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L'Etat de droit: entre la domination et la rationalité communicationelle

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par Raphaël BAZEBIZONZA
Faculté de Philosophie Saint Pierre Canisius de Kimwenza - Maîtrise 2007
  

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II.1. Rationalité et rationalisation

Dans Le discours philosophique de la modernité, Habermas répondait aux critiques radicales adressées à la raison. Il était question de sauver et de réhabiliter la raison et toutes les formes de rationalité. Max Horkheimer avait écrit une Eclipse de la raison54(*), dans laquelle il dénonçait la « raison instrumentale » identifiée à la raison moderne. Habermas lui, tente de montrer que la raison est irréductible à l'instrumentalité. En recourant à l'analyse, il refuse de dénoncer la rationalité moderne au nom de ses ancêtres historiques. Pour notre auteur, une telle « critique de l'idéologie », qui tente de ressusciter la substance de la raison objective, est une entreprise désespérée. Contrairement à l'ancienne Théorie critique,

« la théorie de l'agir communicationnel peut, selon lui, s'assurer du contenu raisonnable des structures anthropologiques profondes, dans une analyse qui se veut avant tout de reconstruction, c'est-à-dire qui se veut anhistorique. Elle décrit les structures de l'action et de l'entente, structures que nous révèle le savoir intuitif des membres compétents des sociétés modernes »55(*).

Les caractéristiques générales du langage et de l'action quotidiens nous présentent un ensemble de formes de rationalité qui ne reposent pas sur un calcul des moyens pour parvenir à nos fins, mais sur la possibilité de la critique et de la justification réciproques. Or il se trouve que ces formes générales de rationalité, différenciées selon leurs domaines d'application à des fins de connaissance, d'entente sur des normes, d'expression subjective ou d'évaluation, sont constitutivement modernes puisqu'elles n'apparaissent qu'au cours des processus historiques qui défont les traditions toutes puissantes ancrées dans la religion. Il est donc clair que Habermas ne considère pas la rationalisation comme un processus en lui-même pathogène, qui rationaliserait l'économie ou l'administration étatique, et cela aussi longtemps qu'elle ne parasite pas les sphères de vie et de culture qui ont besoin de rester à l'abri d'une instrumentalisation systémique.

Pour Habermas, la rationalisation systémique consiste fondamentalement à soumettre aux mécanismes du marché ou du traitement bureaucratique des opérations qui, jusque-là, ont fait l'objet de négociations au cas par cas entre individus. Max Weber croyait que la rationalisation occidentale était un processus paradoxal qui, d'un côté, libérait les différentes « sphères de valeurs » de l'amalgame qu'elles formaient dans les traditions religieuses mais qui, de l'autre, les privait de leur logique propre, détruisant ainsi à la fois les ressources du sens et les conditions de la liberté individuelle. Mais, Habermas refuse ce paradoxe. La rationalisation ne peut devenir paradoxale et pathogène que dans la mesure où elle empiète sur les domaines du monde vécu dans lesquels la culture, la socialisation et l'intégration sociale par les normes doivent se dérouler à l'abri des mécanismes systémiques de la commercialisation et de la bureaucratisation. De ce fait, Habermas se donne comme tâche de redonner une nouvelle vigueur au « projet philosophique inachevé » afin de réactiver le potentiel de raison contenu dans le champ de la communication et de la compréhension langagières par le dépassement de la raison substantielle et de celle centrée sur le sujet : la raison n'est pas soumise uniquement aux impératifs de l'économie ou du pouvoir ; elle est capable d'un « agir orienté vers l'intercompréhension ». C'est la domination qui déforme la pratique communicationnelle, occultant et idéologisant ainsi la modernité56(*).

* 54 M. HORKHEIMER, Eclipse de la raison.

* 55 J. HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, p. 421.

* 56 Le statut de la modernité chez Habermas est multiple. A l'instar des anciens Francfortois, Habermas part de la théorie wébérienne de la modernité, comme sortie d'un monde hiérarchisé et religieux, fondé sur l'autorité et la tradition, sortie que débouche sur un processus de rationalisation ; mais, à la différence de Weber et des anciens de Francfort, Habermas s'est efforcé de retrouver un concept de raison qui puisse remplir le rôle joué par la raison pratique kantienne tout en la libérant du caractère transcendant que nous impose le « fait de la raison » affirmé par Kant. Dès le milieu des années soixante, alors-même qu'il tentait de forger un modèle critique plus conforme aux exigences systématiques nées du jeune-hégélianisme, la place du langage lui était apparue fondamentale, toutefois, l'idée de raison communicationnelle qui était déjà sous-jacente, était encore soumise à une réalisation liée à l'histoire et à l'autoréflexion consciente d'elle-même, par le biais de la critique de l'idéologie. L'idée de partir du potentiel immanent au langage n'est apparue qu'avec l'abandon de la philosophie de la conscience et de l'histoire. Du même coup, la raison communicationnelle comme structurant le monde vécu a permis de reprendre le modèle wébérien et de le complexifier. Certes, la rationalisation au sens wébérien était bien le fait même de la modernité, bien au-delà d'ailleurs de ce qu'avaient décrit Weber, Horkheimer ou Adorno, mais en même temps, dans un certain nombre de cas, des « palpeurs » ont pu être installés (Cf. Discours philosophique de la modernité, p. 430) qui ont fait obstacle à une pure et simple colonisation du monde vécu par le système, et ont permis d'entrevoir une possibilité de « détente » entre la pression de la rationalisation systémique et les exigences fragiles du monde vécu. Il a donc été possible dans cette perspective de donner de la modernité une vision nuancée qui légitime que l'on mobilise en permanence les ressources d'entente du monde vécu. La modernité est donc double, comme chez les anciens Francfortois, mais de telle manière que les deux plateaux de balance sont moins déséquilibrés ; c'est à ce titre qu'elle peut être aussi dite  « un projet inachevé ».

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