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differenciation spatiale et identité sociale en milieu rural

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par krikou amadou DIARRA
 - maà®trise 2006
  

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II : REVUE DE LA LITTERATURE

Il est crucial sinon légitime pour tout travail se voulant scientifique de faire l'état des connaissances sur le sujet étudié. Notons que l'étude des rapports interethniques en milieu rural a été l'objet de plusieurs publications à travers le monde mais sur des thématiques spécifiques. Certes, notre état de connaissance va se structurer autour de l'intégration et la cohésion sociale. Mais nous nous attèlerons à catégoriser nos découvertes livresques en trois thèmes ou rubriques que sont :

D'abord, les études qui ont porté sur les mécanismes structurels de différenciation en milieu rural.

Ensuite, les écrits ayant un rapport avec la différenciation et le système foncier migrant.

Et enfin, les documents qui ont abordé la question de la construction identitaire dans l'espace agricole.

· Mécanisme structurel de différenciation en milieu rural

La question relative aux interactions entre les communautés migrantes et autochtones est au coeur d'études sur les migrations et les sédentarisations qui les accompagnent.

L'institution du tutorat en milieu rural entre autochtone et migrant semble favoriser cette sédentarisation et construire les disparités entre ces différentes communautés.

En effet, Jean Pierre Chauveau(2002)12(*) décrit cette institution et présente comment elle fonctionne.

Pour cet auteur, le tutorat correspond à une « conception agraire » caractéristique de l'économie rurale » des sociétés paysannes Ouest-africaines.

Ainsi tout bénéficiaire d'une obligation de droits fonciers contracte un devoir permanent de reconnaissance vis-à-vis de son tuteur.

Le tutorat est donc matérialisé par un ensemble de cérémonies (libations et incantations) effectuées par le propriétaire de la terre aux ancêtres auxquels il confie le travail de son «étranger» en lui cédant une portion de terre aux contours flous, parfois sans limites exactes.

A travers ces rituels, les autochtones entendent conserver une certaine maitrise foncière, associé aux autels de la «Terre-mère». Tout cela participe à la construction des rapports sociaux et au cloisonnement statutaire des individus (maintien et conservation dans une position définie.)

En effet, sans l'accord de la Terre-mère obtenu par les intercessions des propriétaires autochtones, des migrants ne peuvent pas cultiver la Terre. Cette cession d'un type de droit foncier enlève tout caractère marchand au transfert en n'exigeant pas un geste réciproque.

Toutefois cette cession exige du bénéficiaire qu'il fasse preuve de reconnaissance volontaire qui repose sur un devoir moral scellant l'alliance entre le migrant et l'autochtone.

Il s'établit des rapports non «horizontaux» entre le Tuteur et ses dépendants qui s'expriment dans le langage de la parenté. Le Tuteur étant associé au « père » du migrant parce qu'il occupe et exploite un patrimoine familial s'est donc d'ailleurs subordonnés aux mânes et rites des ancêtres de son tuteur.

Abordant donc la question du foncier rural et la cohérence sociale en Côte d'Ivoire, Koné Mariétou 13(*) va s'inscrire dans la même perspective que Chauveau à partir d'un cas de la pratique du tutorat dans la Sous-préfecture de Gbogbué.

Selon K. Mariétou, cette relation de tutorat foncier s'établit que lorsque le migrant opte pour les cultures pérennes. Sont exclus du tutorat tous ceux qui s'adonnent aux cultures vivrières.

L'auteur souligne également que plusieurs facteurs stabilisants ou déstabilisants des rapports sociaux et/ou économiques entre installeurs et installés parmi lesquels il faut retenir trois qui sont : le respect de l'obligation rituelle de reconnaissance, la pratique de la corruption et celle de la sorcellerie.

Les études ci-dessus indiquées présentent le tutorat mais ne tire pas toutes les conséquences induites par cette théorie du tutorat. Par exemple lorsqu'il y a installeur et installé il se crée une relation de dominant à dominé. C'est pourquoi partant donc de ce fait nous nous efforcerons à lever un coin de voile sur certaines différences sociales à l'oeuvre dans le fonctionnement de cette institution agraire qui se matérialise à Kanzra par la mise à l'écart spatiale des migrants et toutes ses implications dont le repli sur le politique, la différenciation au niveau des cimetières, au niveau des Habitus.

Dans le même volet, traitant des mécanismes structurels de différenciation en milieu rural,  N'Guessan Zoukou14(*), dans sa thèse de doctorat en 1982 porte un regard sur les motifs de déplacement et de la non-participation des migrants au développement de la zone d'accueil, ainsi que leur niveau d'intégration. L'auteur fait remarquer que l'immigrant se déplace donc en vue de conquérir de vastes forêts pouvant lui rapporter de forts revenus.

A ce propos, il souligne que le motif de déplacement de l'immigrant répond à un but purement économique. C'est ce qu'il soutient de même en rapport avec les immigrants du Nord de la Côte d'Ivoire, des allogènes voltaïques et maliens. Il traduit cela en ces termes : « Ils repartent chez eux une fois rassemblé l'argent pour l'achat de vélo et d'autres marchandises et pour le paiement de la dot ». p.269.

Mais pourquoi sont- ils toujours présents à Kanzra tant est-il qu'ils sont là pour des buts purement économiques ? N'ont-ils pas suffisamment eu de l'argent ? La dimension économique seule n'explique pas le motif mais à cela il faut ajouter les autres dimensions de la réalité sociale (la dimension politique, culturelle, symbolique... )

Il ajoute pour dire que leurs habitats sont de types précaires en matériaux peu durables et adaptés aux conditions locales.

Mais ces constructions ne sont pas réalisées dans le même esprit qui habite par exemple un autochtone. Ce fait est dû, selon N'guessan Zoukou, à l'idée du provisoire, du temporaire, qui anime les migrants.

Dans cette veine, Roch Yao GNABELI15(*), dans son article intitulé « sédentarisation et non modernisation de l'habitat chez les allogènes en milieu rural Ivoirien » cherche à comprendre les motifs de déplacement des migrants qui se sédentarisent en milieu rural ivoirien.

L'auteur analyse aussi le motif de la non-modernisation de leur habitat. Sur ces questions, l'auteur explique que la migration a été favorisée par l'économie de plantation dans les zones rurales.

Cependant, les migrants bénéficiant de l'amitié de leur hôte pour être installés ne s'inscrivent pas dans la même dynamique de la modernisation de l'habitat. L'auteur justifie cette situation par le fait que le migrant en ne modernisant pas son habitat présente un caractère symbolisant l'étranger. Alors par sa condition sociale l'étranger montre qu'il est pauvre si l'on s'en tient à son habitat.

L'auteur ajoute pour dire que la non modernisation de l'habitat est favorisée par le lien que l'étranger a avec son lieu d'origine. Ce lien se caractérise par des associations à caractère tribal qui les unit à leur lieu d'origine.

A travers cette question de l'habitat, GNABELI fait observer des liens symboliques qui caractérisent les étrangers.

Ces études nous décrivent la structuration de l'habitat du migrant en milieu rural qui se trouve être un élément à travers lequel l'on perçoit la différenciation. Aussi ces études nous enseignent que ces formes d'habitat sont liées au fait que les migrants sont animés par l'idée du provisoire, du temporaire.

Or ces migrants pour la plupart sont sédentarisés dans ces milieux depuis la période coloniale. Où est donc l'idée du provisoire ?

C'est pourquoi dans notre étude ,nous chercherons à mettre en exergue d'autres facteurs explicatifs pour comprendre cette différenciation symbolique que le migrant construit à travers son statut "d'étranger"(celui qui n'est pas chez soi) matérialisé par la non modernisation de son habitat en zone rurale.

· Différenciation sociale et système foncier

Michel (J) et Guy (R)16(*) ont abordé la question des relations inter-ethniques en Afrique en les qualifiant de « type tribal, avec le maintien de l'accentuation des particularismes et des divisions ».

Les auteurs font remarquer que les liens que les migrants ont avec leur hôte sont des liens de dépendance. Ce qui fait apparaitre que les autochtones dominent les migrants. Ils font donc ressortir cette différenciation à travers divers aspects.

Selon Michel (J) et Guy (R), la dispersion des groupes familiaux se fait distinguer à travers les structures politiques traditionnelles.

L'homogénéisation des comportements par l'adaptation à un même environnement qui pourrait favoriser un bon climat social se trouve freinée par des facteurs que sont :

- Le maintien des liens des migrants avec leur lien d'origine au-delà de plusieurs générations. Ceci s'explique par la précarité de leurs conditions de vie dans leur lieu d'accueil.

- La solidité des liens de solidarité traditionnelle de la famille. Chaque famille voulant constituer une entité sociale authentique se différencie de l'autre.

- Au niveau économique, le migrant appartient le plus souvent aux catégories socioprofessionnelles les moins favorisées étant donné que celui-ci rapatrie une grande partie de ses revenus dans son lieu d'origine. Alors il ne pourra donc pas effectuer des investissements durables dans son lieu d'accueil.

Nous nous servirons ainsi de cette analyse pour cerner les logiques de différenciation à l'oeuvre à Kanzra.

Toujours dans cette logique de mettre en exergue les différenciations sociales qui ont cours dans l'espace rural, Cecile, Jacqmin, Cnearc et Eric PENOT, dans leur étude intitulée Pression foncière et différenciation sociale au Nord-Ouest de la Province de Kompong Chan-Cambodge, montre comment la "décollectivation" foncière fut en grande partie à l'origine de la différenciation sociale et économique qui a existé dans les années 80 au Cambodge.

Face au manque de moyens de production (absence d'outillage et de matériel végétal, population affaiblie par la guerre), la République populaire de Kampuchéa, installé par les vietnamiens en 1979, organisa une nouvelle mise en commun des moyens de production sous la forme de solidarité. Et que la production par la suite est redistribuée en fonction du travail investit par chacun.

Le réel redémarrage de l'agriculture intervient avec le partage des terres au début des années 80. En fonction du finage, chaque famille reçoit une surface à cultiver avec un titre provisoire de possession qui correspond à un droit d'usage à leurs terres mais n'est en rien un titre de propriété.

Cécile et Pénot font remarquer que malgré une apparente équité lors de la distribution foncière, certains agriculteurs sont dès le départ à l'avantage et d'autres sont «lésés». Grâce à des terres mieux situées, plus fertiles, ces agriculteurs s'enrichissent progressivement. Les fonctionnaires et les militaires ont également reçu des surfaces cultivables, souvent plus importantes que celles des simples paysans. Grâce à leurs revenus non agricoles, ils vont être les premiers à accumuler du foncier en rachetant les terres des agriculteurs endettés.

Ces auteurs vont ajouter que la part importante de grandes exploitations agricoles et la présence de l'hévéaculture considérée comme une culture de riche au Cambodge donne l'impression d'une certaine prospérité dans la région. Mais derrière cette richesse potentielle l'endettement d'une large partie de la population rurale est bien réel.

Selon ces auteurs, les différences de taille d'exploitation se traduisent par des différences encore plus importantes en termes agricoles. A travers cette étude, nous percevons comment de la "décollectivation" foncière se sont construites " des différenciations entre les populations. Nous en tiendrons compte mais l'acquisition des terres n'est pas le seul élément qui favorise la différenciation en milieu rural. Ce faisant dans le cadre de notre étude nous ferons ressortir d'autres éléments qui laissent apparaitre des différenciations entre migrants et autochtones à Kanzra.

· La construction identitaire dans l'espace agricole.

Isabel Rodrigo (1997)17(*), présente la notion d'identité comme des formes sociales appréhendées à partir des relations de coexistence, de collaboration, d'interdépendance mutuelle que les agents établissent entre eux.

Dans cette vision, elle montre la façon dont les individus et les familles se classifient et s'identifient eux-mêmes et ainsi que les autres.

Il s'agit selon Rodrigo des agriculteurs et des autres.

En effet, pour Isabel Rodrigo ce système de classification est fondé sur la reconnaissance de l'activité productive exercée et qui est par conséquent, à l'origine du revenu familial.

Ainsi selon l'auteur, la possibilité pour être reconnu et s'identifier soi-même comme agriculteur exige dès lors, non seulement que le temps d'activité soit occupé par la culture de la terre mais aussi et surtout que le revenu familial provienne majoritairement dans sa totalité de l'exploitation agricole.

C'est pourquoi elle dira que « ce que l'on est » est défini par tous en fonction de « ce que l'on fait pour vivre ».

Quant à Isaacman Allen et Peterson Derek18(*), ils montrent comment des esclaves militaires dans les propriétés portugaises riveraines du Zambèze (Mozambique contemporain) en sont venus à se construire une nouvelle identité sociale commune nommée chikunda (les conquérants).

Ils montrent à travers leurs études comment les esclaves-soldats ont développé un ensemble de rituels, de pratiques, de croyances et de comportements communs qui célébraient leur courage, leur loyauté et la discipline militaire construisant une culture qui idéalisait le service militaire.

Ce domaine commun n'était pas crée pour servir les logiques des propriétaires d'esclaves.

L'identité sociale et culturelle des chikundas était le produit de l'action culturelle et politique des esclaves eux-mêmes.

L'identité sociale et ethnique des chikundas avait notamment pour objectif de différencier les esclave-soldats de la paysannerie locale, augmenter leur influence auprès des propriétaires et donner un sens et du prestige à leur vie traversée par le danger.

Nous disons que ces études sont intéressantes dans la mesure où elles font ressortir les logiques de construction de l'identité sociale.

Mais à travers notre étude, nous nous évertuerons de mettre en lumière les effets de cette construction identitaire sur les relations interethniques à Kanzra notamment au niveau politique, socioculturel et même spatial.

L'état des connaissances à travers les écrits des auteurs a permis d'avoir une idée plus claire de notre objet relatif aux rapports interethniques. Nous remarquons que chaque auteur a abordé son thème selon un angle spécifique qu'il s'est donné. En nous appuyant sur la pertinence de leurs écrits, nous appréhenderons aussi ces rapports interethniques sous d'autres angles en mettant par exemple en relief les logiques de différenciation au niveau socioculturel, politique et symbolique entre autochtone et migrant à Kanzra. De même, nous analyserons les représentations sociales que se font réciproquement chaque groupe social l'un de l'autre.

* 12 Jean Pierre Chauveau « la question foncière en Côte d'Ivoire est le coup d'Etat ou comment remettre à zéro le compteur de l'histoire » pp. 11-12

* 13 Koné Mariétou, foncier rural, citoyenneté et cohésion sociale en Côte d'Ivoire : la pratique du tutorat dans la sous préfecture de Gboguhé in Colloque international "les frontières de la question foncière. Montpellier 2006, pp. 4-7

* 14 N'guessan Zoukou, L. Immigration, développement économique et intégration nationale dans la région de Oumé:Côte-d'Ivoire.1982, thèse de Doctorat de troisième cycle, I.G, Paris.

* 15Roch Yao Gnabeli, « Sédentarisation et non modernisation de l'habitat chez les allogènes en milieu rural ivoirien », in revue africaine d'Anthropologie, N'yansa Pô n°2 p .78

* 16 Michel(j) et Guy(R) : Aspect des relations interethniques dans les pays d'outre mer d'expression française, in colloque Franco-britanique sur les relations raciales en France et en Grande -Bretagne, volume 1-1971, p109-126.

* 17 Isabel Rodrigo « les identités sociales dans l'espace social agricole », CIHEAM-Option Meditérannéennes, n°12

* 18 Isaacman Allen, Peterson Derek Making the chikunda: Military slavery ethnicity in Southern Africa, 1750-1900.

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