Chapitre IV. La problématique de la gouvernance
globale du Congo
En 2002, la guerre est terminée. Il est temps de
reconstruire le pays. Pour être efficace, ce processus de reconstruction
post-conflit, quelque soit sa physionomie, se doit de prendre en compte le
caractère éphémère des agrégats sur lesquels
se fonde la dynamique de capitalisation de la richesse nationale et la
nécessité d'expérimenter d'autres alternatives pour
relativiser leur empire sur ce processus102. Ce dernier chapitre
consacré au traitement de la question centrale de cette étude
consiste en une prospective sur l'avenir du Congo après la série
des guerres de 1990-2002, avec et après l'ère des ressources
naturelles stratégiques. La première section examinera le
fondement et les conditions de possibilité d'une politique de
relativisation du triumvirat du pétrole, du gaz naturel et du
bois dans la formation de la richesse nationale (Section I). La seconde section
se focalisera sur la pertinence et la viabilité de cette entreprise de
reconsidération (Section II).
Section I. Plaidoyer pour une reconsidération du
poids des ressources
naturelles stratégiques dans la formation de la
richesse nationale
Cette section pose la problématique de
l'épuisement des ressources naturelles sur lesquelles repose la richesse
nationale depuis quatre décennies environ et les enjeux inhérents
à cet état de faits. Pour cela, il est judicieux de montrer que
le bois, les hydrocarbones liquides et gazeux sont des données
conjoncturelles (A), et que fonder la richesse nationale sur ces trois
ressources, seules, est une stupidité car, en terme de ressources
renouvelables, le Congo affiche des alternatives en mesure de soutenir
durablement sa modernisation (B).
A. Les ressources naturelles stratégiques : des
données conjoncturelles
1. Le principe de non renouvellement
Les trois ressources naturelles sur laquelle repose la richesse
nationale à savoir : le bois, les hydrocarbones liquide et gazeux sont
des agrégats
102Il est question de l'empire du pétrole, du
gaz naturel et du bois.
conjoncturels. Elles sont limitées dans le temps
suivant une triple orientation. En terme de nombre de pièces disponibles
à travers l'ensemble du territoire, en terme de durée de vie
d'unités effectivement valorisées, enfin en tenant compte de cet
autre aspect que les pièces valorisées ne sont pas
renouvelables.
Dans des termes plus clairs, la principale orientation
signifie que le nombre de gisements d'hydrocarbones disponibles à
travers l'ensemble du territoire congolais est loin d'être infini. Ceci
est vrai également pour les concessions de forêts primaires.
Autrement dit, les unités existantes sont limitées, on peut les
compter et les cartographier avec le temps. Cela signifie aussi qu'après
avoir découvert et valorisé toutes les unités disponibles,
il n'y aura plus rien à découvrir et à valoriser à
terme.
La mineure se décline en trois paramètres.
D'abord, elle correspond à la période pendant laquelle on peut
véritablement tirer profit des unités valorisées, qu'il
s'agisse indifféremment d'un gisement d'hydrocarbones liquides ou
gazeux, ou encore des espaces de forêts primaires. Cela signifie aussi
qu'après avoir extrait le maximum de pièces qui constitue un
gisement de pétrole ou une concession de forêt primaire, ils
s'épuisent progressivement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien
à y extraire. Ainsi, en passant d'une unité à une autre,
on réduit progressivement, jusqu'à l'épuisement complet,
le nombre de gisements gazier, pétrolier ou de concessions de
forêts.
Ce dernier aspect paraîtrait incomplet s'il ne lui
était pas annexé le fait que même les technologies les plus
avisées de l'heure ne sont, non seulement pas capables de quantifier
avec certitude le volume de pièces qu'on peut extraire d'un gisement
d'hydrocarbones ou une d'une concession de forêt primaire, mais aussi
d'évaluer leurs contenances réelles. Le langage consacré
utilise le verbe «estimer» ou son substantif «estimation».
Enfin, à tout cela il faut ajouter le fait qu'un Etat, technologiquement
défaillant comme le Congo, ne dispose pas de capacité
réelle à la fois pour contrôler et maîtriser les
filières dont relèvent ces matières premières. Par
exemple, il lui est difficile de contrôler sa filière
pétrole : le rythme de la production, les quantités effectivement
produites, la fréquence et les volumes des
cargaisons. Tout dans ce domaine est soumis au bon vouloir des
compagnies exploitantes. Comme on peut le voir, il se dessine des
opportunités de farder.
La dernière orientation correspond au fait que le
renouvellement de ces agrégats ne dépend pas des subterfuges
humains. Leur processus de régénération est soumis au bon
vouloir de la nature, exceptée bien sûr le secteur de la
forêt où on peut procéder par le reboisement pour
renouveler la ressource.
- Remarque
Il ressort qu'avec les hydrocarbones liquides et gazeux
associés au bois, on se retrouve dans le domaine de l'incertitude. Il
semble stupéfiant que de pareilles industries, en l'occurrence
pétrolière, qui reposent sur la science, la technique et la
technologie se satisfassent des données incroyablement peu fiables,
rendant tout travail de prévision extrêmement difficile et
aléatoire. Ceci devient beaucoup plus inquiétant encore quand il
faut subordonner l'avenir de tout un peuple à ces agrégats
capricieux. Mais, cela n'est qu'une des dimensions qui faussent les efforts de
prévision. En effet, ces dernières se compliquent de plus en plus
avec les conditions de commercialisation de ces agrégats sur le
marché international.
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