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Foncier en Afrique : quelle législation foncière comme outil de cohésion sociale et de développement économique ?

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par W. Paul DABONE
Ecole Nationale des Régies Financières du Burkina - Inspecteur des Impôts 2008
  

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SECTION 2 : LE STATUT JURIDIQUE DE LA TERRE

Le DFN comprend toutes les terres situées dans les limites du territoire national. Il est de plein droit propriété de l'Etat3. La propriété de l'Etat sur les terres du DFN est-elle une réalité ?

I - LA PROPRIETE ABSOLUE DE L'ETAT

Au regard de l'attitude des dirigeants et de la population vivant au Burkina évoquée par M. OUEDRAOGO Moussa, l'on peut répondre par la négative à cette question. Si la terre appartenait uniquement à l'Etat, il constituerait l'unique interlocuteur pour son acquisition.

1 Préambule de la loi 014/96/ADP du 23 mai 1996 portant RAF au BURKINA

2 moussaouedraogo@hotmail.com: `'Le Foncier dans les politiques de développement au Burkina», OUEDRAOGO Moussa, page 13

3 Loi 014/96/ADP du 23 mai 1996, articles 3 et 4

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En plus des détenteurs de titres fonciers, propriétaires de la superficie et du sous-sol ne contenant pas de richesses, les autorités coutumières exercent toujours de fait, un droit de propriété sur les terres qui sont dans leurs espaces de compétence. C'est la reconnaissance de ce droit qui conduit l'ensemble de la population burkinabè à recourir à elles pour acquérir la terre.

Le système foncier coutumier étant uniquement basé sur l'oralité, la sécurité de la transaction foncière y est précaire. Pour illustration, ce sont les autorités coutumières ivoiriennes qui ont octroyé les terres aux ressortissants étrangers, qui les ont réclamées ensuite1. La terre coutumière, sacrée au départ, acquiert une valeur économique et entre dans le commerce dès que l'autorité coutumière la désacralise. A partir de ce moment, la législation foncière coutumière devient en principe inopérante.

Quelque soit la personne physique ou morale qui acquiert la terre coutumière, elle procède après l'acquisition aux différentes formalités administratives requises par la législation foncière règlementaire. Ce comportement résume en partie la difficulté qui subsiste dans la définition du statut juridique de la terre au Burkina. En effet, les actes sociaux étant sujets à conflits, qui de l'autorité coutumière et règlementaire détient la pleine compétence pour connaître des conflits fonciers ?

L'une des raisons qui rendent impérative l'institution d'une législation foncière acceptée par l'ensemble de la population et constituant de ce fait un gage de cohésion sociale est la difficulté de trouver un interlocuteur unique qui détient toutes les compétences pour connaître des conflits fonciers. Car à la dualité de la législation foncière, correspond une dualité des instances de règlement des conflits fonciers.

II - LA DUALITE DES INSTANCES DE REGLEMENT DES CONFLITS

La difficulté suscitée par la dualité des instances de règlement des conflits réside dans le fait que la terre coutumière désacralisée sort du régime foncier coutumier, ne serait-ce que par la volonté de celui qui l'a acquise.

L'immunité juridique conférée par les autorités politiques à celles coutumières revêt ici, son aspect le plus expressif et permet de percevoir le danger qui subsiste dans une politique foncière ne clarifiant pas les responsabilités de tous les acteurs.

1 Aline AKA, bulletin de liaison du Laboratoire d'Anthropologie Juridique de Paris n°26, sept 2001, pages 130-143

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M. OUEDRAGO Moussa évoque d'ailleurs cette situation dans son écrit en ces termes : «cependant, si les règles traditionnelles constituent la référence pour accéder au foncier, il n'est pas toujours le cas dans la gestion des conflits entre acteurs. En effet, en cas de conflit lorsqu `une partie des protagonistes n'est pas satisfaite de la manière dont le différend est réglé, elle fait recours aux juridictions modernes. A ce niveau les instruments sur lesquels se basent les juges pour dire le droit sont essentiellement constitués par les textes portant réorganisation agraire et foncière. Or, n'ayant pas été la référence au moment des transactions, la loi apparaît naturellement `'illégale `' pour légiférer sur la question suivant la perception des communautés rurales, notamment les sphères de décision sur le foncier. »

Evoquant les limites de la justice à rendre des jugements susceptibles d'apaisement ou de résolution de crises sociales créées par la gestion foncière des autorités coutumières dans certaines régions du Burkina, M. OUEDRAGO Moussa rapporte dans son écrit les propos d'un juge qui affirme que « les conflits fonciers tranchés selon la loi moderne et rien que selon elle ne s'éteignent jamais... dans tous les cas, en matière foncière, la raison en justice s'arrête généralement à la porte du palais et tout le monde en est conscient. »

III - LES EFFETS DE LA DECENTRALISATION INTEGRALE

Le danger qui menace la cohésion sociale du fait de la dualité de la législation foncière deviendra encore plus perceptible avec la mise en place d'instances administratives décentralisées au niveau local. La communalisation intégrale du territoire ajoute un nouvel acteur à la scène foncière ou les rôles ne sont toujours pas clairement définis. Il s'agit de l'autorité communale. Selon l'article 38 de la loi n°055- 2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général des Collectivités Territoriales au Burkina Faso, « les ressources financières des collectivités territoriales sont constituées de recettes propres, de dotations budgétaires de l'Etat et de toutes autres contributions. »

Les collectivités territoriales décentralisées doivent donc générer elles-mêmes une partie de leurs ressources de fonctionnement. Les taxes foncières constituent actuellement une part importante des ressources communales Si les communes urbaines peuvent compter sur l'abondance des ressources provenant de l'imposition fiscale de l'activité économique qui a lieu sur leur territoire pour assurer une part

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importante de leur budget, celles rurales doivent trouver d'autres sources de revenus pour compenser la faiblesse des recettes de ce secteur. La terre jusque-là gérée par les autorités coutumières, loin de celles règlementaires, constitue la ressource la plus importante en milieu rural et celle sur laquelle les autorités communales peuvent imposer des taxes substantielles. C'est ainsi que la quasi-totalité des communes rurales de la province du Kadiogo a institué la perception d'un droit sur les procès verbaux de palabre destinés à constater l'accord des superficiaires pour l'occupation des terrains en zone rurale.

L'examen du statut juridique de la terre permet de relever la complexité de la situation foncière du Burkina. Les deux législations foncières qui ont administré les terres jusque-là, comportent toutes des insuffisances. Mais ce qui peut paraître comme de véritables divergences entre elles peut trouver des points de convergence, si le politique à qui incombe la destinée du pays, la cohésion et la stabilité sociale ainsi que le développement économique décide de poser les actes nécessaires pour unifier le régime juridique de la terre. Sans une définition claire de ce statut, il n'est pas possible de déterminer et sécuriser les droits des différents acteurs, et donc d'assurer un développement socio-économique durable.

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CONCLUSION PARTIELLE

La précarité de la cohésion sociale qui résulte de la dualité du système foncier et de l'absence de coordination des actions et des responsabilités des différents acteurs est un facteur d'insécurité des droits fonciers qui freine le développement économique. Conscientes de cette situation, les autorités politiques ont entrepris d'instituer une législation foncière unique afin d'offrir aux différents investisseurs, la sécurité juridique nécessaire pour que la terre, ressource principale de l'économie du Burkina, soit son levier de développement. La faiblesse de la législation foncière règlementaire réside dans l'approche de la question foncière par l'autorité politique qui n'a pas suffisamment modelé les règles reçues du colonisateur pour intégrer les paramètres socio-culturels du Burkina.

Trois textes de loi portant RAF ont été successivement adoptés pour corriger les insuffisances de la loi. D'autres encore pourraient être institués, mais risqueraient de produire les mêmes effets si l'approche politique n'intègre pas la légitimité de l'autorité coutumière. Les plus hautes autorités burkinabè reconnaissent d'ailleurs les insuffisances de la RAF et admettent qu'elles sont la source de nombreux problèmes fonciers tels que le changement de destination des terres (de cultures en parcelles d'habitation ou des terres aménagées pour des usages auxquels ils n'ont pas été destinés). En mai 2004, M. Adama FOFANA alors Ministre chargé des relations avec le parlement et porte parole du Gouvernement a évoqué lors d'un point de presse les problèmes des habitats spontanés en faisant référence aux conclusions d'un rapport inter - ministériel qui lie ces problèmes à des insuffisances de la RAF. « Les raisons des problèmes nés de l'occupation ou de l'affectation des terres, selon les conclusions du rapport, sont : textes de la Réforme Agraire et Foncière (RAF) incohérents, incomplets ou dépassés ; schémas d'aménagement du territoire non élaborés selon la vocation des terrains ; conflits de compétence dans l'administration et parfois même confusion de rôle ; irrégularités impunies.1 »

1 Journal « l'Observateur paalga » n° 7024 du 03 décembre 2007

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L'anthropologue américain Paul BOHANNAN suggère de remplacer les trois préjugés de l'approche coloniale, dont la conséquence est la dualité du régime foncier des pays d'Afrique noire, par les trois propositions que voici :

1) - les peuples ont une représentation propre du pays dans lequel ils vivent ;

2) - ils disposent d'une série de concepts pour parler et traiter des rapports entre eux et les choses ;

3)- l'aspect spatial de leur organisation sociale trouve, d'une façon ou d'une autre, une expression ouverte en paroles et en actes1.

Nous pensons, comme le suggère M. BOHANNAN, qu'en tenant compte de la représentation que se font les populations du Burkina de leur pays, la volonté politique pourrait mettre en place une législation foncière qui intègre cette représentation et acquiert par ce fait, la légitimité provenant de l'adhésion populaire à la loi. Car, comme l'indique Michel CREZIER, « si le modèle administratif français est aussi un `'modèle culturel», on comprend dès lors que l'imposition d'un appareil administratif ou étatique initialement conçu et progressivement révisé dans des sociétés non africaines ne peut que participer d'un mimétisme dont on mesure mieux l'inadaptation des instruments choisis. Une telle greffe débouche sur une crise, celle de l'Etat et de la légitimité de son pouvoir. »2

Les insuffisances des textes portant RAF au Burkina ont été relevées par plusieurs institutions ; certaines ont essayé de les corriger en proposant à la sanction législative, des textes destinés à règlementer certains domaines relevant de la RAF.

Dans le but de proposer une reforme foncière adéquate, nous procéderons à un examen des textes en projet d'adoption afin de les intégrer dans nos propositions s'ils satisfont à toutes les exigences de cohésion sociale et de développement économique.

1 « Land, Tenure and Land-Tenure », African Agrarian Systems, P. BOHANNAN, Oxford, 1963, page 106

2 « Le pouvoir fiscal en Afrique » Jean-Baptiste FOTSING, éditions LGDJ, paris, 1995, page 159.

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DEUXIEME PARTIE :

PROPOSITION DE REFORME

Depuis l'accession du Burkina Faso à l'indépendance, les régimes politiques qui ont présidé aux destinées du pays ont eu à coeur de disposer d'un outil juridique efficace pour mener à bien leur politique de développement. La loi étant le support de la politique, elles ont estimé que le préalable à tout dispositif juridique était la mise en place d'une politique globale et cohérente du secteur concerné afin que la loi accompagne la réalisation des objectifs de l'action politique.

Pour ce faire, et au regard des insuffisances de la RAF, le gouvernement du Burkina a entrepris, à travers le Ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH), de mettre en place une Politique Nationale de Sécurisation Foncière en Milieu Rural (PNSFMR).

Dans le but de proposer une reforme actuelle et réalisable (chapitre 2 et 3), nous examinerons la PNSFMR afin d'en tenir compte si ses dispositions satisfont aux impératifs de cohésion socio - culturelle et de développement social et économique (chapitre 1).

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CHAPITRE 1 : ETAT DES LIEUX DES PROJETS DE
REFORME EN COURS : LA POLITIQUE NATIONALE DE
SECURISATION FONCIERE EN MILIEU RURAL

La politique de sécurisation foncière est l'ensemble des processus, actions, et mesures de toute nature, visant à permettre à l'utilisateur et au détenteur de terres rurales de mener effectivement ses activités productives, en le protégeant contre toute contestation ou trouble de jouissance de ses droits1.

Selon le Ministre Salif DIALLO, Ministre d'Etat, Ministre de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources Halieutiques, la question foncière ne se pose pas au Burkina (9 millions d'hectares dont 3,5 millions d'hectares emblavés actuellement) en terme de redistribution des terres mais essentiellement en terme de sécurité juridique sur les propriétés actuelles et à venir, aussi bien des particuliers que des collectivités territoriales constituées que sont l'Etat et les communes.

Pour sécuriser davantage les droits fonciers des acteurs ruraux, les autorités politiques du Burkina Faso ont entrepris l'élaboration d'une PNSFMR. Nous la présenterons (section 1) avant de relever ses forces (section 2) et ses insuffisances (section 3).

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote