2° Le champ d'application matériel
Le champ d'application matériel suppose en premier
lieu, de cerner la notion de matière civile et commerciale. Si la nature
administrative, civile, commerciale ou répressive de la juridiction est
indifférente, le règlement Bruxelles 1, pas davantage que la
convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, ne concerne les
matières
fiscales, douanières ou administratives et ne
s'applique pas, lorsqu'une autorité publique agit dans l'existence de la
puissance publique19. Cette notion de matière civile et
commerciale est considérée par la CJCE comme une notion autonome
qui ne doit pas être interprétée par
référence aux droits nationaux. En second lieu, il faut tenir
compte des exclusions expresses de l'article 1 alinéa 2 du
règlement B1. Sont ainsi exclus du champ d'application du
règlement B1, l'Etat et la capacité des personnes physiques ainsi
que le droit patrimonial de la famille, les faillites, concordats et autres
procédures analogues, la sécurité sociale et
l'arbitrage.
B. - Les compétences spéciales retenues par
la convention de Bruxelles (en matière d'action directe)
L'article 5 de la convention de Bruxelles offre le choix au
demandeur, entre le tribunal de l'Etat du domicile du défendeur et un
tribunal spécialement déterminé d'un autre Etat. Il n'y a
pas, ici attribution d'une compétence générale aux
juridictions d'un Etat membre, le tribunal précisément
compétent étant désigné par les règles
internes de l'Etat membre en cause, mais bien directement désignation
dans la convention du tribunal compétent, d'où la
dénomination de « compétence spéciale ».
Une action directe, dans une chaîne internationale de
contrats, si elle n'est pas qualifiée de contractuelle, est de nature
délictuelle. Pour déterminer la compétence du juge
international pour connaître cette action, la convention de Bruxelles
propose deux solutions différentes, suivant que la matière soit
contractuelle ou délictuelle.
19 CJCE, 14 oct. 1976, aff. 29/76, LTU c/
Eurocontrol : Rev. crit. DIP 1977, p. 772, note G.A.L. Droz
1° La compétence en matière
contractuelle
La compétence en matière contractuelle est
régie par l'article 5-1° de la convention de Bruxelles. Cette
disposition ne peut recevoir l'application que si le litige concerne la
matière contractuelle. En revanche, la notion « contractuelle
» n'est pas définie dans la convention elle-même, ce qui
donne lieu à de grandes difficultés d'interprétation et
d'application. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence de la CJCE et
celle de la Cour de cassation sont riches en la matière. Il appartenait
à la CJCE de déterminer cette notion, ce qu'elle a fait,
après avoir constaté la divergence des droits nationaux, de
manière autonome, par une interprétation assurant pleine
efficacité à la convention20. Elle a ainsi
dégagé le critère de « l'engagement librement
assumé d'une partie envers l'autre »21. Quant à
la Cour de cassation, elle a admis que l'article 5-1° s'appliquait aux
actions en nullité du contrat22 , mais la CJCE ne s'est
prononcée qu'indirectement sur cette question, bien qu'elle ait
affirmé que l'applicabilité de cet article paraît
acceptable23.En revanche, la CJCE a très clairement pris
position à l'égard des chaînes de contrats pour refuser de
leur appliquer l'article 5-1°, considérant que l'action directe du
sous-acquéreur contre le fabricant était de nature
délictuelle24.
L'article 5-1° attribue au demandeur, une option de
compétence en faveur du « tribunal du lieu où l'obligation
qui sert de base à la demande a été ou doit être
exécutée ». Mais, l'application de cette règle de
compétence a soulevé deux problèmes : quelle est
l'obligation visée ? Comment déterminer le lieu
d'exécution de cette obligation ? Pour déterminer l'obligation
concernée, l'arrêt De Bloo s25 a précisé
que celle-ci est celle qui sert de base à l'action judiciaire. En
présence de
20 CJCE, 22 mars 1983, aff. 34/82, Martin
Peters : Rev. Crit. DIP 1983, p. 667, note H. GaudemetTALLON
21 CJCE, 17 juin 1992, aff. C-26/91, Jakob
Handte : Rev. Crit. DIP 1992, p. 730, note H. GaudemetTALLON
22 Cass. 1ère civ. 27 juin 2000 :
JDI 2001, p. 137, obs. A. Huet
23 CJCE, 4 mars 1982, aff. 38/81, Effer c/ Kantner
: Rev. Crit. DIP 1982, p. 573, note H. GaudemetTALLON
24 CJCE, 17 juin 1992, arrêt
préc.
25 CJCE, 6 oct. 1976 : Rev. Crit. DIP 1977,
p.756, note Gothot et Holleaux
plusieurs obligations litigieuses, la CJCE a indiqué,
dans l'arrêt Shenavaï26, qu'il faut prendre en
considération l'obligation principale, celle-ci déterminant la
juridiction compétente pour l'ensemble des obligations en vertu du
principe selon lequel l'accessoire suit le principal.
Quant au lieu d'exécution de l'obligation servant de
base à la demande, la CJCE n'a pas donné de définition
autonome de cette notion. Elle n'a pas tranché cette question dans
l'affaire Tessili27 et a refusé que le juge saisi ne le
détermine lege fori. Elle a, en revanche, précisé
que ce lieu est déterminé par le droit applicable à
l'obligation qui sert de base à l'action judiciaire, en vertu des
règles de conflits du juge saisi. Le problème se complique
lorsque le lieu d'exécution de l'obligation servant de base à la
demande se multiplie, notamment le cas de pluralité de lieux de
livraison dans le contrat de vente.
|