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Haïti : Etat serendip? Mecanismes de blocage et/ou d'accélération de l'émergence de l'Etat moderne

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par Renald Luberice
Université Paris VIII - Master Science politique 2008
  

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Conclusion

L'Etat d'Haïti entant qu'ancienne colonie française a apporté une contribution décisive à une époque importante au développement du capitalisme. Son itinéraire est jonché de contradictions qui ont permis des résultats atteints par chance ou erreur. Comme presque toutes les grandes constructions historiques, les luttes entre intérêts opposés, ambivalents ont permis la disparition de la structure coloniale et la formation d'une nouvelle structure. Haïti est le résultat hasardeux d'actions posées dans un cadre contraignant tant du point de vue externe qu'interne. En ce sens, il s'agit bien d'un Etat Sérendipe. Une fois parvenu à cette conclusion nous avons essayé de déceler les principaux mécanismes qui ont pu bloquer ou accélérer la construction ou l'émergence de l'Etat. Si dans une société les motivations et intérêts relativement simples influencent grandement la formation des structures sociales, les actes d'arbitrage en tant que politique constitutive (normes régissant le fonctionnement du pouvoir), redistributive, normative ou distributive qu'entreprennent les élites dirigeantes ne sont pas sans incidences sur le devenir de la société.

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En ce sens nous pouvons faire nôtre cette assertion de Machiavel : « On peut appeler heureuse la république à qui le destin accorde un homme tellement prudent, que les lois qu'il lui donne sont combinées de manière à pouvoir assurer la tranquillité de chacun sans qu'il soit besoin d'y porter la réforme. /.../ Au contraire, on peut considérer comme malheureuse la cité qui, n'étant pas tombée aux mains d'un sage législateur, est obligée de rétablir elle-même l'ordre dans son sein. Parmi les villes de ce genre, la plus malheureuse est celle qui se trouve plus éloignée de l'ordre ; et celle-là en est plus éloignée, dont les institutions se trouvent toutes détournées de ce droit chemin qui peut la conduire à son but parfait et véritable, car il est presque impossible qu'elle trouve dans cette position quelque événement heureux qui rétablisse l'ordre dans son sein »188

Les tensions sociales qui règnent à Saint-Domingue, l'exploitation industrielle capitaliste de l'esclavage des noirs, la structure des classes sociales et les antagonismes de classes/races mettent la société dans une situation d'incertitude où les moindres efforts de révolte sont susceptibles de provoquer le chaos. Un chaos qui accélèrera la décomposition de la structure coloniale en vue de la formation de nouvelle structure. Le fait que les problèmes de classe sont sans cesse greffés sur des problèmes de race aggrave la situation mais rend paradoxalement moins probable l'alliance entre les factions de classe. Ce climat très mouvementé sert de socle d'accumulation de capitaux À économique, social, politique et symbolique À aux élites, ce qui allait avoir de profondes incidences sur la direction de la colonie et sur l'Haïti qui allait naitre.

La manière dont la métropole gère, à travers ses administrateurs coloniaux, les décrets, et tout autre acte d'arbitrage À qui ne sont pas souvent cohérents, la distance accentue davantage l'incohérence À entre des intérêts et des valeurs qui ne sont pas constamment compatibles, la colonie attise les tensions. L'ensemble de ces facteurs ont accéléré l'émergence de l'Etat d'Haïti qui pourtant a toujours été imprévisible.

Si la conjoncture (structure) internationale a permis la constitution d'une colonie aussi riche et prospère au profit de la France d'une part, elle a d'autre part favorisé l'indépendance (blocus maritime des anglais aux français, soutient des Etats-Unis, les guerres franco-espagnoles, anglo-espagnoles, anglo-françaises, anglo-hollandaises, hispano-hollandaises et franco-

188 Nicolas de Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live (1531), Paris, Gallimard, 2004, P.7

hollandaises qui ont eu des incidences sur toute l'Amérique). Une fois l'Etat d'Haïti émergé, la conjoncture internationale ne lui est guerre favorable car elle est la remise en cause par excellence de l'ordre esclavagiste mondial, donc du mode de production capitaliste. L'esclavage étant considéré comme un moyen de production.

Cette conjoncture défavorable ajoutée a d'autres facteurs tels que la « gouverne-mentalité imposée » par les pères fondateurs qui ont pour corollaire la corruption (refus de l'idée que les gouvernants doivent rendre des comptes), l'inscription de Saint-Domingue dans la continuité de l'habitus colonial (raciste, travail forcé, etc.), l'impossibilité pour la société haïtienne d'atteindre « l'ataraxie sociale » à cause d'une peur perpétuelle d'un retour offensif de colons agresseurs, sa non-admission dans le concert des nations, le manque criant de ressources humaines et de capitaux, la confusion entre secteur public et privé, etc. ont bloqué le développement du pays et l'épanouissement du capitalisme. Le niveau de développement d'une société et le mode de production en vogue dessinent le type d'Etat.

Nous avons essayé en partant des typologies classiques de l'Etat (Weber, Elias, Bloch, Hintze, Médard...) de faire une considération qui se veut a-normative en ayant soin de ne pas définir l'Etat d'Haïti en fonction de ce qui lui manque ou qu'il a en excès par rapport aux autres Etats mais le définir comme la possibilisation d'organisation institutionnelle et juridique d'une société. Nous avons défendu l'idée que l'Etat haïtien est serendip, ce qui est probablement le cas de beaucoup de grande construction historique. Cette posture permet d'évacuer la dimension ethnocentrique qui jalonne certaines analyses sociohistoriques de l'Etat. Si on a affaire à un ensemble de résultats atteints par chance ou erreur on sera obligé de se garder de toute hiérarchisation des types d'Etat. Ce qui permet une analyse plus ou moins conforme à son objet.

On n'a pas de forme achevée de ce qu'est et ce que doit être l'Etat. Les formes d'organisation sociale se métamorphosent avec le temps et chaque organisation sociale donnée ouvre la possibilité à de nouvelles formes d'organisations sociales. Ainsi l'Etat « post-féodal » qui a émergé en Europe semble, a travers l'Union Européenne, sur le point de se transformer pour donner une structure inédite, car on n'a affaire ni à un Etat classique, ni un Etat fédéral, ni confédéral, ni associé, pour ne citer que ceux-là. Ainsi la réflexion débouche sur ces interrogations : Etant donné que l'Etat est « un résultat atteint par chance ou erreur », il y a-t-il

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des stratégies, un agir collectif permettant de parvenir à un résultat historique donné ? Sinon quel est le sens de l'action au-delà de ce que peuvent lui attribuer les actants ou les analystes ?

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci