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La lutte contre le terrorisme en droit international

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par JEAN-PAUL SIKELI
Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006
  

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Paragraphe 2 : La répression pénale du terrorisme par les

juridictions internationales

L'étude de la répression pénale du terrorisme donne à constater que le phénomène est difficilement justiciable des juridictions internationales. En effet, la nécessité de réprimer ce crime contraste bien avec l'absence de juridiction pénale internationale disposant d'une compétence générale en matière de terrorisme (A). Le seul point de soulagement reste la modeste contribution des tribunaux pénaux internationaux à la répression de certains actes terroristes (B).

A- L'absence de juridiction pénale internationale disposant

d'une compétence générale en matière de terrorisme

L'institution d'une juridiction pénale internationale disposant d'une compétence générale en matière de terrorisme s'est imposée et continue de s'imposer à la communauté internationale comme une étape plus que décisive, un défi permanent dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, les ambitions avant-gardistes d'instituer une juridiction spéciale contre le terrorisme, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, avaient buté sur un cinglant désaveu. Cet échec était du reste prévisible, puisque l'effectivité de cette juridiction était en réalité subordonnée à l'entrée en vigueur de la Convention qui la portait. Or justement, les deux conventions jumelles2(*)99 sur le terrorisme simultanément adoptées, sous les auspices de la SDN le 16 novembre 1937, sont restées lettre morte. La première déjà évoquée dans les développements antérieurs3(*)00, et qui portait la mention « Convention pour la prévention et la répression du terrorisme » avait une portée générale en termes de lutte organisée. La seconde, qui portait le titre « Convention pour la création d'une Cour pénale internationale » avait un objet beaucoup plus spécifique. Son champ de compétence restait exclusivement limité au jugement des individus accusés d'infractions terroristes à caractère international prévues par sa convention jumelle3(*)01. Ceci apparaissait dès lors comme une innovation parfois qualifiée de « hardie »3(*)02 par certains observateurs de la vie internationale. Il semble que le contexte historique- à la vielle de la Seconde Guerre mondiale- dans lequel se sont inscrits ces projets n'était sans doute guère propice à l'avènement de cette juridiction. L'on sait en effet que, suite à la Seconde Guerre mondiale, la répression pénale internationale s'est portée prioritairement sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité perpétrés durant le conflit mondial. Mais il s'avère en outre que le projet était nettement trop ambitieux pour l'époque, les Etats n'étant certainement pas prêts à accepter une telle évolution. L'intention de la Conférence des Etats était à l'époque d'instituer une cour compétente à l'origine uniquement pour connaître des infractions terroristes internationales, mais pouvant acquérir à termes d'autres compétences qui devait être exclusivement compétente pour juger les individus3(*)03. Cette juridiction, qui devait siéger à la Haye, aurait été une juridiction permanente. Elle n'aurait toutefois eu à se réunir qu'à l'occasion de sa saisine pour une poursuite relevant de sa compétence3(*)04 soit un acte de terrorisme « incriminé » dans la première convention de 1937. Ainsi, on relève des différences notables entre la juridiction mort-née et l'actuelle Cour pénale internationale dont le Statut a été adopté à Rome en 1998. On peut déjà souligner qu'à la différence de la juridiction mort-née dont le champ de compétence était limité aux actes terroristes, l'actuelle Cour pénale internationale méconnaît l'infraction terroriste, y était indifférente. Elle n'est compétente que pour les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les crimes de génocides et le crime d'agression, encore que cette dernière infraction y est logée sans définition.

Ainsi, comme on peut s'en apercevoir, à ce jour, il n'existe de juridiction internationale pénale de portée générale en matière de terrorisme. Le mérite revient en revanche aux tribunaux pénaux internationaux ad-hoc pour leur apport à la répression du terrorisme.

B- La contribution des tribunaux pénaux internationaux ad -hoc à la

répression du terrorisme

La mission des tribunaux ad-hoc consiste à juger de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis dans le cadre d'un conflit armé précis. Le terrorisme peut quant à lui être perpétré dans un contexte de paix relative comme dans un contexte de guerre. L'apport de la jurisprudence des tribunaux ad hoc ne peut dès lors concerner qu'une facette du terrorisme, celles des actes terroristes commis dans le cadre d'un conflit armé. Les statuts des tribunaux ad-hoc ne prévoient pas l'infraction de terrorisme comme infraction distincte et ne prévoient la compétence des tribunaux ad-hoc que pour juger de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Dès lors, l'analyse de leur jurisprudence ne sera intéressante pour notre étude que dans la mesure où cette jurisprudence peut être interprétée comme condamnant certains actes de terrorisme. Le Statut du TPIR envisage expressément la compétence3(*)05 de ce tribunal pour connaître des actes de terrorisme. L'article 4 du Statut du TPIR3(*)06, consacré aux violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Deuxième Protocole additionnel3(*)07 cite les « actes de terrorisme » parmi les infractions vis-à-vis desquels ce tribunal a juridiction. Le Statut du TPIR reprend ici les termes de l'article 4 du Protocole additionnel II, intitulé « garanties fondamentales » , et qui cite « les actes de terrorisme » parmi les actes « prohibés en tout temps et en tout lieu » à l'égard des personnes qui ne participent pas directement aux hostilités. On peut noter que l'article en question incrimine la « prise d'otages » avant de faire cas de la prohibition des « actes de terrorisme ». Ces deux mentions mise l'une à côté de l'autre autorisent à penser que le Statut du TPIR exclut la prise d'otages de la catégorie des actes terroristes, ce qui contrarie la Convention internationale de New York du 17 décembre 1979 qui considère dans son préambule les actes de prise d'otages comme des « manifestations du terrorisme international »3(*)08. Sur le fondement de l'article 23 de son Statut, une personne coupable d'un acte quelconque de terrorisme3(*)09 peut être passible d'une peine d'emprisonnement, la peine de mort étant exclue des sanctions applicables aux infractions qui ressortent de son champ d'application.

Cependant, on peut le noter avec Madame Cécile TOURNAYE3(*)10, qu'aucune condamnation n'a été prononcée sur cette base. Le Statut du TPIY3(*)11 n'a pas de disposition semblable. C'est donc ailleurs qu'il faudra rechercher les éléments caractéristiques de son apport à la répression pénale du terrorisme. On sait par exemple que ce tribunal a pris en compte la terreur infligée aux populations civiles dans le cadre d'inculpation pour crime contre l'humanité3(*)12. Comme on peut bien s'en apercevoir, les tribunaux pénaux internationaux ad-hoc connaissent de la question du terrorisme non pas comme une infraction autonome, mais plutôt comme un crime connexe du crime contre l'humanité et/ou du crime de guerre.

Mais, c'est semble-t-il du point de vue de l'engagement de la responsabilité pénale individuelle que l'apport des tribunaux ad hoc sera plus remarquable. De ce point de vue, leur utilisation de la théorie du « but commun », aussi dénommée « entreprise criminelle conjointe », comme mode d'engagement de la responsabilité individuelle dans l'ordre international, est peut-être leur contribution majeure pour une répression efficace du terrorisme dans l'ordre international. L'imputation d'un acte illicite est toujours difficile lorsqu'il s'agit d'une criminalité de groupe. C'est pourquoi la théorie du but commun, qui permet d'imputer le crime à un plus grand nombre que les théories classiques de mise en jeu de responsabilité, a été considérée à plusieurs reprises dans la lutte contre la criminalité de groupe. Elle rend chacun des « participants » à l'entreprise criminelle également responsable de tous les crimes commis dans le cadre de cette entreprise3(*)13. Il importe peu que l'un des membres ait, plus ou moins, contribué que d'autres à l'élaboration, à la planification puis à la commission du crime. Tous les membres de l'entreprise encourent une responsabilité pour la commission du crime résultant de l'entreprise criminelle. Sur cette base, on peut envisager l'inculpation de tous les membres d'une organisation terroriste telle que Al-Qaida, dans la chaîne d'organisation des actes criminels qui ont été perpétrés sur le territoire américain le 11 septembre 2001, depuis leur préparation, leur financement, jusqu'à leur réalisation3(*)14.

Les règles relatives à la lutte contre le terrorisme ayant été exposées, tout l'intérêt de notre sujet réside dans la nécessité de confronter la théorie à la réalité.

* 299 Ces deux conventions étaient intimement liées dans la mesure où aux termes de son article 53 paragraphe 2, l'entrée en vigueur de la « Convention portant création de la Cour pénale » restait tributaire de la « Convention pour la prévention et la répression du terrorisme ». Cette dernière n'ayant jamais reçu de ratifications et n'étant de ce fait jamais entrée en vigueur, il est évident que la «Convention portant création de la Cour pénale internationale » n'a jamais pu être mise en oeuvre.

* 300 Voir les développements en supra sur « Le constat d'échec d'une définition générale et tangible du terrorisme ».

301 Cf. Article Premier

302 Jean Christophe MARTIN, op.cit, p. 227

* 303 Comme l'analyse à propos Mario BETTATI, « le texte de la ( Convention portant création ce la Cour pénale internationale) suscita des réserves encore plus vives. De nombreux gouvernements estimèrent que l'institution d'une cour pénale internationale était inutile et irréaliste » ; voir « Les échecs de la SDN », in « La lutte internationale contre le terrorisme », Problèmes politiques et sociaux, n° 259, 30 mai 1975, La documentation française, p.24

* 304 Cf. Article 3

*

*

* 305 La compétence ratione materiae du TPIR s'étend au génocide (article 2 du Statut), aux crimes contre l'humanité (article 3 du statut), et à la violation de l'article 3 commun aux conventions de Genève (article 4 du Statut).

* 306 L'article 4 du Statut du TPIR mentionne expressis verbis : « Le tribunal international pour le Rwanda est habilité à poursuivre les personnes qui commettent ou donnent l'ordre de commettre des violations graves de l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 pour la protection des victimes en temps de guerres, et du Protocole additionnel II aux dites Conventions du 8 juin 1977. Ces violations comprennent sans s'y limiter : a) les atteintes à la vie, à la santé, et au bien être physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de peines corporelles ; b) les punitions collectives ; c) la prise d'otages (italique ajouté) ; d) les actes de terrorisme (italique ajouté) ; e) les atteintes à la dignité de la personne notamment les traitements humiliants et dégradants (...) ».

* 307 L'article 3 commun aux Conventions de Genève mentionne expressis verbis : « En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties contractantes, chacune des Paries au conflit sera tenue d'appliquer au moins les dispositions suivantes : 1- les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres des forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront en toutes circonstances traitées avec humanité, sans aucune distinction de caractère défavorable basée sur la race la couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou tout autre critère analogue. A cet effet, sont et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes mentionnées ci-dessus :

-a) les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels, les tortures ou supplices ; b) les pises d'otages (italique ajouté) ; c) les atteintes à la dignité des personnes, notamment les traitements humiliants et dégradants (...) ».

308 Voir en supra

309 On pourrait se demander ce que le Statut du TPIR entend par « actes de terrorisme » ou du moins quels sont les actes qu'il qualifie comme tels puisqu' a priori, ainsi qu'on l'a démontré, la prise d'otages est exclue de la catégorie de ces actes.

* 310 Voir Cécile TOURNAYE, « L'apport des tribunaux ad-hoc  à la répression du terrorisme », in SOS, ATTENTATS, Terrorisme, victimes et responsabilité pénale internationale, Calman-Lévy, Paris, 2003, p. 417

311 La compétence ratione materiae du TPIY s'étend aux infractions graves de Genève de 1949 (article 2 du statut), à la violation des lois et coutumes de la guerre (article 3), au génocide (article 4), aux crimes contre l'humanité (article 5).

312 L'auteur précité rapporte dans plusieurs affaires la prise en compte de la terreur en tant qu'élément déterminant dans la définition du crime contre l'humanité. Ainsi dans l'Affaire Krstic notamment, la terreur infligée à la population civile a permis d'établir le caractère forcé du transfert de cette population hors Srebrenica. La terreur a aussi été prise en compte dans l'appréciation des traitements cruels et inhumains reprochés à l'accusé dans le cadre du chef d'accusation de persécutions. Enfin le jugement de première instance dans l'Affaire Blaskic a tenu compte de la terreur au stade de la peine, en tant que circonstance aggravante. Le jugement cite ainsi, parmi les circonstances aggravantes, « le recours à des moyens et méthodes de combat aléatoires, disproportionnées et terrorisantes, tels l'usage des bébés bombes, des lance-flammes, grenades ou d'un camion bourré d'explosifs, mais également les souffrances physiques et psychologiques évidentes endurées par les survivants de ces évènements brutaux. ». Ibid. pp. 417 et s.

* 313 Le délit d'appartenance à une organisation criminelle était prévu dans le Statut du Tribunal militaire international de Nuremberg, en 1945, mais il n'avait alors été utilisé qu'avec parcimonie. On lit expressis verbis à l'article 9 du Statut : « Lors d'un procès intenté contre tout membre d'un groupement ou d'une organisation quelconques, le Tribunal pourra déclarer (à l'occasion de tout acte dont cet individu pourrait être reconnu coupable) que le groupement, ou l'organisation criminelle à laquelle il appartenait était une organisation criminelle ».

314 Les attentas du 11 septembre feront l'objet de développements plus approfondis dans la deuxième partie de notre travail.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo