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Géostratégie des ressources naturelles et les conflits de la République du Congo 1990-2002 : rivalité de puissance et contrôle de l'énergie

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par Sédard-Roméo NGAKOSSO-OKO
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en relations internationales, option diplomatie 2005
  

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2. Les guerres du Congo et les stratégies de positionnement et de repositionnement des multinationales

En considération de ce tout ce qui a été dit précédemment, un faisceau d'indices précis et concordants rend particulièrement apparent le fait que les ressources naturelles ne sont pas sans incidence sur les conflits armés qui ont déstabilisés le Congo sur fond de démocratisation. Ceci est vérifiable surtout en ce qui concerne les hydrocarbones liquides et gazeux d'une part, et le bois d'autre part. Ces agrégats ont pesé de tout leur poids dans la survenance et par la suite dans

93H. KISSINGER, in Jihan El TAHRI, « La Maison des SAOUD : pétrole, islam, Palestine, Etats-Unis », film documentaire sur l'histoire de l'Arabie Saoudite, ALEGRIA-ARTE France-BBC-WGBH, 2005.

la pérennisation de cette atmosphère. Pendant cette période, le Golfe de Guinée dans l'ensemble et spécialement l'Angola et le Congo entre autres, présentaient des perspectives pétrolières très intéressantes (infra, p. 104, note 109). Pour cela, il était dans les lignes de mire croisées des multinationales de l'énergie américaines (a) et européennes (b).

a. Les multinationales américaines

Elles sont animées par une forte volonté de prendre pieds dans cette zone aux potentialités multiples et prometteuses. Le Congo pouvait servir efficacement leur idéal, d'autant plus que les autorités de cette époque émettaient des signaux dans ce sens en ouvrant ce secteur, jusque là chasse gardée de quelques entreprises européennes, à la compétition internationale. En plus, le gouvernement congolais à cette époque était en négociation avec le FMI. Quand on se représente le poids des USA dans la validation des décisions de cette institution, cela représentait un avantage indéniable du côté des américaines. En effet, ces dernières pouvaient solliciter et obtenir l'appui du gouvernement fédéral afin de faciliter leur conquête du marché congolais. La porte parole de l'exécutif congolais de cette époque nous a confirmé lors d'une causerie qu'«on leur avait promis des entrées au Fonds Monétaire International et à la Banque Mondiale »94. Certaines multinationales américaines de l'énergie, comme Occidental Petroleum, ont effectivement posé pieds à terre. Sa présence au Congo est confirmée dans ces termes :

« 1993 : quelques mois après avoir été élu président du Congo, LISSOUBA décide de vendre une grande partie des ressources pétrolières du pays à la compagnie américaine Occidental Petroleum (Oxy). Une convention est alors signée, le 28 avril, entre son gouvernement et le patron d'Occidental Petroleum Congo Inc., David MARTINS »95.

Ces entreprises américaines, il faut le souligner, participent du redéploiement de la politique des approvisionnements énergétiques des USA. C'est ce qui ressort de l'examen du Livre vert, que le vice-président américain, Dick CHENEY, avait remis au président G. W. BUSH en 2001. Olivier GUEZ rappelle pour nous l'une des

94Entretien avec Mme Albertine LIPOU-MASSALA, Tunis le 05 février 2005.

95G. GAETNER, «Quand LISSOUBA bradait son pétrole », L'Express, 08/03/2001, in http://www.lexpress.fr, site consulté le, 31/01/2005.

principales orientations de cette politique. En effet, ce redéploiement vise à « stimuler l'offre mondiale afin de diminuer la dépendance des USA vis-à-vis du Moyen Orient, particulièrement l'Arabie Saoudite ; pour cela, le gouvernement américain conduit une intense offensive diplomatique pour disposer davantage de ressources à l'étranger, avec deux cibles majeures : l'Afrique et la région de la Caspienne »96. Allant dans le même sens, W. KANSTEINER confirme l'engouement américain pour les approvisionnements pétroliers en provenance de l'Afrique en affirmant que « le pétrole africain fait partie de nos intérêts stratégiques et son importance ira croissant »97. Cette nouvelle ambition africaine de « l'hyper puissance » est résumée par Pierre TERZIAN dans ces termes :

« La deuxième observation concerne l'avancée indéniable des sociétés américaines petites ou grandes en Afrique. Cette avancée tient, bien sûr, à l'attrait du sous-sol africain et au désir de diversification général déjà signalé ; mais elle constitue un phénomène général et l'Afrique ne constitue pas une exception. Le fait est que le potentiel pétrolier des zones les plus connues des USA s'épuise [...] Dans leur désir de percer dans l'international, elles n'hésitent pas à faire de la surenchère pour enlever tel ou tel autre bloc d'exploitation à des

98

opérateurs plus traditionnels et à y déployer un excès de zèle [...] »

Comme on peut le voir, ce redéploiement de la politique d'approvisionnement énergétique des USA vers le continent africain n'est pas sans incidence sur les intérêts des opérateurs traditionnels de cet espace, les multinationales européennes de l'énergie.

b. Les multinationales européennes de l'énergie

Les multinationales européennes de l'énergie, au premier rang desquelles la française Elf Aquitaine, sont présentent au Congo depuis longtemps (Supra, pp : 35-36). Désormais, Elf Aquitaine devrait accepter le principe du partage du gâteau avec d'autres multinationales à un moment où de nouvelles perspectives se

96O. GUEZ, « Le Grand jeu pétrolier de Washington », in WAJMAN, Patrick, (dir.), Politique Internationale, n°98, Paris, Hiver 2002- 2003, p. 347.

97W. KANSTEINER, cité par O. GUEZ, article cité, p. 347. (W. KANSTEINER est le monsieur Afrique de l'administration BUSH).

98P. TERZIAN, « La Nouvelle donne du pétrole africain », in GARAUD, Marie-France, (dir.), L'Afrique acteur ou enjeu ? Géopolitique numéro 63, Paris, PUF, octobre 1998, page 139.

présentaient dans ce secteur (infra, p. 104, note 109). Aussi, devrait-elles se faire à l'idée de reconsidérer le régime d'exploitation, qui venait d'évoluer du système des concessions vers celui de partage de production, lequel acte faisait passer la part de l'Etat congolais à 33%, contre 17 % initialement.

L'Etat congolais devenait on ne peut plus entreprenant dans ce domaine. Cela paraissait très inquiétant, car ces mesures étaient prises par un exécutif élu, correspondaient aux premières décisions prises par cette nouvelle génération des dirigeants et étaient décidées sur fond de crise aiguë entre les nouvelles autorités de Brazzaville et l'ancienne puissance colonisatrice. Cela augurait des lendemains nettement moins meilleurs pour cette compagnie qui jusque là était en situation de monopole. Dans les stratégies de sécurisation et de maîtrise des sources d'approvisionnement en matières premières stratégiques comme les hydrocarbones liquides et gazeux, l'attitude de Brazzaville appartient à la catégorie des comportements redoutés et proscrits. Cette attitude augurait une série de menaces sérieuses aux intérêts de la France au Congo.

La France est le premier partenaire économique du Congo. Le secteur dominant dans les échanges est celui des hydrocarbones liquides et gazeux. De 1969 à 1996, la répartition de la production pétrolière entre le Congo et la France se faisait de la manière suivante : 60% pour la le groupe Elf aquitaine (la France) contre 40% pour les tous autres opérateurs, dont 13% pour le Congo et les 27% restant pour les autres opérateurs99. Le tableau suivant récapitule la répartition de la production pétrolière entre les différents opérateurs suivant le principe de partage posé plus haut.

Les intérêts de la France au Congo sont ensuite historiques. En effet, Brazzaville a été la capitale impériale de la colonisation française en Afrique centrale et le point de départ des stratégies militaires et politiques pour libérer la France de l'occupation allemande. Au regard de tout cela, il est très peu probable que la France ait vu d'un bon oeil cette poussée américaine dans ses places fortes.

99Ambassade de France, Mission économique du Congo, «La filière pétrolière au Congo», http://www.izf.net, rubrique espace entreprise du Congo, consulté le 10/02/2005.

Ainsi, le «syndrome de Fachoda» a changé de direction et semble maintenant concerner Washington100.

Tableau n°10. Répartition des quantités de pétrole entre le Congo et les multinationales
de l'énergie 1969-1996 (en millier de tonnes)101

Années

1969

1980

1990

1996

Production (en millions

de tonnes)

ND

3,3

8

10,4

Congo (13%)

ND

393,939

162,5

125

Elf Aquitaine (60%)

ND

1818,181

3000

576,923

Autres opérateurs (27%)

ND

818,181

337,5

259,615

Ce qui est certain, c'est que le cas de la guerre civile au Congo consacre l'intervention des multinationales relevant du domaine pétrolier, en l'occurrence les américaines et les européennes, à des degrés divers dans un Etat souverain. Les indices convergent pour fonder l'interprétation selon laquelle les guerres du Congo de 1990 à 2002 peuvent également se comprendre comme les prémices de la matérialisation d'une campagne visant à s'emparer de fabuleuses richesses de ce pays et de toute la zone, au premier rang desquels les hydrocarbones liquides et gazeux.

Cette interprétation est certes polémique. Mais, elle se fonde sur deux éléments indiscutables : la dépendance des Pays Développés vis-à-vis de leurs importations en or noir et autres ressources naturelles indispensables pour le fonctionnement de leurs industries et pour leur prestige sur la scène internationale. C'est là, l'une des rares faiblesses de ces nations qui, soit n'en disposent pas directement sur leurs propres territoires, soit encore ils en disposent, mais les coûts de mise en valeur sont tellement élevés que l'importation paraît comme la meilleur

100C. PULIDO ESCANDELL, « Les Nouvelles tensions France-Etats-Unis dans le pré carré africain », in, BACH, Daniel et SINDJOUN, Luc, (dir.), Enjeux stratégiques et gestion des crises en Afrique, Polis, Volume 4, n°02, nov. 1997, in http://www.polis.sciencespobordeaux.fr, consulté le 29/09/2004 ; voire également : A. GUICHOUA, «Les Nouvelles politiques africaines de la France et des Etats-Unis vis-à-vis de l'Afrique Centrale et Orientale», in, BACH, Daniel et SINDJOUN, Luc, (dir.), Enjeux stratégiques et gestion des crises en Afrique, Polis, Vol.04, n°02, nov. 1997, in http://www.polis.sciencespobordeaux.fr, consulté le 29/09/2004 ; également, C. ATLAN, J. LAUSEIG, « Les Approches françaises et américaines du maintien de la paix en Afrique », in BACH, Daniel et SINDJOUN, Luc, (dir.), Enjeux stratégiques et gestion des crises en Afrique, Polis, Vol. 04, n°02, novembre 1997, in http://www.polis.sciencespobordeaux.fr, consulté 29/09/2004.

101Les statistiques sur la production pétrolière sont issues du Tableau n°07 : évolution de la production pétrolière, cité en page 38. Les calculs (déductions) sont de nous-mêmes.

alternative. Ce fait justifie, dans une certaine mesure, l'hypothèse d'une rivalité de puissance entre les USA qui veulent s'installer et la France, présente depuis longtemps dans la zone, et qui est très déterminée à conserver ses acquis.

Comme on a pu le constater, l'aventure inhérente à la mise en valeur de certaines matières premières relevant de l'exploitation de la forêt, d'une part, et des hydrocarbones liquides et gazeux d'autre part, a commencé au Congo à l'époque coloniale et dans les dix premières années qui ont suivies les indépendances. Depuis lors, la production du Congo s'accroît on ne peut plus chaque jour. Ainsi, sommes-nous en droit de nous demander si ces agrégats ont été de quelques avantages que ce soit dans la vie des Congolais, d'autant plus qu'actuellement le pays se trouve au sortir d'une série de guerres qui a modifié profondément les équilibres internes et qui donne au pays l'image d'un chantier sous tous les aspects. Quelles sont les conditions de possibilité d'une telle reconstruction ? Comme on peut le voir, cette question thématise le problème de la gouvernance globale du Congo pour les années à venir.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera