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Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

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par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

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K. L'entretien institutionnel de la mémoire et ses effets indirects : le cas des mémoriaux au Rwanda

La prise en compte publique des morts des guerres du passé, des héros ayant particulièrement marqué la construction d'une nation, des martyrs politiques ; amène généralement les Etats à créer des édifices en leur honneur. Ceux-ci ont le but légitime de perpétuer la mémoire et sont largement acceptés par la communauté. Le problème peut néanmoins se poser dans le cas des mémoriaux des événements tels que le génocide. Ceux-ci peuvent en même temps jouer un rôle d'aseptisation des mémoires et de reproduction des souvenirs dangereux. Valérie Rosoux ne dit pas autre chose en écrivant : « Nous avons déjà observé que l'utilisation de la mémoire du génocide pouvait conduire au désir d'oubli. Nous constatons à présent que cette même utilisation de la mémoire peut au contraire susciter une obsession mémorielle »244(*).

Dans le premier cas, le mémorial sert de pont entre les vivants et les morts. Aucune nation ne se construit sans une conscience historique élevée. Ce lien est canalisateur des consciences enfouies dans l'éternité. Le trait d'union entre les générations futures et passées peut également s'établir à travers le mémorial. Ainsi présentés, ces bâtiments publics ou privés participent de la pérennisation de la pensée et/ou de l'oeuvre des personnages et des personnalités mis en exergue. La construction des mémoriaux au Rwanda fait l'objet d'une option inscrite dans l'agenda public. Après le génocide, le pouvoir central a voulu réhabiliter la mémoire des tutsi morts, ce d'autant plus que l'actuel Chef de l'Etat est l'un des leurs. En conséquence, la loi portant création du Comité national de lutte contre le génocide réaffirme, en son article 4, la décision de développer des stratégies nationales en vue de perpétuer la mémoire du génocide. C'est dans ce contexte que des musées et des mémoriaux vont voir le jour. Les victimes et rescapés du génocide étant soutenus tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du Rwanda, aucune opposition n'est faite sur leurs initiatives privées en matière de création des musées et autres édifices de la mémoire245(*). C'est la raison pour laquelle l'on peut retrouver des Rwandais de l'intérieur, tutsi, mais aussi ceux de la diaspora, propriétaires de ces enseignes.

Dans le second cas par contre, le mémorial peut avoir exactement à produire l'effet contraire à celui souhaité. Au Rwanda, ces institutions exposent très souvent des corps des hutu modérés, mais surtout des tutsi tués pendant le génocide. En fait de corps il s'agit des squelettes humains recouverts de vêtements de leurs propriétaires avérés ou non. La mine desdits squelettes est de nature à produire un effet d'émoi et de révolte naturelle à ceux qui les regardent. La douleur que ces morts ont endurée est comme vivante, présente, et transmissible. Dans le cas où l'on n'est pas suffisamment une `'tête froide'',246(*) il peut arriver que les souvenirs enfouis dans la mémoire resurgissent de manière négative. Etant donné que les musées et mémoriaux sont très souvent implantés dans des lieux où les massacres ont eu lieu (Eglises, écoles, gymnases, etc), les proches des victimes se rendent en priorité là où pourraient se retrouver les membres de leurs familles. Il est fort à craindre que la vue de ces corps puisse éventuellement créer une révolte interne qui alimenterait l'esprit de vengeance.

Dans tous les cas, il convient de dire avec Bertrand Jordane que, « alors qu'un génocide a déchiré la société rwandaise dans son ensemble, la question du rapport à l'histoire et de la mémoire est plus que jamais l'enjeu essentiel de la survie de cette société à travers chacun des individus qui la composent »247(*). Le rapport des Rwandais de tous bords à ces bâtiments du souvenir est en partie lié à leur propre histoire. Cependant, dans la reconstruction morale du pays, ce qui compte, c'est d'accepter l'autre et d'en faire un membre de la communauté désensauvagée. Dans les deux pays, la question de la solidité de la réconciliation soulève irréfutablement celle de sa pérennité.

* 244 Valérie Rosoux, op.cit ; p. 735.

* 245 Pour en savoir plus, lire Pierre Nora, Les lieux de mémoire, tome 3, vol.1, Paris, Gallimard, 1993.

* 246 Ce concept emprunté à un psychologue a été défini supra.

* 247 Bertrand Jordane, Rwanda. Le piège de l'histoire. L'opposition démocratique avant le génocide (1990-1994), op. cit ; p. 261.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery