Profils des étudiants en fonction du parcours
scolaire
Les deux tableaux présentés ci dessous
rappellent les différences significatives observées en fonction
des deux modalités de la VI « Parcours scolaire »
(EPS Vs EPNS) et des différentes VD.
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Item 402C
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Item 40211
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Item 40413
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Item 90611
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EPS
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Déclarent plus choisir une technique en fonction de la
situation.
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Portent plus leurs réponses vers, au minimum, une prise de
décision en fonction des ingénieurs et/ou scientifiques.
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Répondent plus en fonction d'une utilisation jugée
« à bon escient » des techniques.
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EPNS
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Déclarent plus ne pas s'y connaître
suffisamment pour répondre, ne pas pouvoir répondre ou ne pas
comprendre.
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Déclarent plus ne pas s'y connaître suffisamment
pour répondre ou ne pas comprendre.
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Item 402C
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Filles
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Déclarent plus choisir une utilisation fréquente
afin d'avoir un maximum d'aide et limiter les difficultés.
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Conclusions et ouvertures
S'il est difficile de donner une définition claire
à la culture scientifique et technique, il est possible de
différencier certaines représentations déclarées
par les étudiants. La connaissance de ce qu'est la démarche
scientifique et de l'apport des techniques dans notre société
reste au coeur des enjeux sociaux actuels. L'influence d'une approche
rationnelle et scientifique du monde peut apparaître antagoniste à
l'utilisation des techniques qui nous entourent. En effet si le progrès
technique propose de nouveaux outils afin d'appréhender le monde
alentour, la question de l'appropriation technique reste entière. Les
flux technologiques semblent constamment renouveler les repères des
utilisateurs et créer ainsi une part de mystification du monde.
L'étude de la mesure de cette évolution des connaissances et des
méconnaissances des utilisateurs en action n'a pas pu être
menée dans le cadre de ce mémoire. Selon Rabardel (1995), le
phénomène de genèses instrumentales transforme
l'instrument ainsi que l'utilisateur, dès lors, il convient de se
questionner sur les changements que cela implique dans notre
société.
Nous avons différencié les élèves
interrogés par le type de cursus scolaire qu'ils poursuivaient. La
difficulté de généralisation d'une telle étude
réside dans le fait que l'on se confronte à une mosaïque
complexe où les attitudes, les connaissances et les domaines
d'intérêts ne peuvent se ramener à une valeur moyenne.
L'étude des résultats nous permet de dresser toutefois un profil
succinct des étudiants interrogés. Il a été vu que
les EPS, dans le cadre de l'étude, montrent une plus grande prise en
considération de la situation lors de l'utilisation d'une technique. Ce
recul et cette prise en compte des paramètres de la situation montrent
une évaluation des affordances, disponibles ou choisies,
différentes de celle des EPNS.
Les EPNS montrent une grande frilosité à
exprimer une opinion sur des thèmes scientifiques, pourtant sans
contenu, nécessitant une vision citoyenne de la régulation des
décisions sociales. La vision technocratique qu'ils entretiennent sur
les questions d'ordre social pourrait refléter l'appel à
l'autorité qu'ils déclarent subir aussi aussi plus que les
EPS.
Ces différences de représentation que nous avons
tenté de mettre en avant peuvent révéler une individuation
face à la technique différente entre les deux groupes. Nous avons
tenté de voir si le type d'études suivies influençait le
rapport à l'environnement au travers des représentations de la
technique. Il semblerait que les cursus scolaires scientifiques permettent une
plus grande individuation des individus vis à vis de la technique et des
sciences que les cursus dit non scientifiques. C'est à dire que
l'individu établirait différemment sa place dans le monde
technique. Une nouvelle possibilité lui serait permise : celle
d'être moins sujet aux pressions de son environnement.
Face à la recrudescence des objets techniques et des
questions scientifiques qui nous entourent et impliquent des choix de
société, un tel enjeu n'est pas à négliger. Une
désindividuation, due aux représentations des sciences et des
techniques, va à l'encontre d'une production d'élèves
possédant et utilisant des outils intellectuels leur permettant
l'insertion équilibrée dans le groupe société. Les
systèmes d'enseignement et de formation ainsi que les institutions
créatrices de savoirs ont un rôle à jouer dans ces
processus d'émancipation. Cette différence de
représentation que ce font les élèves interrogés,
nous paraît pouvoir être à l'origine d'une séparation
dominés/dominants influençant des choix et des visions de la
société.
La responsabilité de cette vision libérale de
l'individu face aux techniques et aux sciences s'articule autour de la notion
de construction de l'esprit scientifique chez les individus. Il
représente plus une méthode de réflexion et une approche
de l'environnement, que des connaissances déclaratives. Persister, entre
autres, dans la poursuite de la spectacularisation festive des sciences et dans
l'animation de débats qui n'ont aucune vocation sociopolitique,
puisqu'ils sont déconnectés des décisions, peut donner une
vision décalée de la science et induit des représentations
biaisées. Quels autres moyens peuvent être mis en place afin de
limiter ces biais de représentations perceptibles chez certains
individus?
L'impact des sciences, des priorités publiques et
privées de recherche et des technologies sur la vie des
sociétés, fait qu'il ne peut plus y avoir de démocratie,
sans une nouvelle aptitude des citoyens à orienter les choix
scientifiques et technologiques qui sont faits par les pouvoirs publics, les
laboratoires et les entreprises. L'approche citoyenne se définit alors
comme la mise en aptitude des citoyens à procéder collectivement
à ces choix. On parle aussi d'approche citoyenne pour
caractériser des procédures et des méthodes de
coproduction de connaissances, de technologies et de solutions à des
problèmes concrets associant des mouvements de la société
civile avec des institutions scientifiques.
L'objet technique n'est objet de connaissance que lorsqu'il
est restitué dans le processus de sa genèse. La
compréhension de l'objet industriel ne peut se faire qu'en
l'insérant dans le courant évolutif qui l'a produit. Il est
impossible de produire une connaissance de l'objet technique, si on le coupe de
sa genèse. L'objet d'étude de la technologie (au sens du logos),
ce n'est pas l'objet isolé, mais l'objet restitué dans le
processus de sa genèse, c'est à dire la genèse technique
et sociétale, non l'objet lui même. L'objet technique n'est pas
a-temporel, il est ancré dans le temps, pour le comprendre il est
nécessaire de le placer dans le cours de son évolution
passée et présente. Montrer qu'il relève de choix
construits et partagés afin de sortir des croyances et d'une imposition
pour entrer dans un processus d'appropriation et d'individuation des sujets.
L'application de prothèses produites par la technique
entraîne cette perte d'individuation qui va crescendo depuis
l'industrialisation de la science et l'extension permanente des réseaux
de diffusion. Loin de vouloir dénoncer une sur-industrialisation de la
société, nous avons souhaité questionner son
évolution afin de se l'approprier et de s'y adapter.
Ne pas opposer les sciences et les techniques mais continuer
de les distinguer afin de maintenir les enjeux d'émancipation
sous-jacents à l'apprentissage de l'esprit scientifique.
Ces questionnements, liants sciences et sociétés,
sont portés par un grand nombre d'associations émergeantes, comme
par exemple, Sciences Citoyenne présidée par J. Testard ou encore
Ars Industrialis présidée par B. Stiegler. Elles poussent
à la reconnaissance de mouvements civils questionnant le rapport des
sciences à la démocratie. En termes économiques, il s'agit
pour ces mouvements de passer d'une logique de l'offre à une logique de
la demande, c'est à dire éveiller à la curiosité et
donner un appui massif aux dynamiques sociétales afin qu'elles puissent
s'approprier certaines questions au coeur du fonctionnement
démocratique.
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