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L'émergence de la responsabilité sociale des entreprises en Afrique : état des lieux, enjeux et perspectives

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par Urbain K. YAMEOGO
IAE Gustave Eiffel - Université Paris 12 (Créteil) - Master 2 professionnel Management de la RSE 2007
  

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II. La marginalisation de l'Afrique dans la mondialisation

Malgré le développement des échanges internationales qui accompagne la mondialisation, l'Afrique peine à trouver sa place dans le commerce international. Elle pèse moins de 2% dans le commerce mondial, ce qui a conduit progressivement à sa marginalisation. Divers facteurs sont invoqués pour expliquer la situation de marginalisation dans laquelle se trouve l'Afrique. Il s'agit entre autres de :

- l'insuffisance des réformes : cette insuffisance se trouve plus dans l'ampleur des réformes plutôt que dans leur nombre car les réformes politiques et juridiques sont très souvent parcellaires (réformes à mi-chemin) et non coordonnées, ce qui conduit à une multiplication (florilège) de cadres institutionnels et de textes juridiques qui ne trouvent pas à s'appliquer ;

20 Jean COUSSY est chercheur à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et associé au Centre d'Etudes et de Recherches Internationales (CERDI).

21 Conseil Économique et Social, Enjeux sociaux et concurrence internationale : du dumping social au mieux- disant social, Rapport présenté par M. Didier Marteau, 2006

- l'échelle de production et des marchés : l'Afrique a une longue tradition de production et de marchés à petite échelle. La faiblesse de la production et du marché réside dans la faible industrialisation et dans le poids important de l'économie informelle ;

- la qualité des ressources humaines : beaucoup de pays disposent d'une main d'oeuvre abondante et peu coûteuse. Cependant une bonne partie de la main d'oeuvre n'est pas qualifiée ou ne dispose pas de compétences en adéquation avec les besoins du marché;

- les risques environnementaux élevés et la faiblesse des contraintes : l'absence ou la faiblesse des contraintes érigées par les législations peut constituer plus un risque qu'une opportunité. Les économies sont par ailleurs très vulnérables aux aléas climatiques du fait de la nature des produits exportés ;

- La persistance de la dépendance envers les produits primaires et l'invariabilité de la structure des produits de base : il s'agit pour l'essentiel de matières premières agricoles et minières exportés sans transformation et donc sans valeur ajoutée22 ;

- Le faible développement du secteur secondaire : elle a pour cause principale
l'effondrement des industries locales nationales suite à l'ouverture des frontières ;

- Les difficultés d'accès aux marchés des pays développés : ces difficultés sont très perceptibles dans le domaine agricole où les normes sanitaires et techniques empêchent les produits du sud d'accéder aux marchés du nord;

- Le développement du tout financier et du « court-termisme » qui a conduit au délaissement des secteurs non productifs ou peu rentables23 ;

- La faiblesse et la répartition inégalitaire des IDE : les IDE sont orientés vers les pays qui disposent de ressources pétrolières et minières.

- La faiblesse du commerce intra-régional et l'influence des relations avec les anciennes métropoles coloniales : les pays africains ont établi des liens économiques plus étroits avec leurs anciennes métropoles respectives qu'avec d'autres pays africains, ce qui, à certains égards, constitue un handicap non négligeable.

- La faible présence des africains dans la gouvernance mondiale et la recherche 24

22 « La part du commerce international que détient l'Afrique est petite et continue de s'amenuiser, son marché étant axé vers l'exportation de produits primaires et l'importation de produits non primaires » A.S. Bhalla Op. Cit

23 « Pour beaucoup, la mondialisation a mis à mal les moyens d'existence traditionnels et porté atteinte aux communautés locales, et elle représente une menace pour l'environnement et pour la diversité culturelle.» A.S. Bhalla (sous la direction de) op. cit.

- L'affaiblissement de l'Etat : son intervention se réduit aux fonctions régaliennes

Le rapport de la Commission mondiale sur dimension sociale de la mondialisation est très critique au sujet des effets de la mondialisation sur les pays du sud. Elle note :

- de graves déséquilibres Nord-Sud concernant l'accès au savoir et à la technologie - les pays les moins avancés demeurent exclus des avantages de la mondialisation - les flux spéculatifs à court terme ont eu un effet dommageable

- une forte augmentation des activités transfrontières illégales

- l'étroitesse des investissements dans les secteurs non productifs comme l'éducation

- les personnes instruites et qualifiées, disposant d'un capital et de capacités

entrepreneuriales ont été les gagnants mais les travailleurs pauvres, analphabètes et

sans qualifications ainsi que les peuples indigènes ont été les perdants

- de grandes disparités de pouvoir et de capacité entre les différents Etats - nations, ces inégalités ayant pour cause première l'inégalité au niveau de la puissance économique.

III. La RSE et l'exigence d'une mondialisation à visage humain

Les interdépendances mondiales engendrées par la mondialisation ont créé une communauté d'enjeux (réchauffement climatique) et d'intérêts (développement harmonieux à la fois économique, humain et social) qui appellent une co-responsabilité des acteurs même si les responsabilités sont inégales : les acteurs n'ayant pas les mêmes degrés d'influence et d'intérêt, leurs actions dans la mondialisation et les impacts qui en résultent ne sont pas les mêmes et ne les engagent pas de la même manière. La mondialisation qui, d'une manière générale, s'est accompagnée de l'accroissement de la puissance et de l'influence du secteur privé, et d'un affaiblissement relatif du rôle de l'Etat et du secteur public, conduit l'entreprise à assumer une responsabilité de fait ou de droit. D'où l'émergence du concept de responsabilité sociétale qui vise à répondre de manière constructive et systématique aux défis qui se posent à l'entreprise et à la société : celui de placer l'Homme au centre de tout processus de développement et d'inscrire le développement dans une perspective de durabilité. Ceci l'amène ainsi à intégrer à l'objectif économique et de rentabilité financière,

24 «la mondialisation loin d'être un processus historique naturel, inévitable, est une stratégie planifiée, élaborée dans des officines où aucun africain n'est convié. Pour la promotion d'intérêts qui ne sont pas ceux de l'Afrique... », Makhtar Diouf, Mondialisme et Régionalisme, le «nouveau régionalisme» en Afrique 2002

des logiques et des considérations autres, notamment sociétales et environnementales et sur le long terme, à s'interroger et à répondre de manière structurée à l'impact de ses décisions, de ses politiques, de ses stratégies, de ses actions et de son abstention à agir. Cela passe par l'identification des problématiques et enjeux auxquels l'entreprise et la société ou l'environnement local sont confronté(e)s.

D- Les problématiques RSE en Afrique

Il faut entendre par «problématiques RSE» les grands enjeux auxquels les sociétés africaines sont confrontées du fait de l'action des entreprises ou auxquels les entreprises peuvent contribuer à répondre. Certaines de ces problématiques peuvent être internes à l'entreprise. D'autres par contre trouvent des résonances au sein de la communauté, du pays et voire du continent. Les problématiques présentées ci-dessous ne sont qu'indicatives. Elles ne sauraient être considérées comme exhaustives et leur présentation ne répond à aucun ordre d'acuité.

I Gouvernance et bonnes pratiques des affaires

a. Respect des lois

On a pu constater dans le chapitre consacré au cadre juridique que les pays africains possèdent des législations encadrant les activités économiques. La vraie problématique se situe au niveau de leur respect par les acteurs, au premier rang desquels les entreprises. Les contournements législatifs, l'exploitation des failles de la réglementation notamment en matière fiscale ou le lobbying irresponsable pour des exigences légales au rabais constituent des pratiques qui ne sont pas méconnues dans le milieu des affaires africains. Des entreprises nationales ou multinationales ont souvent été accusées de faire et de défaire les pouvoirs locaux ou de piller les ressources locales en profitant des situations hors de contrôle des gouvernements. En octobre 2002, un Groupe d'experts des Nations Unies enquêtant sur l'exploitation illégale des ressources en République démocratique du Congo publiait un rapport dénonciateur sur les activités des sociétés engagées dans le commerce très souvent illégal des diamants et l'extraction d'autres ressources25. Il faut noter par ailleurs que les réformes d'ajustement structurel ont érodé la capacité des Etats à surveiller la mise en oeuvre et le respect des lois et règlements par les entreprises comme le relève le GRAMA.

