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La lutte contre le terrorisme en droit international

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par JEAN-PAUL SIKELI
Université d'Abidjan-Cocody - DEA droit public 2006
  

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Quid de l'élément moral de l'infraction terroriste ?

Paragraphe 2 : L'élément moral des infractions terroristes

L'élément moral du terrorisme se rapporte à une intention spécifique, qui suppose que l'infraction terroriste est exclusivement intentionnelle. L'auteur de l'acte criminel doit non seulement être conscient de la terreur qui pourrait résulter de ses actes, mais que c'est précisément le résultat qu'il en attend1(*)24. L'effet terrorisant de l'acte ne suffit donc pas, encore faut-il que la terreur constitue le but principal de l'auteur. C'est là résumé, le dol spécial de l'infraction terroriste. Il convient de voir, dès à présent, la définition qui nous est offerte de l'intention spécifiquement terroriste (A), ainsi que de ses manifestations (B).

A- Les définitions de l'infraction spécifiquement terroriste 
Il ressort grosso modo de l'étude des différentes conventions, deux buts spécifiquement terroristes : provoquer la terreur ou intimider (1) et contraindre une autorité à certaines décisions (2).
(1)- Provoquer la terreur ou intimider

C'est la composante élémentaire du dol spécial du terrorisme qu'on retrouve en substance dans toutes les définitions conventionnelles du terrorisme. La Convention antiterroriste mort-née de 1937 incriminait ainsi en son article 1er les « faits criminels dirigés contre un Etat et dont le but ou la nature est de provoquer la terreur1(*)25 chez des personnalités déterminées, des groupes de personnes ou dans le public »1(*)26. Les formulations sont aussi nombreuses que variées et retiennent deux effets psychologiques de masse : terreur et intimidation. Ces deux notions se recoupent assez largement. Le mot terreur est défini dans le langage usuel comme « une peur extrême qui bouleverse, paralyse »127, alors que le verbe intimider signifie quant à lui « remplir (quelqu'un) de peur en imposant sa force, son autorité ». Le TPIY définit également la notion de terreur comme une « peur extrême »1(*)28. Pour certains esprits critiques, définir le terrorisme par sa racine étymologique terreur relève tout simplement de la tautologie. Pourtant, il faut bien admettre qu'une telle définition est certes, intellectuellement décevante, mais elle a le mérite d'être réaliste et pragmatique, d'autant plus qu'elle semble satisfaire les exigences pratiques du droit. En effet, définir ainsi le dol spécial du terrorisme, rend l'incrimination opératoire au regard du sacro-saint principe nullum crimen nulla poena sine lege. Du reste, l' « option tautologique » est classiquement suivie par les codificateurs, car il semble a priori difficile de substituer à la notion de terreur, une expression explicite plus satisfaisante129.

(2)- Contraindre une autorité à certaines décisions

Plusieurs conventions définissent aussi l'intention spécifique du terroriste comme étant de contraindre des centres de décisions à changer d'attitude. La Convention de 1999 sur le financement du terrorisme qualifie de terroristes, certains actes1(*)30, s'ils visent « à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ». Cette intention dolosive est considérée comme but alternatif du terroriste. Même si en effet, l'effet terrorisant peut être le but recherché par le terroriste, le but peut être plutôt de contraindre que d'intimider1(*)31.

Enfin, il faut noter que de plus en plus, on assiste à un certain élargissement du dol spécial dans les conventions régionales. Celles-ci, il faut le dire, ajoutent trois finalités terroristes à celles précédemment étudiées. Il s'agit notamment de créer

une situation de crise1(*)32, de créer une insurrection générale ou mettre en danger l'unité de l'Etat1(*)33, d'endommager l'environnement1(*)34.

B- Les manifestations de l'intention spécifiquement terroriste 

On peut observer que les actes de terrorisme consistent parfois dans des procédés criminels communs (tels que les assassinats), alors que d'autres procédés semblent plus exclusifs au terrorisme (attentats suicide, détournements d'avions par exemple). Ainsi, l'intention spécifique du terrorisme est inhérente à la nature (1) de

certains actes, mais elle peut aussi ressortir du contexte (2) d'actes dont le caractère n'est pas avéré par leur nature1(*)35.

(1)- Les actes terroristes par leur nature

La nature de certains actes pourrait en révéler la finalité terroriste. Dans ces cas, il est inutile de prouver si l'auteur a recherché le résultat de semer la terreur, la nature de l'acte criminel en attestant déjà de la finalité terroriste. Peuvent être considérés prima facie comme actes terroristes par leur nature, ceux qui sont visés par les conventions universelles, de portée sectorielle, qui sont classiquement considérées comme antiterroriste. Ces conventions définiraient des infractions « purement objectives », sans exiger la recherche d'une intention spécifique. Le dol spécial serait ici inhérent au choix des modes opératoires considérés (utilisation des explosifs, prise d'otages...) ou des cibles (aéronefs, navires, personnes jouissant d'une protection internationale...). La difficulté, comme il a été souligné un peu plus haut, c'est que la plupart des conventions n'ont pas été rédigées spécifiquement pour lutter contre le terrorisme1(*)36.

(2)- Les actes terroristes par leur contexte

Certains actes dont la nature ne révèle pas la finalité terroriste recherchée par l'auteur peuvent aussi être considérés comme terroristes. Il le sont au regard de leur « contexte », selon les définitions de la Convention de 1999 précitée. Par exemple, un assassinat, l'attaque d'une installation publique ou un incendie volontaire peuvent relever du terrorisme, mais ici, l'intention spécifique du terrorisme n'est pas inhérente à l'acte et doit être établie au regard du contexte de la commission de l'acte. Mais, la définition du terrorisme par référence au contexte des actes est assez critiquable puisque la notion de contexte n'est pas définie, qu'aucune indication supplémentaire n'est apportée sur le sens et la portée du mot, qui est vague et incertain. Cette définition du terrorisme se révèle à l'analyse, teintée d'imprécisions, donc susceptible de générer des interprétations diverses, offrant ainsi une grande marge d'appréciation quant à son application. Ces développements montrent bien l'immensité de la difficulté qui réside dans l'entreprise de définition du terrorisme. Et la crise ivoirienne du 19 septembre 2002 pourrait en fournir des preuves éloquentes1(*)37.

Cependant l'équarrissage ou le polissage de cette notion était nécessaire, tant il est vrai que l'un des plus grands drames de l'homme est d'être jugé sans lois1(*)38, sans règles précises. Au fond, tout ce déblayage aura permis, pour reprendre les termes du Doyen Jean-Marc SOREL, de trouver la « molécule »1(*)39 du terrorisme, sans d'ailleurs être certain que le vaccin éventuel qui pourrait couronner cette recherche se révèle efficace pour combattre le virus, tant ce dernier est multiforme, sournois et s'attaque à toutes les parties du corps international1(*)40. Car à l'évidence, le caractère peu tangible de la notion de terrorisme en droit international se présente à l'esprit, comme l'un des symptômes pathologiques les plus visibles caractéristiques de ce mal pernicieux, apparemment incurable et rebelle à tout remède, qu'il soit préventif ou curatif.

* 125 C'est nous qui soulignons

126 On trouve les formules suivantes : « répandre la terreur parmi les gens, ou à les terroriser en leur portant préjudice » (Convention arabe et Convention de l'OCI), « intimider, provoquer une situation de terreur » (Convention de l'OUA), « intimider une population » (Convention sur le financement du terrorisme).

127 Cf. Le petit Robert

128 Cf. Affaire Galic, (Sarajevo), n° IT-98-29, décision du 03 octobre 2002, § 32 et jugement du 5 décembre 2003, § 136. Dans cette affaire le TPIY a condamné le général Stanislav GALIC pour « crime de terrorisation de la population civile ».

* 129 C.f. commentaire de la CDI sur l'article 2 du projet du Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité : « le mot terreur a été jugé préférable à d'autres expressions parce qu'il était compris par tout le monde (...) ». in Rapport de la CDI sur les travaux de la 47ème session, 1995, A/50/10, p.29 § 111.

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* 130 Il s'agit de tout « acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé (...) ».

131 Pour mieux comprendre la mystique du terrorisme, voir Bruce OFFMAN, La mécanique terroriste, op.cit.

* 132 Par exemple, la Convention de l'OUA retient comme dol spécial du terrorisme l'intention de « perturber le fonctionnement normal de services publics, la prestation des services essentiels aux populations ou créer une situation de crise au sein des populations ».

* 133 Les Conventions de l'OUA et de l'OCI étendent encore le dol spécial du terrorisme à l'intention « de créer une insurrection générale dans un Etat partie » (OUA). Ou « menacer la stabilité, l'intégrité territoriale, l'unité politique, ou la souveraineté d'Etats indépendants » (OCI).

134 Les Conventions arabe et islamique retiennent comme dol spécial du terrorisme le but d'endommager l'environnement. La Convention arabe couvre les actes « visant (...) à endommager l'environnement ». Celle de l'OCI couvre les actes « exposing the environment (...) to hazards ». Cela n'est pas sans rappeler le droit des conflits armés et, plus précisément, le Premier Protocole de 1977 aux Conventions de Genève de 1949 qui prévoit clairement une protection de l'environnement et l'interdiction de certaines méthodes du fait de leur (art. 35 par. 3 et 55). Voir à ce sujet, K. BANNELIER, La protection de l'environnement en temps de conflit armé, Pedone, Paris, 2001.

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*

* 135 La distinction est opérée dans la définition de la Convention de 1999 sur le financement du terrorisme qui prévoit qu'un comportement est terroriste lorsque « par sa nature ou  son contexte, il a pour but d'intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à ne pas faire quelque chose ».

Cette question prend tout son sens dans le cadre de la crise ivoirienne. En effet, le 29 juin 2007, le Premier Ministre Guillaume K. SORO est la cible d'un attentat à la roquette, alors que ce dernier se trouvait à bord d' un aéronef. S'agissait-il d'un simple assassinat politique ou d'un acte terroriste pur et simple ? Les deux thèses sont plausibles si l'on considère la finalité ultime des criminels. D' une part, il pourrait s'agir d' une simple tentative d'assassinat politique : l'enjeu de la crise ivoirienne étant la prise du pouvoir, la mort du Premier Ministre aurait créé une situation de confusion politique, mettant à mal le processus de normalisation de la vie de la nation et de l'Etat, amorcé par l'Accord de Ouagadougou ( 04 mars 2007 ), ce qui aurait profité d' une certaine manière aux criminels. D'autre part, il pourrait s'agir d'un acte terroriste appréhendé sous divers angles : au regard du mode opératoire et de la cible (constitution de l'élément matériel) et au regard de la finalité recherchée par les criminels (constitution de l'élément moral). Au regard du mode opératoire et de la cible, il est question dans le cas d'espèce d'un attentat à la roquette, donc d'un attentat terroriste à l'explosif ( Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif du 15 décembre 1997), dirigé contre un Premier Ministre, personnalité jouissant d' une protection diplomatique (Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques de 1973), à bord d'un aéronef, donc un acte de terrorisme aérien (Conventions de Tokyo (1963) et de la Haye (1970)). Pour la détermination de l'élément moral, point n'est besoin de rechercher l'intention spécifiquement terroriste des auteurs, c'est-à-dire provoquer la terreur ou

intimider ou contraindre une autorité à certaines décisions, puisque la nature même de ces actes en révèle déjà la finalité terroriste.

* 136 Voir en supra

* 137 En ce qui concerne la crise ivoirienne du 19 septembre 2002, il faut apprécier les évènements au regard de leur contexture, et au regard de l'évolution même de la crise, de sa progression dans le temps. Pour rappel, des insurgés ont tenté un coup d'Etat qui a avorté. Ces derniers dans leur retranchement ont constitué un kyste dans les zones Centre Nord et Ouest du pays, défiant le pouvoir politique légal d'Abidjan. Ce fut le début des hostilités ouvertes entre la rébellion armée et le pouvoir politique d'Abidjan. Nous restituerons certains faits importants de la crise dans leur contexte aux fins d'analyse.

Premièrement, aux premières heures de la crise, les insurgés ont assassiné l'ex-ministre de l'intérieur feu maître Emile BOGA DOUDOU. Il s'agit à notre sens d'un assassinat politique, puisque ces derniers ont avancé des motifs politiques au soutien de leurs actes. D'ailleurs le contexte de coup d'Etat renforce d'avantage nos convictions. De plus, du fait que les criminels aient expressément visé une personnalité politique non des moindres en rajoute à la dimension politique du crime. Les autres actes commis dans cette période qui revêtent les critères du crime terroriste pourraient être considérés comme tels. On a encore en souvenir la prise d'otage d'un ministre de la République Monsieur François AMICHIA. On mentionnera à toutes fins utiles que le code pénal ivoirien dans sa mouture actuelle incrimine certains actes graves susceptibles de faire peser un péril sur la nation : on y retrouve ainsi incriminés l'insurrection armée, les atteintes à la sûreté de l'Etat...Plus encore, la Convention de l'OUA sur le terrorisme incrimine les actes délictueux pouvant « perturber le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations ou de créer une situation au sein des populations » ou pouvant « créer une insurrection générale dans un Etat partie ». Sous les effets conjugués des principes « pacta sunt servanda » et « res inter alios acta », les dispositions de cette convention s'appliquent de jure à la Côte d'Ivoire. Mais, on le sait l'amnistie prévue dans le cadre des différents accords de pacification du pays efface ces faits. Cependant on peut se poser la question de savoir si les effets de cette amnistie s'étendent également à la convention africaine.

Deuxièmement, la tuerie de la cinquantaine de gendarmes à Bouaké avait créé l'émoi dans le monde, les chaînes étrangères ayant abondamment relayé les évènements. Ces actes, à notre sens mériteraient la qualification de crime de guerre dans la mesure où ils ont été accomplis dans un contexte d'hostilité. Certes, il n'est pas du tout aisé de déterminer avec précision le contexte de conflit armé surtout que les combats n'avaient pas atteint une certaine intensité. Toutefois, on peut a priori l'admettre puisque les parties belligérantes étaient constituées, d'un côté les forces loyalistes et de l'autre côté les forces rebelles, même si on peut regretter que ces dernières n'appliquaient pas les disposions pertinentes du DIH qui exigent le port ouvert d' uniforme et des armes. Ici encore, la qualité des victimes en rajoute au qualificatif crimes de guerre ; il s'agit de gendarmes. La nature du conflit suscite des questionnements : la participation reconnue active d'étrangers et le soutien avéré d'Etats voisins aux belligérants n'ajoutent t-ils pas une dimension internationale au conflit ?

Troisièmement, les massacres perpétrés dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire (Guitrozon et Petit Duekoué) avaient donné lieu à des supputations de toute nature au point où certains ont parlé de génocide. Il s'agit à notre sens ni plus ni moins de crimes contre l'humanité compte tenu de la gravité des crimes, du nombre importante des victimes civiles, et de la répétition de ces actes qui ont été perpétrés plus d'une fois. Dans ce cas on peut supposer que ces attaques poursuivaient bien une politique préalablement planifiée. Il est vrai que la situation de conflit armé aidant, il n'est pas impossible de qualifier ces actes de crimes de guerre. Le raisonnement que nous tenons est cependant le suivant : ces actes s'inscrivent dans une perspective d'attaques sporadiques et isolés surtout que la zone d' interposition constatant le cessez le feu avait créé une situation de relative accalmie dans le pays.

Enfin, les évènements de novembre 2004 sont encore plus difficiles à qualifier : s'agissait-il simplement d'actes de forces armées ou de terrorisme d'Etat? Il serait à notre sens plus sage de se garder de toute conclusion hâtive, précoce et prématurée, pour ne retenir pour l'instant que la qualification plus générale de crime de droit commun commis par les forces armées d' une puissance étrangère dans l'exercice de ses fonctions sur la population d' un pays hôte. Nous excluons à dessein la qualification de crime de guerre puisque la France n'était apparemment pas partie au conflit. Il reste que la qualification crime contre l'humanité ne paraît pas aller de soi.

138 Voir Albert CAMUS, L'homme révolté, éd. Gallimard, collection Folio

139 Voir Jean-Marc SOREL, op.cit., p. 52. L'auteur estime également que les définitions du terrorisme, si elles apparaissent dans les conventions récentes restent énumératives, descriptives et, pour tout dire, quelque peu « fourre- tout ». « Ne faudrait-il pas invoquer plutôt des approches du terrorisme (...) » au lieu de définition du terrorisme ?

140 Ibid., pp. 39-40.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore