WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le pardon et la justice post conflits en Afrique. Etude comparative des dynamiques des acteurs et des institutions du dedans et du dehors (Afrique du Sud, Rwanda)

( Télécharger le fichier original )
par Alain-Roger Edou Mvelle
Université de Yaoundé 2 - DEA 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Revue de la littérature

Il n'est pas évident, pour un néophyte de la galaxie scientifique, de faire amende pertinente à la pensée des colonnes dont les écrits emportent admiration. Toutefois, nous osons faire, ici, le pari de l'audace. Avant de dire en quoi nous nous démarquerons des quelques travaux sélectionnés, il sera loisible, dans un premier temps, de dévoiler leurs contenus. Il convient de préciser d'entrée de jeu que la recherche africaniste n'a pas beaucoup planché sur notre objet en termes d'ouvrages. A la vérité, il n'est surtout question des articles scientifiques qui n'abordent pas le pardon et la justice de manière simultanée.

1. Le juriste Antoine Garapon dresse un plaidoyer favorable pour la justice internationale. Son ouvrage propose de remonter le temps pour voir émerger, progressivement, l'idée d'une justice internationale. De Nuremberg à Tokyo, l'idée de fonds est que la conscience universelle doit lutter contre la culture de l'impunité. L'auteur relève l'épisode de la levée de l'immunité du Général Augusto Pinochet par les Lords britanniques, à la demande du royaume d'Espagne. Aussi un fait inédit survient-il avec l'arrestation, en plein exercice de son mandat, de Slobodan Milosevitch jugé par le TPIY. A. Garapon pose la question de savoir si la CPI contribue à la construction de la paix, et si les procès guérissent les victimes. Pour y répondre, il opte pour une approche précautionneuse. En effet, pour l'auteur, ni la punition ni le pardon ne règlent le problème. Ce postulat rencontre notre point de vue, à la différence néanmoins que, lorsque Garapon avance que c'est la justice internationale qui doit jouer le rôle de réécriture de l'histoire des peuples, nous nous inscrivons en faux contre cette internationalisation de la mémoire nationale. Ce substitut au rôle des institutions et acteurs nationaux est réhabilité dans notre approche qui, elle, tente de rendre compte des entreprises du dedans en même temps que celles du dehors. Notre projet va donc au-delà de l'analyse ci- dessus.

2. La mémoire, l'histoire, l'oubli. C'est la trilogie qui a suscité la réflexion ricoeurienne. Même si l'auteur, sans doute par modestie caractéristique des chercheurs mûrs, prévient que son livre est disparate et ardu. L'ouvrage est en réalité une somme philosophique. Il tente une analyse de ce qui lie l'homme au passé. Pour le philosophe Ricoeur, c'est « une énigme d'une représentation présente du passé présent ». La mémoire collective, individuelle, et historique est tour à tour scrutée dans une analyse méthodique de philosophie politique. Entre autres points cruciaux développés : l'introduction à une phénoménologie de la mémoire, le travail de deuil dans la mémoire collective, l'oubli, l'histoire. Ce livre comprend des synthèses de lecture après chaque grand thème. Ricoeur confronte avec succès les principales idées des philosophes sur la mémoire (Bergson, Aristote, Platon, Saint Augustin, Nietzsche, Husserl). Il s'insurge contre les abus dans son usage. A ce titre, il est édifiant de rapporter ses propos que voici : « L'injonction à se souvenir risque d'être entendue comme une invitation adressée à la mémoire à court-circuiter le travail de l'histoire. Je suis pour ma part d'autant plus attentif à ce péril que mon livre est un plaidoyer pour la mémoire comme matrice de l'histoire, dans la mesure où elle reste la gardienne de la problématique du rapport représentatif du présent au passé.. » Plus loin il écrit : « La tentation est alors grande de transformer ce plaidoyer en une revendication de la mémoire contre l'histoire. Autant je résisterai le moment venu à la prétention inverse de réduire la mémoire à un simple objet d'histoire parmi ses " nouveaux objets ", autant je refuserai de me laisser enrôler par le plaidoyer inverse (...) Il se pourrait même que le devoir de mémoire constitue à la fois le comble du bon usage et celui de l'abus dans l'exercice de la mémoire »33(*). Sur la question de l'histoire, Paul Ricoeur s'intéresse aux excès dans son évocation. Il essaye de situer le lien entre l'histoire et le temps. L'oubli et le pardon ne riment pas, selon lui, avec les crimes contre l'humanité, considérés comme « impardonnables de fait».

Dans notre travail, la problématique du pardon et de la justice soulève dans le même temps celle de la mémoire des victimes. En effet, il appert qu'un pardon non sincère et une justice injuste ou insuffisante ne parviennent pas à gommer les cicatrices de l'histoire, à l'oubli. C'est à ce titre que ce livre nous servira de support théorique, même si notre analyse ne s'en limitera pas pour aller un peu plus loin dans l'exploration empirique. Aussi la maigreur des développements sur l'Afrique nous motive-t-elle à réhabiliter ce terrain dans la pensée scientifique liée à cette thématique.

3. Trois auteurs ont fourni l'une des monographies les plus larges sur la question du pardon à l'échelle globale. Dans leur livre intitulé Le pardon en politique internationale. Un autre chemin vers la paix, Bole, Christiansen et Hennemeyer scrutent la problématique générale du pardon dans la politique internationale dans une approche éthique. Le pardon y est vu comme un instrument au service de la résolution des conflits, un outil opérationnel pour la paix. En 194 pages, ils abordent 8 principaux points. C'est le cas, en premier lieu, des forces de l'intolérance. La vengeance, les souvenirs dangereux et la victimisation sont quelques rubriques qui font l'objet de développements subséquents. La deuxième articulation se fixe pour leitmotiv de répondre à la question du pourquoi du pardon. En guise de réponse, il est énoncé que le pardon vise à construire l'avenir, à créer une nouvelle dynamique, à cicatriser les blessures et à forger la réconciliation. Le pardon en politique, les actes et les acteurs, la vérité collective et la guérison individuelle, les communautés religieuses, l'intervention des acteurs religieux, et le lien entre religion, culture et pardon sont successivement analysés avec minutie. Des références bibliographiques sont rappelées à la fin de chaque thème de manière à synthétiser les différents écrits ayant constitué le support analytique des postulats avancés. C'est l'une des références les plus déterminantes dans notre inspiration, en ceci que même si les auteurs s'intéressent au pardon en politique internationale, ce dernier peut tout aussi se décliner en politique interne avec les mêmes schémas. Notre ambition est, à partir du champ d'analyse des auteurs, d'opérationnaliser certains énoncés du pardon dans une vision macro, telle que vue par Bole et ses collègues, dans un cadre micro. D'autre part, nous irons au-delà des aspects du livre non conformes avec les réalités des sociétés politiques internes, dans l'optique d'en montrer les limites eu égard à notre travail.

4. Comment sortir de cette revue sélective de la littérature sans parler du livre de la chercheuse du CNRS Sandrine Lefranc ? Les politiques du pardon, c'est le titre évocateur que son auteur donne à cette réflexion. Sandrine Lefranc s'interroge sur la manière dont on peut réduire la violence d'Etat par le pardon politique. En analysant particulièrement les cas de l'Amérique latine et de l'Afrique du Sud, elle montre que, même si le pardon politique n'est pas possible dans l'absolue, il devient une catégorie dominante du discours sur la justice. Dans une écriture accessible et au style simple, elle pense que les victimes et les politiques de justice doivent conjuguer leurs efforts pour la réconciliation. Pour notre part, il est utile de s'approprier les éclairages de Sandrine Lefranc sur la notion de pardon politique, la problématique de la mémoire, ainsi que les analyses qu'elle fait sur l'Afrique du Sud. Contrairement à elle, nous récusons la vision fataliste de l'irrémédiabilité du non pardon politique. Fidèle à une option qui priorise la construction sociale, ce projet vise à montrer que le pardon politique est au contraire possible lorsqu'il est construit. Nos centres d'intérêts vont au-delà de la violence par le haut que Lefranc étudie, et sont donc par conséquent élargis à la violence par le bas. Les développements que cet auteur fait sur les politiques de justice sont plus axés sur la perspective interne, or nous nous intéressons par ailleurs à la justice internationale exercée au plan interne à travers le TPIR.

5. Le philosophe américain Michael Walzer propose un Traité sur la tolérance. Il reconnait d'entrée de jeu que c'est un principe que des groupes humains peuvent pratiquer pour vivre en paix. Le philosophe politique affirme que la tolérance rend possible l'existence des différences. Le livre repose sur deux principaux postulats :

a. la coexistence pacifique est toujours une bonne chose ;

b. les régimes de tolérance doivent être alternatifs.

Dans ses développements empiriques, il tire des exemples en Europe, en Amérique, en Amérique du Nord et au Moyen Orient. Walzer s'interroge sur l'étendue de la tolérance et les processus de mise en scène de celle-ci. Il typologise la tolérance et en ressort quatre propriétés :

- l'acceptation résignée de la différence ;

- l'opposition passive d'une indifférence à la différence ;

- la reconnaissance des droits similaires aux autres même s'ils les exercent de manière peu plaisante;

- l'ouverture à l'autre, son respect, son écoute.

L'analyse de cet auteur veut rendre compte des pratiques de tolérance dans les sociétés non africaines. L'analyse qu'il mobilise relève de notre point de vue de l'idéal. Les pistes qu'il préconise pour cultiver la tolérance relèvent davantage d'un travail propre à soi, même s'il reconnait en filigrane l'importance de la relation de face-à face dans ce processus. A la vérité, il ne traite pas de la tolérance politique, mais a contrario celle privée. Or c'est la première que nous aurions pu intégrer comme condition du pardon, et comme moyen de régulation des tensions en Afrique, un continent du reste mis à l'écart du traité de Walzer. Envisageons à présent la problématique qui fonde ce travail de réflexion.

* 33 Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 106.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore