise en bande organisée
[circonstance aggravante], les peines sont portées à 5 ans
d'emprisonnement et 500 000 euros.
La qualification de contrefaçon et l'ensemble des
peines mentionnées ci-dessus s'appliquent également aux
débits, exportations et importations des oeuvres contrefaites (article
L335-2, alinéa 3 CPI).
En matière de contrefaçon, la mauvaise foi du
contrefacteur est préalablement présumée. Toutefois, cette
« présomption de mauvaise foi » est simple et
susceptible d'être renversée par la présentation des
preuves contraires. D'ailleurs, pour apprécier l'existence d'une
contrefaçon, les juges sont enclins le plus souvent à faire usage
du critère de « ressemblance » (entre l'oeuvre
authentique et celle prétendument contrefaite).
L'auteur lésé a le choix de recourir à
l'action civile ou la poursuite pénale. La première dont la
prescription est de 10 ans (article 2270-1 du code civil) a pour but de
réclamer la réparation pécuniaire du préjudice,
sous forme des dommages-intérêts. La seconde comportant la
prescription de l'action publique de 3 ans vise essentiellement à
engager les procédures répressives à l'encontre du
contrefacteur.
Nous constatons en définitive que l'auteur peut faire
jouer certaines procédures préparatoires avant l'audience
officielle. A cet égard, nous pouvons soulever notamment le
mécanisme de « saisie-contrefaçon » (articles
L332-1 et s. CPI) qui permet, d'une part, de faire cesser l'acte de
contrefaçon rapidement et, d'autre part, d'en établir des
preuves.
b- Les sociétés de perception et de
répartition des droits
La loi du 3 juillet 1985 a doté officiellement les
sociétés de perception et de répartition des droits
d'auteur (SPRD) d'un statut légal. Dans le langage courant, on parle
plutôt des « sociétés de gestion
collective » ou, encore, des « sociétés des
auteurs ». Leur régime juridique est prévu par
l'ensemble des dispositions du Titre II, Livre III CPI.
En général, les auteurs n'ont pas de moyens
personnels suffisants pour exploiter leur oeuvre, surtout la commercialisation
et la gestion des revenus acquis. C'est la raison pour laquelle ils
décident de se réunir au sein d'un groupement pour garantir non
seulement leurs intérêts individuels, mais également ceux
communs. Cela constitue donc la logique de l'existence des SPRD jusqu'à
l'heure actuelle.
Comme leur dénomination nous l'indique, les SPRD sont
instituées pour deux missions principales. La première
tâche est qu'elles perçoivent tous les revenus de
différentes sources tirées de l'exploitation des oeuvres
inscrites dans leur « répertoire », avant de les
répartir à tous les auteurs étant leurs membres. Ces
revenus sont de deux natures à savoir :
1- Les revenus directs : ils sont en
général obtenus du paiement des consommateurs (livres, CD...) ou
de celui des intermédiaires (les achats de droits de
télévision par les diffuseurs ou la part du chiffre d'affaire du
diffuseur...).
2- Les revenus indirects : ils consistent à
s'assurer d'une remontée de revenus par divers mécanismes, par
exemple à l'occasion de modification de reproductibilité
(rémunération de copie privée) (infra), pour des
utilisations qui ne permettent pas un contrôle unitaire des exploitations
(barème des discothèques) ou pour des biens non rivaux par nature
(télévision et radio par redevance ou la licence légale).
Le prélèvement de ces revenus se traduit normalement par une
absence de paiement direct par les consommateurs des oeuvres ou des programmes
culturels.
La seconde tâche des SPRD est de représenter
leurs membres auprès des tiers (notamment les producteurs), sur le plan
de l'exploitation comme celui juridique. A dire vrai, les SPRD jouent un
rôle, en tant que mandataires des auteurs, de négocier des
contrats de l'exploitation des oeuvres de ces derniers. En plus, elles peuvent
agir en justice, dans certains cas, afin de contester les actes attentatoires
aux droits et prérogatives de leurs membres. Pour autant, les auteurs ne
conservent pas moins de liberté et faculté d'ester en justice
eux-mêmes en vue de protéger leurs propres
intérêts.
De leur nature juridique, les SPRD sont en
général des sociétés civiles. Cependant, eu
égard à leur fonction, nous pouvons estimer qu'elles sont en fait
des associations ayant le but non lucratif. L'une de leurs
particularités est que ces sociétés entretiennent des
relations considérablement étroites avec les autorités
publiques, voire le gouvernement [représenté en principe par le
ministère de la Culture et de la communication].
Actuellement, en matière du droit d'auteur, il existe
un certain nombre des SPRD qui fonctionnent différemment selon la nature
des oeuvres ou celle des domaines garantis. Toutefois, parmi ces SPRD, les plus
connues et actives sont « la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique » (SACEM)
(créée en 1851) et « la Société des
auteurs et compositeurs dramatiques » (SACD) (créée en
1829).
A titre de remarque, un système quasi-identique des
SPRD du droit d'auteur a été mis en place au profit des
titulaires des droits voisins. A cet égard, nous pouvons citer notamment
« la Société pour l'administration des droits des
artistes et musiciens interprètes » (ADAMI) et « la
Société de perception et de distribution des droits des
artistes-interprètes de la musique et de la danse » (SPEDIDAM)
(pour la catégorie des artistes-interprètes), et « la
Société civile pour l'exercice des droits des producteurs
phonographiques » (SCPP) (pour la catégorie des producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes)9(*).
c- La rémunération de copie
privée
La rémunération de copie
privée est l'un des dispositifs les plus essentiels et, en même
temps, les plus controversés du système de droit d'auteur
français, comme l'a notée professeur Christophe CARON10(*). Instaurée par la loi
du 3 juillet 1985, elle est considérée comme une réponse
aux soucis des auteurs et des titulaires des droits voisins qui
prétendaient que leur intérêt était
considérablement mis en cause par l'exercice de l'exception de copie
privée (supra, « les exceptions du droit
d'auteur »).
Certes, la rémunération de copie privée
a été mise en place en vue de limiter « des effets de
plus en plus redoutables » de l'exception. D'ailleurs, nous
constatons que sa nature juridique pose également beaucoup de
problèmes. Selon certains notamment V.Y.GAUBIAC11(*), cette
rémunération qui puisse sa source dans la taxation fiscale sur
les appareils numériques a pour fondement indemnitaire au sens du droit
de la responsabilité civile. Mais, la doctrine dominante
actuelle12(*) et la
jurisprudence ainsi que les divers travaux parlementaires se démontrent
attachés à l'idée énonçant que la
rémunération de copie privée participe du droit d'auteur
lui-même.
Si l'on parle de son origine, le concept de la copie
privée fut reconnu par le législateur dès la fin de
XIXè siècle, dans l'époque où cette
pratique n'est faite que rarement et avec la moindre quantité des moyens
de reproduction. En fait, il existait d'autres motifs relatifs à son
autorisation. Premièrement, on l'admettait puisque l'on est dans
l'impossibilité matérielle de contrôler l'usage personnel
des oeuvres par les individus. Deuxièmement, s'agissant aussi d'une
impossibilité juridique, on ne pouvait pas interdire les gens de jouir
au moins d'un élément de leur droit de propriété
(à dire vrai, la copie relève en fait de son droit de disposition
ou abusus sur l'oeuvre). On ne pouvait pas méconnaître
non plus les droits du public dans la réception et le partage des
informations culturelles. Dans ce sens, il fallait qu'une oeuvre appartenant
à une personne donnée crée également des avantages
pour les autres. Mais, à partir de la moitié du
XXè siècle où on constata le
développement catastrophique des techniques de reproduction, les
idées ont beaucoup changées. A l'époque, on s'interrogeait
si la copie privée gratuite aurait davantage de raison d'être
maintenue telle quelle.
Avec l'avènement de la loi de 1985, nous nous
apercevons que la réponse est encore conciliatrice. Cela signifie que
l'on ne pouvait pas supprimer l'exception de copie privée. Mais, on ne
pouvait pas non plus la conserver dans sa forme initiale. D'où est
apparue le mécanisme d'une rémunération de copie
privée.
A cet égard, l'article L311-1 CPI13(*) prévoit que :
« les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres
fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les
producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une
rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres,
réalisées dans les conditions mentionnées au 2° de
l'article L122-5 et au 2° de l'article L212-314(*) CPI ». Selon ce
texte, nous constatons que ladite rémunération s'applique
à la fois aux auteurs et aux titulaires des droits voisins. Par
conséquent, les revenus issus de la copie privée doivent
préalablement faire l'objet d'un partage entre les auteurs et les
artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de
vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle avant
d'être repartis dans chaque catégorie des titulaires de ces
droits. Or, les méthodes et critères de répartition
semblent poser un gros problème. Cependant, en pratique, elle
s'opère en fonction d'une part de la fréquence d'utilisation des
oeuvres et d'autre part de l'importance de chaque interprétation ou
exécution.
Alors, comment se déroulent les autres
procédures de la rémunération de copie privée,
surtout celles concernant le prélèvement ? En
théorie, elle est la redevance obtenue des impôts sur les
appareils numériques qui servent à enregistrer, copier et stocker
des données ou éléments protégés par le
droit d'auteur et les droits voisins. On ne pourrait pas énumérer
à titre exhaustif tous les appareils qui sont soumis à
l'imposition de copie privée. Toutefois, les plus connus sont : les
photocopieurs, les scanneurs, les enregistreurs à bande
magnétique, les magnétoscopes à cassettes, les cassettes
audio ou vidéo vierges, les disques compacts enregistrables, les
graveurs de CD15(*). Mais,
à qui on impose cette taxe ? Les consommateurs ou les fabricants ou
les importateurs ? La pratique nous montre que ce sont des importateurs
(en cas où les produits sont fabriqués à
l'étranger) ou des fabricants locaux (en cas où les produits sont
fabriqués en France) qui sont assujettis à l'imposition,
même si les supports numériques ne sont pas destinés
effectivement à la copie privée. Dans ce cas, ces
commerçants intéressés peuvent, en prouvant que les
produits ne servent pas à la copie privée, obtenir le
remboursement des sommes prélevée par le Fisc (Cass.com, 18
décembre 2001).
Il faut d'ailleurs noter que le défaut de versement
des redevances de copie privée aux auteurs et titulaires des droits
voisins constitue la contrefaçon qui sera punie de 300 000 euros
d'amende (article L335-4, alinéa 3 CPI).
Nous constatons en définitive que la
rémunération de copie privée est pour l'heure mise en
cause car elle ne semble pas correspondre suffisamment à la pratique de
l'exception. Elle ne semble pas pallier toutes les difficultés
résultant des copies dites « excessives ». En
conséquence, il existait toujours la réévaluation de
redevance en matière.
La protection des oeuvres de l'esprit existe aussi dans les
autres législations étrangères, malgré certaines
différences de forme et de fond par rapport à celle
française.
§2. Le droit d'auteur des autres pays
Bien que le système de protection du
droit d'auteur soit harmonisé au fur et à mesure sur le plan
international, chaque pays en conserve ses propres particularités.
Certainement, nous ne sommes pas en mesure d'étudier ces
dernières dans le cadre de tous les pays qui reconnaissent la valeur
juridique de création des oeuvres de l'esprit.
A l'inverse, nous nous bornons simplement à les
examiner dans deux cas, en comparaison du droit d'auteur français. En
premier lieu, il s'agira certes de système de copyright
(A) qui exerce actuellement une immense influence, directe ou
indirecte, dans le monde entier. Pour démontrer le rôle
incontournable du droit d'auteur dans les pays en voie de développement,
nous allons invoquer, en second lieu, le droit d'auteur cambodgien
(B).
A. Copyright
L'expression
« Copyright » est largement utilisée, depuis
longtemps, au sein des pays dont le système juridique relève de
la famille anglo-saxonne. A cet effet, nous pouvons constater clairement son
institution en Grande-Bretagne, en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux
Etats-Unis... Il s'agit en fait de copyright de ces derniers qui va nous
intéresser véritablement.
Consistant également à protéger les
oeuvres de l'esprit ou celles créatives (creative works), le
copyright est toujours assimilé au système du droit d'auteur
français. A cet égard, on constate qu'il existe certains
éléments du copyright américain qui ont des significations
proches de ceux du droit d'auteur français tels que :
1- Faire Use16(*) qui relève d'une notion comparable de
celle des exceptions du droit d'exploitation exclusif.
2- La protection post mortem qui est aussi d'une
durée de 70 ans17(*).
3- L'exigence de caractère matérielle
(tangibility) et d'originalité (originality) des
oeuvres protégeables.
Actuellement, on observe le plus souvent l'utilisation du
terme de copyright comme synonyme du droit d'auteur. De plus en plus, ces deux
termes deviennent interchangeables. D'ailleurs, selon certains, les
différences ou nuances entre le copyright et le droit d'auteur
n'existent plus à partir de la signature de la Convention de Berne de
1886, réunissant presque toutes les nations dans le monde.
Toutefois, dans les pratiques commerciales et juridiques, le
copyright dispose d'une définition propre. Cela signifierait qu'il
existe au moins deux notions différentes du copyright à savoir la
notion du copyright proprement dit et celle du copyright commercial
(spécifique). D'ailleurs, on constate aussi que le copyright
[américain] se diffère du droit d'auteur européen, voire
français, sur certains points.
Premièrement, le copyright qui est prévu dans
le Titre XVII du United States Code des Etats-Unis semble
particulièrement favorable aux oeuvres qui, après leur
création, ont accompli quelques formalités. Autrement dit, les
oeuvres protégées (copyrighted works) devraient
être celles qui ont fait l'objet d'un dépôt ou
enregistrement officiel auprès des organismes administratifs des Etats
fédérés ou de l'Etat fédéral.
Néanmoins, en réalité, cette formalité n'est que
facultative et elle n'a pas d'incident sur la reconnaissance et la protection
juridiques de l'oeuvre déjà créée18(*). Elle consiste donc simplement
à faciliter le régime de preuve (en ce qui concerne l'existence
et l'authenticité de l'oeuvre). D'ailleurs, à titre de remarque,
les Etats-Unis encouragent avec véhémence les auteurs à
faire enregistrer leurs oeuvres car, en cas de litige, le Congrès leur
accordera le doublement des dédommagements financiers
réclamés. Si l'oeuvre n'est pas enregistrée, l'auteur ne
bénéficie d'aucun dédommagement financier et doit reporter
sur une éventuelle indemnité.
Deuxièmement, il existe d'autres formalités
purement pratiques que les auteurs américains attachent à leurs
oeuvres. C'est le cas notamment de l'usage du symbole (c) pour désigner
les oeuvres protégées. Normalement, ce signe doit être
suivi par d'autres mentions comprenant l'année de création de
l'oeuvre et le nom de l'auteur. On peut citer par exemple le cas du moteur de
rechercher le plus connu du monde « Google ». En appliquant
la formule indiquée, il s'agira par exemple de (c)2006 Google.
Nous constatons que cette pratique est maintenant répandue dans
plusieurs pays, y compris la France. Mais, elle n'a pas été
reprise brusquement en tant que telle car il y existe certaines adaptations. A
cet égard, certains ouvrages juridiques français en font usage
notamment (c)LexisNexis SA-2005 ou, encore, (c)Editions du
Juris-Classeur-200219(*). Outre, il y existe d'autres techniques
formelles pour affirmer la protection dont l'oeuvre bénéficie.
C'est le cas notamment de mention « All rights
reserved » ou, en français, « Tous droits
réservés ». De toute façon, ces
formalités n'ont que pour « rôle informatif »
et n'a pas d'incident sur la protection légale. La France
reconnaît ces pratiques, mais elle n'accorde pas des avantages
spéciaux ou prérogatives supplémentaire aux oeuvres qui
leur sont soumises.
Dernièrement et le plus essentiellement, le copyright
à l'Américaine ne reconnaît que le volet des droits
patrimoniaux au profit des auteurs. Pour les droits moraux, ils sont
régis plutôt par des autres dispositions différentes.
Autrement dit, la protection du copyright se limite à la sphère
stricte de l'oeuvre, sans considérer d'attribut moral à l'auteur
en relation avec son oeuvre, sauf sa paternité. Selon les juristes
américains, la détermination des conditions et modalités
de l'utilisation d'une oeuvre n'est pas le pouvoir de l'auteur proprement dit
(c'est-à-dire le créateur lui-même), mais il appartient
à ses ayants droits (éditeurs, producteurs...) à qui
l'ouvre en question est transmise par voie de contrat d'exploitation ou de
cession. Cette position est évidemment contraire à celle du droit
d'auteur français qui, en considérant le lien personnel
inséparable entre l'auteur et l'oeuvre, reconnaît tant les droits
patrimoniaux que moraux à l'auteur.
A noter, cette différence juridique entre le copyright
et le droit d'auteur a provoqué quelques fois l'ambiguïté
des solutions en cas de litige à caractère international. De
toute façon, après leur ratification en 1989 de la Convention de
Berne, les Etats-Unis semblent reconnaître peu à peu la dimension
morale des droits d'auteur. Par conséquent, la plupart des controverses
ont été réduites.
B. Le droit d'auteur cambodgien
Le Cambodge fut l'un de pays qui se sont dotés
très tardivement d'un régime juridique effectif de protection des
oeuvres de l'esprit. Ce n'était jusqu'au 21 janvier 2003 que la
première loi mettant en place le système du droit d'auteur a
été adoptée officiellement par son Assemblée
nationale. Cette loi, approuvée par le Sénat le 3 février
et entrée en vigueur depuis le mois du mars de la même
année, était l'un des textes longtemps exigés20(*) par la Communauté
internationale pour valider l'adhésion du pays à l'Organisation
mondiale de commerce (OMC) en 2004. Elle consiste en fait à donner un
cadre juridique concret aux auteurs et, aussi, aux artistes-interprètes,
producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et entreprises de
communication audiovisuelle. Ainsi, elle a été
dénommée « la loi sur le droit d'auteur et les droits
voisins cambodgiens » ou, plus connue, « Law on
Cambodian Copyright and Related Rights »21(*).
Composée de 69 articles, la loi de 2003 comporte de
nombreux éléments qui sont analogues à ceux du droit
d'auteur français. A cet égard, elle prévoit en premier
lieu l'automatisme de la protection légale accordée aux oeuvres
par leur simple création (article 38). Elle reconnaît
également le dualisme des droits et privilèges attachés
à chaque auteur à savoir les droits moraux
(sith-selthor) et ceux économiques ou patrimoniaux
(sith-betekaphorn) (article 18). En second lieu, elle détermine
les oeuvres qui sont protégeables par le droit d'auteur (article 7) et
qui ne le sont pas (article 10), de la manière quasi-identique de la
législation française. En plus, elle opère une distinction
assez explicite entre les oeuvres plurales telles que les oeuvres de
collaboration (snadei-sahakar), les oeuvres collectives
(snadei-samohapheap), les oeuvres dérivées ou composites
(snadei-bantor) et autres.
Les autres dispositions du texte qui justifient un
rapprochement considérable du droit cambodgien et celui français
en la matière sont notamment les exceptions du droit exclusif de
l'auteur (articles 23 à 29), les sociétés de gestion
collective (article 56, alinéa 1er) et les sanctions pour
violation des droits de l'auteur (articles 64, 65 et 66).
Pour autant, le droit d'auteur cambodgien est conçu
avec un certain nombre de ses propres spécificités dont les plus
principales sont :
· L'absence des règles relatives au
« droit à la rémunération » des
auteurs et titulaires des droits voisins en cas de copie privée. Mais,
le défaut de ce droit pécuniaire semble être
justifié par l'article 24 prévoyant que « la
reproduction à titre privée pour l'usage personnel peut se faire
sans l'autorisation de l'auteur lorsque cette reproduction se limite à
une copie ». Selon cet article, nous constatons que la copie
privée légale peut se faire seulement pour un seul exemplaire. En
cas de non respect de la limite de cette quantité de copie, le copiste
pourrait s'exposer à des sanctions de contrefaçon.
· La durée de protection post mortem des
droits économiques de l'auteur est de 50 ans (70 ans pour le droit
d'auteur français).
· La définition [très] précise de
certaines notions essentielles telles que l'auteur, l'oeuvre de l'esprit,
l'artiste-interprète... (article 2).
D'ailleurs, à titre de remarque, la législation
cambodgienne reconnaît des influences techniques sur les oeuvres de
l'esprit car elle contient certaines dispositions adaptées notamment aux
logiciels ou à la numérisation. D'après certains, ces
règles ne sont forgées que pour satisfaire les auteurs
étrangers car les auteurs nationaux ne disposent pas encore de tels
moyens techniques suffisants pour créer les oeuvres. Pourtant, eu
égard aux situations actuelles au Cambodge, nous pouvons estimer que les
nouvelles techniques de reproduction et celles de représentation ne leur
sont plus vraiment étrangères.
La réalité du droit d'auteur ou copyright
n'existe pas uniquement sur le plan national. A l'inverse, elle est
évidente et progressivement renforcée tant dans les relations
régionales que celles internationales. A ce propos, nous pouvons
évoquer, sur le plan régional, le corps des
règlementations communautaires qui sont destinées à
harmoniser les législations des Etats membres de l'Union
européenne. C'est le cas notamment de la Directive du 22 mai 2001
portant sur les problèmes de l'Internet et du numérique. De
même, au niveau international, nous pouvons citer certains actes à
valeur supranationale tels que :
· La Convention de Berne pour la protection des oeuvres
littéraires et artistiques (9 septembre 1886)
· La Convention universelle de Genève (6 septembre
1952)
· Les Accords de Marrakech ou les Accords sur les aspects
des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(ADPIC), établis dans le cadre du GATT (futur OMC) (15 avril 1994)
· Les deux Traités de l'OMPI sur l'Internet (20
septembre 1996)
Malheureusement, l'évolution du droit d'auteur sur le
plan juridique comme nous avons invoquée ci-dessus ne correspond pas en
fait à ce qui se passe réellement dans notre vie quotidienne. Les
divers faits nous montrent au contraire que le droit d'auteur est en cours de
détérioration et risque d'être disparu un jour à
moins que certaines mesures nécessaires ne soient prises à temps.
SECTION II
Une réalité factuelle
La valeur morale et patrimoniale que la loi reconnaît
aux oeuvres de l'esprit n'est pas effectivement respectée en pratique.
Par contre, elle fait l'objet actuellement des myriades de violations
hétérogènes qui sont beaucoup plus dommageables que celles
survenues il y a quelques décennies. Autrefois, nous avons pu citer le
phénomène du « photocopillage » sur des
livres ou d'autres documents comme l'un des exemples typiques pour
démontrer l'énorme souci des auteurs22(*). Mais, maintenant, les
principaux dangers auxquels font face les auteurs et
artistes-interprètes (ainsi que les autres titulaires de droits voisins,
sous-entendus) et qui nous intéressent le plus sont des abus qui puisent
leur source dans l'Internet et le numérique.
Selon plusieurs constats, il existe pour l'heure deux grandes
catégories des atteintes numériques qui menacent la
pérennité du droit d'auteur et celle des droits connexes. Elles
sont, d'une part, « les téléchargements
illégaux » (§1) et, d'autre part,
« les partages de fichiers illégaux »
(§2). La pratique nous montre bien que tant les
téléchargements que les partages illégaux dépendent
considérablement des techniques du réseau Peer-to-Peer
(P2P)23(*) et ils
présentent un lien réciproque très étroit.
Cependant, nous allons traiter ces deux questions séparément car
elles comportent chacune certains points singuliers l'une à l'autre.
§1. Les téléchargements
illégaux
L'une des fonctions performantes du numérique est la
faisabilité de téléchargement. Grâce à cette
possibilité, on peut obtenir des informations affichées sur
Internet ou des autres sources similaires de manière plus rapide,
efficace et simple. Mais, en même temps, elle suscite des
problèmes majeurs relatifs à la protection des oeuvres de
l'esprit.
Il nous convient, en premier lieu, de déterminer
la notion du téléchargement (A) afin de savoir
dans quels cas la pratique est licite et, au contraire, quand elle devient
illicite. En second lieu, nous soulignerons les atteintes des
téléchargements illégaux (B).
A. La notion du téléchargement
Le téléchargement ne dispose pas d'une
définition juridique. Par contre, c'est en informatique qu'il est
décrit comme « l'opération de transmission
d'informations - programmes, données, images, sons, vidéos - d'un
ordinateur à un autre via un canal de
transmission »24(*). Techniquement, le téléchargement peut
se réaliser par l'un des canaux de transmission suivant :
· Le fil de cuivre. C'est le cas notamment du câble
réseau (utilisation d'une carte réseau) ou d'une ligne
téléphonique (utilisation d'un modem);
· Les ondes radio comme c'est le cas pour le Bluetooth et le
Wifi (le réseau informatique sans fil);
· Les connexions infrarouges;
· Le plastique ou le verre comme c'est le cas pour la fibre
optique.
Lato sensu, les téléchargements
peuvent être distingués en deux sortes. Premièrement,
lorsque l'on télécharge des informations depuis un ordinateur
distant, il s'agit de download. Dans ce cas, on en
téléchargeant joue un rôle comme le demandeur et le
récepteur des informations convoitées. A dire vrai, notre
téléchargement est considéré du point de vue du
« client ». A l'inverse, deuxièmement, lorsque l'on
télécharge des informations dont on dispose (dans notre
ordinateur) vers un autre ordinateur distant, la pratique sera qualifiée
comme upload25(*). A cet égard, on se trouve dans les
situations du « serveur » qui traitera les demandes des
autres ordinateurs clients par un refus ou une acception (en ce qui concerne la
transmission des informations souhaitées). Nous constaterons que le
terme « upload » désigne en fait la mise
à disposition des éléments numériques via P2P
(infra, « les partages de fichiers
illégaux »).
De toute façon, la signification du
téléchargement est limitée le plus souvent et stricto
sensu au concept de download. Pour upload, il est
souvent traduit par « la mise à dispositions d'une oeuvre (sur
le réseau P2P) ».
D'ailleurs, on notera que, sur le plan informatique, l'option
de « télécharger » est extrêmement
proche de celles d'« enregistrer » et de
« copier ». Celles-ci consistent aussi à obtenir des
informations et à les garder dans un emplacement spécifique de
l'ordinateur (normalement, « le disque dur ») ou des autres
supports numériques (par exemple, la Clé USB). De toute
manière, on peut les distinguer par leurs fonction et capacité
respectives vis-à-vis des informations cibles.
Pour l'option de « copier »
(copy), elle sert essentiellement à sélectionner des
éléments textuels ou images d'un « endroit »
d'une fenêtre (window) afin de les faire exister tels quels un
peu plus tard [immédiatement] sur un autre endroit de la même
fenêtre ou celui d'une autre fenêtre. Inévitablement, pour
faire réapparaître les éléments copiés, on
doit avoir recours à l'option de « coller »
(paste). C'est la raison pour laquelle on entend parler toujours de
l'interdépendance de copier/coller (copy/paste). Certes, cette
dernière est distinguée du téléchargement dans la
mesure où elle n'a pas pour effet de sauvegarder les informations dans
une forme indépendante. En revanche, elle est destinée simplement
à faciliter un mélange des textes ou images de différentes
sources dans le même document numérisé.
Quant à l'« enregistrement »
(save), il semble de se différencier du
téléchargement par deux raisons techniques. Premièrement,
l'enregistrement est caractérisé par les types des
éléments auxquels il peut s'appliquer. En pratique, on ne peut
enregistrer que des informations qui ont une taille numérique
relativement petite. A titre d'exemple, les chansons de format MP3
dont la taille moyenne est de 3 à 5 Mo ou, encore, le document de 1,000
pages dont la taille est néanmoins moins de 10 Mo sont facilement
enregistrables. A l'inverse, le procédé ne réussira pas
pour les fichiers audiovisuels (chansons, films...) qui comportent en
général une dimension minimale de 50 Mo26(*). Dans ce cas, seul le
mécanisme de téléchargement peut l'achever.
Deuxièmement, l'enregistrement semble être réalisable par
la simple demande de la part de l'internaute auprès du serveur titulaire
des oeuvres demandées. Normalement, ces dernières sont mises
à la disposition des internautes à titre gratuit. De toute
façon, on ne peut pas exclure l'idée que cette
générosité est accompagnée en fait des fins
commerciales ou publicitaires. En particulier, pour le
téléchargement, il nécessite le plus souvent un examen un
peu plus minutieux de la part du serveur sur les conditions de l'internaute
demandeur. Et, en plus, eu égard à l'importance des oeuvres
téléchargeables, les internautes pourrait être
obligé de payer une certaine somme d'argent en contrepartie27(*).
Bien qu'un régime juridique propre du
téléchargement fasse défaut, la loi n'ignore pas les
réglementations de sa pratique. Elle semble qualifier le
téléchargement comme un genre de la copie privée, compte
tenu de sa fonction technique. A cet effet, d'aucuns ont pu faire
référence à la loi du 17 juillet 2001 qui a étendu
le mécanisme de la rémunération de copie privée
à l'ensemble des supports numériques. Bien évidemment, la
plupart de ces derniers permettent à leurs propriétaires de
télécharger les oeuvres qu'ils désirent. L'imposition des
taxes sur les appareils numériques dans le cadre de
rémunération de copie privée nous conduit à croire
que le téléchargement relève également de cette
fameuse exception. Dès lors, il serait licite s'il s'effectue
conformément aux dispositions des articles L122-5, L212-3 et L311-1 du
CPI.
Or, la question n'a pas été
réglée aisément car les articles susmentionnés
semblent insuffisants pour bien déterminer le caractère licite et
illicite du téléchargement. Donc, nous devrions envisager les
autres solutions parmi lesquelles prime celle de la Directive européenne
du 22 mai 2001. Cette Directive a proposé aux Etats membres de l'Union
le recours du mécanisme de « Triple test » pour
rendre leurs exceptions respectives du droit d'auteur « plus
compatibles » avec les intérêts des auteurs. Ledit
mécanisme peut être en fait expliqué par trois conditions
cumulatives que doit respecter chaque exception. Elles sont les
suivantes :
1- Les exceptions doivent correspondre à certains cas
spécifique. Cela en suppose des textes spéciaux;
2- Elles ne doivent pas porter atteinte à
« l'exploitation normale » de l'oeuvre;
3- Elles ne doivent pas causer un préjudice
injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.
Ces trois exigences ont été fréquemment
invoquées par les ayants droit de l'auteur pour justifier que les
téléchargements des oeuvres protégées
étaient illicites. Pourtant, dès lors que la Directive en cause
n'est pas encore transposée dans le droit français (en l'attente
de l'adoption de la loi DADVSI), le principe de « Triple
test » ne semble pas pouvoir être actuellement
allégué pour s'opposer aux téléchargements dits
illégaux. Au surplus, cette impossibilité résulte des
faits que l'on ne sait pas à qui la Directive s'est adressée
exactement, le législateur ou le juge ? En bref, nous constatons
que les juges ont hésité assez souvent à condamner des
téléchargements qui se sont fait dans le cadre de la copie
privée, malgré son caractère
« excessif » et « attentatoire ».
Selon le jugement du tribunal de Paris, datant le 4 mai 2004,
la seule certitude en la matière est que le caractère
illégal des téléchargements sera établi lorsque
ceux-ci sont réalisés par P2P. Les juges parisiens ont
affirmé de surcroît que le téléchargement via P2P
paralyse l'exploitation normale de l'oeuvre. Grâce à cette
décision originale, nous pouvons estimer que l'une des atteintes
majeures au droit d'auteur est due aux téléchargements
effectués par le biais du réseau P2P (infra, « les
partages de fichiers illégaux »).
B. Les atteintes des téléchargement
illégaux
Les téléchargements qui s'opèrent
au-delà de la limite de copie privée ou par P2P sont
illégaux. Ils nuisent, comme l'a jugé le tribunal de Paris,
à l'exploitation normale et légitime de l'auteur et, surtout, des
ayants droit de celui-ci sur l'oeuvre. Plus précisément, ils
violent leurs droits patrimoniaux, surtout le droit de reproduction. Pour les
droits moraux, sont-ils aussi touchés par les actes illicites de
téléchargement ? Bien sûr, ces actes porte
également préjudice à l'encontre des privilèges
moraux de l'auteur et des artistes-interprètes parce que les oeuvres
téléchargées sont normalement altérées
(taille, format, programme d'opération...). Dans ce cas, il s'agit de
violation du droit au respect de l'intégrité de l'oeuvre.
Selon les statistiques de plusieurs enquêtes, le
domaine de la création de l'esprit le plus affecté par les
téléchargement illégaux ou les
« piratages »28(*) en France est celui audiovisuel. D'une manière
plus précise, ce sont des produits phonogrammes (chansons) et
vidéogrammes (films) qui font l'objet de la
« manie » des téléchargements. Les sondages
des IFPI et CNC29(*) nous
montrent que la majorité des titres ou fichiers qui circulent
illégalement sur les réseaux P2P sont ceux musiques. Ces titres
téléchargeables ont été chiffrés (en
million) comme les suivants :
- Avril 2002 - avril 2003 : 1 000 millions
- Avril 2003 - janvier 2004 : 800 millions
- Janvier 2004 - juin 2004 : 700 millions
- Juin 2004 - janvier 2005 : 760 millions
En ce qui concerne les films, l'AFP30(*) nous en a fournis les
informations suivantes :
- 400 nouveaux films dont la moitié est des productions
américaines, recensés en 2004 - 2005, ont été
piratés et téléchargés;
- 92% des films piratés sont disponibles avant leur
sortie vidéo en France sur les réseaux P2P;
- 53% des films américains sont
téléchargeables avant leur sortie en salles.
Indéniablement, les téléchargements via
P2P provoquent beaucoup de soucis sur l'avenir des
« téléchargements légaux en ligne ».
Les téléchargements en ligne connaissant un énorme
succès31(*) dans
ces dernières années (surtout dès le début du
XXIè siècle) sont caractérisés par le
système des « offres payantes » des oeuvres de
l'esprit sur Internet. A dire vrai, il s'agit d'un des types du commerce
électronique (e-commerce) portant sur les produits culturels.
De même, en France, ce nouveau business est massivement prospère
et représente 5% du marché mondial et 6% des ventes physiques,
comme l'a remarqué Hervé RONY32(*), directeur général du Syndicat national
de l'édition phonographique (SNEP). De toute façon, actuellement,
seule les musiques font l'objet de téléchargement légal en
ligne, alors que les films y demeurent encore incompatibles. Eu égard
à la « gratuité » des
téléchargements illégaux et au flou des règles
légales, nous avons peur que le développement des offres
onéreuse en ligne serait freiné.
D'ailleurs, les téléchargements par P2P
entraînent sans doute la baisse de recettes de la vente des CD, DVD et
des autres supports d'oeuvres. Ce problème a été
rapporté à maintes reprises par de nombreuses maisons de
disques.
Outre les chansons et les films, les
téléchargements illégaux des logiciels, images et
documents ont aussi un taux de plus en plus élevé. Nous
constatons que la pratique semble d'être étendue maintenant aux
autres catégories des oeuvres protégées par le droit
d'auteur notamment les basses de données. Pour l'heure, il n'existe pas
un signe crédible de diminution des atteintes aux droit d'auteur et
droits voisins. A l'inverse, étant donnée les récentes
études indiquant que la France est l'un des pays de la planète
qui s'équipent de l'Internet de plus haut débit et que la plupart
des français y ont accès suffisamment, nous sommes
persuadés que les situations s'aggraveront au fur et à mesure
à moins que « des solutions extrêmement
courageuses » de la part des autorités publiques ne soient
dégagées (infra, « les solutions »
Chapitre II).
A côté des téléchargements
illégaux, les auteurs, les artistes-interprètes et leurs ayants
droit doivent résister en plus aux menaces insupportables provenant du
partage des fichiers illégaux sur Internet.
§2. Les partages de fichiers illégaux
A titre de rappel, la jouissance d'une oeuvre de l'esprit
par un individu doit en principe s'exercer personnellement. Cela signifie que
c'est lui qui a seul droit sur l'oeuvre et les avantages qu'il en tire doivent
correspondre à ses fins personnelles. Il ne peut pas donc, en tant que
propriétaire du support matériel de l'oeuvre, autoriser les tiers
d'en jouir conjointement avec lui ou à titre collectif, sauf la
représentation dans le cadre strictement règlementé du
cercle de famille (supra, « les exceptions du droit
d'auteur). Dans ce sens, l'acheteur d'un DVD ne peut pas le prêter
à son ami pour que celui-ci puisse en faire la copie ou en
bénéficier autrement.
Le but central de cette interdiction de partage des oeuvres
est de garantir les intérêts pécuniaires que l'auteur
mérite de recevoir en proportion de ses investissements intellectuels.
Elle aurait aussi pour effet de faciliter l'identification des personnes qui
ont violé les droits moraux de l'auteur notamment en cas de modification
injustifiée de l'oeuvre. De toute façon, en pratique, on a du mal
à contrôler l'usage des oeuvres par des consommateurs et, encore
pire, à prévenir leur partages d'une main à l'autre.
Hormis les problèmes irrésolus signalés
ci-dessus, nous faisons face en plus aujourd'hui aux difficultés
résultant de la diffusion des oeuvres qui s'effectuent sur Internet sans
l'autorisation et au détriment des auteurs. Il s'agit certes de partages
illégaux via P2P. Ils semblent être plus visibles et plus
dangereux que les partages physiques « d'une main à
l'autre ». Pour pouvoir déterminer les
atteintes (B) qu'ils portent aux droits de l'auteur,
il nous convient initialement d'examiner la notion du réseau
Peer-to-Peer (A) par lequel ils sont réalisés.
A. La notion du réseau Peer-to-Peer (P2P)
A l'instar du téléchargement, le réseau
Peer-to-Peer (P2P) n'a pas de signification juridique. A l'inverse, c'est la
science informatique qui le définit comme « le
système de communication via l'Internet qui permet la mise en commun de
fichiers de toutes sortes entre internautes ». Cette
définition explique bien sa dénomination (Peer signifie
la personne de même range; dans notre contexte, le terme
«Peers» semble désigner les internautes qui ont le
même but, c'est-à-dire qu'ils se contactent afin d'échanger
les éléments dont ils disposent respectivement).
Le réseau P2P a une fonction polyvalente et
présente de multiples utilités pour les utilisateurs de
l'Internet. A cet égard, nous observons que « le trafic
téléphonique » (notamment Skype), le service
de chat (notamment Yahoo Messenger ou, encore, MSN
Messenger) ainsi que les autres services innombrables opérés
sur Internet sont tous dépendants de la technologie P2P. De toute
façon, le rôle le plus notoire et le plus controversé de
cette technique est celui qui consiste à faciliter le partage des
fichiers (files sharing). Les contenus ou les fichiers partageables
via P2P comprennent : les fichiers audio, fichiers vidéo, bases de
données et les autres qui ont la formule numérique commune.
Le fonctionnement de P2P est tributaire, d'une part, de la
capacité des ordinateurs et, d'autre part, du débit de
l'Internet. En plus, le processus de téléchargement et le partage
des fichiers peuvent durer pour une période longue ou courte selon le
nombre des internautes participants de chaque réseau P2P. A ce propos,
il est important de noter que lorsqu'un fichier est en cours de
téléchargement par plusieurs internautes, cela ne rend pas le
processus plus lent ou entravé. Au contraire, ladite situation va
permettre d'accélérer le téléchargement pour chaque
internaute intéressé (« plus nombreux internautes, plus
vite le téléchargement »). En plus, elle peut
prévenir la rupture prématurée du
téléchargement. Cela explique pourquoi la plupart des internautes
préfèrent télécharger des fichiers ou des titres
qui ont beaucoup d'utilisateurs et qui ont été
téléchargés à plusieurs reprises33(*).
Techniquement, on distingue les réseaux P2P en deux
grandes catégories à savoir « les P2P pures »
(Pure P2P) et « les P2P hybrides » (Hybrid
P2P). Pour les P2P pures, ils sont caractérisés par trois
traits essentiels :
1- Les internautes se contactent par eux-mêmes en tant
que soit « serveur » soit « client ».
Cela signifie que lorsqu'un internaute entend télécharger un
fichier de la part d'un autre, il est considéré comme
« le client » alors que ce dernier est « le
serveur ». Autrement dit, le client est celui qui demande de
télécharger tandis que le serveur est celui dont le fichier est
demandé pour le téléchargement;
2- Il n'existe pas « le serveur central »
pour administrer le partage et le téléchargement des fichiers au
sein du réseau. En fait, les contacts entre les internautes sont
noués sans l'intermédiaire d'un tiers;
3- Le nombre des internautes est normalement limité
à deux ou trois. Il est important que les liens entre eux soient
établis avant l'opération [le partage et le
téléchargement]. A dire vrai, un tel P2P est utilisé le
plus souvent entre les personnes qui se réunissent sous forme d'un
groupe déterminé (par exemple associations...).
Dans un sens plus large, les P2P pures englobent tous les
réseaux dont certains peuvent fonctionner même sans l'Internet. A
cet égard, on peut quelques fois s'échanger les fichiers par le
biais des autres techniques similaires notamment le Bluetooth et
l'Infrarouge.
Quant aux réseaux P2P hybrides, ils sont
structurés de manière beaucoup plus sophistiquée que les
précédents et ils supposent des relations plus vastes que ces
derniers. Il existe aussi un triple caractère auquel ils s'attachent.
Ces trois caractères sont :
1- Les contacts entre les internautes sont établis par
le truchement d'un serveur central. Celui-ci répond à la demande
de téléchargement des internautes, en leur fournissant des
renseignements concis relatif au fichier partagé demandé.
2- Les informations de chaque titre sont affichées sur
le réseau par les internautes qui le partagent. Cela signifie que le
serveur central ne contient pas lui-même les fichiers
téléchargeables. Il se borne à communiquer les messages
entre les internautes.
3- L'adresse d'ip de chaque internaute
concerné ne peut être connue que par l'analyse soigneuse des
divers indices. Cela rend la lutte contre de circulations illicites des oeuvres
sur Internet un peu difficile.
Selon plusieurs études, il s'agit actuellement de
réseaux P2P hybrides qui constituent la véritable menace des
droits d'auteur et ceux des artistes-interprètes. Dès la
naissance du Napster34(*) en 1999 jusqu'à maintenant, on constate
une croissance miraculeuse des nombres de tels P2P. Les principaux P2P auxquels
on peut avoir recours facilement pour partager les fichiers
protégés ou, à l'inverse, les télécharger
sont KaZaA, BitTorrent, eMule (eDonkey) et BearShare. Il
existe d'autres dont on ne peut pas dresser une liste exhaustive et qui se
transforment progressivement en un mécanisme extrêmement
dangereux.
En particulier, d'aucuns s'interrogent si les P2P proprement
dits sont illégaux par nature ? La réponse de cette question ne
serait formée qu'après un réexamen de méthodes en
vertu desquelles les P2P se déroulent. En fait, lorsque l'on
s'échange des objets non couverts par la protection du droit d'auteur,
le P2P en cause ne sera pas censé être illicite. C'est le cas par
exemple où l'échange porte sur des oeuvres déjà
tombées dans le domaine public, sous réserve de respect de droits
moraux de l'auteur (supra). Par contre, lorsque la pratique concerne
les oeuvres protégées (ouvrage récemment publié,
film en salle...), elle sera illégale. Par conséquent, les
partages via P2P sont licites ou illicites en fonction des oeuvres sur
lesquelles ils portent.
Alors, quelles sont les conséquences engendrées
par les partages illégaux et les réseaux P2P à
l'égard du système de protection des oeuvres de
l'esprit ?
B. Les atteintes de partages illicites via P2P
Comme les téléchargements illégaux, les
partages des oeuvres sur Internet, sans l'autorisation de la part des auteurs
et des titulaires de droits voisins, portent atteinte d'abord à leurs
droits patrimoniaux. De toute façon, il faut noter qu'il s'agit
essentiellement de droit de diffusion des oeuvres qui est violé35(*). Puis, on peut faire une
petite remarque sur les droits moraux de l'auteur en cas de partages
illégaux.
Dans la quasi-totalité des cas, les oeuvres offertes
gratuitement sur P2P sont des oeuvres différentes de celles originales.
Cette différence pourrait porter soit sur le caractère
« matériel » des oeuvres soit sur
leur caractère « authentique ». Concernant la
différence matérielle, on constate que les oeuvres partageables
entre les internautes sont celles qui ont subi la modification,
altération, déformation ou encore mutilation, surtout les
fichiers audio et ceux vidéo. Ces actes de dénaturation d'oeuvres
s'exercent normalement sur leur taille, format, programme d'opération
etc. Donc, ils portent atteinte gravement au droit de respect de
l'intégrité de l'oeuvre (supra). De plus, dans certains
cas, ils abusent très explicitement le droit à la
paternité de l'auteur et celui des titulaires des droits connexes car
ils ne reconnaissent pas le nom et la qualité de ceux-ci. A titre
d'exemple, le fait par un internaute de prétendre frauduleusement qu'il
est l'éditeur de tel ou tel fichier partagée36(*).
S'agissant de la différence authentique, les oeuvres
partagées sur P2P ne sont pas la modification ou l'altération
matérielle de celles originales. A l'inverse, elles sont en fait des
fichiers dont le contenu ne correspond pas à leurs informations
fournies. C'est le cas notamment où le fichier vidéo de
« Mission Impossible 2 » est partagé ou mis
à dispositions des internautes sous le titre et autres mentions de
« Mission Impossible 3 ». C'est aussi le cas
où un fichier audio est décrit par l'internaute le partageant
comme celui vidéo. A cet égard, il n'y aurait que de violation
des droits moraux de l'auteur dont l'oeuvre a été
réellement partagée. Pourtant, pour l'auteur propriétaire
des oeuvres faussement mentionnées, il pourrait se prévaloir du
faux usage de son nom ou celui de son oeuvre pour demander des dommages et
intérêts.
Grosso modo, les partages des fichiers protégés
par P2P produisent autant d'effets attentatoires au droit d'auteur que les
téléchargements illégaux. Les partages ou diffusions
illicites des oeuvres entraînent donc la diminution colossale, directe ou
indirecte, des revenus chez les auteurs et les artistes-interprètes.
Cela résulte essentiellement de la baisse des ventes des oeuvres, tant
physiques qu'en ligne. Les répercussions seront aussi prévisibles
pour les ayants droit de l'auteur. A cet égard, on est certain que les
éditeurs et les producteurs des oeuvres subissent des grosses pertes
pour l'investissement ils effectuent. Le phénomène affecte
d'ailleurs les entreprises ou groupement qui ont pour fonction de communiquer
les oeuvres au public.
Certes, le duo partage-téléchargement
illégal est le plus grand obstacle pour le développement du
secteur des créations intellectuelles dans tous les pays. Nous nous
apercevons qu'il serait très difficile de lutter contre ce nouveau
casse-tête, compte tenu de son ampleur. A ce propos, beaucoup de millions
des internautes français se livrent, fréquemment ou
occasionnellement, aux téléchargements illégaux, comme l'a
souligné professeur Michel VIVANT dans une interview accordée
à la Présence PC en 2005. Des autres données montrent que
la pratique est difficile à contrecarrer car elle concerne à peu
près de ¾ des ménages français
bénéficiant des services de l'Internet.
Nous pourrions nous demander pourquoi de plus en plus des
gens en France sont impliqués dans tous ces actes de violations. Il
semble en exister trois raisons envisageables. Premièrement,
l'augmentation des taux de téléchargements illégaux comme
ceux de piratages est due aux commodités que l'Internet nous offre.
Certainement, avec cette technologie, on trouve qu'il est facile
d'accéder à une oeuvre et à en acquérir, même
au détriment de l'auteur. Deuxièmement, les actes ne semblent pas
être sanctionnés strictement par les autorités. A cet
égard, nous constatons que les peines prononcées contre les
personnes poursuites pour téléchargement illégal
étaient souvent clémentes, ce qui ne dissuaderait pas les
internautes de la pratique. Troisièmement, certains arguent que le prix
des oeuvres est trop cher et prohibitif. Par conséquent, ils se livrent
aux offres gratuites de téléchargement illégal afin d'en
jouir, même si la qualité de fichier
téléchargé est moins satisfaisante que l'original et s'ils
sont conscient des peines auxquelles ils s'exposent.
Ces trois motifs ne se justifient pas eux-mêmes,
surtout le troisième. En effet, on peut s'abstenir d'effectuer le
téléchargement illégal par le téléchargement
légal. La création de vente en ligne des oeuvres comporte bien
cette logique. On ne peut pas jouir d'une oeuvre sans payer la contrepartie
à son auteur ou aux artistes-interprètes qui y injectent leurs
prestations. Le paiement d'une somme moyennant la jouissance d'une oeuvre
représente bien le respect d'une valeur de celle-ci.
Nous devrions reconnaître que les atteintes
numériques actuelles au droit d'auteur sont liées essentiellement
à l'état moral des internautes qui n'apprécient pas les
efforts de la création intellectuelles.
Alors, le droit d'auteur conserve-t-il encore sa place
dominante dans le droit positif actuel, compte tenu de tous ces
évènements inquiétants ?
En considérant de la mosaïque des analyses
ci-dessus, nous sommes bien rassurés que la France n'ait point
d'intention d'abandonner la notion du droit d'auteur de son patrimoine
juridique. De même, le courant global actuel nous montre qu'aucun pays ne
méconnaît le système de protection des auteurs, ni dans le
cadre du droit d'auteur ni du copyright. A l'inverse, il s'efforce de s'en
doter et de l'améliorer au fur et à mesure. Même si
l'atteinte aux oeuvres protégées se multiple et devient plus
soucieuse, cela ne signifie vraiment que, dans la pratique, personne ne
respecte le droit d'auteur. En fait, il y aurait deux raisons qui viennent
justifier cette dernière idée. Premièrement,
« les pratiques anti-copyright » ne sont
effectuées que par un certain nombre contrôlable des individus.
Deuxièmement, il nous paraît que les mobiles de ces pratiques
soient compréhensibles : la moralité,
l'économie et les besoins indus. Donc, il est
indispensable de faire mobiliser tous les sujets du droit à propos de
l'importance et du rôle du droit d'auteur. D'ailleurs, avec la mise en
place de diverses législations récentes, nous avons l'impression
que ces dangers seront peu à peu éliminés.
Bien que le droit d'auteur soit maintenant assuré,
cela ne signifie forcément qu'il demeurait tel quel dans le futur.
Dès lors, nous ne devons plus rester indifférents à
l'arrivée éventuelle du défaut du droit d'auteur.
Chapitre II
Imaginons-nous alors d'une société
dépourvue du droit d'auteur, tant sur le plan juridique que sur celui
pratique. De prime abord, il s'agirait d'une « énorme catastrophe
sociale », compte tenu de contexte actuel. A noter, cette
« absence totale » ne serait pas en fait sans
précédent puisqu'elle est déjà survenue dans
certains coins du monde. A ce propos, nous pourrons citer, comme l'exemple, le
cas du Cambodge avant le mois du janvier 2003. Certes, elle engendrait un grand
nombre des effets inattendus. D'autrement parler, il y aurait des
conséquences, plutôt négatives, qui affectent tous les
aspects sociaux. Force est donc de trouver les instruments nécessaires
afin d'empêcher la réalisation d'un tel évènement
indésirable.
Ainsi, comme nous indique l'intitulé de notre second
chapitre, il faut étudier tout d'abord les conséquences
de l'absence du droit d'auteur (SECTION I). Ensuite,
après être conscient de celles-ci, nous devons en envisager
les solutions (SECTION
II).
SECTION I
Les conséquences de l'absence du droit
d'auteur
La fin du droit d'auteur, enraciné
depuis plusieurs siècles dans la société française,
nous ferait songer immédiatement à l'ensemble de ses suites
concevables. Quelles seront donc ces conséquences ?
Nous allons noter que sur le plan pratique
(§1) il y aurait un profond changement des relations
culturelle et informative entre l'auteur et le public. Pareillement,
sur le plan juridique (§2), les
conséquences seront encore plus inquiétantes.
§1. Sur le plan pratique
Naturellement, les êtres humains n'agissent qu'avec une
raison. Dans ce sens, les gens vont au travail puisqu'ils savent bien qu'ils
seront payés, gagneront d'argent ou vont obtenir d'autres avantages. De
même, pour les auteurs, quelle que soit la dimension de leur oeuvre, ils
s'efforcent de créer les oeuvres et les mettent à la disposition
du public parce qu'ils anticipent, en contrepartie, un minimum
d'intérêts que ce dernier lui offre. Autrement dit, il s'agit
avant tout d'une rémunération qui est le facteur central
galvanisant ses activités intellectuelles. En outre, les auteurs
créent les oeuvres parce qu'ils entendre d'enrichir la
société dont ils sont ressortissants avec leurs
éléments d'esprit personnels. Ce double objectif de l'auteur
mérite incontestablement une considération du législateur.
Par cette logique sociale, les auteurs seront effectivement
découragés de continuer leurs activités créatives
si les violations de leurs droits ne sont pas sanctionnées par la loi.
Cette dernière méconnaissant l'institution du droit d'auteur, les
auteurs vont cesser leur participation dans le développement de la
société. Comment peuvent-ils poursuivre leur
« boulot » lors que la loi ne garantit pas suffisamment
leur rémunération décente et le respect de leur
paternité ? Et, même si les auteurs retiennent leur
activité, on a raison de s'inquiéter que la qualité de
leurs oeuvres ne serait pas vraiment satisfaisante comme elle était
autrefois. A ce propos, il est important de permettre aux auteurs de pouvoir
vivre dignement de leurs oeuvres. Cela constitue le seul moyen le plus logique
de la survie des créations intellectuelles.
Le retrait des activités de l'auteur du champ culturel
va produire inéluctablement beaucoup de répercussions
pénibles à l'encontre du public. Autrement dit, quand les
écrivains ne n'écrivent plus de romans, poèmes, des
pièces théâtrales ou les artistes-interprètes ne
jouent plus de films... on devrait automatiquement s'interroger des
réactions du public. Certes, on constatera essentiellement la mise en
oeuvre de « l'effet domino ». Cela signifie que c'est le
public dont certains membres ont compromis les prérogatives de l'auteur
qui va subir en définitive de toutes les conséquences
néfastes en découlant. Donc, il ne pourrait plus s'amuser de
nouvelles chansons, films... Il n'y aurait plus de nouveaux programmes
intéressants sur la télévision et la radio ainsi que les
autres moyens médiatiques. En somme, on pourrait estimer qu'il serait la
fin de l'expression de nouvelles idées.
De même, certaines professions qui sont liées
naturellement aux oeuvres de l'esprit telles que les sociétés
assurant l'édition, la production, la publication, la commercialisation,
la distribution des oeuvres... vont disparaître ipso facto. Dans
ce sens, nous allons voir également la fermeture des cinémas, des
théâtres et les autres établissements de loisirs
culturels.
Il existe en fait d'autres corollaires de l'arrêt
d'activité des auteurs que l'on ne pourrait pas énumérer
ou traiter exhaustivement. Beaucoup de domaines seront aussi affectés
notamment l'économie, l'éducation et les recherches. Finalement,
les atteintes ne surviennent plus puisqu'il n'y aurait d'autres nouvelles
oeuvres cibles pour les téléchargements illégaux ou les
piratages.
Néanmoins, puisque ces conséquences
envisageables n'ont pas encore lieu en France, c'est-à-dire qu'elles ne
sont qu'imaginables pour l'heure, il nous paraît nécessaire
d'examiner les cas plus concrets. A ce propos, nous allons relater un peu les
situations auxquelles a fait face le Cambodge avant et après la loi
instaurant le droit d'auteur du pays.
* Le cas du Cambodge
Le Cambodge pourrait constituer un bon exemple pour
démontrer les conséquences dramatiques en cas d'absence d'un
système de protection des oeuvres de l'esprit. Le pays, connaissant
depuis longtemps l'anarchie des actes de violations de droits d'auteur et
droits connexes, a pu enfin mettre en place un ensemble des mécanismes
propres pour protéger les intérêts de l'auteur. Cette
nouvelle attitude historique a été caractérisée par
l'adoption de la première loi du pays portant sur le droit d'auteur et
les droits voisins, le 21 janvier 2003 (supra, « le droit
d'auteur cambodgien » Chapitre I).
Néanmoins, nous constatons qu'il n'existe pas en fait
une grande différence au Cambodge avant et après l'entrée
en vigueur de ladite loi.
** Avant l'entrée en vigueur de la loi du
2003
Les violations des droits de l'auteur d'une oeuvre de
l'esprit étaient pénalement sanctionnées par l'article 48
du code pénal de 1992 (localement et couramment appelé
« le code d'UNTAC » (United Nations' Transitional Authority
in Cambodia37(*)) ).
Ces atteintes aux droits et prérogatives de l'auteur sont
également qualifiées comme « la
contrefaçon » dans le système français.
Toutefois, bizarrement, ledit article ne comporta pas de précision de
peines qui sont susceptibles de frapper les auteurs de ladite infraction. Cette
absence de pénalité provoqua une vive critique et nous constatons
que le plus souvent les juges cambodgiens se sont fondés sur les
dispositions des autres infractions voisines notamment l'escroquerie (article
45 du même code) pour condamner les auteurs de contrefaçon.
A titre de remarque, nous constatons que le
législateur cambodgien a, en défaut d'une législation
propre relatif au droit d'auteur, fait référence à
l'ensemble des dispositions de la Convention de Berne de 1886 et de la
Convention de Genève de 1952.
Nous observons également qu'à cette
époque-là, les actes de contrefaçon consistent
essentiellement dans la reproduction et la distribution des oeuvres
audiovisuelles telles que les chansons et les films. Pour les oeuvres
littéraires, elles n'étaient pas touchées massivement car
le développement en la matière demeura encore faible. Les moyens
servant à réaliser la contrefaçon étaient le plus
souvent les cassettes vidéo, récemment importées dans le
pays. Cette pratique illégale, occasionnellement réprimée,
a entraîné quasiment la chute de domaine cinématographique
et musical khmer, surtout dans les années 90. Les violations en
matière du droit d'auteur ont affecté non seulement les oeuvres
nationales, mais également celles étrangères, surtout des
pays voisins.
Cette période a été décrite par
la plupart des Cambodgiens comme celle la plus sombre de la culture moderne
khmère car il n'y avait quasiment d'oeuvre littéraire ou
artistique nationale pour caractériser leur société. Sur
le plan filmographique et musical, on a dû importer les produits des
autres pays voisins qui disposaient du système de protection des auteurs
plus stricte et efficace. Un nombre important d'auteurs et écrivains
prolifiques ont abandonné leur carrière habituelle car leur
contribution intellectuelle ne fut pas protégée et les violations
furent méprisées par les autorités publiques.
** Après l'entrée en vigueur de la
loi du 2003
L'introduction des nouvelles techniques dans le pays à
partir du 1993 signifie également que les atteintes seront plus
modernisées et plus dangereuses. Toutefois, nous constatons que,
à l'opposé des situations actuelles en France et aux autres pays
développés, le Cambodge ne semble pas subir profondément
des atteintes par voie numérique en matière des
propriétés littéraires et artistiques. Plus
précisément, jusqu'à l'heure actuelle, la violation du
droit d'auteur n'est liée essentiellement ni à l'Internet ni au
numérique. De manière rarissime, on entend les
téléchargements illégaux (que les Cambodgiens connaissent
plutôt, en Anglais, Download) ou les échanges de fichiers
protégés via Peer-to-Peer (P2P). En fait, il existe quelques
raisons qui explique ce paradoxe (par rapport à ce qui se passe en
France). Elles comprennent :
- Le service d'Internet du pays est très limité
territorialement puisqu'il n'est disponible que dans certains endroits des
grandes villes. En plus, il est trop cher pour la majorité des
Cambodgiens (les frais sont normalement d'environ de 0,50 € par heure,
alors que le revenu quotidien d'un Cambodgien est en moyen d'un dollar). A
noter, il n'y a qu'un petit nombre de familles qui peuvent financer les frais
élevés d'installation et ceux d'abonnement de l'Internet chez
eux.
- Le débit d'Internet est relativement faible. Cela ne
favorise pas le processus de téléchargement qui nécessite
normalement au moins de 3 à 4 heures pour saisir un fichier vidéo
de format normal (dont taille minimale est à partir de 700 Mo).
- Les informations relatives aux échanges P2P ne sont
pas au courant de la plupart des internautes cambodgiens. En plus, certains
logiciels qui servent de l'intermédiaire des tels échanges ne
sont pas utilisables.
Pourtant, c'est encore la reproduction et les distributions
des oeuvres protégées sous forme de cassettes, CD ou DVD faux qui
suscitent le problème majeur pour les auteurs. On a peur que la
récente résurrection cinématographique du pays ne durerait
pas longtemps car, à certaines reprises, les nouveaux films qui viennent
d'être produits et qui ne sont pas encore disponibles en salles de
cinéma peuvent être trouvés facilement dans certains coins
de Phnom Penh. D'ailleurs, le prix des produits contrefaits est normalement
beaucoup moins cher que celui des produits authentiques. Cette pratique est
attribuée à la perte colossale et la faillite de certains
producteurs. Même s'il y a la montée de
« raids » policiers contre ces pratiques illégales
notamment par le biais de la confiscation, on observe que ces atteintes ne sont
pas effectivement réduites.
Certains ont reproché au caractère bénin
des pénalités prévues par cette nouvelle loi. Pourtant, on
doit reconnaître qu'il s'agit plutôt de l'application infructueuse
de cette dernière, par les autorités publiques, qui pose des
problèmes et attire des critiques incessantes de la part du public.
Grâce à l'exemple du Cambodge, nous nous
apercevons que la seule existence juridique du droit d'auteur ne suffit pas
à assurer les intérêts de ces derniers. Il faut en outre
que leurs droits soient respectés sur le plan pratique et factuel par
toutes les couches sociales. D'ailleurs, nous constatons la différence
de natures des atteintes au droit d'auteur en fonction de situations
économiques et techniques de chaque pays.
§2. Sur le plan juridique
L'absence du droit d'auteur causerait un grand bouleversement
sur le plan juridique. Elle opérait avant tout la modification drastique
de certaines notions principales et classiques du droit en
général. Parmi ces domaines touchés, il faut mettre
l'accent sur les institutions de « la
propriété » et « la
personnalité », qui constitue le double élément
central de la philosophie de n'importe quel système juridique.
Premièrement, elle donnera lieu à une
restriction du champ d'application de la propriété en tant que
telle. Dès lors que les efforts intellectuels des auteurs ne sont plus
protégés, on reviendra spontanément à la notion
primitive de la propriété. Cela signifie, plus
précisément, que cette dernière ne concernera plus que des
biens corporels et tangibles. Certes, cette limitation de la notion de
propriété constituera un inverse à la tendance primordiale
de « dématérialisation » des biens. Depuis
quelques décennies, cette tendance, guidée et
développée par les membres de la doctrine et reconnue par la
jurisprudence, consiste à démontrer que la valeur
économique des biens incorporels ou intangibles est beaucoup plus
importante et plus stable que les biens corporels. C'est le cas notamment de la
clientèle (civile ou commerciale) ou du fonds de commerce.
Deuxièmement, la désinstitutionalisation du
droit d'auteur ou, plus simplement, l'inobservation des privilèges de
l'auteur équivaut également à une méconnaissance de
la personnalité de l'auteur sur ses oeuvres. Ce nouveau traitement sera
bien évidemment opposé à la théorie
lockéenne, portant le nom de John Locke, qui préconisa les
efforts du travail humain. Selon lui, « l'oeuvre est
l'émanation de l'auteur ». Par conséquent, il est
incontestable qu'existe un lien personnel très étroit entre
l'auteur et son oeuvre38(*). Cette théorie de base, justifiant des droits
moraux au profit de l'auteur, a été consacrée par
plusieurs législations nationales, surtout celles occidentales, en
matière de la propriété intellectuelle.
Nous pourrions estimer que l'abandon de jure du
droit d'auteur ne justifiera plus le maintien des autres disciplines juridiques
qui portent aussi sur la propriété intellectuelle. A cet
égard, il ne serait plus raisonnable de conserver les mécanismes
du brevet d'invention, de la marque, des dessins et modèles ainsi que
des appellations d'origine. De parler simplement, il s'agirait d'une abolition
définitive du code de la propriété intellectuelle.
D'ailleurs, nous sommes convaincus qu'il serait temps de cesser la
reconnaissance d'une valeur patrimoniale au profit du fonds de commerce,
valeurs mobilières (actions et parts sociales),
électricité... car ces biens sont également incorporels.
Les autres évènements que l'on pourrait
envisager à ce propos comprennent tout d'abord la disparition
automatique de certains instruments contractuels utilisés dans
l'exploitation de l'oeuvre de l'esprit, tels que le contrat de commande,
contrat d'édition, licence de reproduction ou de représentation
etc.
Nous noterons ensuite que les effets pervers résultant
d'une absence du droit d'auteur d'un Etat ne se limitent pas dans le cadre
national. Dès lors que les oeuvres d'un auteur ont vocation pour
l'instant à circuler au-delà de la frontière nationale,
nous croyons que l'impact se produira également sur les relations
interétatiques ou internationales. Si, par exemple, la France ne dispose
plus de législation protégeant les oeuvres de l'esprit, nous
somme certains que l'importation des produits littéraires et artistiques
des autres pays sera arrêtée car ceux-ci ne sont plus
rassuré de la garantie des intérêts de leurs
ressortissants. A cet effet, l'échange et le partage des
éléments culturels et loisirs d'un pays à l'autre
connaîtront de grands obstacles qui entraîneront finalement leur
impossibilité absolue. En plus, les rapports patrimoniaux et personnels
retenus dans le contexte du droit international, tant privé que public,
seront mis en cause.
De surcroît, nous remarquerons que les conventions et
les traités internationaux qui consacrent la propriété
intellectuelle notamment la Convention de Berne en 1886 ne peuvent plus
préserver sa logique et légitimité. Il faut avouer, en
considérant d'une mondialisation inévitable de la
quasi-totalité des domaines, que l'inexistence du système de
protection des auteurs dans un pays attribuera à son intégration
tardive au sein des Communautés régionales ou internationales. A
certaines instances, elle est la cause majeure de l'isolation du pays des
autres techniques généralisées.
Conscients de toutes ces conséquences susceptibles de
survenir, nous sommes alors incités à contempler des moyens
cruciaux pour prévenir un tel évènement
désastreux.
SECTION 2
Les solutions
Sans doute, l'Internet et le numérique font
naître de grandes menaces actuelles des intérêts et droits
de l'auteur, surtout ceux pécuniaires. Cependant, ils favorisent
considérablement l'évolution des activités
créatives. En plus, grâce à ces procédés
techniques, la diffusion et la réception des éléments
culturels sont beaucoup plus faciles, efficaces et rapides. Donc, on ne peut
pas écarter, de manière absolue, leur importance et existence du
système juridique afin de conforter uniquement les privilèges de
l'auteur. Par contre, les solutions les plus sages seront celles visées
à concilier la coexistence entre ces réalités sociales,
c'est-à-dire la numérisation et le droit d'auteur.
Cette idée a été bien comprise et
matérialisée par les députés français
pendant la construction de la fameuse loi DADVSI. Les dispositions de ce texte
dont le projet a été adopté le 21 mars 2006 sont
destinées essentiellement à sauvegarder la valeur du droit
d'auteur à l'encontre de puissants défis numériques. Le
texte apporte des nouveaux éléments nécessaires afin de
réaliser la neutralisation des effets numériques
(§1). D'ailleurs, nous constatons que parmi les solutions
soulevées dans le cadre de ladite législation, il existait au
moins une qui a été jugée relativement
« inappropriée» et, par conséquent,
rejetée. A dire vrai, c'était la tentative d'instaurer une
licence légale, connue sous nom très polémique de
« la licence globale »
(§2).
§1. La neutralisation des effets numériques
Historiquement, la loi DADVSI est décrite comme la
réponse, un peu tardive, de la France à l'exigence communautaire,
issue de la Directive du 22 mai 2001 portant sur « la harmonisation
de certains aspects du droit d'auteur et droits voisins dans les
sociétés de l'information » des Etats-membres. Cette
dernière fut, quant à elle, inspirée des deux
traités de l'OMPI du 20 décembre 1996 qui portèrent
également sur les problèmes du numérique.
L'objet principale de la loi DADVSI est bien entendu
d'entreprendre un « aménagement le plus large
possible» de diverses composantes numériques (B),
en mettant l'accent sur la lutte contre les téléchargement
illégaux et les partages illicites des oeuvres protégées
via P2P. Parallèlement, ce texte a fait ressorti les aspects
controversés de la notion de copie privée qui était,
depuis son établissement, le sujet très ambigu. Elle
nécessite donc un encadrement juridique pertinent et précis
(A).
A. L'encadrement de la copie privée
L'exception de copie privée est celle au droit
d'exploitation exclusif de l'auteur ou ses ayants droit. Prévue par
l'article L122-5, 2° du CPI, elle permet à un individu de
reproduire une oeuvre protégée et divulguée, sans
l'autorisation de son auteur, dans le cadre de l'usage strictement
privée du copiste et pas collectif. En contrepartie, les
bénéficiaires de cette exception doivent s'acquitter de la taxe
sur les supports numériques servant à la reproduction. Cela
signifie que la copie privée n'est pas « une
liberté gratuite ». Les recettes provenant de ladite taxation
constituent une rémunération au profit des auteurs ou ses ayants
droit pour réparer son « préjudice
légalisé ».
Nous constatons que, dès son instauration, la copie
privée est une notion énormément floue et comporte une
signification très vaste. A ce propos, nous pourrions nous interroger de
son étendue, sa nature, ses méthodes d'application etc. La
question se complique de plus lorsqu'elle porte sur une possibilité de
la copie privée par voie numérique. Donc, pouvons-nous fonder le
téléchargement d'un fichier de musique sur la copie
privée ? En s'appuyant sur les pures dispositions de l'article
précité, il nous paraît sans doute possible. Mais, si nous
admettons une telle possibilité, sans aucune restriction, il y aurait
beaucoup de conséquences regrettables vis-à-vis des auteurs. Il
nous convient donc d'en trouver immédiatement des solutions.
A cause de caractère imprécis de l'exception
légale, les juges ont connu des difficultés dans leur
décision, notamment l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du
10 mars 200539(*). Cet
arrêt faisant d'ores et déjà l'objet de nombreux
débats a été vivement critiqué pour avoir
relaxé le prévenu, poursuivi pour avoir
téléchargé ou copié de plus de 500 films, en se
fondant sur l'exception de la copie privée. Selon les parties civiles
(dont principalement le Syndicat national de l'édition vidéo
« SEV »), les juges n'ont pas cherché si le
téléchargement ou la copie effectué par le prévenu
portait sur les oeuvres dont la source est licite ou pas. A dire vrai, les
juges montpelliérains n'ont pas procédé à
déterminer si la copie en cause était faite sur l'original d'une
oeuvre ou via P2P. Cette décision a contredit celle, rendue le 2
février 2004, d'un tribunal de première instance qui a
condamné Alexis, un jeune, pour avoir téléchargé
illégalement sur le réseau P2P. En plus, elle a adopté une
position différente de celle du tribunal de grande instance de Paris
(jugement du 4 mai 2004) qui avait énoncé que « la
copie d'une oeuvre éditée sur support numérique peut
porter atteinte à son exploitation normale ».
De toute façon, nous ne pouvons pas reprocher
totalement aux juges de la cour d'appel de Montpellier car leur décision
a été évidemment rendue dans l'absence de précision
légale sur les problèmes du téléchargement et de la
copie privée. Il est donc indispensable que le législateur
intervienne.
L'alinéa 1er de l'article 8 du projet de la
loi DADVSI semble également en apporter une solution à sa
manière. Il prévoit que « l'auteur d'une oeuvre
autre qu'un logiciel, l'artiste-interprète, le producteur de phonogramme
ou de vidéogramme, l'entreprise de communication audiovisuelle peuvent
mettre en place des mesures techniques de protection des droits qui leurs sont
reconnus par les Livres Ier et II du CPI ». Cette
nouvelle possibilité consistant à limiter la copie de l'oeuvre
est ouverte également aux producteurs de base de données.
Grâce à une telle disposition, on pourrait tout d'abord se
demander pourquoi la liste n'inclut pas les éditeurs de logiciel. Aucune
réponse à cet égard n'est établie suffisamment.
Ensuite, la nouvelle mesure de protection est octroyée tant aux
titulaires du droit d'auteur que ceux des droits connexes. Cela est bien
justifié, d'une part, par le fait que la notion de copie privée
s'applique également aux oeuvres nécessitant la participation des
artistes-interprètes (ou exécutants), des producteurs de
phonogrammes et vidéogrammes et des entreprises de communication
audiovisuelle. D'autre part, on observe que les problèmes de copie
numérique affectent aussi considérablement ces titulaires.
D'après plusieurs bénéficiaires
habituels [les internautes] de l'exception, la mise en place des mesures
techniques de protection (MTP)40(*) telles que l'anticopie serait une massive atteinte
à la copie privée. De plus, certains d'eux n'ont pas
hésité à dénoncer la nouvelle loi comme celle
« liberticide » (par rapport aux libertés
d'expression et de jouissance culturelle). Leur contestation nous ferait songer
au caractère réel de cette fameuse exception. Nous nous
demanderons si la copie privée relève d'un droit ou une simple
exception, tolérée par le bon vouloir des auteurs ? Encore,
aucune réponse précise de la part du législateur ni celle
doctrinale ou jurisprudence n'est formée. Il faut noter, de
surcroît, qu'aucun texte international ne qualifie la copie privée
comme un droit ou autrement. Mais, la Directive du 22 mai 2001 a
évoqué « une faculté » liée
à l'exception.
Pour autant, cela ne signifie pas que l'exception de copie
privée est en voie de disparition sur le plan juridique si l'on examine
la suite de l'article 8 du projet la loi DADVSI. L'alinéa 2 de cet
article prévoit, quant à lui, que « les mesures de
protection doivent permettre au bénéficiaire des exceptions
prévues deuxièmement de l'article L122-5 et deuxièmement
de l'article L221-3 d'en jouir, lorsqu'il a un accès licite
d'oeuvre ». Or, que signifie l'accès licite ? Le
téléchargement fait-il partie de cet accès licite ?
Encore, la loi ne parvient pas à éclaircit ces points sensibles.
Elle ne précise ni énumère des formes de restrictions de
l'utilisation que les auteurs et ses ayants droit peuvent mettre en place.
D'ailleurs, elle s'abstient de déterminer les méthodes pour les
utilisateurs d'une oeuvre de se rendre compte des mesures protectrices
(notamment l'anticopie). Même si la question « est-ce que
la copie privée est une simple exception ou un
droit ? » ne soit pas définitivement résolue,
nous pouvons estimer que les mesures techniques de protections, quelque soit
leur forme, ne doivent pas supprimer totalement la faculté pour les
utilisateurs de faire la copie conformément aux règles
posées par les articles L122-5 et L221-3 du CPI. Notre idée est
bien sûr inspirée par certaines décisions judiciaires,
notamment celle de la Cour d'appel de Paris dans la fameuse affaire
« Mulholland Drive ».
En définitive, il nous paraît également
important de savoir si le nouvel encadrement de la copie privée
s'appliquera d'une même façon à tous les domaines de
l'oeuvre de l'esprit sans distinction. A défaut d'une précision
du nouveau texte, nous pouvons estimer qu'il concernera toutes sortes de
l'oeuvre régies par l'effet numérique. Cela signifie donc que les
MTP seront susceptibles d'être érigées analogiquement tant
pour un fichier musique ou vidéo-film que pour un article journal
affiché sur le Web. Mais, si l'on analyse un peu plus soigneusement des
différents buts et avantages de chaque oeuvre pour le public, on serait
convaincu que les limitations techniques ne doivent pas être de la
même nature. A dire vrai, on doit assouplir, à titre d'exception,
la rigidité des MTP pour certains éléments qui comporte
l'importance éducative, d'enseignement ou de recherche etc. Ainsi,
l'accès à une oeuvre par des étudiants, dans le cadre de
leur étude ou recherche, devrait être facilité et la copie
privée devrait pouvoir se réaliser avec moins de restrictions.
Bien que le dernier alinéa de l'article 8 du projet en
question confie la protection de l'exception aux juges, cela ne pourrait pas
constituer une bonne solution. Autrement dit, la décision qui est
tributaire du pouvoir souverain des juges ne suffira pas à
résoudre les problèmes de la copie privée dans le contexte
actuel. Il faut, en revanche, avoir recours essentiellement aux dispositions
législatives comme le fondement le plus stable et le plus solide.
A part la question de copie privée, nous devons
également envisager des solutions pour lutter contre les autres menaces
numériques.
B. La gestion du numérique
Avec l'adoption du projet de la loi DADVSI, la France a
rattrapé finalement son retard en matière de numérique, en
vue d'aligner son système de droit d'auteur sur la ligne communautaire
et internationale. Pourtant, le nouveau texte ne semble pas assez audacieux de
résoudre, à titre définitif, des problèmes
liés à l'Internet et au numérique. A cet effet, nous
constatons que, outre la question de copie privée, les menaces des
téléchargements illégaux et de la diffusion des oeuvres
protégées via des réseaux P2P persistent.
En ce qui concerne les téléchargements, comme
nous avons su, les difficultés sont dues principalement au
caractère imprécis de la copie privée (supra).
Même si la nouvelle loi ait reconnue officiellement la mise en place des
mesures techniques de protection (MTP) sur des supports d'oeuvre, cela
n'empêcherait pas effectivement des téléchargements qui
deviennent maintenant de plus en plus redoutables. Bien sûr, le recours
au mécanisme anticopie ou verrouillage des éléments
affichés sur l'Internet va résulter dans la diminution de
téléchargement ou copie « sauvage » ou,
encore, « excessive ». Mais, en même temps, nous
sommes persuadés de croire qu'il y aurait des nouvelles pratiques qui
consistent à « casser » ces systèmes
protecteurs. A dire vrai, certains individus que l'on baptise
« hackers » s'efforceront de faire usage d'autres
moyens plus modernes afin d'infiltrer dans le contenu des oeuvres ainsi
protégées et les usurper.
A l'encontre de ce phénomène, la nouvelle
législation a prévu un corpus des peines, qualifiées
plutôt « graduées » [par rapport aux celles
initialement proposées] (supra, « la sanction du droit
d'auteur » Chapitre I). Désormais, nous constatons que
les hackers qui piratent une oeuvre en brisant son système de protection
seront condamnés d'une amende de 3 750 euros. Pour ceux qui
détiennent ou simplement utilisent un logiciel anti-cryptage, la peine
applicable est l'amende de 750 euros. En particulier, les personnes, morales ou
physiques, qui fournissent des moyens destinés à contourner le
cryptage des oeuvres, elles seront punies de 6 mois d'emprisonnement et
30 000 euros. Et, en définitive, celui qui commercialise un
logiciel servant de piratage s'écopera d'une peine de 3 ans et de
300 000 euros.
Quant au partage des fichiers protégés par
l'intermédiaire de réseaux P2P, il est sans doute illicite et
constitue une contrefaçon au sens du CPI, comme l'a remarqué
Philippe ROCHETEAU dans son article intitulé « Peer-to-Peer et
copie privée », publié le mercredi 13 juillet 2005 sur
le www.zdnet.fr. La raison est que, comme on a vu, le consommateur dispose
seulement de droit de propriété sur le support de l'oeuvre, et
pas sur le contenu de cette dernière. La propriété du
contenu de l'oeuvre appartient toujours à l'auteur ou ses ayants droits.
Dans ce sens, nous pouvons estimer que l'acheteur d'un CD ou DVD ne peut pas
mettre l'oeuvre dans le circuit P2P pour que cette dernière soit
téléchargeable par des autres internautes. A cet égard, le
projet de la loi DADVSI inflige une amende de 150 euros à l'encontre des
individus qui ont partagé ainsi une oeuvre, quel quoi soit son mobile.
De même, pour ceux qui reçoivent ou téléchargent,
même de manière occasionnelle, un fichier publié sur la
plate-forme P2P, ils seront sanctionnés d'une amende de 38 euros.
En examinant l'ensemble des pénalités
ci-dessus, nous pouvons déduire en premier lieu que le
législateur les a organisés en tenant compte de leur
gravité et leur caractère dangereux à l'encontre des
intérêts de l'auteur. En second lieu, certains actes reprochables
sont légèrement condamnés, notamment le fait de
télécharger une oeuvre par P2P. Cette bénignité de
peine est expliquée par l'intention du législateur qui souhaite
en fait « une répression d'exemplarité »
[plutôt que celle systématique]. Une telle position
législative connaît à la fois des soutiens et des
oppositions. Pour le camp des partisans, le téléchargement
illégal représentant la plus grande atteinte actuelle aux oeuvres
de l'esprit est exercé par de milliers de ménages
français. Donc, la lutte contre la pratique ne peut pas s'effectuer par
la sévérité traditionnelle des armes pénales.
Autrement dit, si l'on applique strictement des dispositions relatives à
la contrefaçon, il y aurait à l'évidence une énorme
« inflation des délinquants ». Il faut
procéder à une répression qui a pour rôle
plutôt éducatif, mais qui se déroule fréquemment. A
l'inverse, pour ceux qui sont hostiles à la clémence des
nouvelles peines, le montant de 38 euros [pour le téléchargement
illégal] ou celui de 150 euros [pour la mise à la disposition
illégale] ne produira aucun effet contraignant à l'envers des
internautes. De plus, les situations seront aggravées si la mise en
place des telles sanctions n'est pas faite régulièrement. Selon
eux, les peines auraient du être suffisamment dissuasives à
l'égard des utilisateurs des P2P. De toute façon, ils n'arrivent
pas eux-mêmes à indiquer comment une peine serait
« suffisamment dissuasive ».
Concernant même lesdites peines, nous pourrons nous
demander si elles s'appliquent à chaque acte de violation ou à
l'ensemble des actes effectués par un internaute poursuivi. C'est le
cas, par exemple, où un individu a téléchargé
illégalement une fois par rapport à un autre qui l'a fait pour
plusieurs fois. Est-ce que l'amende de 38 euros s'applique à ces deux
personnes de la même manière ? Sur le plan logique,
« celui qui commet deux faute doit être puni plus lourdement
que celui qui ne commet qu'une faute ». Pareillement, sur le plan
pénal, la répétition habituelle ou la pluralité des
infractions commises par un individu constitue « une circonstance
aggravante » qui justifie ses sanctions plus sévères.
Il nous paraît donc injuste de constater que l'amende de même
montant serait applicable indifféremment à ces deux personnes.
Toutefois, en silence de la loi DADVSI sur ce point, nous devons
dépendre encore une fois de décisions judiciaires.
En particulier, Xavier GREFFE a proposé la mise en
place une série des amendes en fonction de la valeur des oeuvres
protégées qui sont téléchargées gratuitement
par des internautes41(*).
Selon lui, si le montant d'amende est moins cher que le coût réel
d'une oeuvre téléchargée ou copiée
(illégalement), l'utilisateur préférerait plutôt
contrevenir à la loi. Par contre, si l'amende est équivalente au
ou plus élevée que le prix de l'oeuvre, l'utilisateur serait
naturellement dissuadé de la pratique illicite. Nous constatons que les
idées de M. GREFFE sont assez intéressantes dans la mesure
où elles ont tenté de rendre l'incrimination, en la
matière, « flexible » et
« équitable ». De toute façon, il n'a pas non
plus répondu à la question d'un éventuel cumul des amendes
en cas de pluralité des mêmes actes illégaux.
Etant donnée les récents progrès
techniques, nous nous rendons que la gestion du numérique ne
relève pas d'une tâche facile. Des difficultés en la
matière ne cessent à se multiplier dès lors qu'il s'agit
d'une question universelle. De surcroît, il semble inévitable que
des nouvelles mesures envisageables pour bien administrer le numérique
soient, peu ou prou, contradictoires à certains droits et
libertés des utilisateurs de l'oeuvre de l'esprit. Cependant, nous
devons accomplir cette « mission » cruciale afin d'assurer
la survie du droit d'auteur.
Le projet de la loi DADVSI, qui sera examiné par le
Sénat à partir du 4 mai 200642(*), se borne à reconnaître au profit des
auteurs et leurs ayants droit une faculté de recourir aux MTP, sans
néanmoins préciser des formes ou des procédures de
celles-ci. En fait, le texte sera perçu comme une confirmation
officielle de la part du législateur français pour ce qui a
été pratiqué en effet depuis un peu longtemps. Plus
précisément, avant le 21 mars 2006, certains producteurs ou
éditeurs ont déjà fait usage de mécanismes
techniques tels que le cryptage et l'anticopie pour protéger leurs
oeuvres commercialisées contre des attaques brutales. C'est le cas
notamment où les CD ou DVD mis en location sont impossibles d'être
copiés, même à titre d'usage privé du locataire.
Dans l'ensemble, nous constatons que le système de protection
conçu par le nouveau texte du droit d'auteur a pour vocation
plutôt « préventive ». A cet égard,
nous pourrions nous interroger si ces mesures préventives sont
adéquates en elles-mêmes pour pallier au problème actuel de
téléchargements illégaux et de P2P.
Certes, le projet de la loi DADVSI a prévu un certain
nombre des peines à l'encontre de violations des MTP. Mais, comment
peut-on savoir qu'il existe un comportement préjudiciable aux droits de
l'auteur ? La réponse semble puiser sa source dans le contexte des
MTP elles-mêmes. A dire vrai, la puissance des MTP doit permettre
également à l'auteur ou ses ayants droits de déceler tout
acte contrevenant. D'où vient une idée de mettre en place des
« procédés techniques de détection des atteintes
et d'anti-déformation injustifiée des oeuvres ». En
réalité, après quelques amendements, ledit projet de loi
semble beaucoup favorable à ces procédés dans le cadre des
MTP. Or, le texte n'en établit pas non plus une liste. Par
conséquent, il nous convient de déterminer des formes qu'ils
pourraient prendre et leur déroulement.
Comme indique leur appellation, ces MTP devraient, en premier
lieu, avoir pour finalité de détecter un acte de
téléchargement illégal ou de piratage, exercé sur
une oeuvre. En second lieu, elles devraient être aussi en mesure
d'enregistrer toutes les informations concernant la mutilation ou la
modification injustifiée de l'oeuvre par des utilisateurs. Ce double
volet de mesures devrait s'exercer tant sur les supports d'oeuvre (notamment
DVD) que sur le réseau d'Internet. Mais, le problème se pose tout
d'abord est de savoir comment on peut le faire sur des CD ou DVD vendus. Sur le
plan pratique, il est absolument impossible. De toute façon, si l'oeuvre
contenue dans un DVD acheté est altérée et mise à
la disposition des autres utilisateurs de l'Internet, il faudrait un
mécanisme qui permet d'identifier l'acte afin d'engager la
responsabilité du propriété de ce support. Ensuite, le
système détecteur des atteintes en cause ne rencontrerait pas
beaucoup de difficultés si des actes ont été commis par
l'internaute chez lui. A contrario, si les actes sont commis dans un magasin de
service Internet, nous aurions du mal à les découvrir.
Techniquement, on peut savoir qu'un Internaute télécharge une
oeuvre par le biais de l'ip43(*) de l'ordinateur qu'il est en train d'utiliser.
Toutefois, cela n'est plus facile si l'internaute est assez prudent de changer
régulièrement d'un poste à l'autre ou, dans certain cas,
d'un magasin à l'autre. Face à cette pratique maligne, il est
incontournable de renforcer des collaborations entre l'autorité publique
et le fournisseur de service d'Internet. Plus précisément, ce
dernier doit être obligé d'assister l'autorité
compétente dans le processus d'indentification de l'auteur de
téléchargement illicite ou de piratage. A cet effet, il doit
fournir des informations nécessaires relatif à l'acte
illégal, telles que la date où ce dernier a eu lieu ou encore
l'ampleur des oeuvres téléchargées etc. Outre
l'intervention des fournisseurs de service d'Internet, on devrait chercher
également celle des propriétaires de Web ou serveur à
travers lequel l'oeuvre est piratée ou téléchargée.
De surcroît et le plus essentiellement, il faut que les
propriétaires ou administrateurs privés de magasin de service
d'Internet jouent un rôle plus actif dans l'opération en cause.
Leur participation serait sans doute déterminante dans la
réduction de téléchargements ou pirateries des oeuvres de
l'esprit puisque ces agissements illicites sont effectués le plus
souvent auprès d'un « Internet Shop ».
Une fois qu'un acte de téléchargement
illégal soit diagnostiqué, on appliquera l'amende de 38 euros
brusquement ? Etant donnée que le législateur tente
plutôt d'exemplifier chaque sanction, certains proposent une
procédure extrêmement tolérante dans la mise en place de
cette peine pécuniaire. A dire vrai, lorsque le système a
détecté un acte de téléchargement, on doit tout
d'abord avertir l'internaute des conséquences juridiques qu'il subirait
s'il poursuit l'acte, par voie d'un courriel électronique ou d'une
lettre recommandée ou d'autres moyens, notamment un signal particulier.
Ensuite, après ledit avertissement, s'il ne l'arrête pas, on peut
appliquer sans hésitation la peine. A titre de remarque, cette mesure
spécifique présenterait un intérêt incontournable
car elle fait part à l'internaute que ses actes illégaux
n'échappent jamais à l'attention de la loi. Pourtant, pour ceux
qui soutiennent des mesures « musclées »
vis-à-vis de téléchargements illégaux, le
procédé d'un avertissement préalable et une somme
dérisoire de l'amende constitueront « une double
souplesse » inutile et, par conséquent, ne pourraient pas
supprimer des violations.
Eu égard à l'enjeu des MTP, si elles sont
définitivement autorisées [bientôt] par la loi, nous sommes
certains que leur fonctionnement serait confronté aux deux grands
défis. Premièrement, le dispositif des MTP devrait être
capable de résoudre tous les problèmes issus de l'Internet. Or,
l'Internet est sans doute un phénomène universel. Donc, comment
peut-on protéger l'intégrité d'une oeuvre française
contre des atteintes d'origine étrangère ? De même, en
bilatéralisant la question, comment on est en mesure de contrecarrer
l'atteinte d'un Internaute français à l'encontre d'une oeuvre
étrangère ? Certes, pour réaliser l'objectif, il faut
que les MTP soient internationalisées. Cela supposera des
coopérations plus étroites entre les pays dont les oeuvres font
l'objet des violations. Même si les deux traités de l'OMPI du 1996
ont prévu d'une «
profonde harmonisation » des législations des Etats
membres en matière numérique, cela ne suffit pas exactement
d'assurer et encourager la création intellectuelle. Il faut donc
procéder aux autres procédés complémentaires, tels
que :
- la création d'une police nationale de l'Internet dont
la mission est de surveiller, d'une part, le bon usage de la technique par les
internautes et, d'autre part, la proportionnalité des MTP. De
même, sur le plan international, une institution de police
spécialisée en la matière deviendrait indispensable.
- Le partage régulier des informations entre des pays
à propos de dernières techniques avancées de l'Internet et
la numérisation. Cela permettra une prévention plus efficace des
nouveaux dangers que présentent les internautes.
- La coopération transfrontalière, civilement et
pénalement, pour lutter contre des téléchargements
illégaux qui portent atteintes à la sécurité
commune de deux ou plusieurs Etats.
Deuxièmement, il s'agirait de respecter un minimum des
droits et libertés des utilisateurs de l'oeuvre, soumise à chaque
composante des MTP. Certainement, les techniques de cryptage, de verrouillage
et d'autres similaires, portant sur une oeuvre, dont l'usage est
justifié par l'intérêt des auteurs constituent une
« entrave » à l'accès et la jouissance des
consommateurs. Dans un sens plus large, c'est le public qui voit leur droit
à l'information et aux loisirs culturels diminuer. Plus gravement, c'est
la possibilité que les auteurs ou leurs ayants droit exercent le
contrôle de plus en plus vigilant sur l'usage des oeuvres par un
particulier. Cela porte atteinte indéniablement à un certain
nombre des droits fondamentaux des consommateurs, notamment le droit au respect
de la sphère privée et celui de l'intimité privée.
Naturellement, les internautes ne supportent guerre le fait que le contenu des
éléments qu'ils consultent sur Web soit sous surveillance, quel
que soit le motif de cette dernière. Donc, il serait absolument
important de concilier la pratique des MTP et les droits des utilisateurs de
l'oeuvre. A cet égard, il faut que la mise en place de chaque mesure
protection soit soumise à un ensemble des procédures
précises et strictement vérifiées. Dans le même
contexte, nous pouvons envisager un rôle plus actif de certains
organismes publics et privés. C'est le cas par exemple où les
responsables de MTP sont obligés, avant de mettre en place une mesure
technique, de consulter essentiellement des avis de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés (CNIL) et ceux des associations de
consommateurs.
La dernière question relative à la gestion du
numérique serait de savoir le sort des réseaux P2P après
l'adoption définitive du projet de la loi DADVSI. Cette dernière,
dans sa version actuelle, semble fortement défavorable au
caractère intermédiaire des P2P qui facilitent l'échange
illégal des titres protégés par le droit d'auteur et les
droits voisins. L'antagonisme du texte à cet égard est
témoigné par la condamnation à l'encontre des
éditeurs de logiciels servant à effectuer des
téléchargements illégaux44(*). Il faut noter que l'attitude anti-P2P n'est pas
discernée uniquement en France. A l'inverse, on constate un nombre
croissant des pays qui s'opposent aussi à l'épidémie de
P2P. Ce nouveau mouvement a eu lieu, dans de divers formes, notamment aux
Etats-Unis45(*) et, plus
récemment, en Suisse et en Belgique où les autorités de
ces deux nations européennes ont fermé le serveur
« eDonkey », l'un des plus grands P2P sur
Internet. De toute façon, nous devrions prendre en compte deux sortes de
situations avant de décider « une certaine
position », en ce qui concerne l'existence des P2P.
Premièrement, la lutte contre l'incident P2P serait
considérablement difficile puisque la plupart de ces logiciels sont
créés et installés en dehors du territoire
français. En plus, certains éditeurs de tels appareils sont des
personnes physiques qui savent dissimuler habilement leur identité.
Dès lors, un système de coopération international en la
matière devrait être instauré impérativement.
Deuxièmement, il est compréhensible que les P2P comportent
néanmoins certains traits positifs pour l'évolution culturelle
que l'on ne peut pas ignorer. Cela s'explique par ses fonctions
d'échange des éléments intellectuels, tant licites
qu'illicites. Donc, pourquoi on ne légaliserait pas des P2P qui
permettent aux internautes de jouir raisonnablement des oeuvres libres de la
protection du droit d'auteur, notamment celles tombées dans le domaine
public ?
Hormis l'encadrement de copie privée et la gestion du
numérique, nous sommes intéressés spécifiquement
à une autre solution qui a été proposée dans le
cadre du projet de la loi DADVSI. Il s'agit plus précisément de
question d'une « licence globale » qui n'existe plus pour
l'heure.
§2. La licence globale
Avant le vote définitif du 21 mars 2006, le projet de
la loi DADVSI avait fait l'objet de nombreux amendements parmi lesquels
était soulevée imprévisiblement la question d'une licence
globale46(*). Ce
mécanisme, étant annoncé par ses artisans comme une bonne
remède aux périls de téléchargement illégal
et des P2P, a constitué un sujet massivement sensible et
médiatisé pour plusieurs mois. Son introduction dans le texte
original47(*) était
une grande contrariété au but recherché par ce dernier. A
l'expliquer, la licence globale est différente des autres solutions du
texte dans la mesure où elle consisterait à légaliser des
libres échanges de titres culturels via réseaux P2P, en
contrepartie de versement d'une certaine redevance aux auteurs et leurs ayants
droit.
S'étant finalement soldé par un
« enterrement » total, le mécanisme de licence
globale a présenté toutefois un enjeu discutable
(A) car il a suscité deux courants
hétérogènes entre les personnes qui créent l'oeuvre
et celles qui en bénéficient. Son rejet n'est pas dû
uniquement à son défaveur financier, mais en même temps,
aux autres rasions d'impraticabilité
(B).
A. L'enjeu de la licence globale
La première remarque que nous pourrions faire à
propos de la licence globale est que celle-ci n'a pas pour effet de supprimer
l'ensemble des règles de droit d'auteur ni celles des droits voisins.
Plutôt, elle en serait simplement un élément
complémentaire. De toute façon, celui-ci serait susceptible
d'affecter profondément la structure traditionnelle des droits et
privilèges de l'auteur et ses ayants droits. La seconde est que la mise
en oeuvre de cette licence exigerait le support des réseaux P2P.
Autrement dit, elle se fonde entièrement sur la technique des P2P pour
être applicable. Par conséquent, nous pourrions estimer que le
système P2P se doterait d'un statut légal. La troisième et
la dernière repose sur le caractère unique de la licence globale
qui n'existerait qu'en France. Jusqu'à l'heure actuelle, aucune
législation étrangère ne reconnaît ni instaure un
système tellement généreux [envers les internautes].
Dans sa pure formule, la licence globale ferait aussi partie
des contrats d'exploitation des oeuvres de l'esprit. Mais, elle revêt un
trait spécifique par rapport aux autres actes classiques. A cet effet,
elle se distingue des licences ordinaires dans la mesure où les
licenciés, qui agissent en tant qu'intermédiaires de la
jouissance de l'oeuvre [dans le cadre des relations entre l'auteur et les
consommateurs], seront des consommateurs eux-mêmes. Pour les logiciels
P2P, ils assureraient le prélèvement de frais d'usage
auprès des internautes [licenciés] utilisant leur serveur et les
versent ultérieurement aux auteurs. D'ailleurs, contrairement aux autres
systèmes d'abonnement qui permettent à leurs adhérents
[abonnés] de bénéficier des avantages spécifiques
et limités48(*), la
licence globale autorisait aux internautes de télécharger, de
manière illimitée pour une certaine période49(*), toutes sortes des
éléments (films, musiques, documents, logiciels...) disponibles
par le biais du P2P. A titre de rappel, le P2P n'héberge ni stocke
lui-même des oeuvres téléchargeables. Au contraire, il sert
simplement d'un intermédiaire de l'échange des oeuvres entre les
internautes.
Il faut avouer que l'instauration légale de la licence
globale constituerait une immense révolution dans le contexte actuel.
Mais, elle a pour effet positif ou négatif à l'égard du
droit d'auteur ? En plus, garantit-elle l'équilibre des
intérêts de l'auteur et ceux de consommateurs ?
Indubitablement, la licence globale serait le bienvenu chez
les consommateurs. Ils s'apprêtent à payer un certain montant,
sous forme de forfait spécial, pour télécharger librement
des oeuvres. Ils iraient opter pour le système de licence globale car
celui-ci leur offre un bon nombre d'avantages. Ce qui est le plus important est
que les internautes ne s'inquiètent plus d'une peine pour
téléchargement illégal ou piratage.
Une vive opposition à ladite licence a
été explicitement aperçue à l'inverse dans le
milieu des auteurs et artistes-interprètes. Selon eux, le fait de
permettre aux internautes de télécharger librement des oeuvres,
en contrepartie d'un paiement modique, ne répare pas le préjudice
qu'ils subissent sur le plan pécuniaire. Par contre, il aggravera
profondément leur perte des revenus. D'ailleurs, certains artistes,
notamment Johnny HALLYDAY, ont dénoncé le nouvel instrument
juridique envisagé comme « légalisant le vol des
oeuvres intellectuelles ». M. HALLYDAY a poursuit que
« le téléchargement illimité, contre un
paiement mensuel de 10 ou 20 euros, va tuer le travail des
artistes ». Cette même idée a été
aussi partagée par DIAM'S et CALOGERO qui se sont prononcés
fortement contre la licence globale50(*)
Nous constatons que la détermination d'un
« montant périodique » que les internautes
s'engagent à payer aurait constitué un des problèmes
majeurs dans la mise en place éventuelle de licence globale. Faut-il
combien pour être satisfaisant et équitable, tant pour
auteurs/artistes-interprètes que pour les internautes ? 10 ou 20 ou
100 euros par mois ? Aucune réponse n'est établie à
ce propos suffisamment. Normalement, un internaute se livre au
téléchargement illégal, en risquant d'être
condamné, parce qu'il sait que l'acte est gratuit. Mais, il
préfèrerait payer une petite somme afin de ne pas s'exposer aux
sanctions liés à ses actes illicites. Donc, pour être
séduisante, le système de licence globale devrait exiger un
montant moins élevé de la part des internautes
intéressés. En particulier, pour les auteurs et les
artistes-interprètes, la médiocrité de somme est
évidemment inconcevable. Comment pourrait-on accepter une redevance
mensuelle de 10 ou 20 euros de chaque internaute qui télécharge
autant plus de fichiers qu'il souhaite. En plus, selon eux, même si le
montant mensuel serait un peu important, par exemple 100 euros par mois, cela
ne signifie pas que leur intérêt est équilibré
convenablement. C'est le cas notamment où un internaute très
actif télécharge plus de 100 filmes par mois. On se demanderait
donc si la facture de 100 euros pour 100 films relève d'une mesure
raisonnable.
Les conséquences que l'on pourrait attribuer à
une mise en place de la licence globale ne sont pas négligeables. Tout
d'abord, elle encouragerait un développement inédit des logiciels
P2P, tant gratuit qu'onéreux. A cet égard, il serait fortement
évident que les éditeurs de ces techniques les améliorent
au fur et à mesure afin de retenir leur compétitivité.
Ensuite, il y aurait un changement radical de l'attitude des consommateurs en
ce qui concerne la jouissance des oeuvres de l'esprit. Plus
précisément, la plupart d'eux préfèreraient faire
usage de l'Internet pour acquérir une oeuvre
téléchargée, plutôt que celle achetée
à la maison de disques. Cet évènement va résulter
également dans la baise des autres revenus d'une oeuvre, notamment ceux
issus de la représentation aux cinémas. Enfin, le
mécanisme de licence globale entraînerait indirectement
l'augmentation des actes de piratage.
B. L'impraticabilité de la licence globale
Outre l'impossibilité dans la fixation d'un montant
équitable, il existe d'autres motifs qui ont été
avancés en vue de justifier le rejet du mécanisme de la licence
globale. Ces motifs sont liés tous à une complexité
insurmontable.
Premièrement, il s'agit de modes et procédure
de la répartition des redevances. Comment peut-on distribuer les
recettes réalisées dans le cadre de licence globale ?
Dès lors que les téléchargements s'effectuent par voie de
serveur P2P, il serait juste que les administrateurs de celui-ci puissent en
réclamer une partie. Cependant, le véritable problème
réside dans la détermination des auteurs et
artistes-interprètes qui peuvent se faire attribuer une portion de tels
bénéfices ? Est-ce que les auteurs dont les oeuvres ne sont
pas intéressés par des internautes ou sont
téléchargées moins fréquemment que les autres
peuvent obtenir une rémunération équivalente à ces
derniers ? A cet égard, nous croyons qu'il y aurait
inéluctablement le conflit des intérêts entre ces
titulaires du droit de propriété intellectuelle. Cela
nécessiterait préalablement « un compromis »
entre les auteurs. Au surplus, il serait indispensable de créer un
organisme qui s'occuperait de percevoir et répartir l'ensemble des
redevances de la licence globale.
De même, la licence globale s'appliquant tant aux
oeuvres nationales que celles étrangères, nous nous demandons si
les auteurs de ces dernières peuvent participer à ladite
répartition. Il faut rappeler que, selon plusieurs indications, les
oeuvres qui ont été téléchargés via P2P, en
France, sont aussi des films et musiques étrangers, surtout ceux
américains. Par conséquent, en cas d'un partage des revenus, il y
aurait des litiges qui sont beaucoup plus difficiles à trancher car ils
relèvent d'une question internationale.
Deuxièmement, la licence globale « à
la française » constituerait un paradoxe de la position
universelle actuelle en matière de protection des droits d'auteur et
ceux des artistes-interprètes. La mise en oeuvre du système d'une
telle licence par la France ne correspond à l'exigence communautaire ni
celle internationale qui souhaitent le rôle prédominant des MTP
dans la protection des créations intellectuelles. En plus, certains
estiment que la licence globale, si elle aurait été
adoptée, symboliserait un énorme échec du gouvernement
dans la lutte contre le piratage et les téléchargements
illégaux.
Heureusement, la proposition critiquable de licence globale
n'abouti pas. Elle a été finalement abandonnée au profit
de la politique plus adaptable des MTP, en raison de ses vocation et
démarche illogiques. Autrement dit, eu égards à toutes les
circonstances actuelles, ni P2P ni licence globale constituent une bonne
réponse aux inquiétudes des activités de créations
intellectuelle.
Conclusion
En dépit de contraintes techniques, le droit d'auteur
subsiste encore fermement en tant que composante immanquable du droit positif
actuel de chaque Etat. Il n'a ni succombé à la domination de
l'Internet ni aux effets répandus du numérique. Par contre, le
système juridique de protection des droits de l'auteur a comblé,
de manière très flexible, toutes ses lacunes, engendrées
par lesdites techniques. Ces dernières étant impossibles à
être refusées de la réalité sociale, il faut
procéder plutôt à une adaptation opportune et
régulière des éléments du droit d'auteur. Nous
remarquons que des multiples réformes en la matière, en fonction
d'évolution scientifique et technique, ont été entreprises
non seulement dans le cadre national, mais également pour des relations
internationales.
Dans ce même contexte, la France démontrerait,
avec l'imminente adoption du projet de la loi DADVSI, que son système
modèle du droit d'auteur demeure intact et conserve toujours sa
philosophie, malgré l'attaque sauvage du numérique. En
écartant l'absurde conception de licence globale, le texte a
décidé de reconnaître, en faveur des auteurs,
artistes-interprètes et leurs ayants droit, une faculté,
autrefois controversée, de mettre en place des diverses
procédés techniques afin de protéger leurs oeuvres contre
des violations d'origine numérique. De plus, pour assurer
l'efficacité de ces MTP, il a instauré un assortiment des
pénalités bien structurées qui aurait vocation à
réprimer certains agissements dangereux des individus consommateurs de
l'oeuvre, surtout les téléchargements illégaux par P2P.
Nous constatons que la nouvelle législation constituerait la
première étape que la France devrait franchir afin de voir
survivre leur système du droit d'auteur dans l'environnement
numérique actuel. De toute façon, cela ne suffit pas. Il faut
qu'elle mette en oeuvre, de surcroît, des autres règles
importantes, notamment un régime juridique des logiciels P2P.
Contrairement à certains arguments
égoïstes, la loi DADVSI n'aurait pas pour but de réduire, de
manière injuste, des avantages dont les internautes
bénéficient pour l'heure de l'Internet et de la
numérisation matérielle. Au contraire, il s'agit lucidement d'une
nouvelle politique du législateur français qui entreprend de
rééquilibrer les intérêts de l'auteur et ceux des
consommateurs, voire des internautes. On ne peut plus admettre la pratique
excessive des internautes, sous couvert de certaines exceptions légales,
de menacer et de fragiliser la logique des créations intellectuelles.
D'ailleurs, en attendant la promulgation de la plus
controversé loi [DADVSI], nous restons constamment attentif aux mesures
que le législateur doit prendre afin de résoudre certains
d'autres problèmes tels que le statut des « logiciels
libres » et, encore plus essentiellement,
« l'interopérabilité » des oeuvres musicales
sur les différents supports numériques [il s'agit surtout les
fichiers téléchargés de l'iTune d'Apple
qui ne sont pas compatibles avec les autres lectures].
Les expériences indésirables que certains pays
ont d'ores et déjà connues nous enseigneront le rôle
cardinal du droit d'auteur dans une société. En plus, nous sommes
convaincus que les problèmes qui inquiètent le travail de
l'esprit varient selon des circonstances propres de chaque pays. De toute
façon, nous devrions accepter, de manière unanime, que
l'état de technique constitue un facteur fondamental de toutes
distinctions. D'ailleurs, la seule présence d'un texte concret et formel
du droit d'auteur ne signifie pas que son respect soit garanti automatiquement
en pratique. Autrement dit, nous devrions apprécier l'existence du droit
d'auteur d'un pays en s'appuyant tant sur l'apparence juridique que sur des
divers faits réels. A cet égard, il nous paraît raisonnable
de nous nous interroger quel est l'intérêt de faire une
distinction entre « l'absence matérielle du droit »
et « le non respect du droit existant ».
En bref, nous pouvons estimer que, outre l'influence
technique, la conciliation entre les intéressés d'une oeuvre de
l'esprit demeurait toujours la formule de base, utilisée par le
législateur, dans le processus perpétuel de façonner le
droit d'auteur. Le faveur, moins ou plus, dont ce dernier présente au
profit des auteurs ou, dans le cas contraire, des utilisateurs varie de temps
en temps en fonction des différentes situations
imprédictibles.
A l'extremis, nous aurions l'impression que le propos
« un monde sans droit d'auteur » soit une simple phrase,
attachée à un évènement imaginaire, et ne
reflète aucune réalité d'aujourd'hui. De toute
façon, si nous approfondissons un peu plus nos pensées, il semble
qu'il serve d'un message nous avertissant d'une approche, de plus en plus
probable, d'une telle situation surprenante. Par conséquent, nous
devrions adopter dès maintenant de nouvelles attitudes
appropriées envers la sphère des créations
intellectuelles. Sinon, rien n'empêcherait qu'un tel monde soit de
réalité de demain.
***********
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Eléments de Bibliographie
* Ouvrages généraux
- TAFFOREAU P., Droit de la propriété
intellectuelle, Gualino éditeur, 2005
- LINANT de BELLEFONDS X., Droit d'auteur et droits
voisins : propriété littéraire et artistique,
Encyclopédie Delmas pour la vie des affaires, Delmas, 1997
- GEIGER C., Droit d'auteur et droit du public à
l'information, Litec, 2004
- POLLAUD-DULIAN F., Le droit d'auteur,
Economica, 2005
- LINANT de BELLEFONDS X., Droit d'auteur et droits
voisins, Dalloz, 2002
- LUCAS A., Droit d'auteur et numérique, Litec,
1998
- GREFFE X., L'économie de la
propriété artistique, Economica 2005
- BERTRAND A., Le droit d'auteur et les droits voisins,
Dalloz 2è éd., 1999
- GAUTIER P.Y., Propriété littéraire et
artistique, PUF 3è éd. mise à jour,
1999
- BAETENS J., Le combat du droit d'auteur, Les
impressions nouvelles, 2002
- MALABAT V., Droit pénal spécial, Dalloz
2002
- Commercial laws and intellectual property rights law
(vol.1), Ministère de commerce du Cambodge, 2004
- CORNU M., De LAMBERTERIE L., SIRINELLI P. et WALLAERT C.,
Dictionnaire comparé du droit d'auteur et du Copyright, CNRS
éditions, 2003
- Dictionnaire universel francophone, Hachette, 1997
- Lexique de termes juridiques, Dalloz
8è ed., 1970
* Codes
- Code de la propriété intellectuelle
- Code civil
- Code de la procédure civile
- Code pénal
* Périodiques et revues
- Petites affiches
- La Semaine juridique
- Revues de l'OMPI
- Métro (journal)
- LyonPlus (journal)
- 20 Minutes (journal)
- Le Point (magazine)
* Sites Web
- www.inpi.fr
- www.ompi.org
- www.sacem.fr
- www.sacd.fr
- www.legifrance.fr
- www.znet.fr
- www.lemond.fr
- www.culture.gouv.fr
- www.templetons.com
- www.fr.wikipedia.org
- www.unesco.org
* 1 La loi du 11 mars 1957 a
instauré officiellement le droit d'auteur en France, en
réunissant toutes les règles fondamentales antérieures,
surtout celles issues de la Convention de Berne (1886). Quant à la loi
du 3 juillet 1985, elle a entrepris une profonde réforme de la
précédente, en modernisant cette dernière sur le plan
technique. De plus, elle a mis en place des « droits voisins du droit
d'auteur », reconnus essentiellement aux artistes-interprètes
ou exécutants des oeuvres de l'esprit. Outre ces deux textes, il existe
d'autres qui sont venus élargir le champ d'application du droit
d'auteur, tels que la loi du 10 mai 1994 (en matière de logiciels), loi
du 5 février 1994 (sur les contrefaçons) et celle du 3 janvier
1995 (sur la reprographie).
* 2 Auparavant, les logiciels
ont fait l'objet de nombreuses discussions controversées, surtout
doctrinales, de leur nature et d'un régime juridique auquel ils
devraient être soumis. Mais, à partir de la Directive
européenne du 14 mai 1994, ils sont régis par le droit d'auteur,
sous réserve de leur caractère original.
* 3 La
« nouveauté » est une exigence que chaque invention
ou dessin et modèle doit comporter afin d'être brevetable (pour
l'invention : article L611-10 s. CPI) ou d'être
protégé par le droit de la propriété industrielle
(pour le dessin et modèle : article L511-3 CPI).
* 4 L'oeuvre
multimédia est « celle qui se compose, d'une part, de
divers éléments techniques et audiovisuels tels que les textes,
sons, images fixes et animées etc., et, d'autre part, de moyens
informatiques (programmes, base de données...) qui sont susceptibles
d'être diffusés simultanément et de manière
interactive »; Dictionnaire universel francophone,
édition Hachette 1997, p.848.
* 5 L'article L123-4 du code de
la propriété intellectuelle.
* 6 Le régime
juridique des droits patrimoniaux et ceux moraux, reconnus à l'auteur de
l'oeuvre de l'esprit, est prévu par les articles L121-1 à L121-12
du code de la propriété intellectuelle.
* 7 Sous l'empire de la loi
14 juillet 1866 et avant la Directive européenne du 29 octobre 1993, la
protection des droits patrimoniaux de l'auteur ne fut que de 50 ans post
mortem (ancien article L123-1, alinéa 2 CPI).
* 8 La copie de sauvegarde ne
concerne que les logiciels et est différente de la notion
générale de la copie privée dans la mesure où elle
se limite à des sources acquises par le copiste, sans redistribution;
« copie privé », Wikipedia, 22 mars 2006,
www.fr.wikipedia.org.
* 9 TAFFOREAU P.,
« Le droit de la propriété intellectuelle »,
édition Gualino éditeur 2005, p. 178.
* 10 Christophe CARON :
« la rémunération pour copie privée est une
question passionnelle, difficile et mouvante qui témoigne des
évolutions considérables qui, depuis deux décennies
(dès 1985), ébranlent les fondements du droit
d'auteur. »; CARON C., « Rémunération
pour copie privée », Edition du Juris-Classeur 2002
- propriété littéraire et artistique, fasc. 1510, p.2.
* 11 V.Y.GAUBIAC,
« Les nouveaux moyens techniques de reproduction et le droit
d'auteur », RIDA 1985, n°123, p.107.
* 12 V.A et H.J. LUCAS ,
« Traité de la propriété littéraire et
artistique ».
* 13 L'article 31 de la loi
n° 85-660 du 3 juillet 1985.
* 14 L'article L212-3 CPI
stipule des exceptions au droit exclusif des titulaires des droits voisins.
Dans l'ensemble, ces dérogations sont proches de celles en
matière du droit d'auteur.
* 15
« Réussite commerciale, droit d'auteur et environnement
numérique », Revue de l'OMPI/Mars-Avril 2003, p.10.
* 16 « Fair
Use » (aux Etats-Unis) ou « Fair Dealing » (au
Canada et certaines autres nations) permet certaines pratiques sur des oeuvres
protégées sans l'autorisation de l'auteur, telles que : la
copie à titre privée, la reproduction à but critique
(citation courte...) etc. La notion de faire use est actuellement
étendue à des nouvelles possibilités, au profit des
consommateur de l'oeuvre de l'esprit, notamment time-shifting video
recording, computer backup, space-shifting media files et autres.
* 17 Au Canada, la
durée de protection post mortem est de 50 ans.
* 18 Cette position est
identique de celle du droit d'auteur français ; article L111-1
CPI : « ...l'oeuvre est protégée dès sa
création... ».
* 19 Par rapport à la
formule de copyright, on constate la différence de l'ordre de
précédence entre l'année de création de l'ouvre et
le nom de l'auteur.
* 20 L'adhésion
définitive du Cambodge à l'OMC a été soumise
à l'adoption du pays de trois lois fondamentales : « la
loi sur le droit d'auteur et les droits voisins », « la loi
sur la juridiction de commerce » et « la loi sur les
entreprises commerciales ».
* 21 « Commercial
laws and intellectual property rights laws » vol.1, Ministère
de commerce du Cambodge, 2004, p. 71-102.
* 22 Les conséquences
nocives du photocopillage, demeurant jusqu'aujourd'hui, semblent toutefois
être réduites substantiellement par la mise en place du dispositif
de « cession légale obligatoire du droit de reproduction par
reprographie » (articles L122-10 et s. et articles R332-1 CPI).
* 23 Il existe certaines
propositions concernant la traduction de cette expression technique en
Français, notamment le réseau
« pair-à-pair ». De toute façon, en raison de
la spécificité de ce terme, il nous semble que sa forme anglaise
soit préférable.
* 24 « Le
téléchargement », fr.wikipedia.org.
* 25 On parle aussi du
« téléversement » ou, encore,
« télédéchargement ». Ces deux termes
sont pourtant peu utilisés.
* 26 Mo est la forme
abrégée de « Mégaoctet »; 22 mai 2006,
www.wikipedia.org.
* 27 C'est le cas notamment de
téléchargement des jeux vidéo en ligne.
* 28 L'expression
« piratage » est utilisée le plus souvent pour
désigner à la fois la reproduction illégale
(téléchargement illégal) et la commercialisation d'une
oeuvre sans payer les droits leur dus aux ayants droit. Pourtant, au sens
strict, le piratage est assimilé au « vol » ou
à « l'usurpation » des oeuvres
protégées au moyen de procédés techniques illicites
(notamment le fait de casser le système de protection des oeuvres). Il
est normalement commis par une ou plusieurs personnes dénommées
« hackers ».
* 29
« Débat sur le prix de la musique »,
Métro, lundi 6 mars 2006, p. 10.
* 30 « Le
numérique, voilà le hic », Lyonplus, mardi 7
mars 2006, p. 4.
* 31 C'est le cas notamment
d'iTune d'Apple qui vend un titre de chanson pour 0.99
euro.
* 32 « Le
téléchargement légal a été multiplié
par dix en un an », Métro, lundi 6 mars 2006, p.10.
* 33 Normalement, les
fichiers qui ont beaucoup d'utilisateurs et ont été
téléchargés fréquemment sont marqués par les
signes spécifiques. Par exemple, pour le P2P
« Ares », le nombre des étoiles jaunes qui se
trouvent à côté de chaque titre sert à indiquer sa
popularité.
* 34 Napster est
considéré comme le premier P2P hybride opéré sur
Internet et créé par Shawn Fanning, étudiant
américain en informatique. Celui-ci a en fait écrit les
programmes du logiciel Napster dans le seul but de s'en servir comme
un moyen pour faciliter l'échange de fichiers musicaux avec ses amis
étant aussi les étudiants. Malgré beaucoup actions
intentées à son encontre en 2000, Napster a
été utilisé par plus de 60 millions d'internautes en 2001;
GREFFE X., « Economie de la propriété
artistique », édition Economica 2005, p. 161.
* 35 Pour les
téléchargements illégaux, ils concernent plutôt le
droit de reproduction et celui de représentation (en considérant
des agissements des personnes les pratiquant).
* 36 L'usage d'un faux nom
ou d'une fausse qualité constitue le délit d'escroquerie (article
313-1 du code pénal). Cette infraction est punie de 5 ans
d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende.
* 37 En Français, on
parle de l'APRONUC étant l'acronyme de « l'Autorité
PROvisoire des Nations Unies au Cambodge ».
* 38 LOCKE J., « Les
deux Traités du gouvernement civil » (1690) et
« Essai sur l'entendement humain » (II, 27,9).
* 39 DUMOUT E.,
« La copie privée légitimée par la Cour d'appel
de Montpellier », ZDNet France, publié le vendredi 15
mars 2005.
* 40 Les mesures techniques
de protections sont techniquement et juridiquement conçues dans le cadre
de « la gestion des droits numériques »
(GDN). En Anglais, la GDN est connue sous le nom de Digital Rights
Management (DRM).
* 41 GREFFE X.,
« Economie de la propriété artistique »,
édition Economica 2005, p. 165
* 42 « RDDV vs
iTunes », Métro Lyon, mardi 2 mai 2006, n° 923,
p.18
* 43
« IP » est l'abréviation anglaise de
« Internet Protocole ». En Français, on parle du
« protocole Internet » ou, encore plus simplement,
« l'adresse IP ».
* 44 Les éditeurs du
logiciel de téléchargement illégal seront punis de 3 ans
d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.
* 45 L'affaire
« MGM c/ Grokster », 27 juin 2005, Cour
suprême fédérale des Etats-Unis. Les juges
américains ont estimés que les services de Grokster, un grand
serveur d'Internet, permettant ses utilisateurs de se partager les fichiers
couverts par le Copyright en sont une violation.
* 46 Le mécanisme de
licence globale a été introduit dans le projet de loi original
par les amendements n° 153 et 154 en décembre 2005.
* 47 Le projet de la loi DADVSI
était à l'initiative du ministre de la culture et de la
communication, Renaud DONNEDIEU de VABRES.
* 48 C'est le cas notamment
du quotidien Le Monde qui permet à ses abonnés de
rechercher, via son site Internet, des articles spécifiques
déjà publiés. De même, le serveur gamespot,
dont le site est www.gamespot.com, permet aux abonnés de son
service spécial de télécharger des merveilles images ou
vidéos appartenant à un tel ou tel jeu vidéo.
* 49 Normalement, il
s'agirait d'un engagement mensuel. A défaut d'une précision, des
autres fixations temporelles sont possibles.
* 50
« Débat sur le prix de la musique »,
Métro, lundi 6 mars 2006, p. 10.
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