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Le centre de détention de CASABIANDA, emblématique prison de paradoxes

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par Paul-Roger GONTARD
Université Aix-Marseille III - Master 2 de droit, spécialité lutte contre l'insécurité 2008
  

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B/ Devenir pénitentiaire de détenus pour infractions à caractère sexuel.

Les détenus pour infraction à caractère sexuel ont un surnom en prison : les « pointeurs » ou « pointus ». Sobriquet peu aimable qui dénote bien de l'irrespect latent qui existe à leur endroit dans les couloirs de détention. Ils sont considérés par beaucoup de leurs codétenus comme « des anormaux »81(*). Statut particulier dans une communauté d'individus qui tous, à leur manière, sont, ou ont été, en dehors de la norme sociale. Comme le montre avec beaucoup de pertinence les auteurs de Sexualités et violences en prison : ces abus qu'on dit sexuels en milieu carcéral82(*), ils sont placés au bas de la hiérarchie sociale carcérale, aux côtés des homosexuels et des « balances ». Par conséquent, ils subissent des pressions voire des violences de toutes sortes. Le premier passage en prison, qui se fait en maison d'arrêt pendant la détention préventive, est souvent le synonyme du début des humiliations. Pour décrire ce quotidien, je reprendrai la présentation qu'en faisait Christian SALOM dans son mémoire83(*) :

« D'après les témoignages recueillis avec beaucoup de retenue et de pudeur dans l'évocation des souvenirs carcéraux, des constantes se dégagent, seuls quelques rares établissements pénitentiaires en France réussissent à instaurer des conditions de détentions identiques pour tous les détenus.

Mais dans la majorité des cas, pour les « protéger » et souvent à leur demande, les détenus de cette catégorie d'infraction sont soit isolés, soit regroupés entre eux, parfois dans un quartier spécial ou une aile d'un bâtiment.

D'après le règlement, ils peuvent participer aux activités, aux séances de sport, aux cours scolaires.

Ils doivent aussi aller se doucher, se rendre à la bibliothèque, à un entretien avec le travailleur social ou le service médical.

Dans la pratique, chaque déplacement est une épreuve, un risque de rencontre avec les codétenus, d'agression verbale ou physique, de menaces qui renforcent un stress permanent.

Alors se mettent en place les premiers comportements d'adaptation aux dures réalités carcérales : pas de sport, pas de sortie en promenade, pas de demande d'activité ou d'enseignement, les déplacements à l'initiative du détenu sont réduits au strict minimum.

Pourtant, il faut bien sortir de la cellule, l'avocat insiste sur l'utilité d'entamer un suivi psychologique avant le procès pour montrer le repentir et l'évolution de son client, les mois ou années de la longue détention provisoire ne peuvent pas se passer à l'isolement sans dégâts, il faut travailler, s'occuper.

Chaque sortie est source d'angoisse, et oblige à rechercher la protection.

Cette condition carcérale particulière, les détenus en parlent peu, surtout quand ils ont subi des agressions sexuelles. »

Dans ce traitement subit par « les pointeurs », ce qui peut paraître le plus paradoxal pour un observateur extérieur, c'est cette importante propension à subir des violences sexuelles, alors même que c'est précisément le comportement déviant que leur reproche les autres détenus. Pour éclaircir ce paradoxe, les auteurs de Sexualités et violences en prison, expliquaient que « violer un pointeur, ce n'est pas devenir soi-même un violeur, ni même un « pédé », c'est infliger physiquement et symboliquement une sanction négative et imposer une marque de distinction selon les critères de hiérarchisation dominants »84(*). Par conséquent, afin de s'extraire de cette catégorie carcérale, certains auteurs de viol en réunion, ou des infracteurs sexuels au passé de voleurs ou de braqueurs, auront tendance à vouloir imposer leur domination aux pédophiles ou aux violeurs de personnes en état de faiblesse, et ainsi quitter symboliquement le groupe des « pointeurs ».

Une fois placés en centre de détention, les « pointeurs » subissent des pressions devenues plus subtiles. Mais les rackets, violences et autres agressions, restent, dans la majorité des cas, toujours le lot quasi quotidien des détenus pour infractions sexuelles. Ils chercheront donc par tous les moyens à dissimuler les raisons de leur incarcération, et la nature de leur infraction.

Les conséquences de ce traitement ont été longuement développées par Christian SALOM dans son mémoire. La conclusion majeure, pour notre étude, qu'il tire de son travail démontre que « le traitement subit par les infracteurs sexuels en détention crée ou renforce l'incapacité à reconnaître l'acte commis et rend plus délicat, voire impossible un travail d'incitation au soin85(*) ».

Par conséquent, une détention subie dans de bonne condition de sécurité pour les détenus participe notablement au travail nécessaire à une réinsertion sécurisante pour la société.

De l'observation de la psychologie des infracteurs sexuels et de leur devenir carcéral, se dégagent deux conclusions :

- Par leur faiblesse morale latente, par leur intérêt à quitter des centres de détention où les populations pénales les rejettent voire les humilient, et bien souvent par leur tendance naturelle à se soumettre à une hiérarchie, les infracteurs sexuels semblent en effet tout à fait adaptés à un régime de sécurité fondé en grande partie sur des obstacles psychologiques, et semble, en outre, avoir tout intérêt à respecter les règles de détention de CASABIANDA.

- Ensuite, le fonctionnement de CASABIANDA est sans doute plus à même que les autres types de détention, d'aider à la reconstruction psychologique des intéressés (sans toutefois croire que cela fasse des « miracles »).

* 81 Je reprends là le vocabulaire qui m'a été tenu par les détenus et les personnels de détention.

* 82 WELZER-LANG Daniel, MATHIEU Lilian, FAURE Michaël (1996) Sexualités et violences en prison, ces abus qu'on dit sexuel en milieu carcéral, Observatoire International des Prisons, Lyon : éditions Aléas.

* 83 SALOM Christian (2000). Les infracteurs sexuels détenus : traitements et faits pervers. Mémoire. ENAP - PARIS XIII.

* 84 Sexualités et violences en prison, ces abus qu'on dit sexuel en milieu carcéral, Op. Cit

* 85 Op. cit.

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