25 Rapport final du Groupe d'experts sur l'exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, S/2002/1146,

b. Reddition de compte

Les réglementations et législations organisent la reddition des comptes financiers dans le cadre des obligations comptables à la charge des entreprises vis-à-vis de l'Etat et de ses propriétaires, c'est-à-dire les actionnaires. Cependant les réglementations sont muettes quant à la reddition des comptes aux autres parties prenantes de l'entreprise sur leurs performances environnementales et sociales. La faiblesse de l'influence des parties prenantes laisse à l'entreprise africaine, en dehors de toute pression externe (de donneurs d'ordre, du groupe ou de la maison mère) la latitude de s'enfermer dans l'opacité complète quant aux impacts de ses activités sur la société.

c. Ethique des affaires : corruption et subordination

La problématique de la corruption constitue un des enjeux majeurs en matière de RSE en Afrique. Ce ne sont pourtant pas les mesures réglementaires, légales et institutionnelles qui manquent. Beaucoup d'Etats ont adhéré à la Convention des Nations unies contre la corruption et mis en place des structures et mécanismes de surveillance et de répression de la corruption. Cependant, l'indice de perception de la corruption de Transparency International montre que beaucoup d'Etats africains sont rongés par la corruption. Elle constitue une gangrène aussi bien pour les Etats que pour les entreprises. Pour les multinationales, cet état de fait crée un climat malsain pour les affaires. L'Indice de Corruption des Pays Exportateurs (ICPE) révèle pourtant qu'elles sont souvent à la base des pratiques de corruption qu'elles dénoncent. Transparency International dans son rapport 2006 note en effet que « le versement de pots-de-vin à l'étranger par les entreprises des plus grands pays exportateurs reste une pratique courante [...] (et que) les sociétés qui versent des pots-de-vin compromettent les efforts réels des gouvernements des pays en développement pour améliorer la gouvernance et entretiennent ainsi le cercle vicieux de la pauvreté » 26 . La PME locale comme l'entreprise nationale ou multinationale se trouve ainsi être à la fois actrice et victime de la corruption.

II Droits humains

a) Travail des enfants et travail forcé

26 L'ICPE évalue la propension des entreprises de 30 des plus grands pays exportateurs à verser des pots-de-vin à l'étranger

La question du travail des enfants est une problématique majeure des entreprises et de l'opinion occidentales. Cela ne semble pas être le cas en Afrique27. Et pour cause, sur la liste indicative des problématiques adressées aux participants africains, aucun choix n'a été fait sur le travail des enfants ou le travail forcé. Cependant, les rapports de plusieurs organisations non gouvernementales attestent de trafics et d'utilisation d'enfants dans les plantations de cacao, de café, de coton, l'exploitation minière, etc. Les entreprises des secteurs agroalimentaires, textiles et miniers sont ainsi les plus concernées par la problématique. De précédents scandales impliquant des fournisseurs ou sous-traitants d'entreprises occidentales en Asie ont aiguisé la sensibilité des entreprises occidentales et leur attention sur cette problématique. Cependant, force est de constater que la situation de pauvreté en Afrique qui conduit l'enfant à se battre pour survivre par le travail, ainsi que les habitudes et la culture locale (travail dans le champ familial) qui veut que le travail soit un moyen d'éducation et d'insertion de l'enfant dans la société, contrastent avec toute l'attention accordée à la question et dénote la complexité du problème. Cela devrait conduire à une approche holistique et non isolée de la question car la lutte contre le travail des enfants ne doit pas amener à les fragiliser davantage en les abandonnant dans des situations de prostitution, de délinquance ou de criminalité. L'enjeu pour les entreprises est donc double : éviter le travail des enfants et oeuvrer à leur plein épanouissement.

b) Complicité dans les abus commis par des tiers et collusion

En vertu du deuxième principe du Pacte mondial, les entreprises devraient s'assurer qu'elles ne sont pas complices de violation de droits humains28. La complicité dans les abus commis par des tiers en Afrique prend plusieurs formes :

- l'implication directe ou indirecte des partenaires d'affaires notamment des filiales, de la chaîne de sous-traitance ou des fournisseurs dans des violations. Il en est ainsi par exemple des fournisseurs ou sous-traitants employant des enfants, pratiquant des formes de travaux forcés, ou impliqués dans des affaires de corruption, etc.

- les violations commises dans le cadre d'opérations de sécurisation et de protection
assurées par des brigades de sécurité privées agissant souvent dans l'impunité totale.

27 Le travail des enfants en Afrique : Problématique et défis, Banque mondiale, FINDINGS, 191, novembre 2001

28 Pour le haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, une entreprise se rend complice de violations des droits humains quand elle autorise, tolère ou ignore sciemment des atteintes aux droits humains perpétrées par une entité à laquelle elle est associée, ou si elle fournit sciemment une aide concrète ou des encouragements sans lesquels les droits humains n'auraient pas été bafoués dans les mêmes proportions.

- les opérations dans les zones de conflits ou les liens avec les groupes armés ou avec les pouvoirs publics auteurs de violation de droits humains.

Des accusations sont par exemple portées contre ECOBANK de complicité dans l'agression de la RDC suite à son acquisition de la Banque de commerce, de développement et d'industrie (BCDI) du Rwanda29. Au Nigeria d'autres accusations ont été portées contre Chevron pour sa complicité dans la répression sanglante de manifestations par l'armée nigériane30. Dans le rapport de la mission d'enquête internationale la FIDH révèle que : «l'exemple de Morila où 9 anciens travailleurs ont été mis en détention provisoire pendant 14 mois pour l'étrange explosion de deux bus de la Somadex devant la gendarmerie met en lumière les dangers de cette collusion entre forces de l'ordre et entreprises »31.

c) Problématiques liées à la santé : Sida, accès aux médicaments, recherche sur les maladies pauvres ou orphelines, essais thérapeutiques

Il y a un lot de problématiques liées à la santé en Afrique qui touchent à la responsabilité des grands groupes pharmaceutiques. Un des grands scandales du siècle reste sans doute les poursuites judiciaires engagées par 39 grands groupes pharmaceutiques contre le gouvernement sud africain pour le non respect de droits de propriété intellectuelle sur les antirétro viraux. Le Sida pose par ailleurs à l'entreprise d'autres enjeux connexes : la prise en charge, la non discrimination et l'intégration des personnes vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Pendant longtemps des licenciements et des discriminations au travail ou dans le recrutement ont touché des personnes vivant avec le VIH au sein d'entreprises aussi bien nationales que multinationales. Une prise de conscience conduit à l'adoption d'initiatives pour juguler le problème.

Le manque d'intérêt des laboratoires de recherche pour des maladies négligées, présentes ou répandues dans les pays tropicaux pauvres, ou orphelines (rares) constitue une problématique importante. Dans le doute de retour sur investissement voire la certitude de non rentabilité, peu de laboratoires osent s'aventurer dans la recherche sur ces maladies.

29 http://www.business-humanrights.org/Categories/Issues/Abuses/Complicity?&batch start=1 1

30 La mise en cause de Chevron est relative entre autres aux événements qui se sont déroulés sur le terminal d'Escavos le 4 février au cours desquels les forces de sécurité auraient attaqué, tué ou blessé des civils, cf. EFAI, AFR 44/020/2005 du 3 novembre 2005

31 FIDH «Mali, l'exploitation minière et les droits humains », septembre 2007 http://www.fidh.org/spip.php?article4709

Par ailleurs des groupes pharmaceutiques ont souvent été accusés d'exploiter la misère et l'ignorance ou la détresse de populations pour leur administrer des essais thérapeutiques. On garde encore à l'idée les accusations et les poursuites engagées par le Nigeria (l'Etat de Kano) contre Pfizer récemment accusée d'avoir utilisé secrètement des enfants malades comme cobayes pendant la pandémie de méningite de 199632. Dans le secteur de l'industrie agroalimentaire, les problèmes liés à la malnutrition (obésité) et à la sécurité des aliments (produits OGM) aussi font jour en Afrique.

d) Droits des autochtones : expropriation, jouissance des fruits de l'exploitation des ressources naturelles locales, bio piratage

Les expropriations et la jouissance des fruits de l'exploitation des ressources locales se posent avec acuité dans les zones riches en ressources naturelles pétrolières et minières. La lutte du peuple Ogoni face à SHELL Petroleum Development Corporation au Nigeria constitue dans les mémoires un exemple encore très vivace33. Dans un document public34, Amnesty International note que, dix ans après les exécutions qui ont horrifié la planète entière, l'exploitation pétrolière dans le delta du Niger continue d'entraîner des spoliations, des injustices et des violences. Les habitants de villages, qui souffrent par ailleurs de dégâts environnementaux, risquent un châtiment collectif de la part des forces de sécurité lorsqu'ils sont soupçonnés de faire obstacle à la production de pétrole ou de protéger des criminels. Malgré la montée des cours du pétrole, les riverains des installations du delta du Niger restent parmi les plus pauvres du monde. Se posent ainsi à la fois le problème de l'indemnisation des personnes expulsées des champs d'exploitation et de la jouissance par ces derniers des fruits de l'exploitation pétrolière. Cela entraîne souvent des conflits et des violences intercommunautaires, des violences contre les forces publiques et surtout contre les entreprises et leurs installations.

Lorsque ce ne sont pas leurs sols qui sont spoliés ou leurs ressources qui sont pillées, ce sont les savoirs des communautés indigènes notamment en matière médicale (et les plantes médicinales qui vont avec) qui sont frauduleusement exploités ou brevetés.

32 Il s'agit d'un comportement à la fois délictueux et contraire à l'éthique en violation totale de la déclaration d'Helsinki régissant l'éthique de la recherche médicale ainsi que la CIDE des Nations Unies

33 Ken Saro - Wiwa, leader de la minorité Ogoni et huit autres défenseurs de la minorité ont été exécutés en 1995 malgré les protestations de la communauté internationale et la complicité passive de SHELL est indexée.

34 EFAI, AFR 44/020/2005 du 3 novembre 2005

e) Discriminations

La discrimination a été et est encore un problème majeur en Afrique. En Afrique du sud, pendant la période d'apartheid, des entreprises nationales et multinationales ont appliquées des politiques de discriminations raciales.

La pratique des embauches familiales, relationnelles et ethniques posent aussi le problème de l'inégalité des chances sur le marché du travail. La question de l'égalité des sexes dans le recrutement, le traitement en matière salariale ou la gestion des carrières reste tout aussi importante.

III Pratiques professionnelles : relations et conditions de travail

a) Conditions de travail

La question des conditions de travail se pose aussi avec acuité en Afrique plus qu'ailleurs avec des enjeux sous-jacents ou connexes comme la santé, l'hygiène et la sécurité au travail, les rémunérations, la pénibilité du travail. Le travail décent constitue un défi aussi bien pour les Etats que pour les entreprises.

b) Liberté d'association et droits sociaux

Le rapport 2006 de la CSI (Confédération Syndicale Internationale) révèle que l'Afrique n'est pas en reste dans les atteintes aux droits et libertés des travailleurs. Il indique que de nombreux Etats comme le Zimbabwe, le Maroc, l'Île Maurice, l'Afrique du sud, la Guinée, la Guinée équatoriale, l'Algérie, le Bénin, l'Ethiopie, la Libye, le Soudan, le Kenya se sont illustrés dans la répression de manifestants syndicaux, le harcèlement, les intimidations et menaces ou la limitation de droits syndicaux. Il faut noter par ailleurs que la nature du marché économique et du travail africain, le manque de ressources des syndicats, les accointances politiques et les enjeux de leadership internes sont des handicaps pour l'organisation et le renforcement des syndicats africains face à l'Etat et surtout au secteur privé. Si le statut protecteur des fonctionnaires justifie l'engagement de ceux-ci dans les grèves de revendications salariales et de lutte contre la vie chère, la précarité de l'emploi et la crainte de licenciement décourage les travailleurs du secteur privé à s'organiser en syndicats ou à utiliser la grève comme mode de revendication. L'hostilité aux syndicats est en particulier perceptible chez les entrepreneurs individuels comme nous l'indique les propos d'un entrepreneur

burkinabé rapporté par Pascal LABAZEE dans son livre. Pour ce dernier « le seul syndicat qu'il connaisse, c'est le travail »35.

IV Environnement

D'entrée de jeu, il convient de noter la dépendance directe des populations vis-à-vis des biens environnementaux. La proximité avec l'environnement est très perceptible dans les habitudes de vie : plantes et arbres fruitiers sauvages, plantes médicinales, utilisations domestiques du bois, sacralité des arbres, des forêts et de certaines espèces animales ; autant de références qui dénotent un lien de proximité érigeant les questions environnementales en enjeu majeur.

a) Les défis liés à l'agriculture

L'agriculture durable constitue un défi majeur pour l'Afrique aussi bien au plan économique, social que environnemental et l'agriculture est aujourd'hui un des points d'achoppement des négociations internationales aussi bien à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) que dans les accords de partenariat économique (APE).

L'agriculture est le plus grand pourvoyeur d'emplois dans de nombreux Etats africains36. Cependant, il s'agit très souvent d'emplois familiaux, saisonniers ou précaires. Toujours au plan économique se pose la question de la sécurité alimentaire face à l'abandon des cultures vivrières au profit des cultures commerciales. Pour accroître leurs devises, plusieurs Etats et entreprises encouragent les cultures d'exportation (coton, cacao, café) pendant que plus de 200 millions en Afrique subsaharienne meurent de faim. L'abandon de l'agriculture vivrière ou de subsistance au profit des cultures commerciales ne peut qu'avoir des effets désastreux au plan social au moment même où le cours de certaines matières agricoles connaît une baisse généralisée voire un effondrement du fait des subventions illégales et massives que les pays développés accordent à leurs agriculteurs.

Au plan environnemental, plusieurs enjeux liés à l'agriculture se posent : la dégradation des sols, l'introduction des organismes génétiquement modifiés (OGM). Les effets de l'agriculture sur les sols sont très perceptibles. Extensive et rudimentaire dans les zones rurales, l'agriculture contribue à l'érosion et au lessivage des sols. Intensive et industrialisée

35 P. LABAZEE, Entreprises et entrepreneur du Burkina, Khartala, 1988

36 Pour la majorité de l'Afrique, l'agriculture constitue l'activité économique principale, fournissant un moyen de survie et un emploi à un grand nombre d'habitants. Près de 203 millions de personnes (56,6% de la main d'oeuvre), travaillaient dans le secteur agricole en 2002 (FAOSTAT 2004). Dans la plupart des pays africains, l'agriculture pourvoit aux besoins de 70% de la population (CEA 2004)

dans d'autres, elle favorise la pollution des sols et des eaux par les engrais et pesticides. Quelques Etats, sous l'impulsion de la Banque mondiale et de certaines multinationales ont adopté la culture d'OGM. Depuis 2003 le Burkina Faso suivi par d'autres pays se sont ainsi lancés dans des cultures expérimentales de coton transgénique. L'introduction des OGM fait émerger ou accroît l'acuité de certains enjeux comme la sécurité alimentaire, les pollutions, la santé humaine, les dangers pour la biodiversité et pose la question de la responsabilité des différents acteurs face à la nécessité de précaution qui doit entourer la culture des OGM.

b) Protection de l'écosystème et de la biodiversité

La déforestation et la désertification portent de sérieuses menaces sur la biodiversité37. Selon le PNUE, l'Afrique perd ses forêts au taux de 0,8% par an (5 262 000 ha). Elles sont le fait aussi bien des usages domestiques que de l'exploitation industrielle des forêts. Les activités extractives et minières ont aussi des conséquences énormes sur l'environnement et la biodiversité. Tout l'enjeux est donc d'adapter les besoins de l'exploitation industrielle et domestique aux nécessités de protection des écosystèmes et de la biodiversité.

c) Changements climatiques

Selon le PNUE, l'Afrique supporte une part disproportionnée des coûts associées aux changements climatiques. Les émissions de CO2 en Afrique constituent une part très infime des émissions mondiales du fait de la faiblesse de l'industrialisation de la plupart des pays africains et malgré les pollutions importantes perceptibles dans les grandes villes. Cependant la faiblesse des émissions contraste avec les désastres liés aux changements climatiques qu'endure l'Afrique : rareté des pluies et des eaux, sécheresses et famines, dérèglements climatiques et saisonniers, réchauffement climatique, maladies.

Les questions énergétiques se posent aussi en termes de disponibilité et d'accès à l'électricité. L'énergie thermique et hydroélectrique constituent jusque-là les principales sources d'énergie. Le développement des énergies renouvelables notamment l'énergie solaire demeure un défi et peut-être la voie de l'autosuffisance énergétique.

d) Assainissements : déchets et eaux usées

37 Selon El Hadji Abdourahmane Diouf et Cheikh Tidiane Dieye «dans les zones humides du Sud et de l'Ouest, on assiste à une disparition rapide des forêts à cause entre autres, de l'exploitation abusive du bois à des fins marchandes et à l'extension des zones de culture pour compenser les déficits de productivité ». ICTSD-IISDRing Southern Agenda on Trade and Environment - www.trade-environment.org

Malgré la faible industrialisation, le traitement des eaux usées industrielles et la gestion des déchets constituent une question essentielle et une préoccupation qui prend toute son importance au moment où l'Afrique affiche une volonté de promotion de l'industrialisation à travers le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique NEPAD. Mais les exportations en Afrique de déchets industriels dangereux constitue une des problématiques les plus importantes et les plus actuelles. Le souvenir encore vivace du déversement en Côte d'Ivoire de 400 tonnes de déchets toxiques pétrochimiques en provenance d'Europe par le Probo Koala en est une preuve. Elle met en exergue une responsabilité à la fois des entreprises exportatrices des pays industrialisés et des entreprises ou autorités publiques des pays importateurs de ces déchets.

V- Questions de consommation

a. Accès aux biens essentiels

Dans la situation de pauvreté voire de misère dans laquelle se trouve certaines populations, l'accès aux biens essentiels demeure très problématique. Les réformes économiques réalisées dans le cadre des programmes d'ajustements structurels ont conduit au délaissement des services non productifs notamment des services sociaux. Des millions de personnes en Afrique subsaharienne demeurent encore sans approvisionnement en eau potable ou rencontrent des difficultés pour s'alimenter, se loger, se soigner ou encore d'avoir accès à l'éducation et à l'électricité. Les télécommunications demeurent un luxe pour les campagnes et la fracture numérique ne cesse de se creuser. Les services financiers ne favorisent pas l'accès au crédit aux pauvres malgré le développement de micro-crédits.

b. Qualité et prix des produits

En plus de la disponibilité se pose le problème de la qualité et du prix des produits disponibles. La faiblesse des ressources financières conduit assez souvent et tout naturellement les populations à accorder plus d'importance au prix qu'à la qualité. Toute l'attention accordée aux consommateurs européens à travers les services après vente ne semble pas être des pratiques répandues en Afrique exception faite des grandes métropoles et pour des biens qui ne sont pas à la portée de tous.

L'Afrique est de plus en plus la destination des produits usagés et l'exemple patent constitue
la récupération et le réemploi des ordinateurs et surtout l'import-export des véhicules de
seconde main ou d'occasion à l'origine des pollutions massives. La question du recyclage

n'étant pas forcément la préoccupation première des entreprises locales, cela a conduit à transformer certaines capitales en véritables dépotoirs.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein