CHAPITRE2 : FINANCEMENT BANCAIRE ET
DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE AU CAMEROUN
Depuis les années 80 le système bancaire Africain a
connu de nombreux changements résultant d'une forte crise
économique qui a été à l'origine d'une importante
baisse des dépôts privés et publics. Parmi ces changements,
de multiples réformes qui ont permis la remise de la plupart des banques
sur pied notamment la restructuration bancaire entamée en 1989.
Aujourd'hui, malgré le non achèvement
de ce processus, dans certains pays tels que le Cameroun il est bien
avancé voir en phase de finalisation. Compte tenu de l'importance qu'ont
les banques dans le financement de l'économie comme nous l'a
montré l'évocation théorique précédente, ce
chapitre nous permettra de cerner toujours de manière théorique,
le lien qu'elles entretiennent avec la croissance économique. Il s'agira
donc pour nous de présenter tout d'abord l'évolution de
l'activité bancaire au Cameroun , puis de cerner le lien entre le
secteur financier et la croissance au travers de différentes
analyses soutenant les systèmes fondés sur les banques en
évoquant par la même occasion les canaux de transmission
permettant cette relation et enfin de déterminer de manière
théorique la contribution des banques dans le développement
économique ainsi que les limites de l'intermédiation bancaire au
Cameroun.
SECTION1 : PRESENTATION DU SYSTEME BANCAIRE
CAMEROUNAIS
Cette section aura pour but de parler de la libéralisation
financière subie par le Cameroun mais également de
présenter l'évolution de l'activité bancaire durant les
années 80.
I. LIBERALISATION FINANCIERE AU CAMEROUN
Il sera question pour nous dans cette partie non seulement
d'évoquer la répression financière survenue au Cameroun au
lendemain des indépendances mais également de voir quel est
théoriquement le positionnement des banques par rapport à
celle-ci.
A. De la répression à
la libéralisation
Bien que composé des succursales et filiales des grandes
banques étrangères surtout au lendemain de l'accès
à l'indépendance a subi de grands changements dus à une
forte répression financière avant d'être
libéralisé au milieu des années 80.
Au lendemain de l'indépendance camerounaise, le
réseau bancaire était essentiellement composés d'agences
françaises et de succursales des banques britanniques ; les banques
françaises nationalisées par la suite ont successivement fait
apport de leurs agences à des sociétés de droit national.
Trois principales banques sont concernées :
· Le crédit lyonnais a participé à la
création de la société camerounaise des banques (SCB)
· La banque internationale pour le commerce et l'industrie
du Cameroun (BICIC) est détenue par la nationale de Paris (BNP)
· La société générale des
banques (SGB) a donné naissance à la société
générale des banques au Cameroun (SGBC)
D'autres institutions vont s'y ajouter plus tard pour faciliter
les échanges entre la métropole et la colonie. Le système
qui se met alors en place est anti-productifs et a pour objectif le financement
des opérations commerciales ; rien prévu pour le financement
des investissements et de la production. La première réforme
entamée au début des années 1970 visait la
réorientation de l'activité bancaire en mettant l'accent sur le
financement de l'investissement ; cette réforme a pour principaux
objectifs l'accroissement des dépôts bancaires, la promotion du
système productif, une meilleure mobilisations des ressources
monétaires et financières en vue d'assurer le
développement et la diversification de la production. Grâce
à cette réforme, le système bancaire camerounais compte
désormais11 banques au lieu de 5 et totalise 172 guichets au lieu de 84
en 1974. Malheureusement, la crise financière des années 80 a
provoqué la fermeture de plusieurs banques, la fusion de certaines et
autres. En fin juin 1986, le Cameroun compte huit banques commerciales avec un
réseau de 54 agences, notamment : la Banque internationale pour le
commerce et l'industrie du Cameroun (BICIC) ; la société
commerciale de banque- crédit lyonnais (SCB-CL) ;la
société générale de banque au Cameroun
(SGBC) ; la méridien bank Cameroon (MBC) ; la Standard Charted
Bank ; la caisse commune d'épargne et d'investissement (CCEI
Bank) ; le Crédit agricole et Amity Bank ( rapport CNC 1994-1995 et
1996). A la fin de juin 1998, le réseau bancaire compte six
banques : la banque internationale pour le crédit et
l'épargne au Cameroun (BICEC) ; la SCB-CL ; la Standard
Charted Bank Cameroon ( SCBC) ; la CCEI-Bank et Amity Bank auxquelles vont
s'ajouter progressivement quatre autres banques au 30 juin 2000 à
savoir : la commercial bank of Cameroon (CBC) en 1997 ; la City Bank
en 1998 ; l'Union Bank of Cameroon en 1999 et Eco-Bank en juin 2000 (
rapport CNC 1997/1998,1998/1999,1999/2000). Ainsi de nos jours le réseau
bancaire camerounais compte dix banques et quatre vingt cinq guichets.
B. Positionnement des banques dans la
libéralisation financière
La libéralisation est généralement
définie comme étant le passage d'un état de
répression à un état de libéralisation. Ce passage
requiert la suppression d'un certains nombres de restrictions, il s'agit entre
d'autres termes d'un mouvements de déréglementation qui concerne
principalement :
· La déréglementation des prix et des taux
(commissions, marges et taux d'intérêts)
· La déréglementation quantitative là
où une telle réglementation existait (par exemple le
contingentement des crédits, les contrôles de change et autres
restriction à la mobilités des capitaux...)
· L'abolition des frontières entre activités
et entre actifs
Divers arguments ont été utilisés par les
économistes pour justifier la libéralisation financière,
principalement « in fine » ; l'objectif de croissance
économique. On peut considérer que la
déréglementation des activités financières fournit
un cadre propice à une croissance significative à travers
mécanismes distincts.
Premièrement, l'absence des obstacles
quantitatifs à la circulation des capitaux permet de financer de
manière plus rapide et plus efficace les activités de production
et d'investissement de l'économie. Ainsi, l'absence d'encadrement du
crédit permet aux banques de mieux répondre aux demandes de
crédits des entreprises et la libre circulation internationale des
capitaux permet à ces derniers de bénéficier de l'apport
des capitaux étrangers.
Deuxièmement, la
déréglementation des taux d'intérêts, des
commissions et des marges fait baisser le coût de l'intermédiation
financière du fait du développement de la concurrence,
améliorée au sein de l'appareil financier, ce qui peut rendre les
crédits moins chers pour les entreprises locales et attirer les
entreprises étrangères.
Troisièmement, ces
phénomènes conjugués peuvent ainsi contribuer dans une
perspective théorique libérale à une meilleure affectation
des ressources en capital, celles-ci ayant théoriquement plus de chance
d'être allouées, aux coûts les plus faibles, aux demandeurs
de crédits les plus productifs, lesquels sont aussi sous certaines
conditions les plus créateurs de croissance.
II. L'EVOLUTION DE L'ACTIVITE BANCAIRE AU CAMEROUN DANS
LES ANNEES 80
Les performances actuelles de
l'intermédiation bancaire au Cameroun sont largement tributaires de la
crise qui a frappé ce secteur dans les années 80 et de la
restructuration conséquente au cours des années 90. Dans cette
section ; nous visiterons cette épopée des banques
camerounaises pour mieux percevoir leur comportement d'intermédiation
financière.
A. Les ressources
Au milieu des années 80, le Cameroun a connu une grave
crise financière : les dépôts à terme ont
diminué de 33% entre 1985 et 1987 et les dépôts à
vue de 22%. Cette chute s'explique par le déclenchement de la crise
économique, cependant, c'est une véritable crise de confiance car
les agents réalisent que les banques sont insolvables.
A partir de 1989, afin d'éviter un effondrement du
système bancaire, des restructurations ont été
entreprises : certaines banques ont été liquidées,
d'autres ont été fusionnées ou recapitalisées. Afin
de restaurer la confiance du public dans le système bancaire, la
commission bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) fonctionnelle depuis 1992,
assure un contrôle prudentiel des établissements de
crédits. Pour ce, elle s'est dotée de deux séries de
ratios que doivent respecter les banques : les normes prudentielles et les
normes de solvabilité. Parallèlement à ces
restructurations, la politique monétaire a été
complètement modifiée dans toute la zone BEAC à partir de
1990. Il s'agit dorénavant de favoriser la mobilisation de
l'épargne nationale, préalable indispensable à
l'investissement. L'aboutissement de ces réformes fut la mise en place
du marché monétaire au sein de la zone BEAC à partir de
juillet 1994. Suite à ces deux mesures, les dépôts à
vue ont progressé de 30% entre 1988 et 1990 et les dépôts
à terme de 17% entre 1988 et 1991.
Au cours de 1992 et 1993, l'anticipation de la
dévaluation a incité beaucoup de déposants à placer
leurs avoirs à l'étranger notamment en France : entre le
31décembre 1991 et le 31 décembre 1993, les dépôts
à vue ont chuté de 42% et les dépôts à terme
de 18%. Afin de stopper la fuite des liquidités, la fin de la
convertibilité extérieure du FCFA a été
déclarée en août 1993. Cette mesure fut
complétée en septembre 1993 par la fin de la
convertibilité des billets entre les deux zones UMOA et BEAC. La fuite
des dépôts a été ralentie mais pas stoppé car
de manière détournée, de nombreux agents ont pu à
sortir des billets.
A partir du moment où la dévaluation est effective,
les liquidités sont retournées dans la zone Franc : entre le
31 décembre 1993 et le 31 décembre 1994, les dépôts
à vue ont progresse de 48% et les dépôts à terme de
18%. L'impact de la dévaluation sur les dépôts est positif
en terme nominal, mais il est à relativiser en terme réel :
en tenant compte des niveaux d'inflation importants pour 1994 (33%), les
dépôts à vue n'ont progressé que de 10% en terme
réel et les dépôts à terme ont chuté de 12%.
Cet impact est d'autant plus à relativiser que les dépôts
ont recommencé à diminuer en 1995. Les dépôts
à vue ont chuté de 16% en réel et les dépôts
à terme de 12% car les agents manquaient de confiance dans le
système bancaire. En effet, depuis le second semestre 1995, il est
question de nouvelles restructurations. Donc, pour éviter que leurs
dépôts soient bloqués, les agents ont retiré leurs
liquidités du système bancaire.
Entre décembre 1995 et Avril 1997, les dépôts
à vue ont progressé de 3% et les dépôts à
terme ont chuté de 21%( en nominal). En revanche, au cours de
l'année 1997, la liquidité bancaire s'est nettement
améliorée dans son ensemble jusqu'en 2001.
B. Les emplois
Au moment de la crise financière, les agents
ont réalisés que les banques avaient maquillé les bilans
bancaires et accumulé les créances fictives. Ainsi, les
créances douteuses égales à 253milliards de FCFA au 31
juin 1988, selon les documents comptables produits par les banques, ont en fait
été estimées à 489 milliards. Par
conséquent, les 104 milliards de provisions pour
dépréciation au 31 juin 1988 ont été
estimées à 334 milliards de FCFA. De manière comptable,
ces ajustements ont eu lieu entre 1990 et 1991(selon la BEAC) et les
crédits ont chuté de pratiquement 50%.
Depuis les réformes bancaires et
monétaires, il faut souligner une atonie du crédit, les banques
sont frileuses et s'engagent peu dans le financement de l'économie. Le
taux de couverture des crédits par les dépôts atteignait
110% au 31 août 1996 contre 89% en 1995, avant le déclenchement de
la crise. La dévaluation n'a pas eu les effets escomptés, les
crédits à l'économie ont diminué de 27% en terme
réel entre le 31 décembre 1993 et le 31 décembre 1994 et
de 10% au cors de l'année suivante. Entre la fin de l'année 1995
et avril 1997, cette tendance ne s'est pas améliorée, et les
crédits à l'économie ont diminué de 17%( en
nominal). De plus, il faut noter une prédominance des crédits
à court terme qui représente 85% des crédits
accordés.
De nos jours, au sein du système financier, la composante
bancaire est devenu relativement solide ; grâce aux restructurations
bancaires. Le système bancaire camerounais est constitué de dix
banques commerciales ; le ratio de couverture des crédits par les
dépôts s'est amélioré (avoisinant 139% en juin
2006), et six banques affichaient un ratio de liquidité
supérieure à 200% en 2006.
Toutefois le secteur financier reste dominé par trois
banques (la SGBC ; la BICEC et la SCB-CA), qui détiennent plus de
deux tiers de tous les prêts et dépôts bancaires. En outre,
malgré la relative solidité du secteur bancaire camerounais, le
taux d'intermédiation reste faible. Le nombre de ménages
possédant un compte est inférieure à 10%, et de larges
pans de l'économie n'ont toujours pas accès aux crédits.
De plus, les clients des banques se plaignent régulièrement du
niveau élevé des frais.
A la fin de cette étude de l'évolution de
l'activité bancaire au Cameroun durant les années 80, nous
pouvons nous pencher sur l'analyse des différentes approches soutenant
les systèmes fondés sur les banques et évoquer les canaux
de transmission reliant le secteur financier à la croissance. Cette
étude théorique fera l'objet de la section suivante.
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