WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

( Télécharger le fichier original )
par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Paragraphe 2 : Des interactions variables entre acteurs de la justice : entre dynamiques internes et externes

Il est question de revenir sur quelques uns des acteurs déjà présentés en première partie, et d'en scruter les horizons dans la politique de paix au double plan interne et externe.

A. Echanges entre acteurs internes de la justice : logique d'interdépendance

Au Rwanda, il est un lieu commun de reconnaître que la réconciliation ne pouvait pas être décisive si les victimes ne réalisaient pas, alors qu'ils sont les acteurs actifs du pardon, que la prise en compte de leurs douleurs était une priorité des gouvernants. Comme le souligne l'Association ASF, « La justice du génocide... ne pourra contribuer à la perspective d'une réconciliation que dans la mesure où elle reconnaîtra les victimes, condamnera les coupables et réhabilitera les innocents. Le respect des principes du droit à un procès équitable en est la condition »169(*).

Pour cela, les gardiens de la loi que sont les magistrats ont dû jouer un rôle incomparable. Dans un premier temps, il était question pour le nombre limité de magistrats de se regrouper, pour échanger leurs points de vue sur des orientations collectives à donner à la réforme du secteur judiciaire. Des consultations ont ainsi eu lieu à l'intérieur du corps, pour recueillir le maximum d'informations nécessaires susceptibles d'adapter la réforme de ce secteur à l'objectif de réconciliation. Les avocats devaient aussi faire face à ces défis. Leur nombre insuffisant et l'absence d'un barreau limitaient leur capacité à garantir les droits aux procès équitables aux nombreux accusés. Ce n'est qu'en 1997 que le barreau sera remis en place dans ce pays.

Le rythme des jugements rendus est drastiquement lent. Le problème d'infrastructures et de déficit de personnel mis en évidence supra entraîne inexorablement la surpopulation des prisons. D'où le travail des membres des Comités de conciliateur, en relation avec les greffes des tribunaux. Le problème pointé du doigt est très souvent la légitimité des décisions rendues. En effet, plusieurs témoignages recueillis sur l'ensemble du territoire par ASF tendent à renseigner sur le manque de confiance des citoyens vis-à-vis des acteurs de la justice. Deux principales raisons justifient ce phénomène :

- L'influence de l'exécutif sur le judiciaire

Les relations d'assujettissement observables entre l'élite bureaucratique et les personnels judiciaires tendent à consacrer la non indépendance, gage d'une légitimité postérieure des jugements. Dans un tel contexte, des suspicions sont dégagées de la compétence du PR en matière de nomination et de révocation des membres de la CS, et enfin de son influence supposée sur le fonctionnement du Conseil Supérieur de la magistrature.

- L'absence de jugement des principaux coupables

Effectivement, l'amnésie juridique quant à la réalité des faits massifs commis en 1994 est de nature à perpétuer le climat de méfiance et de rancoeur. Les manoeuvres politiciennes, tendant à la sélection des bourreaux et à l'inféodation des acteurs du judiciaire, ont une finalité contre productive dans la réconciliation. Et Sandrine Lefranc de souligner : « Ces concessions peuvent avoir une traduction directe dans les politiques de justice : ne pas intenter de poursuite judiciaire, ou seulement des poursuites sélectives à leur encontre. Mais cette « impunité » elle-même est susceptible d'avoir des effets en retour : en atteignant le principe démocratique d'égalité devant la loi, elle peut miner la légitimité de la démocratie nouvelle en renforçant l'animosité des partisans des poursuites judiciaires »170(*).

En Afrique du Sud, les acteurs de la justice doivent surtout intérioriser l'application d'une nouvelle législation, plus attentive au respect de la digité humaine en général, et non plus seulement celle des blancs. Pendant la période de l'Apartheid, le système judiciaire n'est pas unifié. Comme conséquence, il existe une duplication dans l'administration du droit par les acteurs de la justice. Le répertoire normatif pro ségrégationniste ayant été ravalé au rang de calendes grecques, les acteurs de la justice doivent en outre intégrer l'universalisation de l'application des lois ; elle-même conforme à la réforme de la carte administrative du pays.

Ici, l'octroi de l'amnistie fait l'objet d'une insertion constitutionnelle. L'orientation officielle est alors de décider d'octroyer des amnisties aux violateurs des doits de l'homme pendant l'apartheid, à des conditions précises toutefois. Un consensus suffisamment fort a été façonné sur cette orientation pragmatique de politique juridique. Et Desmond Tutu d'écrire : « Au lieu du bain de sang que beaucoup craignaient et que bien d'autres avaient prédit, voilà que les Sud Africains, noirs et blancs réunis, étaient en train de réussir un changement et une passation de pouvoir relativement pacifique »171(*).

On peut donc dire que la politique a limité la marge de manoeuvre des acteurs de la justice, comme prix à payer dans la réconciliation. En confiant l'écriture officielle de l'histoire de l'apartheid à une Commission, les entrepreneurs politiques de ce pays ont stratégiquement déclassé une autorité pourtant compétente en la matière. Cette décote n'était cependant pas totale. Par conséquent, l'office des acteurs, professionnels de la justice, sera mis en évidence dans la composition des membres de cette Commission. L'on y trouvera dès lors des magistrats et avocats, preuve de leur participation féconde dans le travail de catharsis collective.

B. Rapports entre les acteurs externes : logiques solitaire et collaborative

En Afrique du Sud, il n'existe pas à proprement parler une coordination des actions de la communauté internationale. Quelques initiatives sont prises au niveau de la justice des Etats, notamment par des avocats américains défendant les victimes collectives. Dans ce cas, une équipe d'experts américains s'est rassemblée autour du procès contre les firmes multinationales. Elle a essayé de formuler un acte d'accusation solide, tenant notamment compte à la fois du droit sud africain et du droit américain. La société civile aura néanmoins joué un rôle tout aussi essentiel. De concert avec les organisations internes du pays, un dispositif externe de soutien des politiques de réconciliation fut mis en place. Il convient néanmoins de relever la synergie entre les actions menées dès la revendication de la cessation des discriminations par des organisations de défense des droits de l'homme. Des organisations de lutte contre le racisme aux Etats-Unis d'Amérique font entendre leurs voix, et influencent symboliquement l'agenda interne et les négociations en cours sur le décloisonnement de la société post apartheid. Les individus et ONG mondiales vont d'ailleurs faire de Durban le cadre de discussion et d'échange mondial pour juguler le fléau du racisme et des discriminations y relatives. Le Sommet mondial de Durban constituera dès lors l'arène de foisonnement des interactions des acteurs internationaux qui diffusent, à partir de l'Afrique du Sud, les idées d'égalité des races et de justice pour tous.

Au Rwanda par contre, des ONG travaillent ardemment sur le terrain de la réconciliation par la justice. C'est le cas d'ASF qui s'investit dans la reconstitution de la chaîne des personnels judiciaires décimée en 1994. ASF disposait des équipes sur le terrain, tout en créant au plan international un consensus humanitaire sur la nécessité d'agir au Rwanda. Ainsi, un appel à manifestation d'intérêt fut lancé à l'ensemble des avocats du monde désireux de participer au programme `'justice pour tous au Rwanda''. Après quelques hésitations, des centaines d'avocats d'Afrique et d'ailleurs vont entrer en contact avec ASF pour offrir leurs services auprès du barreau rwandais172(*). Les experts de cette OING leur font rapidement un breafing sur l'état de la législation au Rwanda, les procédures devant les juridictions, et les spécificités des cas qu'ils ont à défendre. Un manuel confectionné à cet effet leur était remis. Dans le même ordre d'idées, Human Right Watch et Amnesty International envoient des experts pour évaluer la situation au Rwanda, relativement à l'implémentation des réformes judiciaires et l'activité des gacacas. Nos recherches nous permettent de souligner l'intense collaboration entre les agents de ces structures internationales sur le terrain. C'est ainsi que, par exemple, elles sortiront un Rapport conjoint173(*) fustigeant la manière dont la justice transitionnelle fonctionne au Rwanda. Le rapport en appelait au renforcement des capacités des Inyangamugayos et au respect des règles d'un procès équitable. Il nous revient à présent d'examiner les interactions inter institutionnelles.

* 169 Rapport de mars-septembre 2005 sur le monitoring des juridictions gacacas. Phase de jugement. Consulté en ligne dans : info@asf.be, le 23 septembre 2009.

* 170 Op.cit ; p.12.

* 171 Desmond Tutu, Il n' y a pas d'avenir sans pardon, op. cit ; p. 18.

* 172 Cette opération draina 4 avocats Camerounais.

* 173 Voir supra.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe