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L'intégration sous-régionale en CEMAC à  l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des personnes

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par Achille SOMMO PENDE
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master Gouvernance et Politiques Publiques 2010
  

Disponible en mode multipage

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Dédicace

A grand-mère, KOULAMA Suzanne

A tonton, OUSSEINI David

Qui, de là haut, me protègent et veillent sur moi.

A toi mère, DJABOU Lucrèce

Ton amour pour moi, est ma première source de motivation.

A toi père, YANOU Richard

Tu m'as inculqué le sens du travail et de la discipline.

Remerciements

Mes remerciements vont à l'endroit de tous ceux et celles, qui ont contribué d'une quelconque manière à l'édification de ce travail et particulièrement :

v A notre directeur, le Docteur Yves-Alexandre CHOUALA qui, malgré ses multiples occupations, a tenu à guider ce travail de recherche et y a apposé sa rigueur scientifique de grande renommée ;

v Aux enseignants du Master Gouvernance et Politiques Publiques, notamment les Docteurs Xavier KITSIMBOU, Claude-Ernest KIAMBA et Chantal BELOMO qui nous ont si souvent poussés dans nos derniers retranchements, et qui aujourd'hui, nous servent de modèles ;

v A notre grande famille pour son soutien sans cesse renouvelé ;

v A nos camarades de la deuxième promotion de Master Gouvernance et Politiques Publiques, et ceux de la 15eme promotion de 1ère année licence, avec qui nous avons traversé de manière solidaire ce fastidieux cursus ;

v A nos amis, avec qui nous avons partagé délires, joies et peines pendant nos courts moments de répits ;

v Au mouvement des jeunes de l'Eglise Evangélique Luthérienne au Cameroun qui nous a accueilli et fructifié notre foi en DIEU.

Qu'ils veuillent bien recevoir l'expression de notre profonde gratitude.

Liste des sigles et abréviations

APE : Accords de Partenariat Economique

ARPII : Agence Régionale de Promotion des Investissements et des Infrastructures

BDEAC : Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale

BEAC : Banque des Etats de l'Afrique Centrale

BNT : Barrières Non Tarifaires

BOAD : Banque Ouest Africaine de Développement

BRVM : Bourse Régionale des Valeurs Mobilières

BVMAC : Bourse des Valeurs Mobilières de l'Afrique Centrale

CAE : Communauté de l'Afrique de l'Est

CEA : Commission Economique des Nations unies pour l'Afrique

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale

CJ : cour de justice

CIMA : Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance

CIPRES : Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale

COBAC : Commission bancaire de l'Afrique centrale

COPAX : Conférence de paix et de sécurité en Afrique centrale

COSUMAF : Commission de Surveillance du Marché Financier

FCFA : Franc de la Coopération Financière en Afrique

FODEC : Fonds de Développement de la Communauté

FOMAC : Force Multinationale d'Afrique Centrale

ITIE : Initiative de Transparence des Industries Extractives

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

OUA : Organisation de l'Unité Africaine

PER : Programme Economique Régional

PIB : Produit Intérieur Brut

PRI : Programme de Réformes Institutionnelles

RCA : République Centrafricaine

RDC : République Démocratique du Congo

SADC : Communauté de développement d'Afrique australe

TCA : Taxe sur le Chiffre d'Affaire

TCI : Taxe Communautaire d'Intégration

TEC : Tarif Extérieur Commun

TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée

UDEAC : Union Douanière et Économique de l'Afrique Centrale

UE : Union Européenne

UEAC : Union Economique d'Afrique Centrale

UEMOA : Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest

UMAC : Union Monétaire d'Afrique centrale

Liste des tableaux, graphiques et encadrés

Tableau 1 : Principales sources de revenus des pays de la CEMAC ...........................53

Tableau 2 : Répartition des recettes de la CEMAC Montants en milliards de F CFA.......54

Tableau 3 : Réseau routier en zone CEMAC........................................................57

Tableau 4 : Etat des routes en zone CEMAC.......................................................57

Tableau 5 : Evolution des indicateurs économiques et financiers de la CEMAC 1998-2008........................................................................................................63

Tableau 6 : Total des arriérés des Etats membres de janvier 2002 à octobre 2005 .........65

Graphique 1 : Budgets des organes et institutions spécialisées de la CEMAC 2005........30

Graphique 2 : Evolution de l'indice d'intégration des communautés économiques régionales africaines.................................................................................................33

Graphique 3 : Part relative en pourcentage du PIB de la CEMAC et de la contribution des Etats (2004)..............................................................................................42

Graphique 4 : évolution des arriérés de 2002 à 2005.............................................43

Encadré 1 : Les objectifs de la première étape du plan de Malabo..............................20

Encadré 2 Panorama du dispositif juridico-institutionnel pour favoriser la libre circulation..................................................................................................21

Encadré 3 : objectifs de la deuxième étape du plan d'action de Malabo........................35

Encadré 4 : Quelques décisions non appliquées ou projets en retard............................36

Encadré 5 : calcul de la valeur réelle du TCI destiné au financement des projets intégrateurs................................................................................................50

Sommaire

Introduction Générale 1

LE CADRE JURIDIQUE ET L'ETAT DE L'OPERATIONNALISATION DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE CEMAC 17

Chapitre 1. Le cadre juridico-institutionnel de la libre circulation en zone CEMAC : des avancées tangibles 19

Section I. Le renforcement du dispositif juridico-institutionnel de la CEMAC pour la libre circulation 21

Section II. Le développement de la coopération entre Etats membres de la CEMAC 26

Chapitre II. L'opérationnalisation de la libre circulation en zone CEMAC à l'épreuve des défaillances avérées. 32

Section I. La non réalisation des objectifs fondamentaux de la CEMAC 34

Section II. La faiblesse de l'esprit communautaire 38

DEUXIEME PARTIE : PESANTEURS ET PERSPECTIVES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES PERSONNES ETDES BIENS, EN ZONE CEMAC 45

Chapitre 3. Les pesanteurs de la libre circulation en zone CEMAC : prééminence des obstacles majeurs 47

Section I. La faisabilité politique des réformes en Zone CEMAC 49

Section II. La conjoncture en Afrique centrale, une source de déstabilisation du processus d'intégration sous-régionale en CEMAC. 59

Section III. Les entraves socio anthropologiques à la libre circulation en zone CEMAC. 66

Chapitre 4. Les perspectives d'évolution de la libre circulation en CEMAC 72

Section I. Les scénarios possibles de l'intégration sous-régionale en Zone CEMAC 73

Section II. Les défis à relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC 79

Conclusion Générale 85

Bibliographie 88

ANNEXES 93

Résumé

Dès le lancement officiel des activités de la CEMAC le 25 juin 1999 en Guinée Equatoriale, les Etats membres se sont fixés comme objectif majeur de construire un marché commun compétitif et concurrentiel, basé sur la libre circulation des biens et des personnes, en vue de se doter d'une meilleure capacité de création de richesse et d'insertion dans l'économie mondiale. En dépit des progrès réalisés, force est de constater que la libre circulation des biens et des personnes est très peu effective. Cette défaillance met en évidence un bilan mitigé qui se traduit par la non réalisation des objectifs fixés par la nouvelle institution sous-régionale et la faiblesse de l'esprit communautaire. De même, l'existence des velléités protectionnistes et les dysfonctionnements du mécanisme de financement ont considérablement réduits l'ampleur des projets intégrateurs. Les observateurs du processus d'intégration sous-régionale en Afrique Centrale ont tendance à indexer l'absence de volonté politique pour expliquer les retards accusés. Loin de réfuter cette thèse, ces dernières années, la CEMAC a pris des engagements forts pour rendre effective la liberté de circulation des biens et des personnes. Cependant, il existe des pesanteurs qui s'imposent à la volonté politique des Etats membres de la CEMAC et entravent de ce fait l'effort consacré à la libre circulation. Concrètement, ces obstacles sont d'ordre structurel et se manifestent par un déficit de bonne gouvernance dans un contexte de corruption généralisé. Ces entraves sont également liées à la conjoncture qui a contribué soit à fragiliser les Etats de l'Afrique Centrale soit à favoriser les rivalités et querelles au sein de la communauté. En outre, des facteurs socio-anthropologiques contribuent à retarder la dynamique d'intégration sous-régionale.

Dans ce contexte, certains scénarios peuvent être envisagés quant à l'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes en zone CEMAC. Le scénario « pessimiste » de la libre circulation en panne ; le scénario « réaliste » qui met en exergue une effectivité progressive de la libre circulation ; le dernier scénario, optimiste qui donne lieu à une effectivité de la libre circulation. Aussi, le scénario réaliste qui est le plus plausible, ne peut se réaliser que si les Etats de la zone CEMAC relèvent certains défis. Le premier de ces défis est surtout de réhabiliter l'esprit communautaire dans la sous-région afin de mieux cerner les bienfaits de l'intégration. Ensuite, il est question de multiplier les pratiques de bonne gouvernance à travers la mise en oeuvre des mécanismes probants et l'harmonisation des politiques budgétaires. Enfin, la suite logique est de replacer les peuples au coeur du processus d'intégration, cela passe par une meilleure implication du secteur privé et de la société civile dans les initiatives communautaires.

Mots clés : intégration sous-régionale, libre circulation, communauté, marché, biens, personnes, pesanteurs, perspectives, conjoncture mondiale, bonne gouvernance.

Abstract

From the official launching of the activities of the CEMAC on the 25th of june 1999, in equatorial guinea, the states members fixed themselves the major goal of building a common and competitive market based on the free circulation of persons and goods in order to give themselves a better capacity to create riches and get inserted into the world's economy. Despite the progress made, it is important to note that the free circulation of persons and goods is not very effective. This failure puts to light a mitigated balance, that can be seen through the non realization of the fixed objectives by the new sub regional institution and the weakness of the community spirit. Also, the existence of a protectional vague desire and of the malfunctions of  the financial mechanism have considerably reduced the depth  of the interrogatory projects.

The observers of the sub regional integration process in central Africa have the tendency to point a finger at the absence of political will the explain the backwardness. Far from refusing this thesis, in the past years, CEMAC has taken strong engagements to make free circulation of persons and goods effective. In the mean time, nevertheless the are some heaviness on the political will of the states members of the CEMAC and goes against the efforts made for the free circulation. Concretely, these obstacles are structural and manifest themselves by a deficit in of good governance in a context of generalised corruption. These odds are equally linked to conjuncture that contributed either to weaken the states of central Africa or to enhance competitions and quarrels in the community. On the other hand, socio-anthropological factors are contributing to draw back the sub regional integration dynamism.

In this light, some scenarios can be made as to if effective or not the free circulation in the CEMAC zone is. The «pessimistic» scenario of the free circulation on the «break down»; the «realistic scenario» which shows a progressive effective circulation and the «optimistic» scenario, which gives way to an effective free circulation. In addition, the «realistic» scenario, which is the most plausible, can only be realised if the states members of the CEMAC zone overcome some defies. The first of these challenges is about rehabilitating the community spirit in the sub region in order to get a better overview of the benefits of integration. Next, the obvious following point is about multiplying the practice of good governance trough the building up and the use of convincing mechanisms and the harmonization of the budgetary policies. Last but not the least, it will just be logical to replace the people at the heart of the integration process, this can be made through a better implication of the private sector and of the civil society in the community initiatives.

Key words: Sub regional integration, free circulation, community, market, goods, persons, heaviness, perspectives, world «conjuncture» good governance

Introduction Générale

Au lendemain de leurs accessions à l'indépendance, les Etats africains se donnent pour objectif de s'inscrire résolument dans un processus de développement économique. Regroupés au sein de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), les chefs d'Etat africains décident de mettre en oeuvre une intégration régionale à travers une coopération politique, juridique et économique afin de parvenir à un développement collectif et harmonieux. De manière concrète, cet objectif ambitieux se traduit par la création des organisations sous-régionales constituées de dispositifs institutionnels et des mécanismes juridiques garantissant l'harmonisation des politiques nationales et l'élaboration des stratégies de développement communes. A ce titre, les pays de l'Afrique centrale, notamment, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la République Centrafricaine (RCA) et le Tchad sont les précurseurs de cette nouvelle approche. Ils signent le 08 décembre 1964 le Traité instituant l'Union Douanière et Économique de l'Afrique Centrale (UDEAC)1(*). La Guinée Equatoriale, quant à elle, adhère à l'UDEAC le 1er janvier 1985, devenant ainsi le sixième et dernier pays à faire son entrée dans l'institution sous-régionale.

Cependant, la difficile conjoncture économique du début des années 1990 a sonné le glas de l'UDEAC. Après trente (30) ans de collaboration, les pays de l'union n'ont pas réussi à mener à bien des politiques convergentes favorisant la complémentarité des économies. Plus encore, les Etats de l'UDEAC, marqués par des disparités économiques à l'époque, étaient préoccupés par le souci de consolider les unités nationales en construction confrontées aux velléités démocratiques. De même, l'insuffisance des moyens financiers a conduit à la quasi inexistence d'un réseau de transport transfrontalier. Autant de paramètres qui ont contribué à la chute de l'UDEAC.

Née des cendres de l'UDEAC le 5 Février 19982(*), après la ratification de ses instruments par les six Etats membres, la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC) est instituée par le traité du 16 Mars 1994 signée à Ndjamena par les Chefs d'Etat des Républiques du Cameroun, du Congo, de la Guinée Equatoriale, du Gabon, de la RCA et du Tchad. La nouvelle institution sous-régionale a pour objectifs fondamentaux de rendre effectives : l'harmonisation des politiques et l'élaboration d'un cadre juridico-économique favorable à la relance de l'investissement et surtout la réalisation d'un marché commun.

Au regard de ces enjeux, la CEMAC est confrontée à de nombreux défis et dans ce cadre, l'effectivité de la liberté de circulation des biens et des personnes constitue un passage obligé pour une intégration réussie, c'est-à-dire facteur de développement pour les différents Etats. Seulement, plus de 15 ans après le lancement de cette nouvelle initiative, force est de constater que les objectifs initiaux sont loin d'être atteints. Au contraire, l'ombre de l'échec de l'UDEAC plane sur la CEMAC, car les résultats escomptés sont peu visibles. Aujourd'hui, plus que jamais, il convient de jeter un regard à la fois rétrospectif, en identifiant les raisons du retard accusé comparativement aux autres entités du même type comme l'Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest (UEMOA), et perspectif en proposant quelques orientations sur la façon de surmonter les obstacles inhérents à la mise en place de la liberté de circulation des biens et des personnes en zone CEMAC.

1. Contexte

Depuis la création de la CEMAC, le 16 mars 1994, les pays de l'institution ont connu chacun des fortunes diverses. Cela s'est traduit par des périodes de relative stabilité politique et/ou de croissance économique soutenue et un environnement social acceptable. Seulement la majeure partie du temps, les pays de la CEMAC se sont confrontés à des crises politiques et socioéconomiques conduisant à des conflits importants. Ce contexte a contribué à pérenniser la pauvreté au sein d'une frange considérable de la population de façon à la rendre vulnérable. Aujourd'hui encore, des poches de tensions existent un peu partout au sein de la zone CEMAC et les indicateurs socioéconomiques ne sont pas toujours rassurants. Plusieurs paramètres, aussi bien internes qu'externes, expliquent ce contexte. De même, pris séparément, les situations se traduisent différemment au Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, en RCA et au Tchad. Afin de mieux saisir la réalité en zone CEMAC, il convient de dissocier le contexte politique du contexte socio-économique.

a. Contexte politique

Les pays de la sous-région Afrique centrale sont réputés pour leurs climats politiques plutôt instables. Les membres de la CEMAC n'échappent pas à cette caractéristique et ce d'autant plus que la création de l'institution n'a pas véritablement modifié cette tare, à quelques rares exceptions près. De manière générale, depuis 1994, le climat politique en zone CEMAC se caractérise par des coups d'Etats ou des tentatives, des conflits internes et transfrontaliers, des mutineries à répétition, des élections sources de violences et de contestations, la situation des droits de l'homme sujette à controverses. Ce contexte ne favorise pas l'essor de la sous-région mais contribue à alimenter les craintes des investisseurs et de la communauté internationale. Ainsi globalement présentée, cette instabilité politique au sein de la zone CEMAC se manifeste diversement dans chaque pays.

En ce qui concerne la situation politique au Tchad, le pays est en proie à une guerre civile persistante dans la partie nord du pays, et à une relation plus qu'hostile avec son voisin Soudanais. Ces deux sources de conflits sont la résultante d'une lutte intestine pour la conquête du pouvoir opposant principalement des entités internes3(*). La situation aurait été beaucoup plus périlleuse, fusse le soutien indéfectible de la France au régime d'Idriss DEBY, notamment en 2006, pour repousser les assauts répétés de la rébellion et les contenir au-delà de la frontière avec le Soudan. Ainsi, l'essentiel des ressources internes du pays est destinée à couvrir les frais de sécurisation du territoire, d'approvisionnement des troupes et d'entretien de la garde républicaine. La RCA elle, a amorcé en décembre 2008, un processus de paix par la tenue d'un « dialogue national inclusif » sous l'égide du Président de la République du Gabon de l'époque, Omar BONGO. Aujourd'hui, le défi majeur est l'organisation d'élections générales crédibles. Il s'agit également de reconstruire une administration en totale déliquescence depuis une décennie, minée par une insécurité galopante, des mutineries, un coup d'Etat, et de tensions politiques croissantes4(*). Ce pays est celui qui a le plus bénéficié du soutien de l'institution sous-régionale en matière de maintien de la paix par le moyen des médiations ou de la mise à disposition des troupes pour la sécurisation du territoire5(*).

Le Congo a connu pratiquement la même situation à la fin des années 1990. En cause, une guerre civile en 1997 occasionnée par des élections présidentielles contestées sur fonds d'enjeux économiques notamment, l'exploitation des gisements pétroliers. Depuis lors, le pays est relativement stable et semble sortir la tête de l'eau même si la communauté internationale dénonce constamment des pratiques électorales irrégulières et des « manipulations constitutionnelles » permettant au régime de SASSOU NGUESSO de se maintenir. Au Cameroun, les risques de guerres civiles sont moindres. Néanmoins, des tensions persistent lors des consultations électorales et le pays n'est pas à l'abri d'un « dérapage à la congolaise ». D'ailleurs il est important de préciser qu'après avoir connu un « conflit » avec le Nigeria sur le différend frontalier de la presqu'île de Bakassi, le Cameroun est confronté à la menace des groupes rebelles et des milices armées qui sévissent dans le golfe de Guinée et y installent un climat d'insécurité. Quoiqu'il en soit, le pays est de manière systématique indexé par les organisations de la société civile (notamment Transparency International) pour la corruption qui gangrène l'administration.

La situation politique au Gabon est l'une des plus stable de la sous-région. Depuis, 1967 le pays a été maintenu en paix par le régime de Omar BONGO ONDIMBA, et la transition démocratique houleuse des années 1990 n'a pas eu d'impact majeur sur la stabilité du pays. Aussi, depuis l'instauration de la CEMAC, le Gabon fait figure d'épouvantail en matière de paix et ne se montre pas réticent à accorder son aide auprès des autres pays de la sous-région et même du continent. Malgré tout, le pays est critiqué pour la gestion clanique du pouvoir et par la quasi instauration d'un parti unique (le Parti Démocratique Gabonais) qui empêche toute véritable transition démocratique.

Ce contexte est semblable à celui de la Guinée équatoriale. Seul pays non francophone de la sous région, le pays est contrôlé d'une main de fer par le régime du président OBIANG NGUEMA et entretient des relations souvent difficiles avec ses voisins, notamment le Cameroun (concernant la question du traitement des immigrés) et le Gabon (à propos de l'île de MBAME). Ce contexte politique des différents membres de la CEMAC a un impact considérable sur le développement économique de ces pays et de l'institution.

b. Contexte socio-économique

Prises dans leur ensemble, les économies des pays de la région présentent un paradoxe : d'une part la très forte disponibilité des ressources naturelles et d'autre part, un rythme de croissance économique atone. Cela est dû à la médiocrité des infrastructures mais également à une politique d'attraction des investissements peu efficace aussi bien dans les différents pays de la zone, qu'au sein de l'organisation sous-régionale. De même, la circulation des flux de biens et de capitaux entre pays de la zone est quasi inexistante et les économies, essentiellement agricoles et minières, sont concurrentes.

« Le transport de marchandises entre Douala et N'Djamena coûte six fois plus cher qu'entre Shanghai, en Chine, et le port de Douala. Il dure également deux fois plus longtemps : soixante jours, contre trente jours »6(*).

De ce fait, l'intégration est peu avancée et la compétitivité de la zone CEMAC est faible. A titre d'illustration, le commerce intracommunautaire ne représentait, entre 1994 et 2003, que 3,3% du volume des échanges des pays de la sous-région7(*). La majeure partie des échanges se fait avec l'Union Européenne (UE) et avec la France, même si le poids de l'ancienne métropole tend à se décliner progressivement et lentement au profit d'autres pays de l'UE et des pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Turquie).

Pour autant, depuis 1994, c'est-à-dire après la dévaluation du FCFA, le Gabon a connu le rythme le plus soutenu et le plus uniforme de croissance économique de l'ensemble de la zone et ce malgré un certain tassement en 1998 et une forte dépression dus essentiellement aux fluctuations des cours du pétrole8(*). Moins dépendant du pétrole, le Cameroun a connu un rythme de croissance plus homogène et moins impressionnant9(*). En revanche le Congo10(*), eu égard à la dépendance vis-à-vis du pétrole, en raison d'un contexte politique agité a connu une période de récession durant la seconde moitié des années 1990 et s'en remet tant bien que mal. Le Tchad11(*) et la RCA12(*) connaissent une alternance de périodes de croissance et de forte récession durant la même période. Enfin, la Guinée Equatoriale13(*) a été le pays qui a connu la plus forte croissance de la sous-région en raison notamment du démarrage de la production pétrolière. Toutefois, il faut noter que la zone CEMAC subit également les effets de la crise financière internationale de 2007 qui s'est muée en crise économique internationale en 2008. Les partenariats économiques en baisse, les investissements privés et publics rares et les transferts de capitaux quasi-inexistants entraînent le ralentissement des activités et du retard dans l'avancée des chantiers économiques.

Quoiqu'il en soit, le principe de la libre circulation des personnes et des biens, l'un des piliers de la communauté, est loin d'être vécu dans les faits. Jusqu' à une période récente14(*), Où qu'ils se rendaient, Gabonais, Equato-guinéens devaient obtenir un visa. D'ailleurs, l'entrée sur le territoire du Gabon ou de la Guinée Equatoriale était soumise à la même formalité. En revanche, par des décisions unilatérales prises dans le cadre de la communauté économique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), dont ils sont membres, le Cameroun, la République Centrafricaine et le Congo avaient décidé en Août 2004, de supprimer les visas pour les titulaires d'un passeport de service ou diplomatique. Les autorités camerounaises et congolaises sont allées plus loin en supprimant purement et simplement cette formalité pour leurs ressortissants respectifs. Ainsi, entre le Cameroun et le Congo, une pièce d'identité suffisait aux voyageurs des deux pays pour passer les frontières. L'instauration du passeport biométrique le 16 mars 2010 a permis d'harmoniser la législation de libre circulation en zone CEMAC.

2. Délimitation de l'étude

Cette étude sur la mise en oeuvre de la liberté de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en CEMAC doit nécessairement être délimitée par souci de faisabilité et surtout d'efficacité. A cet effet, la délimitation revêt trois dimensions : spatiale, temporelle et matérielle.

a. Délimitation spatiale

La CEMAC couvre un vaste territoire, une étendue de près de 3 millions de Km2 15(*) qui contient six pays : le Cameroun, le Gabon, la République Centrafricaine, le Congo, la Guinée Equatoriale et le Tchad. Parmi ces pays, seuls le Tchad et la République Centrafricaine ne disposent pas de façade maritime et sont enclavés. Le Cameroun lui, est le seul pays qui dispose des frontières communes avec tous les autres pays membres de la CEMAC. Il joue également le rôle d'interface avec l'espace ouest africain. Par ailleurs, historiquement, il est considéré comme la locomotive économique et politique (à travers Douala et Yaoundé) de l'institution sous-régionale, même si ce leadership est de plus en plus contesté. Pour ces deux raisons au moins, il est le lieu indiqué pour observer l'effectivité de la liberté de circulation des biens et des personnes en Zone CEMAC. C'est également dans une zone frontalière de ce pays qu'a été effectuée une enquête de terrain pour mesurer l'état de la circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en zone CEMAC. A cet effet, nous avons choisi la ville de Kye-Ossi pour recueillir ces informations. Petite bourgade frontalière du Cameroun avec le Gabon et la Guinée, elle est au centre de nombreux échanges économiques mais également culturels avec l'ethnie Béti (Ntumu) de par et d'autre des frontières. Cela n'empêche que des enquêtes et des recherches soient menées au sein des différentes représentations diplomatiques des pays de la CEMAC au Cameroun.

b. Délimitation temporelle

La mise en place de la libre circulation est un objectif fondamental des pays de la sous-région depuis la création de l'UDEAC jusqu'à ce jour. Seulement, par souci de faisabilité et d'efficacité il nous apparaît nécessaire de restreindre cette étude à la période allant de la création de la CEMAC, le 16 mars 1994 au 16 mars 2010, date de l'instauration du passeport communautaire biométrique. Cette période est marquée par deux points d'ancrage : la date du 25 juin 2008, qui constitue un tournant majeur avec la signature à Yaoundé du traité revisité ainsi que les différentes conventions unissant les pays de la zone ; le 17 Janvier 2010, avec l'aboutissement effectif au sommet de Bangui de la première étape du programme de réformes institutionnelles consacrant la fin du consensus de Fort-Lamy16(*). Autrement dit, nous nous intéressons spécifiquement à l'impact de l'avènement de la CEMAC sur la mise en place de la libre circulation au sein de l'institution sous régionale.

c. Délimitation matérielle

Afin de mieux cerner cette étude dont l'objet est de faire une évaluation de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale et particulièrement en zone CEMAC, un détour par certaines disciplines a semblé nécessaire. Essentiellement, il s'agit du droit international, et notamment du droit communautaire qui nous a permis de dégager les mécanismes juridiques et institutionnels mis en place afin d'opérationnaliser la libre circulation des personnes et des biens en zone CEMAC. En outre, les champs de la politique africaine, de la géopolitique africaine, des politiques publiques, des sciences de gouvernement comparé, et de la gouvernance économique, ont permis d'avoir une approche évaluative de ce dispositif.

3. Définition des concepts

Tout au long de notre étude, un certain nombre de concepts qui peuvent susciter une incompréhension seront utilisés. Aussi, il est donc approprié de définir le sens qui leur sied dans le cadre de cette étude. Ainsi, nous avons recensé deux concepts majeurs : « l'intégration sous-régionale », et « la liberté de circulation » des biens et des personnes.

a. Intégration sous-régionale

L'intégration sous-régionale a pour but de mettre en place un espace économique supra-étatique. Il s'agit de créer, faire fonctionner, maintenir et approfondir cet espace aux fins de renforcer la solidarité économique et politique entre des Etats. Sur le plan économique, les économies (structures et comportements) doivent être intégrées, les ressources du sol et du sous-sol, les facteurs de production doivent être exploités de manière coordonnée et, pourquoi pas, commune. Au niveau politique, il faut instituer un pouvoir de régulation commun et acquérir un esprit communautaire.

« De manière synoptique, quand on parle d'intégration, on vise un processus qui conduit à un plus grand degré de concertation entre les acteurs, d'interconnexions entre les unités et de diversification entre les activités créant un processus de relative irréversibilité et permettant une plus grande maîtrise des problèmes qui se posent à l'échelle régionale. II suppose un transfert de souveraineté et des structures institutionnelles »17(*).

Ainsi, l'intégration doit faire disparaître progressivement entre deux ou plusieurs pays les discriminations qui existent aux frontières nationales puisque celles-ci constituent « l'origine de discontinuités dans les échanges commerciaux, dans les mouvements des facteurs de production ou dans les politiques économiques générales : on vise des engagements plus poussés »18(*).

Selon la théorie de l'intégration19(*), on classe les différentes étapes de l'intégration en fonction du type de barrières supprimées. Au regard de la construction européenne, l'exemple le plus courant, l'on distingue divers degrés dans le processus d'intégration. La première étape est l'institution d'une zone de libre échange qui est l'intégration économique la moins intensive.

« Elle vise l'abolition des obstacles tarifaires dans les échanges commerciaux, c'est-à-dire la suppression des restrictions quantitatives et des droits de douane, mais chaque pays membre demeure maître de sa politique douanière avec les pays tiers »20(*).

L'étape suivante est l'instauration d'un tarif extérieur commun, unique envers les pays tiers, à travers une union douanière. « C'est la renonciation de toute souveraineté en matière de politique douanière »21(*). Il s'en suit la mise en place d'un marché commun qui implique les deux premiers critères et s'étend à la libre circulation des facteurs de productions mobiles (travailleurs, capital, entreprise) en adoptant des politiques économiques communes via des interventions gouvernementales unilatérales22(*). La quatrième étape est l'union économique qui vise l'élimination de toute discrimination et l'harmonisation de certaines législations nationales, des politiques économiques, monétaires, fiscales, et sociales. Enfin, l'étape finale est l'union politique, une renonciation des pays à une parcelle de leur souveraineté en faveur d'une instance commune.

Dans le cadre de cette étude, l'intégration est donc perçue comme le résultat d'un processus qui tisse des liens sociaux, économiques et politiques dans un espace géographique regroupant plusieurs Etats. A titre d'illustration, l'UE constitue un modèle de construction d'un marché commun. Cette intégration réussie n'est le fruit que d'un processus mené de façon judicieuse23(*).

b. Libre circulation

Le concept de « libre circulation » tire son origine en France au 18e siècle, avec la formulation de la première théorie du libre échange par un groupe d'économistes, appelés les physiocrates, disciples de l'économiste François Quesnay24(*). Les physiocrates affirmaient que la croissance d'une nation passe par le libre jeu des lois naturelles du marché, sans aucune intervention extérieure. La libre circulation des marchandises allait donc de pair avec le principe de la liberté naturelle. Grâce au libre-échange, chaque pays pourrait accroître ses richesses en exportant sa production aux tarifs les plus bas et en achetant des biens produits ailleurs à bon marché. Depuis, le concept a évolué et s'assimile désormais à un droit établissant la mobilité des biens, des investissements, des travailleurs, des offres de service, et même la reconnaissance des diplômes et des qualifications dans une zone géographique précise. L'idée sous-jacente étant qu'on circule pour un objectif précis.

Dans le cadre de notre étude, la libre circulation, s'entend comme la faculté qu'ont les citoyens des Etats de la CEMAC à aller et venir au sein de la zone, sans contraintes ni restrictions particulières. Il s'agit plus de déterminer ce degré de liberté, c'est-à-dire, identifier les facteurs qui entravent la libre circulation des biens, et des personnes (voire des services et des capitaux). Toutefois, le principe de libre circulation n'inclut pas forcement le droit d'établissement ou de résidence qui permet à un individu étranger de s'installer durablement dans un pays. Le droit d'établissement s'érige donc comme l'aboutissement du principe de la libre circulation.

4. Intérêt de l'étude

L'étude sur les défis de l'intégration sous-régionale en Afrique Centrale à travers la liberté de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en zone CEMAC revêt un double intérêt.

a. Intérêt scientifique

La CEMAC est issue de l'« échec » de l'UDEAC, aussi, l'essentiel des oeuvres scientifiques aborde la question de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale sous l'angle de la nécessité de la transition entre les deux institutions. Concrètement, il s'agit pour la plupart de déceler et d'analyser les différences, les avancées majeures, la mutation juridico institutionnelle mise en oeuvre et l'opérationnalité de la nouvelle institution. Peu d'ouvrages réalisent une évaluation de la CEMAC, c'est-à-dire identifier les objectifs de départ et constater s'ils sont en voie de réalisation ou non, quelles sont les obstacles rencontrés et quelles solutions qui peuvent y être implémentées.

Pour ces raisons, l'intérêt scientifique de notre étude réside dans l'approche évaluative que nous faisons de l'intégration sous-régionale en zone CEMAC. Elle contribuera à déblayer le chemin des incertitudes et des incompréhensions que peut susciter le retard accusé dans la mise en place de la libre circulation des facteurs de production en zone CEMAC. Cela dit, il y existe également un intérêt social.

b. Intérêt social

A considérer, comme beaucoup d'observateurs, que l'intégration sous-régionale est une condition indispensable pour le développement des Etats africains, et dont de leurs ctoyens, la dimension sociale de notre étude se trouve ainsi justifiée. Dans un contexte de lutte contre la pauvreté, notre étude, telle que conçue, permettra aux populations de mieux saisir les opportunités qu'offre l'instauration de la libre circulation en zone CEMAC afin de satisfaire leurs besoins vitaux. Ce travail permettra également aux décideurs de l'institution sous-régionale de mieux saisir les enjeux et d'ajuster si nécessaire, les politiques et mécanismes mis en oeuvre afin de les optimiser et atteindre les objectifs initialement fixés dans le but d'opérer un véritable changement social.

5. Revue de littérature

D'entrée, il convient de préciser que les aspects liés à la liberté de circulation des biens et des personnes en zone CEMAC sont très peu développés par la communauté scientifique. La majorité des oeuvres abordent l'intégration sous-régionale sous l'angle de la transition entre l'UDEAC et la CEMAC. Elles s'attèlent à relever les raisons de l' « échec » de l'UDEAC et la nécessité de refonder les bases du processus d'intégration sous régionale.

Toutefois, si l'on tente de procéder à une brève description de la liberté de circulation en Afrique centrale, nous nous accordons à la suite de Philippe HUGON pour dire que, malgré une intégration sous-régionale institutionnalisée, la zone CEMAC connaît un processus de stagnation économique, de marginalisation internationale et de faible intégration, tant au niveau des flux des marchandises, de capitaux, des mouvements de facteurs que des transferts technologiques25(*). D'ailleurs, la mise en place des désarmements douaniers avant les structures de production et les infrastructures, constitue une raison de l'échec de ces unions douanières. Pour Marc louis ROPIVIA, l'intégration sous-régionale ne procède pas d'une volonté intérieure partagée par tous les acteurs, elle n'est que décrétée, d'où son échec lamentable en Afrique centrale26(*). Ainsi, la liberté de circulation prônée par les discours et les politiques implémentées sont de véritables leurres qui cachent une volonté politique balbutiante et des aspirations divergentes.

En plus de remettre en question les progrès occasionnés par l'institution sous- régionale, ces points de vue tout à fait pertinents disposent néanmoins quelques limites. La première consiste à penser que la création d'une institution sous-régionale, notamment en Afrique centrale, ne serait que le résultat d'une approche impérialiste. Certes, le mimétisme institutionnel et des accords privilégiés avec des anciennes puissances colonisatrices peuvent justifier cette thèse. Il n'en demeure pas moins que l'initiative de créer une institution sous-régionale reste l'expression d'un choix délibéré, pris dans un contexte d'indépendance nouvellement acquise. En ce sens, le paternalisme occidental et le mimétisme n'auraient servi qu'à se doter d'une expertise, quasi-inexistante, et d'une certaine crédibilité au sein de la communauté internationale. D'autre part, le dispositif juridique et institutionnel en faveur de la libre circulation, même s'il a tardé à se mettre en place, répond aux standards de l'intégration régionale27(*) et matérialisent de ce fait, la volonté des dirigeants des Etats membres d'induire un processus irréversible conduisant à la dissolution des frontières en zone CEMAC.

C'est dire que la mise en oeuvre de la libre circulation en CEMAC ne se limite pas à la densification des instruments légalo-institutionnels, mais doit également procéder à la prise en compte d'autres paramètres moins sensibles à la volonté politique des Etats membres. Pour Béatrice HIBOU, ces facteurs se traduisent par le fait que les projets d'intégration, quels qu'ils soient, ne mettent pas, par définition, l'accent sur les principales sources de revenus des pays de la zone : les exportations de produits primaires (miniers ou agricoles) à destination du reste du monde. Etant donné leur niveau de développement et l'étroitesse de leur marché, le dynamisme de ces économies ne peut en effet provenir, dans un premier temps, que d`une reprise des exportations et d'une bonne gestion de leurs revenus28(*).

Cette posture se vérifie d'autant plus que l'hétérogénéité des intérêts économiques de ces pays, due au nouveau contexte mondial enclin aux enjeux pétroliers/miniers, ôte beaucoup de la pertinence économique des projets d'intégration sous-régionale et notamment de la mise en oeuvre de la libre circulation. Cette dernière suppose l'existence d'intérêts communs entre les pays. Or ce sont plutôt les divergences d'intérêts qui frappent l'observateur.

Outre ces paramètres qui font obstacles à la libre circulation en zone CEMAC, l'oubli des pays ayant un marché plus significatif (comme la République Démocratique du Congo29(*)) n'est, ici, qu'un point relativement secondaire. En revanche, le fait de négliger les influences, sur les pays de la zone, de leurs voisins hors zone franc (et particulièrement du Nigeria) et des autres institutions (notamment la CEEAC30(*) et la CEDEAO31(*)) remet en cause la viabilité même de la libre circulation dans le contexte actuel. Or, les flux d'échanges informels lient principalement les pays de 1'ex UDEAC à des pays n'appartenant pas à ces unions (Nigeria, RDC, Soudan, voire Afrique du Sud via les pays limitrophes).

Aujourd'hui, malgré un revirement de philosophie et de stratégie, il ne serait pas hâtif de présager à la CEMAC le même destin que l'UDEAC et ce, d'autant plus que la mise en oeuvre de la libre circulation est heurtée à beaucoup d'obstacles.

6. Problématique du sujet

Compte tenu de toutes les difficultés inhérentes au processus de mise en oeuvre de l'intégration sous-régionale en Afrique Centrale depuis l'UDEAC jusqu'à la création de la CEMAC en 1994, peut-on penser que les pays de la zone soient à même d'aboutir à la libre circulation des facteurs avec les moyens et les mécanismes dont ils disposent ? En d'autres termes, il est question d'envisager une problématique de l'inadéquation entre construction institutionnelle de la liberté de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en zone CEMAC et mise en oeuvre de celle-ci.

7. hypothèses

Au regard de cette problématique, il en ressort un certain nombre d'hypothèses : une hypothèse principale et plusieurs hypothèses secondaires.

Ainsi, l'hypothèse principale est la suivante :

Ø La mise en place de la libre circulation en Afrique centrale depuis la création de la CEMAC présente des difficultés. Celles-ci sont liées à la prédominance des pesanteurs structurelle, conjoncturelle et sociologique qui mettent à l'épreuve la volonté politique brandie par les pays de la sous région.

Afin de mieux cerner cette hypothèse principale, il en découle des idées sous jacentes qui constituent des hypothèses secondaires :

Ø L'existence des carences (normatives, institutionnelles et infrastructurelles) relatives aux aspects fondamentaux du processus d'intégration sous-régionale tant au niveau de l'institution communautaire que des différents pays membres, fait obstacle à la mobilité des biens et des personnes en zone CEMAC ;

Ø Le poids économique de certains pays de la zone CEMAC est sans cesse revalorisé du fait, notamment, de la découverte et l'exploitation des nouveaux gisements miniers et pétroliers. Ce nouveau contexte économique laisse place à des pratiques protectionnistes et des querelles de leadership qui affectent la libre circulation en zone CEMAC ;

Ø Certains traits socioculturels, voire anthropologiques, des populations de la CEMAC constituent des obstacles à l'effectivité de la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux.

La vérification de nos différentes hypothèses nécessite l'édification d'un cadre méthodologique approprié.

8. Cadre méthodologique

Pour analyser de façon pertinente les informations que nous avons recueillies sur le terrain, lors de nos différents enquêtes, entretiens ou recherches, deux modèles d'analyses ont été utilisé : la méthode juridique et le structuro fonctionnalisme

La méthode juridique vise à donner une meilleure interprétation des textes juridiques. Elle est donc appropriée dans le cadre de cette étude qui sera traitée sous l'angle du droit international et du droit communautaire. Ce modèle d'analyse nous a permis de déceler le dispositif normatif relatif à la circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux afin de le confronter aux principes de la bonne gouvernance. En ce sens, le traité de la CEMAC et la convention établissant l'Union Economique en Afrique Centrale, ont constitué les principales sources de cette analyse.

L'analyse structuro fonctionnaliste est liée à l'étude de la bureaucratisation, travaux de Max WEBER. « Ce dernier avait mis en évidence trois types d'autorités, s'incarnant dans des organisations diverses. Sur la base de ses modèles théoriques (le triptyque autorités rationnelle légale, traditionnelle et charismatique), il a tenté de cerner les réalités empiriques des organisations »32(*). TALCOTT PARSONS lui, décrit les organisations comme des sous systèmes d'un système social environnant et global. Chaque organisation reproduisant une structure sociale commune se distinguant de ses voisines par les fonctions qu'elle met en oeuvre. Il distingue spécifiquement quatre fonctions générales que toute organisation assure : « une fonction de stabilité normative (par laquelle elle guide l'action de ses membres), l'adaptation par laquelle elle mobilise les ressources en vue d'objectifs), l'exécution (par laquelle elle mène la réalisation des objectifs) et l'intégration (par laquelle elle harmonise ses propres éléments internes) »33(*). Dans ce cadre, la CEMAC est une institution sous-régionale qui se distingue des autres par ses règles, ses objectifs et leur réalisation. Mais le fonctionnement de celle-ci est soumis à des contraintes liées à son environnement économique, politique ou social. Cette analyse a donc décrit l'attitude de la CEMAC face aux différents obstacles rencontrés.

9. Techniques de collecte de données

Pour parvenir à la réalisation de cette étude, nous avons décelé les données et informations nécessaires par le truchement des recherches approfondies, des enquêtes, et dans une moindre mesure par l'observation. De ce fait, le principal outil de collecte de données a été le guide d'entretien que nous avons administré à un échantillon précis. Compte tenu de la délimitation que nous avons précédemment opérée, notre échantillon a été constitué essentiellement des ambassadeurs (ou de leurs représentants) des pays de la CEMAC au Cameroun, ainsi que le service chargé de l'intégration régionale du Ministère des relations extérieures du Cameroun. Ces derniers nous permettront de dégager le point de vue des acteurs institutionnels sur la liberté de circulation des facteurs. Une autre partie de cet échantillon a été consacrée aux acteurs économiques à travers les commerçants rencontrés au marché frontalier de KYE OSSI. De même, dans la même localité, nous nous sommes entretenus avec les différentes autorités administratives afin de recueillir les impressions des principaux concernés par les enjeux liés à la mise en oeuvre de la libre circulation.

10. Articulation et justification du plan

Notre étude s'étale sur deux parties. Après une brève analyse des raisons de l'échec de l'UDEAC, la première partie est consacrée à l'opérationnalisation de l'intégration sous-régionale en zone CEMAC et met en exergue un bilan mitigé. Aussi, cette partie se décline en deux chapitres : le premier est consacré à mettre en évidence le cadre juridique de la libre circulation en CEMAC ; le second chapitre lui, évalue dans la pratique, l'état de mise en oeuvre de la libre circulation en CEMAC.

La seconde partie quant à elle, traite des pesanteurs et perspectives d'évolution de la liberté de circulation des biens et des personnes en zone CEMAC. Aussi, dans un premier chapitre, il est question de poser un diagnostic en analysant les obstacles majeurs du processus de mise en oeuvre de la libre circulation. Par le même procédé, dans un second chapitre, nous procédons au décryptage des défis majeurs à réaliser de façon à accélérer l'implémentation de la libre circulation en zone CEMAC.

Quoiqu'il en soit, à travers une conclusion générale, et à la lumière de nos enquêtes et de nos recherches, nous mettrons en exergue les principales découvertes sur les raisons du retard constaté dans la dynamique d'intégration sous régionale en zone CEMAC. En outre, dans une posture scientifique et sociale, nous dégagerons quelques solutions concrètes et réalisables pour résorber les obstacles que nous auront pu déceler.

PREMIERE PARTIE :

LE CADRE JURIDIQUE ET L'ETAT DE L'OPERATIONNALISATION DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE CEMAC 

L

e Traité instituant la CEMAC en 1994 marquait une volonté des chefs d'Etats des six (06) pays de la zone de réaffirmer l'ambition de l'intégration sous-régionale tout en donnant une nouvelle impulsion au processus amorcé avec l'UDEAC. Ainsi, la nouvelle initiative est basée sur les acquis d'une trentaine d'années d'expérimentation de l'intégration en Afrique centrale. En effet, l'UDEAC avait permis quelques avancées dans la marche vers l'intégration. Dès décembre 1965, avait été adoptée la convention commune sur les investissements dans les pays de l'UDEAC (fondement des codes des investissements). Ensuite, plusieurs dispositions fiscales ont été harmonisées notamment : l'impôt sur le chiffre d'affaires intérieur (1969), l'impôt sur les sociétés (1972), l'impôt sur le revenu des personnes physiques (1977), l'assiette et le champ d'application de l'impôt sur les revenus de capitaux et valeurs mobilières (1977).

En réalité, depuis 1999, l'intégration paraît avancée sur le papier en raison des multiples décisions prises, mais la réalité en est toute autre du fait de la faible application des décisions et de l'inefficacité de certaines institutions sur les secteurs prioritaires nécessaires à la libre circulation. Quoiqu'il en soit, de manière synoptique, la coopération entre les Etats a progressé durant les quinze dernières années mais le socle de la CEMAC, encore fragile, ne permet pas ni la libre de circulation des biens et des personnes ni d'accroître et d'optimiser les échanges :

« les acquis sont peu visibles par les citoyens et restent réversibles et la comparaison avec l'UEMOA montre les retards pris au sein de la CEMAC dans la marche vers l'intégration »34(*).

En ce sens où en est l'intégration au sein de la CEMAC ? Comment se compare le niveau d'avancement de cette intégration par rapport à d'autres entités parties sur les mêmes bases comme l'UEMOA, confrontées quasiment aux mêmes difficultés et dotées des mêmes moyens, sinon moins ? Cette première partie répond à ces interrogations, en s'appuyant sur l'examen du bilan à mi-parcours de la CEMAC nécessaire pour comprendre la situation actuelle de la dynamique d'intégration en Afrique centrale.

Chapitre 1.

Le cadre juridico-institutionnel de la libre circulation en zone CEMAC : des avancées tangibles

L

a convention de l'UEAC adoptée le 05 juillet 1996 avait développé un programme d'intégration sous-régionale à mettre en oeuvre dès le lancement effectif des activités de la CEMAC de façon à atteindre les objectifs économiques majeurs que la communauté s'était fixée. Il s'agissait de :

· Renforcer la compétitivité des activités économiques et financières en harmonisant les règles qui régissent leur fonctionnement ;

· Assurer la convergence vers des performances soutenables par la coordination des politiques économiques et la mise en cohérence des politiques budgétaires nationales avec la politique monétaire commune ;

· Créer un marché commun fondé sur la libre circulation ;

· Instituer une coordination des politiques sectorielles nationales, mettre en oeuvre des actions communes et adopter des politiques communes, notamment dans les domaines suivants : l'agriculture, l'élevage, la pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les transports et les télécommunications, l'énergie, l'environnement, la recherche, l'enseignement et la formation professionnelle.

Afin d'optimiser la réalisation de ces objectifs, l'union économique a établit un programme échelonné en trois étapes. Les deux premières étapes de cinq (05) ans chacune seraient consacrées à développer les secteurs prioritaires de l'intégration sous-régionale et la troisième étape aurait été destinée à résorber d'éventuels retards accusés. L'encadré 1 présente les objectifs de la première étape, qui visait à renforcer le dispositif institutionnel et à initier les réformes prioritaires.

Encadré 1 : Les objectifs de la première étape du plan de Malabo : extrait de la Convention du 05 juillet 1996 régissant l'Union Economique de l'Afrique Centrale (UEAC).

« Article 4 -Au cours de la première étape, d'une durée de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente convention et dans les conditions prévues par celle-ci, l'Union Economique :

a) harmonise, dans la mesure nécessaire au fonctionnement du marché, les règles qui régissent les activités économiques et financières et élabore à cet effet des règlementations communes ;

b) engage un processus de coordination des politiques nationales, dans les secteurs suivants : l'agriculture, l'élevage, la pêche, l'industrie, le commerce, le tourisme, les transports et les télécommunications ;

c) initie le processus de mise en place des instruments de libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, notamment par une harmonisation de la fiscalité des activités productives et de la fiscalité de l'épargne ;

d) développe la coordination des politiques commerciales et des relations économiques avec les autres régions ;

e) prépare des actions communes dans les domaines de l'enseignement, de la formation professionnelle et de la recherche ». Source : Textes organiques, CEMAC, 1998.

A ce jour, seule la première étape s'est déroulée de juin 1999 à janvier 2004, et un vaste programme de réforme a été mis en place de juin 200535(*) à juin 2008 pour combler les lacunes déjà apparentes. Quoiqu'il en soit, cette période a mis à jour quelques améliorations dans la libre circulation notamment en ce qui concerne le dispositif institutionnel et juridique de la CEMAC (Section I). Cette période a également permis le développement de la coopération entre Etats membres de la CEMAC (Section II).

Section I. Le renforcement du dispositif juridico-institutionnel de la CEMAC pour la libre circulation

Depuis le lancement des activités de la CEMAC en 1999, des changements notables se sont manifestés par la création de nouvelles institutions, le renforcement des entités existantes, l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions juridiques notamment dans le domaine fiscalo-douanier, tous en faveur de la libre circulation des biens et des personnes.

Paragraphe 1. Le développement de la réglementation communautaire sur la libre circulation

Le cadre juridique global de la CEMAC est défini dans le Traité du 16 mars 1994, complété le 5 juillet 1996 par un additif, et entièrement révisé le 25 juin 2008. Pendant cette période, plusieurs conventions, actes, règlements, décisions et déclarations ont participé au processus de mise en oeuvre de la libre circulation. Deux textes majeurs marquent la volonté des Etats de la sous région d'établir la libre circulation. Il s'agit de l'acte additionnel de 2005, relatif à la libre circulation des personnes en zone CEMAC, puis la mise en oeuvre, le 16 mars 2010, du Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC.

A. l'adoption des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes et des biens

En ce qui concerne l'acte additionnel du 29 juin 2005, relatif à la libre circulation des personnes en zone CEMAC, la convention sur la libre circulation des personnes et le droit d'établissement en zone UDEAC en 1972 avait balisé le chemin. A la suite de multiples concertations et d'accords, l'acte additionnel a permis, officiellement, à une grande majorité des citoyens de la CEMAC de circuler librement munis uniquement d'une pièce d'identité et/ ou d'une carte de séjour. Ainsi, dans le cadre de la dite convention les citoyens camerounais, centrafricains, congolais et tchadiens ont la possibilité de se mouvoir dans l'espace géographique de ces quatre pays sans se soumettre aux formalités nécessaires à l'obtention d'un visa. Dans le même sens, une importante réglementation fiscalo-douanière, des textes sur les pratiques commerciales et anticoncurrentielles ont été mis en place pour assurer l'égalité entre les entreprises de la zone, favoriser la concurrence et le dynamisme du secteur économique.

Au demeurant, pour plus d'efficience, la convention sur la libre circulation s'articule autour d'un certain nombre de mesures destinées à établir un climat de confiance favorable aux échanges dans la sous-région. Il ressort que depuis le lancement des activités de la CEMAC, un important dispositif juridico-institutionnel a été mis sur pieds pour opérationnaliser la libre circulation. L'encadré 2, montre quelques aspects de cette mutation.

Encadré 2 Panorama du dispositif juridico-institutionnel pour favoriser la libre circulation.

Convention Inter-états de transport routier de marchandises diverses

Règlement n ° 9/99/UEAC-019-CM-02 relatif au traitement national à accorder aux étudiants ressortissant des pays membres de la Communauté

Directive n° 1/99-CEMAC-028-CM-03 portant Harmonisation des Législations des États membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et du Droit d'Accises (DA)

Règlement n° 17/99/CEMAC-020-CM-03 relatif à la Charte des Investissements de la CEMAC

Règlement N° 9/00/CEMAC-067-CM-04 portant adoption du réseau routier intégrateur et prioritaire de la CEMAC

Règlement N°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant Institution et Conditions d'attribution du Passeport CEMAC

Règlement n ° 4/99/UEAC-CM-639 portant Réglementation des Pratiques Étatiques Affectant le Commerce entre les États membres

Décision n° 03/CB/2000 du 24 Novembre 2000 portant fixation du prix de vente des cartes roses

Acte Additionnel N° 11/00-CEMAC- CCE 02 fixant le Siège de la Bourse des Valeurs Mobilières

Déclaration sur la Banque de Développement des États de l'Afrique Centrale relative aux moyens pour atteindre les objectifs du développement des États membres et de l'intégration de la Communauté

Acte Additionnel N° 01/01-CEMAC-046-CE-03 portant modification de l'Acte Additionnel n° 3/00/CEMAC-046-CE-03 du 14 Décembre 2000 instituant un Mécanisme Autonome de Financement de la Communauté

Acte Additionnel n° 02/01-CEMAC-066-CE-03 portant création d'une Compagnie Communautaire de Transports Aériens en zone CEMAC

Acte Additionnel n° 03/01-CEMAC-CE-03 portant création de la Commission de Surveillance du Marché Financier de l'Afrique Centrale

Directives n° 02/06-UEAC-019-CM-14 portant organisation des Etudes universitaires dans l'espace CEMAC dans le cadre du Système LMD (Licence, Master, Doctorat)

Décision n° 059/06-CEMAC-019-SE Directives n° 01/06-UEAC-019-CM-14 portant application du Système LMD dans les Universités et Etablissements d'enseignement supérieur de l'espace CEMAC

Décision n°12/06-UEAC-160-CM-14 portant création d'un Comité de Suivi de la mise en oeuvre du Programme régional de facilitation des transports et du transit en zone CEMAC

Recommandation n° 04/07-UEAC-046 U-CM-16 Relative à l'amélioration du fonctionnement du FODEC

Directive n° 04/07-UEAC-070 U-042-CM-16 Relative au Suivi-évaluation des mesures adoptées dans le cadre de la Libre Circulation en zone CEMAC

Décision n° 99/07-UEAC-070 U-042-CM-16 Portant création d'un comité de suivi et d'évaluation dans le cadre de la Libre Circulation en zone CEMAC

Source : journal officiel de la CEMAC.

B. La libéralisation du passeport communautaire 

Lorsqu'en 1999, l'idée du passeport CEMAC avait été évoquée, les objectifs étaient de faciliter la circulation d'une catégorie de citoyens (Diplomates, fonctionnaires de la communauté, hommes d'affaires, responsables de cultes religieux et étudiants). Depuis 2000, il a été décidé de son extension à tous les citoyens de la sous-région, sans exclusion. Cette ultime étape devait, selon les économistes, permettre non seulement de créer une vaste aire économique, mais surtout une intégration régionale, qui à terme devrait conduire vers la création d'une union économique et d'un marché commun.

Depuis l'adoption le 20 juin 2008 du règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du passeport communautaire, le processus s'est accéléré. Selon ce règlement, il est institué au sein de la communauté, un passeport biométrique CEMAC dans ses trois composantes : ordinaire, de service ou diplomatique. L'article 02 affirme que : « le passeport CEMAC confère à son titulaire le droit de circuler librement, sans visa, au sein de l'espace CEMAC. A cet effet, il tient lieu également de pièce d'identité. Le passeport CEMAC est un document de voyage international pour les ressortissants des Etats membres ». Avec l'instauration de ce règlement, le 16 mars 2010, les chefs d'Etats de la sous-région ont voulu rendre effectif le principe de la libre circulation à travers la multiplication des échanges économiques et culturels.

Un processus qui parait d'autant plus facile que la sous-région bénéficie de la parenté des populations de différents pays, mais aussi de la transnationalité de nombreux groupes ethniques (FANG au Cameroun et au Gabon, BAYA et BOUM en RCA et au Cameroun, TOUPOURI et MOUNDANG au Cameroun et au Tchad...). Une spécificité qui fait que de part et d'autres des frontières, les populations parlent quelquefois la même langue, ont quasiment les mêmes cultures traditionnelles, patrimoniales, alimentaires, et même religieuses.

Dans la même dynamique, le renforcement du dispositif juridique en faveur de la mise en oeuvre de la libre circulation s'est accompagné d'une densification institutionnelle.

Paragraphe 2. Densification du panorama institutionnel pour la libre circulation : la consécration de la nouvelle philosophie de la CEMAC

A la différence de l'UDEAC, la CEMAC consacre un dispositif institutionnel renforcé pour faciliter la mise en oeuvre de la libre circulation des biens et des personnes. Celle-ci se matérialise par la création d'organes dits « spécialisés » auxquels ont été assignés des échéances et objectifs précis. Les Etats membres entendent ainsi impulser une dynamique irréversible aboutissant à une intégration sous-régionale effective à moyen terme.

A. Création des institutions « spécialisées »

Dès le lancement effectif des activités de l'institution sous-régionale, les Etats membres de la CEMAC ont voulu affirmé leur volonté de procéder à une réelle mise en place de la libre circulation des biens et des personnes. Au-delà du dispositif normatif, des organes consacrés à la planification, l'assainissement et le suivi des politiques et instruments destinés à l'effectivité de l'intégration sous-régionale, ont été mis en place.

Il s'agit notamment de la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (COBAC) qui a été créé pour la construction d'un marché financier et surtout l'assainissement des pratiques bancaires au sein de la communauté, dans un contexte de pleine expansion des entreprises de microfinance et des dispositifs juridiques nationaux défaillants. L'action de la Commission de Surveillance du Marché Financier (COSUMAF) s'inscrit dans le même ordre d'idée. Elle est spécialisée dans la surveillance des pratiques anticoncurrentielles au sein de la zone de façon à accroitre la compétitivité des produits CEMAC, et à augmenter l'importance de la circulation des flux des biens de production.

Deux autres organes ont été mis en place pour opérationnaliser le principe de la libre circulation à travers des projets concrets et visibles. Ainsi dans ce cadre, le Programme Economique Régional (PER) s'affirme que l'organe sur lequel repose la politique globale d'intégration sous-régionale en zone CEMAC. Ce programme, initialement prévu pour la période 2008-2015 s'inscrit dans le cadre d'une vision à l'horizon 2025. Date qui constitue l'étape ultime de la construction du marché unique africain. Par ailleurs, le Fonds de Développement de la Communauté (FODEC)36(*) a été créé afin de faciliter le financement des projets intégrateurs prioritaires. S'il est plus un dispositif qu'un organe, le FODEC est constitué de soixante dix (70)% de la Taxe Communautaire d'Intégration qu'il repartit entre la compensation des pertes douanières et le financement des chantiers favorisant l'intégration sous-régionale.

B. Assignation d'objectifs ciblés

La nouvelle vision de la CEMAC projette de créer entre les six Etats membres, un espace communautaire cohérent, plus solidaire, plus attractif et compétitif qui s'insère dans l'économie mondiale et procure aux populations un niveau de vie plus satisfaisant. Aussi, au-delà des politiques globales à long termes prévus dans les textes fondateurs desdits organes spécialisés, plusieurs objectifs concrets ont été assignés. En ce qui concerne la mise en oeuvre de la liberté de circulation, il a été requis par la conférence des chefs d'Etat, une construction des voies de communication communautaires.

Il s'agit notamment du bitumage d'un réseau routier régional de huit (08) tronçons :

· Maroua (Cameroun) - Ndjamena (Tchad) 280 km ;

· Sangmelima (Cameroun) - Souanké/Ouésso (Congo) 650 km ;

· Yaoundé/Bertoua (Cameroun) - Berbérati (RCA) 313 km ;

· Bata (Guinée Equatoriale) - Kribi/Douala (Cameroun) 280 km ;

· Mouila/Ndendé (Gabon) - Dolisie/Brazzaville (Congo) 601 km ;

· Libreville/Medouneu (Gabon) - Akurenam/Evinayong (Guinée Equatoriale) 280 km ;

· Bossembélé/Bossangoa/Békay (RCA) - Mbaïkoro (Tchad) 483 km ;

· Ouesso/Bomassa (Congo) - Bayanga/Nola/Mbaïki (RCA) 700 km.

Le coût total de réalisation (construction, réhabilitation ou renforcement) de ce vaste chantier a été estimé à 1272 milliards de FCFA37(*). Le projet s'inscrit dans le cadre du PER élaboré à la conférence de Bata de 2005. C'est également dans cette perspective, qu'il a été mis en oeuvre le projet de création d'une compagnie aérienne communautaire (Air CEMAC) ainsi que la densification du réseau ferré (axe Yaoundé-Ndjamena). Ainsi, au prix de nombreuses réformes, la CEMAC a multiplié la création des institutions et a renforcé les capacités de celles préexistantes, toutes participent à l'opérationnalisation de la libre circulation des biens et des personnes.

Section II. Le développement de la coopération entre Etats membres de la CEMAC

La CEMAC a considérablement amélioré le cadre conceptuel, institutionnel et les réglementations communautaires de la sous-région. Au delà de cette évolution, nous avons pu constater une multiplication des concertations traduisant le développement de la coopération entre les Etats membres de l'institution sous-régionale. Ces efforts sont également dus à la participation d'autres acteurs au projet communautaire tels que parlementaires, et le secteur privé. Ainsi, a t-on pu noter l'aboutissement de la réforme fiscalo douanière qui a été réalisée avec succès et qui permet un allégement de la fiscalité dans la zone CEMAC par la suppression de plusieurs taxes intermédiaires et l'instauration au sein de la zone d'une taxe unique sur le chiffre d'affaires (TCA) et sur la valeur ajoutée (TVA). Les pays de la CEMAC ont aussi, depuis quelques années, mis en place un dispositif de surveillance multilatérale qui a pour objectif la coordination des politiques économiques (budgétaires et monétaires) afin de favoriser la convergence nominale des économies de la zone. Au demeurant, deux aspects majeurs permettent d'apprécier ladite évolution : il s'agit du renforcement de l'intégration économique par la mise en place d'un marché commun et de l'institution d'un mécanisme autonome de financement des projets communautaires.

Paragraphe 1. La mise en place des bases d'un marché commun

En plus des acquis de l'UDEAC, la CEMAC s'est attelée à mettre en oeuvre un marché commun fondé sur la libre circulation. L'UDEAC avait permis de jeter les bases de la création d'une zone de libre échange qui est l'intégration économique la moins intensive38(*). L'adoption d'un Tarif Extérieur Commun (TEC) et unique envers les pays tiers en 1993 a établit une véritable union douanière. C'est-à-dire la renonciation de toute souveraineté des pays membres en matière de politique douanière et le premier pas vers le marché commun.

A. Le renforcement de l'union douanière : l'adoption du Tarif Extérieur Commun

L'expression Tarif Extérieur Commun traduit l'application au sein des Etats membres de la CEMAC d'une union douanière, c'est-à-dire un même tarif aux marchandises originaires des pays tiers. Il ressort de cette définition deux conséquences d'une part, les Etats membres de l'union douanière adoptent une même nomenclature tarifaire et statistique c'est-à-dire, un même système de désignation et de codification des marchandises et d'autre part, ces Etats appliquent aux marchandises originaires des pays tiers, les mêmes droits d'entrée (ou droit de porte ou droit de douane) selon une classification prédéfinie. La classification est une tâche technique qui consiste à répartir les produits en différentes catégories suivant des critères préalablement définis, à chaque catégorie correspond un niveau de fiscalité bien déterminé :

· Catégorie 0 (biens sociaux relevant d'une liste limitative) ;

· Catégorie 1 (biens de première nécessité, matières premières de base, biens d'équipement, intrants spécifiques) ;

· Catégorie 2 (produits intermédiaires c'est-à-dire des produits ayant subi un début de transformation et nécessitant un apprêt avant tout usage) ;

· Catégorie 3 (biens de consommation finale et les autres produits non repris ailleurs).

En UEMOA ce tarif est de 1% pour la catégorie 0, 6% pour la catégorie l, 11% pour la catégorie 2, 21% pour la catégorie 3. En CEMAC, il est actuellement de 5.10, 20 et 30% mais en passe de se cantonner à 0, 2, 10 et 20%39(*). Quoiqu'il en soit, le taux du tarif des douanes applicable aux produits d'origine communautaire est de zéro. Le TEC de la CEMAC a quatre composantes. Il s'agit :

· du droit de douane ;

· du droit d'entrée ;

· de la taxe sur le chiffre d'affaire à l'importation ;

· de la taxe complémentaire.

Les trois premiers sont communs aux Etats et le dernier dépend de chaque pays où elle constitue un moyen de protection supplémentaire. Cette politique commune en matière de tarification externe vise entre autres : la promotion et la protection de la production communautaire ; l'ouverture de l'union vers l'extérieur ; la lutte contre le détournement de trafic. Néanmoins, le TEC peut être assoupli selon deux modalités principales : les régimes de préférences (à l'instar des accords de partenariats économique entre l'UE et les Etats de l'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique) et les contingents tarifaires40(*) (à l'exemple des politiques entreprises par la CEMAC pour limiter les effets de la crise alimentaire en 2008).

B. Valorisation des produits CEMAC et amorce d'un marché financier

Depuis décembre 2000, l'UEAC est officiellement une zone de libre échange et la révision du TEC en 2001, puis en 2002 a entériné l'union douanière et accéléré l'intégration économique. En effet, l'union douanière a établit des conditions favorables permettant la croissance des échanges intra-régionaux grâce au désarmement douanier et à la mise en place d'une protection commune à l'égard des pays tiers. Par cette discrimination face aux pays tiers, les produits locaux sont valorisés et les investisseurs des pays membres bénéficient d'une grande mobilité au sein de la communauté. De cette manière, les échanges se développent et le tissu économique devient homogène, se densifie et surtout se diversifie. Cela est d'autant plus vrai que des règles communes ont été adoptées en matière d'investissement et de concurrence (charte d'investissement41(*) et OHADA42(*)). Une autre conséquence de cette évolution est la création du label « produit CEMAC »43(*) qui a donné une certaine visibilité des produits de la sous-région dans le marché mondial.

En ce qui concerne le secteur financier, Les Etats membres ont consenti d'importants sacrifices pour l'assainissement du système bancaire. La mission de contrôle confiée à la COBAC44(*) a pu assainir le secteur bancaire. En outre, la charte des investissements a mis un place un marché financier pour renforcer la mobilisation de l'épargne en faveur de l'investissement. De même, l'assainissement de la gestion dans le secteur des assurances et de la sécurité sociale en les soumettant au contrôle des organismes régionaux, tels que la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance (CIMA) pour les assurances et la Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale (CIPRES) pour les organismes de sécurité sociale, a fournis des résultats considérables en faveur de la libre circulation tel que l'adoption de la Carte rose (carte d'assurance en zone CEMAC).

Paragraphe 2. L'institution d'un mécanisme autonome de financement

Que l'on se trouve en Europe, aux Amériques ou en Asie, le financement constitue la problématique fondamentale de l'efficacité des communautés d'intégrations régionales. En effet, le fonctionnement des institutions communautaires, les investissements dans les projets et chantiers intégrateurs, la compensation des pertes de ressources financières pour les Etats membres qui accompagnent souvent la mise en oeuvre des politiques communautaires (comme le tarif extérieur commun), exigent une source de financement suffisante et pérenne. Tirant leçon de l'échec des mécanismes antérieurs45(*), le principe de la Taxe Communautaire d'intégration (TCI) a été adopté pour asseoir le financement des activités de la CEMAC sur une garantie d'autonomie financière. En effet, l'implémentation d'un mode de financement stable s'imposait à la CEMAC compte tenu de l'envergure de ses objectifs. La TCI a été adoptée par l'Acte additionnel du 14 décembre 2000, pris à Ndjamena et reprécisée par l'acte additionnel du 8 décembre 2001 pris à Yaoundé. Elle a été consolidée par l'acte additionnel du 28 janvier 2004, pris à Brazzaville.

A. La Taxe Communautaire d'Intégration : un mécanisme de financement simple

Le mécanisme de la TCI est fondamentalement simple à mettre en oeuvre. Le principe est le suivant : toutes les importations de produits en provenance de pays tiers (hors Communauté), n'ayant pas conclus des accords privilégiés avec un membre de la communauté ou ne faisant pas l'objet d'une disposition fiscale spéciale (comme les produits pétroliers), sont soumis à une taxe dont le taux est de 1%. Le produit annuel de cette taxe est entièrement reversé dans un compte spécial ouvert à la BEAC. Les ressources de la TCI sont destinées, d'une part, à couvrir les dépenses de fonctionnement de la CEMAC (Commission, organes et institutions spécialisées) et, d'autre part, à financer les compensations et à constituer des dotations au FODEC.

En ce qui concerne le FODEC, institution qui a pour objectif majeur de faciliter la libre circulation, l'essentiel des ressources de la TCI y est destinée. En effet, selon les dispositions en vigueur, 30% de la TCI devraient servir à la couverture des dépenses de fonctionnement des institutions de la CEMAC et 70% de la TCI devraient alimenter les comptes du FODEC. De manière précise, 40% des fonds FODEC doivent servir à financer la compensation des pertes de recettes douanières par certains Etats, du fait de l'application du tarif extérieur commun et 60% des fonds FODEC doivent aller au financement des projets intégrateurs comme le réseau routier régional.

B. l'impact de la TCI dans le processus de mise en oeuvre de la libre circulation

L'adoption de la TCI correspond à une nette amélioration du financement des institutions, par rapport à la période d'exercice de l'UDEAC. Qui plus est, la prise en charge des fonctionnaires de la CEMAC et des institutions spécialisées est mieux organisée46(*). A titre d'illustration,

« en 2004, les ressources collectées par les Etats, au titre de la TCI étaient estimées à 14.579,8 millions FCFA. Les dépenses de fonctionnement des organes et des institutions de la CEMAC étaient évaluées à 9.269,0 millions FCFA. Le rendement du mécanisme TCI permet ainsi, s'il fonctionne correctement, de garantir la couverture des charges de fonctionnement de la CEMAC. Depuis 2002, le total des contributions (y compris les arriérés) s'élève à 32 milliards F CFA »47(*).

Comme le montre le graphique 1, la quasi-totalité des institutions de la CEMAC est financée par la TCI (environ 15 institutions en novembre 2005) hormis les institutions de l'UMAC et de la BDEAC.

Graphique1: Budgets des organes et institutions spécialisées de la CEMAC 2005 : montant total 12.781.965.976 FCfa

Source : Agence comptable de la CEMAC : Contribution des Etats aux budgets des organismes de la CEMAC Décembre 2005.

Toutefois, bien que le cadre conceptuel, les réglementations communautaires, la coopération entre les Etats membres soient assez développés et complets, le processus d'intégration sous-régionale n'a pas produit à ce stade les résultats attendus. Les synergies utiles n'ont pas toujours été mobilisées avec la volonté suffisante pour organiser une véritable complémentarité des outils et moyens d'assurer une libre circulation effective. L'application des dispositions communautaires par les Etats Membres est imparfaite, qui plus est, les velléités protectionnistes actuelles de certains pays membres ont sapé les efforts consentis depuis des décennies.

Chapitre II.

L'opérationnalisation de la libre circulation en zone CEMAC à l'épreuve des défaillances avérées.

E

n dépit des progrès réalisés depuis l'institution du traité CEMAC, force est de constater que la libre circulation des biens et des personnes est très peu effective et son application reste confrontée à de nombreux obstacles. Cette défaillance met en évidence un bilan mitigé qui se traduit par deux indicateurs majeurs : la non réalisation des objectifs fixés par la nouvelle institution sous-régionale et la faiblesse de l'esprit communautaire entre pays membres. Ces deux paramètres concourent de manière significative au retard accusé dans le processus de mise en oeuvre de la libre circulation comparativement à d'autres communautés comme celle de l'Afrique de l'Ouest (l'UEMOA) où l'intégration progresse plus vite et se met en oeuvre à pas de géants. Concrètement, la mauvaise implémentation du plan d'action de Malabo et la non application des décisions communautaires ont participé à la limitation de la libre circulation. De même, l'existence des velléités protectionnistes et les dysfonctionnements du mécanisme de financement ont considérablement réduits l'ampleur des projets intégrateurs. En ce sens les perspectives de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale ne sont pas très reluisantes.

Le graphique 2 compare par exemple les indices d'intégration48(*) entre 1994 et 1999 de différentes communautés mesurés par la Commission Economique des nations unies pour l'Afrique (CEA). Par rapport aux autres institutions sous-régionales du continent, l'on s'aperçoit que la CEMAC a régressé comparativement à d'autres communautés.

Graphique 2 : Evolution de l'indice d'intégration des communautés économiques régionales africaines (Indice 1994 = 100)

Source : Commission Economique pour l'Afrique, Etat de l'intégration régionale en Afrique, 2004

Quoiqu'il en soit, ces chiffres s'expliquent car les objectifs initiaux fixés par la convention établissant l'union économique n'ont pas été atteints (Section I) et l'esprit communautaire en zone CEMAC se réduit à une peau de chagrin (Section II).

Section I. La non réalisation des objectifs fondamentaux de la CEMAC

L'un des objectifs majeurs fixé par l'union économique à l'occasion du sommet de Malabo en juillet 1996 était la création d'un marché commun fondé sur la libre circulation. Manifestement jusqu'au 16 mars 2010, cet objectif a tardé à s'appliquer. En cause, le dévoiement du plan d'action de Malabo et la non application des décisions de la communauté qui ont suivi.

Paragraphe 1. Le plan d'action de Malabo dévoyé

Le plan d'action de Malabo avait envisagé l'effectivité de l'intégration sous-régionale en zone CEMAC à l'horizon 2010. En ce sens le nouvel espace socioéconomique devait participer à la réduction de la pauvreté et à l'insertion de la zone CEMAC dans le marché mondial à travers la production de richesses et l'accroissement des échanges. Quelques temps avant l'échéance que le sommet de Malabo s'était fixé, les objectifs ambitieux sont loin d'être atteints. En fait, le plan d'action de Malabo a montré ses limites bien plus tôt.

A. Echec de la première étape du plan d'action

La première étape de cinq (05) ans à compter du lancement des activités de la CEMAC (c'est-à-dire de 1999 à 2004) n'a pas pu être menée à terme. Même si plusieurs mesures favorisant la libre circulation ont été prises dans le sens des objectifs de cette première étape comme précédemment démontré, très vite des difficultés sont apparues. Concrètement il s'agissait notamment de la multiplication des pratiques commerciales anticoncurrentielles, de la détérioration des relations économiques entre pays membres (leurs économies sont devenues concurrentielles au lieu d'être complémentaires), le retard pris dans la mise en oeuvre des instruments de libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes, notamment par la non effectivité de l'harmonisation de la fiscalité des activités productives et de la fiscalité de l'épargne.

Avec le bilan négatif de la première étape, la CEMAC a retardé de façon judicieuse l'opérationnalisation de la seconde étape couvrant la période 2004-2009, dont les objectifs sont présentés par l'encadré 3.

Encadré 3 : objectifs de la deuxième étape du plan d'action de Malabo

« Article 5 : Au cours de la deuxième étape, d'une durée de cinq ans à compter de la fin de la première étape, et dans les conditions prévues par la présente Convention, l'Union Economique :

a) établit, entre ses Etats membres, la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes ;

b) met en oeuvre des actions communes dans les domaines cités à l'article 4 alinéa b de la présente Convention ;

c) engage un processus de coordination des politiques sectorielles nationales en matière d'environnement et d'énergie ;

d) renforce et améliore, en vue de leur interconnexion, les infrastructures de transport et de télécommunications des Etats membres. »

Source : Textes organiques, CEMAC, 1998.

B. l'implémentation d'un Programme de Réformes Institutionnelles

Après plusieurs missions d'audit organisationnel et institutionnel, les autorités de la CEMAC ont établi en juin 2004 un bilan mitigé de la première étape du plan d'action de Malabo et ont initié un Programme de Réformes Institutionnelles (PRI) de trois (03) ans, sous la direction du président de la république de Guinée Equatoriale, ayant pour but de mettre en place les mécanismes permettant d'assurer la libre circulation. Deux axes majeurs de réforme ont été identifiés : le premier étant consacré au réaménagement institutionnel en vue du renforcement de la cohérence du dispositif communautaire, avec trois grands pans. Il s'agit notamment du renforcement des rôles, des pouvoirs et des capacités des instances communautaires (véritables mécanismes d'injonction et de sanction mis en place) ; de l'élaboration d'un Programme Economique Régional (développement des infrastructures régionales) ; la transformation, à l'horizon 2008, des institutions spécialisées en centres d'excellence régionaux (avec financement autonome). Cet axe a aboutit à la transformation du Secrétariat Exécutif en Commission en 2008. Le second axe du PRI avait pour objectif de mener à une répartition plus équilibrée des postes de responsabilité au sein des grandes institutions. Cette phase supposait la nomination d'un Commissaire par Etat membre dans la Commission de la CEMAC, la généralisation progressive des principes de concurrence et de rotation dans la nomination à tous les postes de responsabilité et un gouvernement de la BEAC où chaque pays nomme un représentant. Cette phase a aboutit le 17 janvier, au sommet de Bangui, à l'adoption du principe de rotation des dirigeants des institutions spécialisées.

Quoiqu'il en soit, la mise en oeuvre de ces réformes institutionnelles exige l'application stricte des décisions communautaires. Ce qui n'est pas chose acquise.

Paragraphe 2. La non application des décisions communautaires

Depuis l'instauration du traité CEMAC, il est indéniable que le dispositif règlementaire pour la libre circulation au sein de la communauté s'est densifié. En ce sens, l'on ce serait attendu à ce que les résultats soient probants. La réalité en est autre. Contrairement à la période UDEAC, des mesures adéquates, innovantes et nécessaires ont été prises pour mettre en oeuvre la libre circulation. Semblablement à la période UDEAC, ces décisions ne se sont pas appliquer du fait de lacunes institutionnelles. De ce fait, les changements sont peu visibles par les populations. Il en résulte que la non application des décisions communautaires constitue une entrave majeure au processus d'intégration sous-régionale.

A. L'infertilité des instruments d'intégration

Un conseil extraordinaire des ministres en charge de l'intégration a été organisé en juin 2005 lors de la conférence de Bata, uniquement pour faire le point sur la non application des textes par les Etats Membres. Il en ressort que le champ des décisions non appliquées couvre un large spectre des instruments d'intégration dont se sont dotés les Etats, mettant en péril le processus de mise en oeuvre de la libre circulation. D'ailleurs, dans son rapport bilan de l'année 2004, le Secrétariat Exécutif de la CEMAC (devenu commission), affirme que

« Les entorses à l'application des codes et règlements fiscalo-douaniers, les entraves tarifaires et non tarifaires au commerce intra-régional, l'observation insuffisante des règles d'origine et des dispositions communautaires sur la réglementation de la concurrence, constituent des dérives dangereuses qui, si l'on y prend garde, peuvent entraîner l'effondrement de tout l'édifice en construction »49(*).

A titre d'illustration l'encadré 07 montre quelques décisions dont la non application au 25 juin 2008, porte un préjudice au processus de mise en oeuvre de la libre circulation.

Encadré 4 : Quelques décisions non appliquées ou projets en retard

Textes/Décisions

Etat d'application

Conséquences

Règlement N°1/00-CEMAC-042CM-04 portant Institution et

Conditions d'attribution du Passeport CEMAC


· Démarches entreprises par la commission de la CEMAC.


· Non mise en oeuvre par les Etats.


· Persistance de besoins de visa entre certains Etats Membres.


· Difficulté de libre circulation des

ressortissants de la communauté dans la zone.


· Retard dans la construction du marché commun

Acte Additionnel n° 3/00 CEMAC046-CM 05 instituant un mécanisme autonome de financement de la Communauté

Acte Additionnel N° 01/01-CEMAC046-CE-03 portant modification de l'Acte


· Mise en oeuvre tardive au niveau des Etats (2002).


· Respect partiel des

engagements et exécution

très différenciée dans le

reversement de la Taxe

Communautaire

d'Intégration (TCI).


· Difficultés de fonctionnement du

Secrétariat Exécutif de la CEMAC.


· Difficulté de financement des projets communautaires due à la faiblesse du FODEC.

Règlement N° 7/00/CEMAC-062CM-04 adoptant l'Accord Intergouvernemental portant création du Centre Sous-Régional de Maintenance des Télécommunications des pays d'Afrique Centrale Membres de la CEEAC.


·Non encore opérationnel.


· Coût de maintenance

des équipements de

télécommunications.


· Difficulté de formation

du personnel à la maintenance.

AIR CEMAC

Acte Additionnel n° 02/01-CEMAC066- CE-03 portant création d'une Compagnie Communautaire de Transports Aériens en zone CEMAC.


· De nombreuses démarches entreprises.


· Mise en oeuvre tardive du projet du fait des discussions des Etats à propos de la forme juridique, du partenaire privé. et du siège social de la structure.


· Difficulté de transport entre les Etats ; Freine les relations commerciales intracommunautaires.


· mauvaises performances des

Compagnies nationales, manque de réseau ferroviaire, de routes bitumées inter-états et d'interconnexion de réseau des télécommunications.

Source : Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Février 2004.

L'ampleur de ces décisions communautaires non appliquées ou de manière tardive met en évidence des lacunes dans leur processus d'implémentation. Responsabilité qui incombe à l'organe administratif de l'institution, le secrétariat exécutif devenu commission, mais aussi aux gouvernements des Etats membres de la CEMAC.

B. Les carences institutionnelles de la CEMAC

La non application des instruments d'intégration est en grande partie due à la défaillance des autorités en charge de les implémenter. De façon concrète, les décisions majeures sont prises à l'occasion des sommets ordinaires (une fois l'an par la conférence des chefs d'Etats) et extraordinaires (en cas d'extrême nécessité et sur demande du tiers de la conférence des chefs d'Etats soit deux présidents) mais le principe de l'immédiateté de la décision communautaire est très peu respecté. A titre d'illustration, l' Acte Additionnel n° 02/01-CEMAC-066-CE-03 portant création d'une Compagnie Communautaire de Transports Aériens en zone CEMAC a été pris en 2001, et jusqu'en janvier 2010, la CEMAC n'a pas pu s'accorder sur la forme juridique de « Air CEMAC », ni sur l'identité du partenaire privé investisseur, ni sur le taux de participation des Etats membres et encore moins sur le siège social de la future entreprise. De même, le Règlement N°9/00/CEMAC-067-CM-04 portant adoption du réseau routier intégrateur et prioritaire de la CEMAC pris en 2000, est pour l'instant demeuré au stade de projet pour la majorité des tronçons routiers. Certes pour ces cas sus évoqués, la mobilisation de l'expertise technique et des moyens financiers conséquents nécessite une certaine marge de manoeuvre.

Pourtant, d'autres décisions qui n'exigent pas autant d'investissement mais plus une bonne méthode (étude d'impact, réalisation du projet, suivi et évaluation) et une volonté certaine, sont tout aussi difficiles à s'appliquer. Exemple : la Directive n° 04/07-UEAC-070 U-042-CM-16 de 2007, relative à la création d'un comité de suivi-évaluation des mesures adoptées dans le cadre de la libre circulation en zone CEMAC n'est intervenue que deux ans après l'adoption de la convention sur la libre circulation. En outre d'autres décisions prises semblent inopportunes. Ainsi, a t-on pu assister à la création d'un comité de suivi de la mise en oeuvre du programme régional de facilitation des transports et du transit50(*) en zone CEMAC alors que le transport inter-états est quasi inexistant. Il aurait été plus judicieux de créer d'abord des infrastructures de transport avant de créer un comité en charge de faciliter la circulation des flux.

Dans tous les cas, les décisions communautaires prises trouvent très peu d'échos au sein des citoyens de la CEMAC. Le processus de prise de décision est très lent, et l'application y est tardive. C'est dire que le suivi des décisions par le secrétariat exécutif ou la commission est déficient. Il en va surtout de la responsabilité des gouvernements des Etats membres de concrétiser leurs propres volontés en appliquant simplement les actes pris à l'occasion des rencontres communautaires.

Au-delà de la mauvaise implémentation du plan d'action de Malabo et de la non application des décisions communautaires qui ont participé à la limitation de la libre circulation, d'autres indicateurs permettent également de relativiser le bilan de la CEMAC, il s'agit en l'occurrence de la faiblesse de l'esprit communautaire.

Section II. La faiblesse de l'esprit communautaire

L'esprit communautaire s'apparente à un sentiment d'appartenance à un groupe social, économique, culturel et/ou politique. Bien plus, il traduit le besoin de partager les mêmes intérêts, d'avoir des objectifs communs et faire face à des défis de manière solidaire tout en consentant des sacrifices réciproques. Dans le cadre de la CEMAC, cet esprit communautaire a montré ses limites à bien des égards. La non effectivité de la libre circulation a mis à jour des pratiques ou des comportements, de la part des Etats membres de la communauté, sujets à enfreindre la dynamique d'intégration. Aussi, la persistance des velléités protectionnistes et le dysfonctionnement du mécanisme de financement constituent les principaux indicateurs de ce déficit d'esprit communautaire.

Paragraphe 1. De l'existence des velléités protectionnistes51(*)

La construction des institutions sous-régionales, que l'on soit en Afrique ou ailleurs, a pour conséquence inéluctable d'entamer les souverainetés des Etats membres, même dans les secteurs stratégiques tels que la défense ou la justice. Aussi, jaloux de cette souveraineté, certains pays ont tendance à recourir à des pratiques protectionnistes pour conserver une certaine marge de manoeuvre dans la gestion de leurs Etats. A titre d'illustration, nous pouvons relever en UE : les pratiques de la France concernant la politique agricole commune ; les pratiques de l'Allemagne en ce qui concerne la politique industrielle de l'Europe ; le refus du Royaume-Uni d'adopter la politique monétaire de l'union.

Tout comme en UE, les pratiques protectionnistes persistent en zone CEMAC. En soit, ces pratiques sont considérées comme « courantes» dans les moeurs des institutions supranationales et il suffit juste d'en limiter les risques d'implosion et de les réguler. Le problème en CEMAC est que ces velléités protectionnistes ont touché les secteurs prioritaires et indispensables de la dynamique d'intégration comme la libre circulation. Il s'agit en l'occurrence de la persistance des visas entre Etats membres jusqu'en mars 2010, et l'apparition de querelles de leadership au sein de l'institution.

A. Persistance des visas en zone CEMAC

Jusqu'en mars 2010, certains pays membres de la CEMAC exigeaient l'obtention d'un visa pour entrer sur leurs territoires, à savoir le Gabon et la Guinée Equatoriale. En effet, avec l'exploitation de leurs ressources minières et pétrolières, le Gabon et la Guinée équatoriale sont certainement les deux pays qui ont les populations les plus aisées si l'on tient compte du PIB/habitants Ces performances macro-économiques n'ont cessé d'attirer les populations voisines souvent à la recherche d'emploi, provoquant de temps en temps des actes de xénophobie. L'exemple équato-guinéen est patent sur cet aspect quant on sait que des milliers de Camerounais ont été expulsé à plusieurs reprises dans des conditions parfois inhumaines. Ces pays ont longtemps évoqué le déficit de sécurité comme principale raison de leur réticence à lever le verrou des visas à l'entrée de leur territoire. En réalité, d'autres raisons peuvent expliquer ce choix. Il s'agit essentiellement du souci de préserver le tissu socio-économique de leurs populations.

En soi, il n'existe pas de problème à ce qu'un pays exige l'obtention d'un visa pour y séjourner, c'est un attribut de sa souveraineté et il en va de sa pérennité. Cette situation devient un obstacle lorsqu'elle perdure dans une zone où les frontières créées ne retranscrivent pas les véritables moeurs des populations. Or, celles-ci devraient plutôt jouer un rôle intégrateur important dans la zone. Dans un espace ayant vocation à être un marché commun, la persistance des visas, de par son aspect procédurier, a nuit gravement à la mobilité et surtout à la fluidité des facteurs de productions (personnes, biens, services et capitaux). Dans ces circonstances, la production des richesses a été fortement compromise et a entamé le spectre du développement. Les textes relatifs à la mise en place de la libre circulation sont déjà en place avec notamment l'adoption du passeport communautaire. C'est dire simplement que la libre circulation ne se limite pas qu'à ces aspects juridico-institutionnels.

B. Apparition de querelles de leadership

Les questions économiques sont le terreau des querelles de leadership au sein de la zone CEMAC. Pour illustrer ces divergences, nous avons immédiatement à l'esprit l'existence de deux bourses sous-régionales de valeurs en CEMAC, l'une à Douala et l'autre à Libreville, autrement dit dans les deux puissances économiques de la sous-région. Douala Stock Exchange (DES) a été créée le 1er décembre 2001 à la suite d'une décision du président camerounais Paul Biya, la bourse des valeurs de Douala a été inaugurée le 23 avril 2005. D'un capital de 1,2 milliard de francs CFA, cette bourse a enregistré sa première cotation fin mai 2006. Pour sa part, la bourse de Libreville au Gabon, connue sous le nom de Bourse des valeurs mobilières de l'Afrique centrale (BVMAC), a débuté ses activités en février 2006, alors qu'elle avait été créée le 27 juin 2003. Elle est encore à l'emprunt obligatoire de l'Etat gabonais, estimé à 100 milliards de francs CFA, tandis que la Douala Stock Exchange compte trois sociétés cotées. La création de ces deux organismes serait la résultante d'une querelle entre le président camerounais et son homologue gabonais de l'époque, sur le motif que le siège de la bourse régionale aurait été attribué à Libreville a l'issu d'une conférence de chefs d'Etat (où le président camerounais était absent) sans tenir compte de l'envergure du secteur privé du Cameroun. Quoiqu'il en soit, cette situation ubuesque démontre à quel point les divergences handicapent fortement le processus d'intégration à travers la libre circulation des services et de capitaux puisque les deux bourses n'ont pas véritablement pris d'ampleur. Ainsi, le projet d'unification de la bourse de valeur régionale à l'issu du sommet de janvier 2010 peut s'avérer salvateur, encore faut-il que les leaders de la sous-région s'accordent sur les modalités pratiques. Dans le même sens, tous les pays de la CEMAC qui disposent une façade maritime, ont des infrastructures portuaires en concurrence qui attirent les mêmes types de produits et se disputent les parts de marché de l'import-export sous régional.

Outre la bourse de valeur régionale et les infrastructures portuaires, les pays de la CEMAC n'ont pas « parlé » d'une même voie dans le cadre des négociations sur les Accords de Partenariat Economique (APE). Le Cameroun a signé un accord intermédiaire de façon séparée en décembre 2007. Les autres pays sont en négociation individuelle. Or les retombés de cet accord influencerons radicalement l'environnement économique de la sous-région quant on sait que les APE ont pour principal effet de réduire considérablement les avantages concurrentiels en Europe des produits CEMAC entre autres.

Paragraphe 2. Des dysfonctionnements du mécanisme de financement de la CEMAC

L'effectivité de la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux tient en grande partie à la réalisation des projets intégrateurs. Il en va de soit que la réussite du processus d'intégration est conditionnée par une source de financement suffisante, pérenne et équitable. Par la mise en place du mécanisme de la TCI, les pays de la CEMAC ont marqué leur ambition de disposer d'un mode de financement adapté à leurs objectifs définis dans le plan de Malabo. Seulement, si le principe de la TCI apparait adéquat, elle n'a pas produit les effets escomptés. Trois principales raisons expliquent ce dysfonctionnement. En premier lieu, il s'avère que le principe de collecte, de prélèvement de la TCI soit inadapté et laisse l'opportunité aux Etats de ne pas s'y conformer. En deuxième lieu, le reversement de la taxe lorsqu'il est effectif, est partiel et tardif. Enfin, l'essentiel de la taxe communautaire est destinée au financement du fonctionnement des organes et institutions spécialisées au détriment des projets intégrateurs.

A. Un principe de collecte inadapté

Depuis la mise en oeuvre de la taxe communautaire d'intégration en décembre 2000, plusieurs manquements ont été constatés, au niveau des Etats Membres, dans le prélèvement de la TCI. Ceci se traduit par plusieurs phénomènes, notamment :


· Le refus de prélever séparément la TCI au cordon douanier ;


· Le refus de reverser les prélèvements de TCI effectués ;


· Le refus d'autoriser et d'effectuer le débit automatique du produit de la TCI ;


· La distraction d'une partie de la TCI collectée.

La TCI constitue un levier pour l'intégration, en pénalisation les importations au profit des échanges intra-communautaires. En ce sens, le mécanisme de la taxe communautaire repose sur un principe essentiel, celui de la richesse et du poids économique de chaque pays, à travers leur PIB. Ainsi, l'équité est à la base du système de prélèvement de la TCI. Cependant ces principes sacrosaints d'équité et de solidarité sont remis en cause du fait des exonérations sur les produits destinés au secteur pétrolier, qui constituent une part prépondérante de l'économie des Etats membres. Cela est d'autant plus important que tous les Etats membres de la CEMAC, au-delà de leur qualité de pays producteurs, sont également de grands importateurs de produits pétroliers du fait de leur incapacité de transformation. Ainsi, la prise en compte de toutes les exonérations sur les importations dans la détermination de la TCI fausse l'esprit d'équité de ce mécanisme de financement, et oblige à des rééquilibrages par des contributions supplémentaires pas toujours évidentes à mettre en oeuvre.

A cet effet, le graphique 3 montre que la TCI reversée par certains pays (notamment la Guinée Equatoriale et le Tchad) apparaît relativement faible au regard de leur poids économique, ceci étant dû aux exonérations sur les produits pétroliers et les biens destinés au secteur pétrolier.

Graphique 3 : Part relative en pourcentage du PIB de la CEMAC et de la contribution des Etats (2004)

Source : Diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC février 2006 Performances Management Consulting - ECDPM

B. Le reversement partiel et tardif des contributions des Etats membres

La difficile mise en oeuvre de la libre circulation en zone CEMAC est également imputable au reversement partiel et tardif par les Etats membres de leurs contributions. Le reversement de la TCI collectée par les Etats, à la commission de la CEMAC, est effectué de manière anachronique et en deçà des prévisions budgétaires. A titre d'illustration, les recettes TCI non reversées à la CEMAC au 30 juin 2006 s'élevaient à 33,9 milliards de FCFA52(*). En réalité, le versement des contributions en retard est devenu la règle. En fait, les régularisations s'effectuent le plus souvent à la veille des sommets afin d'éviter d'éventuelles sanctions et de réaffirmer son « idéal communautaire ». De ce fait, l'essentiel des contributions des Etats membres se fait sous forme de régularisations. La conséquence inéluctable est que l'institution ne dispose pas en temps opportun des ressources nécessaires à son bon fonctionnement, et encore moins au financement des projets intégrateurs. Ainsi, pour les onze premiers mois de l'année 2005, les institutions de la CEMAC ont reçu pour environ 8,2 milliards FCFA de TCI, pour des dépenses budgétisées annuelles de 12,7 milliards FCFA53(*).

Quoiqu'il en soit, il faut noter que le leadership non assumé du Cameroun en matière de reversement de la TCI constitue un blocage majeur pour la CEMAC. Sur les 32,8 milliards d'arriérés accumulés de 2002 à octobre 2005, 20 milliards, c'est à dire 61,7% du montant, serait du seul fait du Cameroun. Tous les autres pays de la zone sont dans la même dynamique à l'exception du Congo, pays qui s'avère être le seul respectant scrupuleusement le mécanisme de financement depuis 2002. Ce qui est à indexer est que les arriérés n'ont cessé d'augmenter alors que la CEMAC nourrissait plein d'ambitions par la mise en oeuvre de la première étape du plan d'action de Malabo. D'ailleurs, le graphique 4 montre avec plus de lisibilité, l'ampleur du phénomène.

Graphique 4: évolution des arriérés de 2002 à 2005 (en milliards de FCFA)

Source : Audit organisationnel et institutionnel de la CEMAC

C. La dotation de l'essentiel des contributions au fonctionnement des institutions

La conséquence directe d'un mécanisme de collecte inadapté et du reversement tardif et partiel de la TCI est certainement l'affectation des ressources disponibles au fonctionnement des organes et institutions spécialisées au détriment de l'alimentation du FODEC. Le Secrétariat Exécutif est donc amené à effectuer des versements au fur et a mesure des contributions des Etats, avec des ressources souvent inférieures aux besoins de trésorerie des différentes institutions de la CEMAC. Le Secrétariat Exécutif est ainsi obligé d'effectuer des arbitrages au quotidien sur les actions à maintenir et celles à décaler, ce qui rend extrêmement difficile la mise en oeuvre cohérente du plan d'activité et du budget de la CEMAC. Ces graves dysfonctionnements au niveau du mécanisme de la TCI remettent en cause la raison d'être même de la CEMAC, le seul financement du fonctionnement des institutions ne pouvant être une finalité.

A titre de comparaison, le financement des organes et institutions de l'Union Européenne en 2006 ne représentait que 5,4% du budget de l'institution. L'UEMOA étant plus proche de la CEMAC, la comparaison des deux zones peut paraître plus pertinente que celle faite avec l'Union Européenne, pour des raisons de différence d'échelles des bases sur lesquelles sont assis les mécanismes de contribution aux budgets communautaires et surtout de différence de niveau de développement. A l'UEMOA donc, le financement effectif des organes et institutions en 2005 ne représentait que 41% des 50 milliards de F CFA du budget de 2005, 43% étant consacré au fonds de compensation et 17% au Fonds d'Appui à l'Intégration Régionale (FAIR, équivalent du FODEC). Or, la même période, comme précédemment démontré, le reversement de la TCI suffit à peine pour le budget de fonctionnement des institutions de la CEMAC (8,2 milliards FCFA de TCI, pour des dépenses budgétisées annuelles de 12,7 milliards FCFA). Cette deuxième comparaison permet d'avoir une idée du gouffre qui sépare la CEMAC et l'UEMOA en ce qui concerne l'esprit communautaire. De même, elle permet de réaliser l'importance des efforts à faire et du chemin à parcourir en vue d'aboutir à la libre circulation.

DEUXIEME PARTIE :

PESANTEURS ET PERSPECTIVES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES PERSONNES ETDES BIENS, EN ZONE CEMAC

D

urant ces quinze dernières années, la CEMAC a, tant bien que mal, densifié son dispositif juridique et son panorama institutionnel afin de favoriser l'effectivité de la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux en Afrique centrale. Seulement, si à ce jour le bilan est mitigé malgré la récente entrée en vigueur du passeport communautaire et d'autres mécanismes en ce sens, c'est dû à la prééminence de certains obstacles. Ces pesanteurs conjoncturelles, structurelles voire socio anthropologiques mettent à mal la volonté politique affichée par les six (06) Etats de la zone CEMAC. Ceci, n'exonère pas pour autant ces pays de la responsabilité de la lenteur du processus d'intégration sous-régionale sous le prisme de la libre circulation des facteurs de production.

En réalité, en Afrique centrale, l'on a toujours pensé que le processus d'intégration sous-régionale ne se réduisait qu'à des entraves juridiques ou institutionnelles. Certes, sa réussite est liée non seulement à la volonté des Etats mais également à la faculté de ces derniers à mettre en oeuvre des politiques communes. Ce qui suppose des institutions fortes tant à l'échelle nationale qu'au niveau de l'organisation communautaire. Mais au-delà de ces mesures, il est également important de replacer les populations au coeur du processus d'intégration car ce sont elles les principales concernées par cette dynamique. Autant de défis qui s'imposent à ce jour à la CEMAC. Quoiqu'il en soit, opérer un diagnostic de la libre circulation des biens et des personnes en zone CEMAC, consiste à étayer les causes de la prééminence des obstacles à l'effectivité de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale. Cette démarche permet d'envisager de manière efficace les perspectives d'évolution de la libre circulation et les défis à relever afin de parvenir au mieux à une intégration effective et harmonieuse.

Au demeurant, quelles sont ces pesanteurs qui entravent la mise en oeuvre de la libre circulation en zone CEMAC ? Comment expliquer leur quasi-immuabilité face à la volonté politique brandie par les Etats ? Quels défis pour la CEMAC ? La seconde partie répond à ces interrogations afin de permettre une meilleure perception des perspectives d'évolution de la dynamique d'intégration sous-régionale en Afrique centrale.

Chapitre 3.

Les pesanteurs de la libre circulation en zone CEMAC : prééminence des obstacles majeurs

L

'Afrique centrale, et plus précisément la zone CEMAC est l'un des espaces communautaires où il y a le moins d'échanges de facteurs de production54(*). Or, les pays de l'Afrique centrale sont de loin les précurseurs des initiatives d'intégration sous-régionale. Aujourd'hui, après plus de quarante (40) années d'expérimentation, le tissu économique de la zone CEMAC est encore distendu. De même, il ressort que la mobilité des personnes et des biens entre pays de la CEMAC reste faible malgré l'implémentation des mesures incitatives. L'actualité récente nous en fournit quelques preuves notamment avec l'adoption du passeport communautaire le 16 Mars 2010, et l'installation du parlement communautaire le 14 Avril 2010.

Cette déroute du processus d'intégration sous-régionale à travers la mise en oeuvre de la libre circulation semble porter les gènes de l'UDEAC, ceci, majoré à des éléments nouveaux et inédits. Même s'il faut reconnaitre que la réévaluation des objectifs fixés par les Etats membres de l'institution communautaire, du fait du passage d'une union douanière à une union économique et monétaire, a créé son lot de complications. Ces nouveaux paramètres propres aux structures étatiques, à la reconfiguration du contexte politique et socio-économique, ou à l'érection d'autres critères jadis négligés, ont tous contribué à restreindre l'effectivité des mesures prises par les dirigeants de la CEMAC. Ce paradoxe révèle simplement que la volonté politique, quand elle existe, peut être assujettie à des variables qui réduisent son champ d'influence. Il ne se pose plus un problème de volonté politique défaillante mais bien une question d'opportunité politique des décisions prises.

Quoiqu'il en soit, l'examen approfondi de la libre circulation des biens et des personnes, en zone CEMAC met en exergue plusieurs obstacles qui entravent le processus amorcé depuis une quinzaine d'années. Aussi, ces blocages affectent la faisabilité politique des réformes en zone CEMAC (Section I). De même, la conjoncture en Afrique centrale constitue une source de déstabilisation du processus d'intégration sous-régionale (Section II). Enfin, des critères socio-anthropologiques, qui ont longtemps été écartés des préoccupations des dirigeants, s'érigent en de véritables obstacles (Section III).

Section I. La faisabilité politique des réformes en Zone CEMAC

Dans le cadre de cette étude, nous avons analysé la lenteur de la dynamique d'intégration sous-régionale sur d'autres aspects que ceux qui incriminent systématiquement la volonté politique des dirigeants. Pour autant, les acteurs politiques, depuis la naissance de l'UDEAC jusqu'à ce jour, ont opéré des choix, par laxisme ou par ignorance, qui ont entrainé cet état de fait. Ainsi, la faisabilité politique des réformes en CEMAC est fortement édulcorée car toutes les conditions n'ont pas été réunies. Au demeurant, depuis le lancement officiel de la CEMAC, les Etats membres de l'institution sous-régionale font preuve d'un déficit de bonne gouvernance et d'une incapacité à mettre en place des économies complémentaires afin d'affronter sereinement les défis de la mondialisation.

Paragraphe 1. Un déficit de bonne gouvernance

A l'instar de BEKOLO EBE55(*), nous pouvons dire que, l'intégration régionale n'est pas uniquement un simple acte de construction d'un espace politique ou économique, encore moins d'un marché, mais un profond processus de modification et de transformation structurelle qui s'opère au sein d'un espace régional formé de plusieurs pays, et qui est en mesure de déclencher le développement social et économique de ces pays de manière durable. Ceci suppose des efforts concertés, l'implémentation des mécanismes et réformes adéquats dans un climat propice au développement économique.

« Pour réussir, les initiatives d'intégration régionale doivent s'accompagner d'une gestion publique de qualité et de mesures d'application au niveau national. Sans une volonté ferme de mise en oeuvre au niveau national, il ne peut guère y avoir de progrès au niveau sous-régional. Ne rien faire, ou ne pas faire assez, pour exécuter au niveau national les programmes convenus peut sérieusement compromettre l'entreprise d'intégration »56(*).

En CEMAC, les réformes initiées tardent à produire leurs effets d'autant plus qu'elles s'intègrent dans un contexte de corruption généralisée. La liberté de circulation des biens et des personnes s'en trouve donc fortement compromise.

A. L'initiation des réformes sans résultats probants

Depuis 1994, la CEMAC a profondément réformé ses institutions, ses organes et son fonctionnement pour redynamiser le processus d'intégration sous-régionale. Ces réformes visant la densification du panorama institutionnel, à travers le réaménagement des organes de base ou la création des institutions spécialisées, en faveur de la libre circulation des biens et des personnes n'ont pas produits les effets escomptés à ce jour.

En réalité, aussi bien le comité ministériel (UMAC), le conseil des ministres (UEAC) que la Commission qui a remplacé le secrétariat exécutif, n'ont aucun pouvoir réel d'injonction et restent assujettis à l'autorité et aux désidératas de la Conférence des chefs d'Etat. Ils ne se limitent qu'à mettre en oeuvre des décisions prises et dans une moindre mesure, à proposer des pistes d'orientation des activités de la CEMAC. Pourtant, leur proximité et leur haute technicité, même présumée, les place au coeur des enjeux de la dynamique d'intégration sous-régionale. C'est par eux que peuvent survenir, les mécanismes intégrateurs probants. Encore faut-il qu'ils aient les moyens de les réaliser. C'est le cas de la TCI dont, à regarder de plus près, le financement permet principalement le traitement des frais de fonctionnement des institutions de la CEMAC et la compensation des pertes douanières à travers le FODEC.

Encadré 5: calcul de la valeur réelle du TCI destiné au financement des projets intégrateurs

On l'a dit 70% de la TCI est destinée au financement du FODEC et 30% aux frais de fonctionnement des institutions de la CEMAC.

Soit X = montant alloué au FODEC

X=70%TCI

40% du FODEC est destiné à la compensation des pertes douanières des Etats (Y).

40 x 70 TCI

10000

Soit Y = 40%X = = 28 % TCI

60% du FODEC est destiné au financement des projets intégrateurs ainsi qu'aux frais de fonctionnement de la dite structure (Z).

60 x 70 TCI

10000

Soit Z = = 42% TCI

TCI enregistrée année 2004 = 14 579 800 F CFA

Z= 14 579 800 x 42% = 6 123 516 F CFA

Source : Nos propres recherches

Cet encadré montre l'impact réel du FODEC dans l'implémentation des projets intégrateurs. Comment peut-on aboutir à une libre circulation effective avec un budget propre de moins de 7 milliards de FCFA par an lorsque la seule la construction d'un réseau routier communautaire nécessite déjà 1272 milliards de FCFA ? Ceci ajouté au fait que les arriérés de contribution des Etats membres sont souvent considérables.

Outre le fait que le mécanisme de financement des projets intégrateurs de la CEMAC ne soit pas assez efficace, il faut souligner que l'institution sous-régionale n'a pas intégré, dans ses réformes, l'impact socioéconomique des voisins comme le NIGERIA, la RDC, ou l'ANGOLA et n'a pas défini clairement le champ de ses relations avec la CEEAC.

« En plus du manque ou du retard dans l'application des décisions, s'ajoutent la multitude d'accords auxquels font face les pays. On pourrait prioritairement citer la coexistence de la CEEAC qui se veut non seulement plus large et plus englobant dans la grande Afrique centrale, mais qui n'est pas très différente de la CEMAC vu ses missions, ses institutions et ses projets. La CEEAC ne viendra redynamiser le processus d'intégration en Afrique centrale que s'il n'existe pas de conflits d'objectifs ou de projets »57(*).

En réalité, l'effectivité de la libre circulation aurait été plus probante si d'autres organes avaient été plus dynamiques. Tandis que la COBAC ne se limite qu'à exercer une fonction d'assainissement et ne contribue pas à accroitre l'accessibilité et les services des banques, la BEAC et la BDEAC sont en proie à des scandales de malversation et de mauvaise gestion. A ceci, la corruption qui gangrène l'administration publique n'a contribué qu'à pérenniser les tares de la libre circulation en zone CEMAC.

B. Un contexte de corruption généralisée 

La corruption est l'un des phénomènes socioculturels observés dans la plupart des administrations publiques (police, impôts, santé, douane, transport, etc.), mais aussi privées des pays du continent. Elle a pris de l'ampleur dans la sous-région avec la montée de la pauvreté et la clochardisation du personnel administratif à la suite de l'implémentation des Programmes d'Ajustement Structurels (PAS) et la dévaluation économique du milieu des années 1990. La corruption a eu pour conséquences, de réduire les ressources des Etats, d'amoindrir les revenus des populations et surtout, de nuire aux climats des affaires et donc, de la libre circulation des facteurs de production de richesses.

Ce phénomène qui gangrène pratiquement toute l'Afrique, a plus d'ampleur en zone CEMAC, dont les pays membres partagent les dernières places du classement de l'Indice de Perception de la Corruption avec les pays en perpétuel conflictualité58(*). Comme en témoigne le Baromètre mondial de la corruption 2009 publié par Transparency International en juin dernier. Selon cette enquête réalisée dans 69 pays auprès de plus de 73?000 personnes, dans le classement africain, le Gabon occupe la 14e place (97e mondial), mais arrive tout de même en tête du tableau pour la sous-région d'Afrique centrale. Viennent ensuite le Cameroun (32e africain)59(*), la République centrafricaine (34e africain), l'Angola (36e africain), le Burundi (37e africain), le Congo (38e africain), la RDC (43e africain), la Guinée équatoriale (44e africain) et le Tchad (45e africain) juste devant la Guinée Conakry, le Soudan et la Somalie60(*). Avec 48 pays examinés sur le continent, le classement est peu glorieux pour l'Afrique centrale.

Nous avons pu l'observer, cette corruption lors de notre phase d'enquête à KYE OSSI. En effet, ayant fait le voyage au départ avec deux ressortissants gabonais et des commerçants des produits agricoles dans une agence de transport inter urbain, nous avons remarqué que ces derniers étaient soumis à des pratiques de corruption à chaque poste de contrôle de la police ou de la gendarmerie. Même les postes douaniers exigeaient « leur billet » (2000 FCFA en général) de la part des citoyens gabonais qui étaient pourtant en règle avec des visas dûment établis. Ces tracasseries rencontrées, à la quinzaine des postes de contrôles (barrières non tarifaires, BNT) sur à peine 300 km de routes ont considérablement retardé notre arrivée et ont contribué à augmenter le ressentiment des passagers « étrangers » et des commerçants de la CEMAC.

Quoique, les commerçants ou les camerounais qui se rendaient en Guinée équatoriale ou au Gabon, nous ont assuré que les BNT sont certainement moins nombreux dans ces pays, mais ils étaient nettement plus couteux, avec des bakchichs (ou « enregistrements » là bas) d'au moins 5 000 FCFA pour les simples citoyens, et 20 000 FCFA pour les commerçants. Aussi, si l'on constate que les produits CEMAC sont plus chers au Gabon ou en Guinée équatoriale, ce n'est pas simplement dû au pouvoir d'achat ou à l'indice de parité prix, c'est également parce que le coût d'acheminement des biens périssables est élevé.

Cette généralisation des pratiques de la corruption tant aux zones frontalières qu'à l'intérieur des pays de la CEMAC, nuit gravement à l'effectivité de la libre circulation des facteurs de production de richesses.

Paragraphe 2. Des économies concurrentielles plutôt que complémentaires

Parvenir à une intégration réelle dans la sous-région Afrique centrale nécessite l'interconnexion des territoires. Une telle perspective encourage l'interaction entre les secteurs privés des divers territoires de l'espace sous-régional qui deviennent ainsi les principaux acteurs du processus d'intégration par la multiplication des échanges. Il est également nécessaire de construire, au niveau communautaire et au sein de chaque pays, un seuil considérable de capacités productives pour développer le tissu économique entre les pays membres. Si ce principe est admis, la CEMAC a, encore une fois, fait preuve de défaillance. Les pays se sont attelés à mettre en oeuvre des politiques économiques propres et non concertées qui ont contribué à réduire les échanges entre eux, et à instaurer la concurrence au sein des Etats de la communauté sans pour autant améliorer leurs performances.

A. Absence d'infrastructures ou structures de productions identiques

Les pays de la sous-région Afrique Centrale disposent des ressources naturelles des plus convoités du continent. Elles vont des richesses minières (pétrole, manganèse, or, diamant, bauxite, charbon...), forestières (bois, agriculture) ou encore énergétiques (cours d'eaux) à la situation géographique (forêt équatoriale et sahel, ouverture sur l'océan atlantique). Ce potentiel énorme aussi bien en termes de quantité, de variétés et de qualités se retrouve dans l'espace couvert par les pays de la CEMAC. Seulement, outre le pétrole qui constitue la principale source de revenus à coté des recettes fiscales, les autres matières premières sont délaissées. D'ailleurs les tableaux 01 et 02 en fournissent l'illustration.

Cameroun

Congo

Gabon

Guinée Equatoriale

RCA

Tchad

Produits agricoles et forestiers, pétrole

Pétrole, produits forestiers

Pétrole, Manganèse

Pétrole

Or, Diamant, produits forestiers

Coton, Pétrole

Tableau 01 : principales sources de revenus des pays de la CEMAC

Source : RAMSES IFRI 2004

Tableau 02 : Répartition des recettes de la CEMAC Montants en milliards de F CFA

Agrégat

2002

2003

2004

2005 Est.

2006 Prév.

RECETTES TOTALES ET DONS (en milliards)

3682.8

3878.6

4413.5

6212.5

7716.0

  RECETTES TOTALES (en milliards)

3536.0

3687.6

4245.6

6030.4

7394.7

  Recettes pétrolières

1737.5

1748.6

2287.6

3864.8

4964.6

  Recettes non pétrolières

1798.5

1939.1

1957.9

2165.6

2430.1

  Recettes fiscales

1656.3

1780.0

1794.6

1983.4

2203.7

  Recettes non fiscales

142.2

159.0

163.3

182.2

226.4

Sources : BEAC, Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Comité de convergence de la zone franc, Avril 2007

Ce potentiel qui paraît un atout indéniable en faveur de la croissance, constitue aujourd'hui une sorte de frein au processus d'intégration sous-régionale. Dans la mesure où les pays de la CEMAC ont tendance à les exploiter de manière individuelle et non concertée avec les voisins. Les sources d'énergie, les facteurs de production, les capitaux et encore moins les ressources ne sont pas utilisées de manière collective et harmonisée. De ce fait, il n'existe pas une chaîne de production à l'échelle sous-régionale dans un secteur quelconque et le tissu économique est fortement édulcoré. Au contraire, les nouveaux enjeux liés à la mondialisation ont accentué les rivalités dans les secteurs stratégiques comme le pétrole. En réalité, cette situation est liée à l'absence d'un capital spatial en zone CEMAC.

« Le capital spatial se définit comme la somme des capacités productives localisées qui concourent à accroître la productivité des autres facteurs de production. Il est constitué des facteurs de croissance (communications, services à la production) localisés dans l'espace et générateurs d'externalités d'agglomération (coûts de transaction, effets de taille de marché, externalités de connaissances) »61(*).

La mise en oeuvre d'un capital spatial, tant au niveau national que régional, contribue à des effets de diffusion ou de contagion de la croissance en réduisant les coûts de transport, en favorisant les transferts de technologie ou en baissant les coûts de transaction. Cela suppose, qu'il existe un pays au sein de l'entité sous-régionale qui dispose d'un capital spatial plus riche et d'un avantage comparatif important par rapport aux autres. Seulement, tout doit être mis en oeuvre afin de limiter la polarisation des activités qui créent des divergences en termes de croissance entre les pays qui participent à un effort de coopération régionale. C'est dans cette perspective que se situe le couple Franco-germanique en Europe.

Or, en zone CEMAC, depuis l'exploitation des gisements pétroliers qui coïncide avec le lancement effectif de l'institution sous-régionale en 1999, à peu près tous les pays se sont considérés comme des potentiels leaders économiques, exceptés le Tchad et la RCA. En revanche, ils se sont attelés à se doter des infrastructures de production pétrolière sans diversifier leurs sources de revenus. Le Cameroun, leader naturel à l'époque de l'UDEAC, voit son leadership contesté ou ne l'assume plus62(*). De ce fait, il manque une véritable force d'impulsion de la densification et de la diversification du tissu économique de la CEMAC.

« L'exemple de la coopération entre le Cameroun et le Tchad dans l'exploitation du pétrole Tchadien est à cet égard riche d'enseignement pour les pays de la région. Le pipe-line Doba-Kribi pourrait, à brève échéance, transporter les productions d'autres champs tchadiens et camerounais, qui ne sont pas encore mis en exploitation. On pourrait même imaginer des dérivations qui desserviraient la RCA, le nord du Congo qui est éloigné de l'océan et même au-delà le nord et le nord-est de la RDC. La coopération dans l'exploitation des ressources, dans la sous-région, pourrait s'étendre à l'exploitation des ressources forestières dont regorgent le Cameroun, le Congo et le Gabon également »63(*).

Le capital spatial en zone CEMAC reste à construire. On peut admettre avec HUGON64(*) que, ce mécanisme permet la convergence des économies et génère des « effets de contagion » de croissance ou de crise. Par exemple un ou plusieurs pays membres d'une communauté régionale auraient autant d'opportunités de connaître une croissance rapide et soutenue de leurs économies qu'ils ont des voisins présentant un fort potentiel économique et une croissance forte. A ce titre, on peut parler de transmission « d'énergie économique » au sein de l'espace intégré.

B. Un réseau de transport communautaire en total déliquescence

Le réseau de transport est un élément essentiel pour la facilitation de la libre circulation des facteurs. Constitué du transport routier, du transport aérien, maritime ou fluvial, de voies ferrées, le réseau de transport de la CEMAC est médiocre et sa modernisation ne fait pas l'objet d'une politique communautaire harmonisée.

En ce qui concerne le transport routier, il est le principal moyen de communication dans la sous-région et ce d'autant plus qu'il demeure le mode de déplacement le plus dominant en Afrique aussi bien à l'intérieur de chaque pays, qu'à l'intérieur des espaces intégrés. De plus, il est accessible à toutes les catégories sociales. Dans l'espace CEMAC, trois pays sur six n'ont d'autres infrastructures terrestres de transport que les routes. Le Tchad et la RCA ne sont accessibles que par route terrestre (exception faite du transport aérien).

« Le transport routier constitue alors le moyen de communication le plus approprié et le mieux intégrateur »65(*).

Seulement, contrairement à d'autres communautés régionales, notamment l'UEMOA où toutes les capitales sont reliées par voies bitumées, la quasi totalité du réseau routier de la CEMAC n'est pas en bon état66(*). Les rapports de la CEA (2003, 2004) sur l'état de l'intégration en Afrique centrale indiquent que le réseau routier principal de la CEMAC est long de 57858 Km, dont 12% seulement sont bitumés, et sa densité routière pour l'ensemble du réseau est de 1,9 Km/100 Km, dont 0,24 Km/100 Km pour les routes bitumées. Les tableaux 3 et 4, présentent respectivement les estimations de la situation et de l'état du réseau routier de la CEMAC.

Tableau 03: Réseau routier en zone CEMAC

Pays

Superficie Km2

Réseau Routier principal (RPP) Km

Réseau Routier Bitumé (RRB)

taux de revêtement RRB/RRP

Densité Routière Totale Km/Km2

Densité en Routes revêtues km/100km2

Cameroun

475500

26434

4048

15

5,6

0,85

RCA

623000

9307

692

7

1,5

0,11

Congo

342000

5047

1000

20

1,5

0,29

Gabon

267670

7670

629

8

2,9

0,23

Guinée Eq.

28050

2880

291

10

10,3

1,04

Tchad

1284000

6200

389

6

0,5

0,03

Total

3020220

57538

7049

66

22,3

2,55

Source : CEA, rapport annuel, 2003.

Tableau 04: Etat des routes en zone CEMAC

Etat des routes

Réseau routier bitumé %

Réseau routier non bitumé %

Bon

Moyen

Mauvais

Bon

Moyen

Mauvais

Zone
CEMAC

32

34

34

20

25

55

Source : Revue du secteur des routes dans l'UDEAC. Document SSATP n°43 (1999). Citée par la CEA (rapport annuel 2003)

Dans l'ensemble, le constat est que les pays membres de la zone sont reliés par des axes routiers en piteux état, ne pouvant permettre une circulation aisée des biens et des personnes. A la suite de l'adoption en 1993, d'un réseau d'itinéraires de transits appelés « axes structurants » visant à développer à moyen terme un réseau de routes bitumées reliant les pays de la zone, la CEMAC a adopté en 2000, « un réseau routier prioritaire intégrateur » d'un coût de 1272 milliards de FCFA. Certes, le développement d'infrastructures de transport routier (construction, entretien et gestion) nécessite un coût initial très important et l'ensemble des pays de la CEMAC ont une situation économique et financière plutôt atone. En réalité, les efforts en ce sens sont diffus.

« En effet, il y a lieu de constater qu'au niveau de la zone, les politiques sectorielles nationales s'opposent parfois aux politiques sectorielles communautaires, en terme de priorités ou d'objectifs. Par exemple, au regard des défis internes à relever par chaque pays, les Etats membres sont parfois amenés à opérer un arbitrage utile entre un projet national et un projet communautaire. Un Etat peut choisir de consentir son effort d'investissement sur les problèmes d'éducation ou de santé, alors que dans la même période, la sécurité ou l'énergie constitueraient les principales priorités pour un autre membre de la communauté, et cela au détriment d'un projet communautaire, telle que la construction d'un tronçon de route intégré »67(*).

En ce qui concerne les chemins de fer, à l'intérieur de la CEMAC, les voies ferrées ne sont pas interconnectées et répondent à des objectifs purement nationaux : désenclavement de Brazzaville pour le chemin de fer Congo Océan ; désenclavement de Yaoundé et du Nord Cameroun depuis le prolongement du transcamerounais jusqu'à Ngaoundéré dans les années 1970, exportation du manganèse et du bois par le transgabonais, la plus récente des infrastructures ferroviaire d'Afrique centrale achevée en 1987. Ainsi, il n'existe pas de transnational à l'instar du Bamako-Dakar, qui favoriserait les échanges entre deux axes de la CEMAC. D'ailleurs, aucun projet d'envergure ne va en ce sens, excepté le chemin de Fer Ngaoundéré -Ndjamena.

Quant au transport aérien, il faut dire que les compagnies nationales des pays de la CEMAC, quand elles fonctionnent, peinent à investir l'espace aérien international et même sous-régional. Les vols sont peu réguliers et les normes de sécurité ne sont pas toujours conformes aux exigences internationales.

« Le transport aérien international, représente un indicateur du niveau de l'intégration régionale. Il est généralement plus facile et rapide de passer par Paris, Bruxelles ou Johannesburg que de relier deux villes d'Afrique centrale »68(*).

Ces compagnies se contentent de desservir quelques agglomérations de leur pays quant elles ne sont pas submergées par la concurrence ou par les dettes69(*). Le projet de création de « Air CEMAC », compagnie vouée à relier les principales villes de la communauté ainsi que les principales destinations des populations, tarde à être effectif. C'est à l'occasion du sommet de Bangui de janvier 2010, que les Etats de la CEMAC, ont pu s'accorder sur la forme juridique du capital, son siège social (Brazzaville) et sur le site du hub70(*) (Douala). Le décollage effectif n'a pas encore été annoncé.

Le constat général est que les Etats sont difficilement reliés par des réseaux de transport viables du fait de la défaillance des infrastructures. De plus, les services de transport sont entièrement dominés par les opérateurs privés peu structurés, dont la qualité des prestations et les conditions de transport ne répondent pas toujours aux exigences légales, quand elles existent. D'après ce qui précède, on peut affirmer que « l'absence et/ou la mauvaise qualité d'infrastructure, combinées aux mauvais services de transport et à son coût très élevé expliquent en grande partie les mauvais résultats économiques (faiblesse des échanges commerciaux, faible productivité, faible croissance, etc.) et le ralentissement de l'intégration régionale observés au sein de la CEMAC »71(*).

Section II. La conjoncture en Afrique centrale, une source de déstabilisation du processus d'intégration sous-régionale en CEMAC

« Des institutions nationales faibles représentent un sérieux obstacle à une coopération et à une intégration efficaces »72(*), encore faut-il que l'environnement direct, la conjoncture politique et socioéconomique soient propices à la mise en oeuvre des mécanismes nécessaires. Cependant, un constat s'impose lorsqu'on observe la sous-région Afrique Centrale et notamment les pays de la CEMAC, c'est que des éléments ont contribué à fragiliser les Etats. Dans le même temps, la conjoncture économique mondiale a opéré une reconfiguration des forces en présence du fait de l'exploitation des gisements miniers et pétroliers, de manière à créer des tensions entre Etats et de conflits de leadership à peine déguisés.

Paragraphe 1. De la fragilité des Etats en Afrique centrale à la neutralisation des initiatives communautaires

L'époque des conférences nationales en Afrique subsaharienne (1990-1994) pour l'avènement de la démocratie coïncide avec l'initiative CEMAC. Aujourd'hui encore, la consolidation démocratique dans les Etats membres de l'institution sous-régionale est à l'épreuve des systèmes politiques rigides souvent sources de conflits et d'instabilités sécuritaires. Ce qui constitue des obstacles majeurs à la libre circulation des facteurs.

A. Ancrage démocratique et légitimité des dirigeants des Etats de la zone CEMAC

Avant la mort de l'ex président gabonais, Omar Bongo ONDIMBA, les six chefs d'Etats de la CEMAC constituaient plus de 147 ans de mandats présidentiels cumulés. Cinq de ces six chefs d'Etats ont passé au moins 15 ans au pouvoir pendant la même période. Ces chiffres, certes de manière caricaturale, traduisent la situation démocratique des pays de la CEMAC. Depuis la mise en oeuvre du processus de démocratisation, quasiment aucun pays n'a opéré une réelle transition politique sans heurts ou contestations. En cause, le verrouillage de l'appareil et du système politique qui a contribué, non plus à une personnalisation du pouvoir, mais bien plus à une personnification du pouvoir, c'est-à-dire l'assimilation du pouvoir à une personne, le chef de l'Etat.

Au-delà de cet argumentaire qui conforte les théories de la construction de l'Etat en Afrique, notamment celle de l'Etat néo-patrimonial, l'important ici est de constater que du fait, de pressions occidentales, les Etats de la CEMAC se sont attelés à mettre en place des régimes « démocratiques », qu'ils ont su domestiquer au détriment des populations et des projets d'intérêt général comme l'instauration de la libre circulation. Ainsi, l'effort sans cesse renouvelé de construction démocratique pour les uns (société civile, organisations internationales, opposition dans une certaine mesure), ou de maintien au pouvoir pour les autres (régime en place, militaires, multinationales...) est une préoccupation accaparante, coûteuse qui empêche toute vision transnationale élaborée. L'instabilité des institutions politiques retarde les projets d'investissements, réduisent l'attractivité des bailleurs de fonds et des organisations de développement.

La mise en oeuvre effective de la libre circulation est donc difficilement envisageable tant que les Etats de la CEMAC ont du mal à se démocratiser réellement. De plus, la crise de légitimité dont souffre la plupart des chefs d'Etat de la sous-région quand elle ne constitue pas un frein à l'intégration du fait de l'insuffisance des soutiens, elle est factrice d'instabilité sécuritaire.

B. Les instabilités sécuritaires et simplification des échanges économiques en zone CEMAC

Depuis le début de la décennie 90, les pays de la CEMAC sont affectés par des conflits civils récurrents. De nouvelles formes de conflictualités qui n'opposent plus les Etats entre eux, mais les Etats à des groupuscules, rebellions ou objets politiques non identifiés. Cette tragique réalité affaiblit considérablement les institutions des pays, fragilise fortement les économies et neutralise bien souvent les efforts de développement. En cause, une lutte effrénée pour la conquête du pouvoir, source des rivalités politiques électorales, qui se mue en affrontements meurtriers et paralysants, à l'instar des mouvements de rebelles au Congo (de 1990 à 2000), au Tchad et en RCA. Bien plus, ces conflits font intervenir d'autres entités totalement étrangères à la raison principale du conflit. C'est notamment le cas des milices du Soudan dans le conflit tchadien et réciproquement dans la zone du Darfour, les milices de la RDC dans les conflits du Congo, et récemment de la RCA. Encore plus inquiétants, les Etats voisins, quand ils ne sont pas en conflits (RDC, Soudan, Nigéria, Angola...) sont de véritables bases de retranchement aux frontières. Ce qui contribue à créer une atmosphère d'insécurité en Afrique centrale. Il est donc logique que les échanges soient réduits.

« Des régions entières du continent se présentent aujourd'hui sous la forme de continuums conflictuels transétatiques... La région frontalière entre le Tchad et la Centrafrique est une zone d'affrontements entre des forces se réclamant des armées nationales ou des rébellions »73(*).

En outre, la criminalité transfrontalière constitue également une source importante d'instabilité sécuritaire. Premièrement le phénomène des « coupeurs de routes » qui se traduit par une attaque de convoi de véhicules et des populations par des bandits armés. Ce phénomène est courant au Cameroun, au Tchad et en RCA, et présente des risques d'expansion dans les autres pays de la communauté. Les coupeurs de routes, encore appelés « Zarguinas », rançonnent les transporteurs, les commerçants, les voyageurs et paysans. Il arrive souvent que ces attaques se soldent par des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. Ce phénomène occasionne parfois la fermeture de certains axes routiers, ce qui plonge les populations dans l'isolement. En second lieu, l'on assiste à la multiplication des attaques rapides de groupes armés encore non identifiés. Ceux-ci se sont spécialisés en braquage, enlèvements, prise en otages et rançonnages des commerçants (marchands de troupeaux de vaches) et de pêcheurs de haute mer. Ces brigands mercenaires sévissent dans le golfe de guinée, et certains observateurs les lient au conflit qui touche le Delta du Niger. Le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon en sont des victimes récurrentes.

Quoiqu'il en soit, la fragilisation des économies réduit sans conteste les ressources budgétaires, entraîne une mauvaise utilisation des ressources financières disponibles. Ces ressources sont généralement employées pour financer l'effort sécuritaire au détriment des investissements de développement socioéconomique. A cela, il faut ajouter les destructions massives d'infrastructures existantes74(*).

Paragraphe 2. Nouveaux gisements miniers/pétroliers en zone CEMAC : pomme de discorde et reconfiguration des forces en présence

Au début des années 2000, la guerre en Irak, les tensions entre l'Iran et des acteurs majeurs de la communauté internationale (USA, UE), les besoins importants en matière énergétique des Etats asiatiques, l'effondrement des réserves américaines en pétrole, l'annonce de « l'épuisement » des puits saoudiens, ont favorisé l'augmentation en flèche des cours mondiaux du pétrole. Dans le même temps le potentiel du golfe de guinée, dont les pays de la CEMAC font partie, s'est révélé. Seulement, l'exploitation de ces nouveaux gisements, si elle a augmenté les richesses et la croissance des pays bénéficiaires, au niveau sous-régional, les effets positifs de cette manne sont peu visibles. Au contraire, ils ont favorisé l'émergence des obstacles à l'effectivité de la libre circulation.

« La malédiction de l'or noir qui semble inexorablement se décliner en souci de protectionnisme renforcé en Afrique centrale, a-t-elle un lien direct entre la prospérité économique subite et la résurgence des élans de xénophobie ?...on serait tenté de répondre par l'affirmative »75(*).

A. La multiplication des crises diplomatiques entre Etats : le règne de la philosophie du soupçon

Le Congo, le Tchad, le Gabon et surtout la Guinée équatoriale ont vu leurs indicateurs économiques sensiblement s'améliorer depuis 2000 de manière à installer la sous-région CEMAC dans une dynamique de croissance abrupte comme le montre le tableau 05 suivant.

Tableau 05 : Evolution des indicateurs économiques et financiers de la CEMAC 1998-2008

 

1998

1999

2000

2002

2003

2004

2005

2006

2007 Estim

2008 Prév

Taux de croissance (PIB réel)

4,6

-0,3

3,2

4,1

4,2

6,6

3,7

3,1

4,2

6,2

Recettes totales

-7

7

38,7

-0,6

4,3

15,1

42

31,9

6,2

20,8

Dépenses totales

12,2

-14,9

9,6

2,6

-7

13,8

12,8

29,4

8,3

7,6

Avoirs extérieurs nets

-64,7

-64,7

1713,8

7,2

-3,9

84,3

103

59,8

26,8

36,5

Crédits à l'économie

14

4,4

11,8

6

4

-1,9

11,2

9,3

11,3

8,7

Exportations, fob

-19,6

24,9

52,8

0,2

7

35

36,6

15,5

4,7

24,7

(Variation annuelle en pourcentage sauf indication contraire)

Sources : BEAC, Secrétariat Exécutif de la CEMAC, Comité de convergence de la zone franc, Avril 2007.

La plupart de ces pays ayant bénéficié d'une manne financière considérable, ont entrepris des chantiers en vue de la modernisation de leurs infrastructures sociales (hôpitaux, écoles...), politiques76(*) (ministères, parlements...) et économiques (routes, ponts, ports, barrière hydroélectrique, télécommunications). Le Gabon et la Guinée équatoriale ont même décidé d'accueillir des événements d'envergure comme la Coupe d'Afrique des Nations (2012). Ce dynamisme des activités a, non seulement suscité les convoitises des autres pays de la CEMAC, mais aussi attiré des individus en quête de meilleures conditions de vie. Tous ne remplissant pas forcément les conditions d'accès. Parmi ces migrants économiques, des investisseurs, des travailleurs qualifiés ou non, des opportunistes, des commerçants, débrouillards et également des personnes de moralités douteuses (escrocs, bandits, usurpateurs...). L'essor de la situation économique et sociale avec l'apport manifeste des étrangers, a également entrainé des frustrations des populations locales, une hausse vertigineuse du taux de criminalité et une insécurité galopante. Très vite, les populations immigrées ont été indexées, sans toutefois opérer une identification formelle des véritables sources d'insécurités. Aussi, au Gabon et en Guinée équatoriale, a-t-on pu assister à des refoulements des étrangers même ressortissants de la CEMAC au delà des frontières terrestres en méconnaissance des principes des droits de l'Homme.

Cette situation a occasionné une multiplication des crises ouvertes entre ces pays, « nouveaux riches » et d'autres Etats comme le Cameroun, détenteurs de facteurs de production, notamment une main d'oeuvre qualifiée et bon marché. Bien plus inquiétant encore, on a assisté à une montée de la xénophobie et des pratiques visant à décourager les migrants légaux ou pas. Il en ressort notamment de notre enquête à Kye Ossi, que plusieurs ressortissants camerounais font l'objet de chantages de la part de leurs employeurs ou de leurs bailleurs. L'un deux, rapatrié manu militari avec une dizaine de compatriotes alors qu'ils travaillaient dans un chantier a Ebébéyin (G. équatoriale), nous a confié l'avoir été parce qu'ils auraient réclamé leurs dus. L'employeur, dans l'impossibilité de satisfaire ses engagements, aurait contacté un proche à la police de l'immigration. Celui-ci a procédé à la destruction des permis de travail des camerounais et a initié leur rapatriement immédiat. Le commandant de Brigade de Kye Ossi nous a confirmé que ces pratiques étaient récurrentes (au moins trois fois par semaine selon ses dires), et font l'objet de plaintes sans suite. De même, le sous préfet nous affirmé être au courant de ces pratiques, qu'ils transmettaient à chaque fois à son autorité de tutelle. Celles-ci font l'objet des crises diplomatiques lorsqu'elles sont jugées scandaleuses et disproportionnées et surtout lorsqu'elles sont révélées par la presse.

« Le point d'orgue de ce voisinage sulfureux résulte bien évidemment des facteurs économiques et accessoirement des relations émotionnelles. Dans la première rubrique, il faut citer la compétition pour l'accès aux ressources naturelles, l'insolvabilité de Malabo, la feymania des camerounais ; et dans la seconde rubrique, la peur quasi obsessionnelle du réfugié considéré comme une épée de Damoclès suspendue sur la tête des régimes en mal de légitimité »77(*).

Cette atmosphère entre le Gabon, la Guinée équatoriale et le Cameroun tire ses sources d'un passé historique tumultueux. En cause, le litige qui oppose ces trois pays quant à la délimitation des frontières maritimes et terrestres héritées de la colonisation. D'ailleurs le Cameroun et la Guinée équatoriale ont été en conflit ouvert entre 1968 et 1979. Litige encore latent, dans la mesure où aucune décision de justice n'a été prise pour définir clairement les frontières. Toutes les commissions techniques n'ont jamais pu investir le terrain depuis 1979.

Quoiqu'il en soit, il existe un protectionnisme à peine déguisé, un climat hostile qui empêche toute mobilité et épanouissement des ressortissants étrangers de la CEMAC. En réalité, cette situation est tolérée parce que les gisements pétroliers ont créé des « échanges de bons procédés » entre pays de l'entité sous-régionale.

B. Echanges de bons procédés et dissémination des projets intégrateurs

Au-delà des retombées socioéconomiques des nouveaux gisements pétroliers et miniers, la principale conséquence a été la reconfiguration des forces en présence au niveau des institutions sous-régionales. Certains pays, notamment la Guinée équatoriale, jadis réduits à des rôles infimes, ont milité pour une répartition des postes tributaires du poids économique et des apports financiers ou actifs.

Tableau 06 : Total des arriérés des Etats membres de janvier 2002 à octobre 2005 (en milliards F CFA)

États TCI Con

Etats

TCI

contribution égalitaire

Total arriérés

Pourcentage

Cameroun

20,2

0

20,2

61,7%

Tchad

1,4

3,3

4,7

14,4%

Gabon

4,1

0

4,1

12,4%

RCA

0

3,2

3,2

9,8%

G. Equat

0

0,6

0,6

1,8%

Congo

0

0

0

0,0%

Total

25,7

7,1

32,8

100%

 
 
 
 
 

Source : Diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC février 2006 Performances Management Consulting - ECDPM

Ainsi, le P.R.I qui a été initié et confié au chef d'Etat équato-guinéen visait non seulement à corriger les manquements du plan de Malabo, mais également et surtout à renforcer le rôle des autres pays malgré les réticences du Cameroun et du Gabon. D'ailleurs ce programme a abouti à la fin du consensus de Fort Lamy au sommet de Bangui, le 17 janvier. Aujourd'hui, les postes de responsabilités au sein des organes de base et des institutions spécialisées sont rotatifs. Le Cameroun et surtout le Gabon ont dû céder quelques privilèges à la suite de cette réforme et ce dans un contexte de scandale financier de la BEAC et des détournements à la BDEAC78(*).

En réalité, ces réformes, qui paraissent justes dans une certaine mesure, n'auraient pas posé des difficultés au processus d'intégration sous-régionale à travers la libre circulation si, ces cinq dernières années (2005-2010), les Etats de la CEMAC n'avaient pas passé autant de temps et consacré autant d'efforts et de consensus à l'aboutissement de la nouvelle configuration de l'entité sous-régionale. La preuve c'est, après l'aboutissement du PRI, que le passeport communautaire a été rendu effectif et que la forme juridique de « Air CEMAC » a été clairement définie. A vouloir ménager les susceptibilités et satisfaire tout le monde, les efforts d'intégration sous-régionale se sont dissipés et aucun chantier d'envergure n'a abouti.

Section III. Les entraves socio anthropologiques à la libre circulation en zone CEMAC

A la suite d'Etienne KOULAKOUMOUNA, on constate que les études sur les avantages de l'intégration régionale mettent l'accent sur ses retombées économiques et politiques, et ignorent les effets socioculturels qui la caractérisent79(*). La culture constitue un facteur intrinsèque à prendre en compte dans la formulation des politiques de développement. En se référant à la dimension socioculturelle, on admet sans contours que, l'intégration régionale est un processus qui permet le brassage des cultures et favorise la cohésion sociale dans un espace intégré. Ce patrimoine culturel, s'il est mis à profit peut être le facteur le plus déterminant d'une « intégration sous-régionale par le bas » c'est-à-dire par les populations elles mêmes. Paradoxalement, quand il n'est pas bien jugulé, il constitue une entrave fondamentale à la libre circulation.

Paragraphe 1. Espace géographique et sédentarisation des populations en zone CEMAC

L'Afrique centrale, et notamment la zone CEMAC, présente deux particularités. D'une part, l'espace géographique est occupé en grande partie par la forêt équatoriale (Gabon, Congo, Guinée équatoriale, Sud du Cameroun et Sud Ouest de la RCA) bordée au nord par une zone sahélienne (Nord RCA, Nord Cameroun, Sud Tchad). D'autre part, il existe des peuples traits d'union, c'est-à-dire des groupements ethniques qui se trouvent de part et d'autres des frontières et partagent le même patrimoine anthropologique, culturel, historique ou religieux. Ces traits caractéristiques, ont participé dans une certaine mesure à la difficile mise en oeuvre de la libre circulation zone CEMAC.

A. Une faible culture de mobilité des peuples de la forêt équatoriale.

La deuxième grande forêt mondiale est la forêt tropicale dense, appelée aussi équatoriale80(*), car son centre de gravité se trouve à proximité de l'équateur. Cette forêt couvre une grande partie des espaces transfrontaliers des Etats de la CEMAC. Aussi, l'immense richesse (faune et flore) donne la possibilité aux autochtones d'y vivre sans véritablement se déplacer sur de longues distances pour s'alimenter ou se soigner. Dans le même temps, la densité de la forêt réduit tout nomadisme, et les peuples n'ont aucune visibilité sur le voisinage direct. Les pistes et routes sont difficiles à pratiquer et sont très souvent entrecoupées par des grand cours d'eaux. Ainsi, les populations transfrontalières qui ont toujours vécu dans cet environnement qui répondait à leurs besoins immédiats ont intégré cette dimension. Dimension qui est devenu ensuite naturelle, fruit d'un habitus81(*) que les générations antérieures ont longtemps abrité.

Aussi, l'on comprend que dès les origines, les peuples de la CEMAC, du fait d'un environnement riche et hostile à la mobilité, sont beaucoup moins aptes à se déplacer que les peuples d'Afrique occidentale (UEMOA) par exemple. Ces derniers, ont évolué dans un environnement plutôt favorable composé de forêt herbacée, de savanes, vastes étendues de plaine ou de déserts. Ici, l'environnement rude, les pistes facilement réalisables ont dicté le vécu des populations et favorisé les rencontres et les échanges.

De même, dans cette zone géographique, l'histoire nous montre qu'il existe une multiplication d'invasions et de conquêtes (l'empire du mali, empire songhaï, royaume du Ghana, Kanem Bornou82(*), empire Sokoto83(*)) ayant favorisé le brassage des peuples et une culture de mobilité. Or, en Afrique centrale équatoriale, seul l'empire Kongo peut servir d'équivalant (encore que cet empire a existé dans les savanes de l'actuelle République démocratique du Congo). Tout compte fait, l'environnement ou plus exactement la nature en Afrique centrale est très peu propice aux échanges.

B. Un nomadisme culturel plutôt qu'économique

La conséquence inéluctable de la faible mobilité des populations d'Afrique centrale, et surtout de l'opulence qu'offre la nature, est que les échanges entre peuples transfrontaliers ne se sont réduits qu'à des pratiques et moeurs culturelles au détriment des relations économiques. Ainsi, les rites d'initiation (exemple du Labi84(*) chez les Gbaya), les cérémonies traditionnelles (mariage, naissance, enterrement, funérailles), les pratiques religieuses sont les principaux motifs de déplacement d'un pays à l'autre. Malgré, la colonisation qui a instauré des frontières artificielles, ces pratiques ont perduré malgré les entraves « administratives ».

Ici, les questions économiques, notamment en matière de commerce ou troc sont reléguées au second plan. Aussi, avons-nous observé et à la suite de nos entretiens, que la plupart des commerces transfrontaliers à KYE OSSI (avec Ebébéyin et Bitam), sont tenus par des ressortissants de l'Ouest (Bamilékés, Bamouns) et du Nord Cameroun (peuls, foulbés). Seuls les restaurants et quelques produits vivriers étaient tenus en majorité par les populations autochtones (Ntumus). La dimension socioculturelle prime donc sur les retombés économiques que pourraient susciter les échanges avec ses voisins. Or, malgré tout, la liberté de circulation des biens, des personnes et des services ne saurait se départir de sa dimension économique, factrice de création des richesses et de développement. Il n'existe donc pas de lien entre la culture et l'économie au sein des « peuples traits d'union ». 

« L'existence de ces peuples traits d'union constitue le premier jalon pour une intégration régionale par la base, c'est-à-dire une intégration qui se fait au niveau des populations. En effet, le Cameroun, qui est situé au centre de cette région d'Afrique centrale, a avec chacun des autres pays voisins, des peuples traits d'union. Il se partage les Fang avec le Gabon et la Guinée, les pygmées avec le Congo. Les Gbayas se trouvent de part et d'autre de la frontière entre le Cameroun, la RCA et le Congo. Le Cameroun se partage les Moundang, les Massa et autres avec le Tchad. Ces peuples qui servent de jonction entre ces pays, peuvent continuer cette liaison avec les autres populations de l'intérieur. Il suffit que les gouvernements les laissent circuler librement avec leurs biens »85(*).

Dans ce contexte, « les peuples traits d'union » ne sont pas mis à profit. Cette difficulté s'exacerbe lorsque des préjugés émergent de manière à réduire les possibilités d'une réelle effectivité de la libre circulation en zone CEMAC.

Paragraphe 2. Emergence des préjugés en zone CEMAC : une cohabitation devenue difficile

Au sens strict, les préjugés sont des jugements formés ou adoptés sans examen sur un individu ou un groupe. Dans l'usage moderne, le terme dénote presque toujours une attitude défavorable ou hostile envers d'autres personnes en raison de leur appartenance à un autre groupe social ou ethnique. Le préjugé repose donc sur des stéréotypes, des généralisations simplificatrices relatives à des groupes humains. Lors de notre phase d'enquête de terrain, nous avons pu aisément découvrir que des préjugés tenaces donnent naissance à différentes formes de discrimination. Et ce, malgré le contact prolongé des populations distinctes. Dans ce contexte, il va de soi que la libre circulation soit éprouvée dans la mesure où la volonté de se mouvoir est freinée par la peur d'être discriminé et mal perçu.

A. Le paradoxe de l'hospitalité camerounaise

L'histoire et l'actualité récente nous montre que le Cameroun passe pour le pays de l'Afrique centrale le plus hospitalier. Dans un contexte de relative stabilité politique et de préservation de la paix entre les populations, phénomène devenu rare dans la sous-région, le Cameroun a toujours ouvert ses frontières aux populations en détresse. Depuis la guerre du Biafra (1967-1970)86(*), le génocide rwandais (1994), en passant par les guerres civiles en RCA (2002-2010) et au Tchad (2003-2010), le pays s'est montré hospitalier et abrite plusieurs camps de réfugiés au nord à l'Est du pays. De même, les populations ne manifestent pas d'animosité ou de xénophobie particulière à l'endroit des étrangers qui y sont pourtant nombreux (Nigérians, Nigériens, Maliens, Sénégalais, Centrafricains, Tchadiens, Rwandais...). L'une des raisons fondamentales de cette hospitalité est certainement l'immense diversité ethnique (près de 300) qui peuple le pays et le brassage culturel qui en découle.

Paradoxalement, autant le peuple camerounais est accueillant, autant lorsqu'un ressortissant camerounais est dans un autre pays du continent et surtout de la sous-région, les populations locales ont tendance à être méfiantes. En cause, son aptitude à s'adapter à tout milieu, à trouver de quoi survivre ou s'enrichir coûte que coûte. En réalité, c'est surtout sa capacité à user des moyens dolosifs et douteux qui est mis en exergue (faux et usage de faux, corruption, prostitution, escroquerie, vols, proxénétisme...). Ces abus perpétrés certainement par quelques citoyens en mal de situation convenable, ont été retranscrit dans les moeurs des camerounais par les autres pays comme s'il s'agissait des traits socioculturels spécifiques à l'identité camerounaise. Des idées préconçues qui subsistent chaque fois que l'on est en face d'un camerounais et ce, quelles que soient ses motivations ou les raisons de son séjour : un expert ou un scientifique est facilement assimilé à un « feyman »87(*) jusqu'à ce qu'il fasse la preuve du contraire.

Quoiqu'il qu'en soit, même si le phénomène est manifeste pour les camerounais, il existe aussi, à moindre échelle certes, pour les autres citoyens de la zone CEMAC. Aussi a-t-on vite assimilé un Centrafricain ou un Tchadien à un agresseur, un coupeur de route ; un Congolais, à quelqu'un d'apparence charmante mais imprévisible et d'une violence d'une rare intensité ; un gabonais, à un prétentieux paresseux : un Equato-guinéen, à un insolvable qui n'a pas de parole. Ces préjugés érigés en traits culturels ou anthropologiques entrainent une réticence à côtoyer l'autre. Peut-être s'agit-il simplement des différences culturelles qui se révèlent au grand jour à la faveur de la mondialisation.

B. Les cultures en apparence semblables aux structures mentales différentes

Des observateurs ont présenté l'Afrique centrale comme un espace socioculturel unique. « Les études paléontologiques, historiques, géographiques et linguistiques disponibles concourent pour présenter l'Afrique centrale-encore appelé monde bantou- comme un grand ensemble territorial soudé par l'histoire et la géographie. De ce fait, l'apparente hétérogénéité des paysages naturels et culturels de cet espace masque en réalité une réelle unité fondée sur de grands traits communs, dont le climat, la faune, la flore, les sols les industries lithiques, la famille linguistique, le langage ou les arts du feu constituent des éléments visibles »88(*). Seulement, au sein de l'espace CEMAC, les structures mentales des peuples culturellement unis jadis, ont évolué différemment depuis la colonisation. A observer de plus près, les processus de décolonisation, la construction des Etats, le processus de démocratisation, les crises économiques et les multiples conflits ont contribué à forger des mentalités propres et différenciées. Aussi le Moundang du Tchad qui a connu plusieurs régimes, des guerres civiles récurrentes et des crises alimentaires majeures n'est plus le même Moundang du Cameroun qui a évolué au rythme d'une trajectoire sociopolitique totalement différente. Cet exemple vaut également pour tous les autres peuples traits d'union (Laka, Massa, Toupouri, Fang, Kakau, Mboum, Kotoko, Gbaya...). L'évolution en question a créé des traits spécifiques, des différences qui se sont accentuées avec les brassages ethniques et culturels. Aujourd'hui, les points de jonction entre ces peuples, dont l'essence s'est décliné au fil du temps et des expériences, se réduit à la langue, des rites ou des croyances.

De même, les rapports avec l'Etat (système politique), le contexte économique (les plans d'ajustements structurels, l'explosion du secteur informel, les gisements pétroliers, la crise financière) a eu des impacts différents dans chaque pays membres de la zone CEMAC. L'unicité historique n'est plus le fondement essentiel de l'intégration en zone CEMAC. A force de toujours la considérer comme le ciment de l'intégration, l'on a tendance à oublier que les structures mentales de ces peuples traits d'union ne sont plus identiques et encore moins, aptes à cohabiter aisément. Il est peut-être judicieux de constater que l'intégration n'est pas forcement géographique et que ce n'est pas parce qu'on est voisin que l'on a nécessairement des affinités intégratives.

Il en résulte que les facteurs qui déterminent l'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes sont nombreux, complexes et variés. La réussite, de ce chantier d'envergure, nécessite que tous les éléments tant structurels, conjoncturels que socio-anthropologiques soient pris en compte dans la formulation et l'opérationnalisation des mécanismes intégrateurs. Autant de défis à relever qui laissent envisager clairement les perspectives d'évolution de la libre circulation en zone CEMAC.

Chapitre 4.

Les perspectives d'évolution de la libre circulation en Zone CEMAC

E

n adoptant, le PER, les Etats de la CEMAC envisageaient aboutir à un marché commun, une intégration régionale à l'horizon 2025.Compte tenu de l'ampleur et de la diversité des obstacles à l'effectivité de la libre circulation en zone CEMAC précédemment mis en évidence, il apparait que l'institution sous-régionale devra trouver des réponses appropriées si elle veut atteindre ses objectifs. Dans un contexte où la mondialisation est un processus irréversible, les économies sont plus concurrentielles que complémentaires, et que certains privilèges s'amenuisent (à l'instar des accords de partenariats économiques et l'aide public au développement), l'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes s'érige comme un déterminant de la survie de la CEMAC dans l'espace mondial.

Aujourd'hui, quarante six (46) ans après son lancement, l'urgence est d'établir une institution sous-régionale fondée sur des relations saines, pérennes, solidaires en vue de la construction d'un développement collectif et harmonieux. Cependant, les indicateurs de l'évolution de la communauté laissent envisager plusieurs hypothèses qui dépendent entièrement de la capacité qu'ont les Etats et les peuples de la CEMAC à s'inscrire dans une dynamique d'intégration. De ce fait, le spectre de l'échec de l'UDEAC ne s'est véritablement pas éloigné de la vocation de la CEMAC.

Au demeurant, les mécanismes intégrateurs qui font face aux obstacles à l'effectivité de la libre circulation des facteurs de productions en zone CEMAC, nous permettent de déceler quelques scénarii possibles (section I). Aussi, pour parvenir au scénario le plus opportun pour une intégration sous-régionale aboutie, les pays de l'Afrique centrale devront relever plusieurs défis (section II).

Section I. Les scénarios possibles de l'intégration sous-régionale en Zone CEMAC

Le diagnostic organisationnel et fonctionnel de la CEMAC réalisé en février 2006 avait mis en exergue trois scénarios possibles de l'intégration régionale en zone CEMAC : scénario 1, la CEMAC en panne caractérisée par la persistance des obstacles : scénario 2, l'intégration graduelle dans laquelle les Etats s'appliquent à lever les obstacles de façon progressive : le scénario 3, le bond en avant : les obstacles sont levés rapidement et les politiques sont harmonisées. Ces perspectives envisagés il y'a quatre (04 ans) restent d'actualité aujourd'hui en ce qui concerne la libre circulation. Cependant des réajustements sont nécessaires du fait de la terminaison du PRI. Celui-ci ayant abouti à la répartition des postes de responsabilité par rotation, la libéralisation du passeport communautaire et un accord sur la forme juridique de « Air CEMAC ».

Paragraphe 1. Le scénario pessimiste : La libre circulation « en panne »

La libre circulation en panne traduit le fait que les mécanismes et instruments intégrateurs ne produisent pas les effets escomptés. La libre circulation décrétée ne se reflète pas dans les faits. Les échanges ne se densifient pas et les relations entre Etats restent au stade de coopération intergouvernementale. On assiste à une poussée de la xénophobie qui rend difficile la cohabitation entre peuples. De ce fait, l'esprit communautaire s'essouffle à la faveur des intégrations nationales.

A. Persistance de l'infertilité des mécanismes intégrateurs

Le FODEC et le PER, les principaux mécanismes qui ont été implémentés, n'ont effectué aucun chantier intégrateur d'envergure à ce jour. Les capitales politiques et économiques des pays de la sous région restent enclavées, et ne sont pas reliées par un réseau routier de qualité. C'est dire que le financement des projets actuels a été défaillant du fait des lacunes de la TCI. Ainsi, le prélèvement de la TCI s'effectue toujours par les pays et non la communauté elle-même. Ce qui occasionne une opacité de la redistribution de la TCI auprès de la CEMAC. De même, la persistance des arriérés de paiement et des contributions tardives réduisent la quintessence du financement disponible. De ce fait, les prévisions budgétaires sont difficilement atteignables et les projets restent bloqués. Cette situation crée une sorte d'usure combinée à un pessimisme ambiant chez les fonctionnaires et employés de l'institution sous-régionale. Ce qui empêche toute production d'idées et contribue à accélérer les lenteurs administratives.

Dans le même ordre d'idée, le passeport communautaire ne densifie pas les échanges parce que cet instrument n'est pas accompagné des mesures nécessaires comme la sensibilisation des opérateurs économiques et des populations, l'ouverture des marchés, la diversification des économies, la construction des voies de liaison, ou la réduction de la corruption. Aussi peut-on également envisager que le financement des actifs de Air CEMAC par les Etats membres soit défectueux du fait des divergences et de réticences. La majorité du capital est confiée à une structure privée préoccupée par des profits pécuniaires au détriment de la finalité intégrative de la compagnie aérienne sous-régionale.

B. Peur de l'envahissement et éloignement des populations

L'autre penchant du scénario pessimiste est l'émergence de la peur de l'envahissement qui contribue à l'éloignement des populations en Afrique centrale. Cette hypothèse repose sur le fait que les mécanismes et instruments intégrateurs peuvent avoir un effet contreproductif. En effet, l'ouverture des frontières entrainera certainement son lot de complications et de facteurs de déstabilisation de la sphère politique et socio-économique des Etats. Il s'agit notamment des mouvements de migrations de masse des populations les plus pauvres, vers les pays plus riches en termes de Produit Intérieur Brut/habitant89(*) ou d'Indice de Développement Humain90(*). Ensuite, l'on assistera à une reconfiguration du marché de l'emploi par le développement du secteur de l'informel et des petits métiers, et surtout l'emploi d'une main d'oeuvre étrangère de qualité au détriment des produits locaux. Dans le même temps, des communautés vont se créer dans chaque pays, du fait du nécessaire repli identitaire des ressortissants étrangers dans un espace géographique et social dans lequel ils ne sont pas intégrés. Ce, sans omettre la montée de la délinquance et du grand banditisme.

Aussi, afin d'éviter ce scénario dont certains des pays membres de la CEMAC, notamment le Gabon et la Guinée Equatoriale, ne sont pas toujours prêts à subir comme dommage collatéral du processus d'intégration sous-régionale, des réticences et des frustrations vont naître au sein de la population. Celles-ci vont émerger dans le milieu politique, quand elles ne sont pas instruites par celui-ci, et s'exprimer clairement au niveau communautaire. Cette tendance va se matérialiser par une hostilité à tout ressortissant étranger y compris ceux de la CEMAC, dans les marchés publics, dans les services administratifs, les contrôles de police et même dans les transactions économiques. Un sentiment de xénophobie va donc naître sur fond de protectionnisme. Les populations se trouvant être le socle de la libre circulation, une mauvaise cohabitation ne pourra que plonger le processus dans une panne difficile à réparer. Les pays qui ont, jusque-là, essayé de respecter au mieux les règles du jeu vont se décourager car ils n'auront pas retrouvé les bénéfices attendus de l'intégration et seront tentés de s'orienter vers d'autres communautés.

Paragraphe 2. Le scénario réaliste : mise en oeuvre progressive de la libre circulation

Tout comme le scénario de l'intégration graduelle, l'hypothèse d'une mise en oeuvre progressive de la libre circulation au sein de la zone CEMAC, établit que les Etats membres s'appliquent résolument à lever les blocages et définissent des objectifs prioritaires réalistes. Le résultat immédiat est un dynamisme politique et économique affranchi de toute suspicion, mais conforté par des outils techniques et des ressources mis à profit.

A. Prise de conscience et émergence des projets fédérateurs

Compte tenu du retard accusé dans la mise en oeuvre de la libre circulation et surtout face à la nécessité de s'intégrer dans l'espace mondial en étant outillé pour pouvoir répondre aux différents défis, les Etats membres de la CEMAC s'emploient à lever progressivement les barrières à l'intégration physique de la sous-région. Cela passe par un dialogue franc au sein des instances décisionnaires des institutions de la CEMAC. Les réticences et peurs longtemps exprimées par certains pays sont jugulées par d'autres mesures qui limitent les effets négatifs des instruments intégrateurs dans le schéma politique et socioéconomique des Etats. Ainsi, à titre d'illustration, le passeport communautaire serait dans un premier temps délivré à certaines catégories pour une durée bien précise. Aussi les diplomates, fonctionnaires, les opérateurs économiques, les étudiants ressortissants d'un autre Etat en seront les premiers bénéficiaires. Ensuite, les passeports pourront être ouverts à d'autres catégories lorsque cela ne représenterait aucun risque de déstabilisation majeur.

Dans le même temps, certains obstacles d'ordre structurel seront levés progressivement par une volonté politique forte confortée par les pratiques de bonne gouvernance. Aussi, les BNT, seront réduits au strict minimum et les pratiques de corruption seront peu à peu enrayées. Egalement, les services administratifs communautaires seront rendus de manière équitable sans discrimination liée à l'appartenance à un Etat ou à un autre. Aussi, l'ancrage démocratique et la légitimité des dirigeants vont s'accroitre progressivement. Cela traduit une efficacité des organes de base et des institutions spécialisées capables d'implémenter des projets fédérateurs, qui rassemblent aussi bien les Etats que les peuples de la CEMAC, autour d'une même visée réalisable dans le temps et dans l'espace. Ce qui suppose également que les moyens techniques et financiers destinés à l'effectivité desdits projets soient pérennes (compensations des pertes des recettes douanières liées au TEC, prélèvement et redistribution effective de la TCI).

B. Acquis solides, visibles et irréversibles

Conséquence de la prise de conscience et de l'émergence des projets fédérateurs, la CEMAC va s'inscrire dans une dynamique irréversible destinée à l'effectivité totale de la libre circulation à moyen terme (cinq à dix ans). Cela sera conforté par des chantiers visibles par les populations tels que le bitumage des axes transfrontaliers, un trafic aérien communautaire avec des vols réguliers, la mise en place des réseaux de télécommunication communautaires, ainsi que l'amélioration de l'hospitalité et de la cohésion sociale entre les différents peuples. Cette stratégie se traduit par une avancée significative dans le domaine de la libre circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux et une amorce des politiques communes de solidarité et de développement.

Pour y parvenir, les mécanismes intégrateurs comme le FODEC et le PER vont accroître leur capacité à réaliser des projets d'envergures. Les moyens financiers, de plus en plus disponibles, vont dynamiser l'intégration régionale de manière à densifier les infrastructures nécessaires. Cette action sera coordonnée par les différents Etats qui, sur la base des indicateurs économiques positifs, vont initier des projets intégrateurs tant sur le plan national que communautaire. Cela passe également par la diversification du tissu économique, une politique efficace d'attraction des investissements direct étrangers. Mais au-delà de ces mesures, l'avancée la plus importante sera sans doute le renforcement de la sécurité de l'espace intégré de la CEMAC. Les mécanismes d'alertes rapides de la COPAX91(*) renforcés, la FOMAC et les forces nationales vont contribuer à réduire considérablement la criminalité transfrontalière ainsi que les attaques répétées des bandes armées et les foyers de tensions. Au demeurant, cela suppose également la poursuite de la consolidation démocratique à travers des Etats de droit, des processus électoraux transparents et neutres, un dialogue politique poussé, la fin des mouvements de rébellions et la mise en oeuvre des processus de démobilisation, démilitarisation et réinsertion efficaces.

Paragraphe 3. Le scénario optimiste : effectivité de la libre circulation

A court terme, les barrières à la libre circulation sont surmontées aisément. Bien plus, les Etats ne s'attardent plus qu'à réaliser les projets latents depuis 1994, d'autres chantiers bien plus ambitieux sont menés. A terme, les pays de la CEMAC créent un espace totalement intégré et une véritable union économique. Ainsi, Ce scénario correspond non seulement à l'effectivité de la libre circulation mais aussi à une avancée significative dans l'ensemble des domaines de l'intégration.

« Il requiert des changements profonds d'attitude, y compris l'acceptation d'un transfert réel de compétences à des instances communautaires de type supranational »92(*).

A. Changements profonds et initiation de projets ambitieux

Les changements profonds s'étendent non seulement aux structures étatiques et communautaires mais s'appliquent également et surtout aux mentalités des dirigeants et des populations. Ici, la mise en oeuvre de la libre circulation s'impose comme un impératif catégorique. Cette démarche peut intervenir à la suite de la survenance d'un choc ou d'une défaillance totale des projets communautaires. Ce qui occasionne, une remise en question du fonctionnement des organes et institutions communautaires, l'instauration de nouvelles règles de gestion, et la délégation de responsabilités. A cet égard, les récents scandales de la BEAC et de la BDEAC peuvent servir de tremplin et produire le même effet.

Quoiqu'il en soit, les changements profonds impliquent également une vaste campagne de sensibilisation des populations ainsi que l'offre des opportunités de service dans tous les secteurs économiques de la communauté (transports, énergie, télécommunications, industrie, agriculture...). De même, la stabilité sociopolitique, la multiplication des infrastructures et l'assainissement de l'environnement des affaires vont drainer les investissements et accroître la compétitivité de la sous-région.

B. Harmonisation des politiques et diversifications des acteurs

Afin d'éviter de dissiper les efforts individuels, de réduire les coûts, d'atteindre des résultants visibles et probants à travers un développement collectif et harmonieux, les Etats de la CEMAC décident d'harmoniser toutes les politiques qui peuvent améliorer l'intégration sous-régionale. Ainsi, les politiques budgétaires, fiscales, monétaires, d'éducation publique, de défense, commerciales, énergétiques, d'exploitation des matières premières et produits de base (coton, cacao, café, pétrole, bois...) concourent au développement de la sous-région. Ce qui suppose que la majorité d'entre elles soient implémentées au niveau supranational en tenant compte de l'intérêt collectif de la sous-région. À titre d'illustration, c'est ce à quoi tend l'UE avec sa politique agricole commune ainsi que les règles qui régissent les déficits budgétaires.

En outre, l'effectivité accélérée de la libre circulation, voire de l'intégration régionale, est également le fruit de l'implication du secteur privé de la société civile dans la proposition, la réflexion, la réalisation et l'évaluation des politiques implémentées et les chantiers ambitieux. Les Etats (au sens institutionnel du terme) ne sont plus les seuls acteurs du développement communautaire en zone CEMAC. Seulement, ce scénario optimiste qui paraît idyllique à ce jour, nécessite que des défis majeurs soient relevés.

Section II. Les défis à relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC

L'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes est un défi qui requiert une transversalité des approches et des démarches. Il convient de préciser que c'est la libre circulation en soi qui constitue le véritable défi. Seulement, il en découle d'autres défis qui permettent également d'apporter des réponses à la question plus globale de l'intégration sous-régionale en CEMAC. Ces défis ont l'avantage de proposer à chacun des rôles spécifiques dans le dispositif communautaire. C'est dire que le défi de la libre circulation ne se renferme plus dans les carcans institutionnels mais s'érigent en un effort collectif sans discriminations liées aux compétences, aux prérogatives ou à l'appartenance à une sphère quelconque.

Paragraphe 1. La réhabilitation de l'esprit communautaire

La peur de l'envahissement a été clairement exprimée par les autorités des Etats membres de la communauté sous-régionale. Ce syndrome de l'envahissement n'est pas propre aux pays de la CEMAC. Son appréciation correcte doit se faire en rapport avec la nécessité d'élaborer au préalable des politiques idoines en matière d'immigration, conformément à ce qui est prévu par le Traité de la CEMAC. Au-delà de cette mesure, une compréhension des bienfaits de l'intégration est aujourd'hui nécessaire au niveau de chaque Etat membre de la CEMAC pour pouvoir lever les blocages. De façon primordiale, il convient de définir une identité communautaire qui fasse émerger un esprit de fraternité, de solidarité et le sentiment d'appartenance au groupe social, économique, culturel et/ou politique qu'est la CEMAC.

Ainsi les axes suivants permettraient de favoriser le développement de l'esprit Communautaire. Il s'agit notamment de :

· Définir et développer une identité communautaire : au-delà de la monnaie commune, les symboles, le drapeau ou un hymne, il s'agit également d'identifier les valeurs morales, culturelles et républicaines qui sont amenées à prévaloir dans la sous-région ;

· consolider la légitimité de la communauté : il s'agit de s'assurer que le but et les valeurs de la CEMAC et la manière de mettre en oeuvre sont partagés par les individus membres de la CEMAC (élections démocratiques du parlement communautaire, consultations populaires par référendums, implication des acteurs de la société civile...) ;

· Avoir une répartition équilibrée des postes de responsabilités des institutions de la CEMAC ;

· Promouvoir la CEMAC à ses membres (diffusion publique de rapports d'activités, des textes, de brochures, organisation de débats, de conférences, chaine radiotélévisée sous-régionale, cours de droit communautaire, ...) ;

· Renforcer les liens culturels entre pays membres de la CEMAC (tournois sportifs, tours cyclistes, foires communautaires, concerts...) ;

· Renforcer la cohabitation des peuples par la multiplication des grandes écoles de formation, des marchés transfrontaliers, et des entreprises à capitaux sous-régionaux ;

· Réfuter sans cesse les préjugés et les idées préconçus qui entrainent les réticences à la cohabitation des peuples ;

· Assurer un dialogue permanent afin de travailler de manière solidaire (chaque Etat membre assure son financement de l'effort communautaire, chaque individu membre de la Communauté est prêt à faire des concessions à la faveur de l'intérêt communautaire).

Il est ressorti de notre enquête de terrain que le principal obstacle à la libre circulation est un blocage mental.

« Cette mentalité de fermeture doit progressivement laisser place à une mentalité d'ouverture et de solidarité pour que les freins à l'intégration soient levés. Bâtir cet esprit communautaire prend du temps, et s'avère souvent plus accessible à une jeunesse désireuse d'ouverture qu'à ceux dont les perceptions (notamment vis-à-vis des voisins) ont déjà été façonnées. Ces jeunes de la CEMAC seront également les premiers bénéficiaires de ce processus d'intégration et sa non matérialisation ne fait que les pénaliser et compromettre les opportunités que peut leur offrir un monde de plus en plus ouvert et intégré »93(*).

Cette réhabilitation de l'esprit communautaire, pour être efficiente, doit être opérée dans un contexte où les peuples sont placés au coeur de la dynamique d'intégration sous-régionale.

Paragraphe 2. Replacer les peuples au coeur de la dynamique d'intégration sous-régionale

Le patrimoine historique et culturel met en évidence un héritage encore affecté par les vestiges de la colonisation. Replacer les peuples d'Afrique centrale au coeur du processus d'intégration sous-régionale, signifie également départir la libre circulation de sa dimension juridico-institutionnelle. Ainsi, il n'est pas sûr que l'adoption du passeport communautaire voire l'hypothétique droit d'établissement, favorisent les échanges économiques et culturels entre peuples. De cette démarche, il en découle trois (03) axes fondamentaux.il s'agit de :

· Mettre à profit les peuples traits d'union :

Les peuples frontaliers qui ont cette vocation à s'intégrer plus facilement doivent pouvoir, à l'occasion des multiples brassages culturels et métissages ethniques qui ont eu lieu, favoriser l'insertion et la familiarisation d'autres peuples. Ce qui suppose également une attention particulière des dirigeants qui dans les zones concernés, mettent un accent à dynamiser les activités économiques et culturels qui mobilisent les populations.

· Renforcer le partenariat avec le secteur privé

Le secteur privé joue un rôle croissant dans l'intégration régionale. Les pouvoirs publics n'étant plus responsables au premier chef de la production, il incombe au secteur privé de mettre en oeuvre les changements issus des accords d'intégration.

« Un des domaines dans lequel le secteur privé peut avoir une contribution positive est celui de la prise de décisions politiques aux niveaux national et régional. Un secteur privé bien organisé peut participer à la formulation des politiques, prodiguer des conseils aux pouvoirs publics et exercer des pressions pour la poursuite des réformes positives. En éliminant les principaux obstacles à la croissance en taille et en efficacité du secteur privé, l'intégration régionale favorise la formation de marchés élargis, grâce à la libéralisation et à l'harmonisation des échanges, et accroît le volume potentiel des affaires et les possibilités de profit »94(*).

Pour promouvoir le dialogue avec le secteur privé, les pays utilisent divers mécanismes, notamment des réunions et des séminaires périodiques de consultation. L'organisation de foires commerciales et de voyages d'études sont aussi des moyens courants pour stimuler la participation du secteur privé au processus d'intégration.

· Accroître la participation de la société civile dans le domaine de l'intégration sous-régionale

La société civile qui, depuis le processus de démocratisation du continent au début des années 1990, a connu une croissance fulgurante et a accru son pouvoir d'influence, ne s'est limitée qu'a défendre et promouvoir les intérêts des Nations. Très peu d'organismes de la société civile s'intéressent aux problèmes qui se posent à l'échelle de la sous-région CEMAC. Bien des pays tirent parti de la tenue de séminaires et de réunions périodiques avec les organisations de la société civile pour débattre des questions d'intégration. L'organisation d'un débat national sur l'intégration est une pratique rare, et les discussions sont généralement circonscrites aux enceintes parlementaires, et ouvertes au public à l'occasion des « journées CEMAC ». Or il existe de nombreux axes qui peuvent être investis comme les droits de l'homme, la citoyenneté, les droits des minorités, la gouvernance et la participation politique, le renforcement des capacités...

« Ce sont les pouvoirs publics et les organisations intergouvernementales qui, en général, monopolisent le débat sur l'intégration. Néanmoins, l'on reconnaît de plus en plus la nécessité d'associer la société civile au processus afin d'en accroître les chances de réussite. Il faut sensibiliser le public à l'intégration régionale et l'intéresser à sa réussite si l'on veut qu'il la soutienne et se l'approprie »95(*).

Il faut donc également une dimension sous-régionale de la société civile qui n'est pas seulement accaparée par les organisations non gouvernementales mais également par les entreprises citoyennes des ressortissants de la CEMAC.

Paragraphe 3. La multiplication des pratiques de bonne gouvernance

Au-delà des approches de sensibilisation et de plaidoyer ci-dessus évoqués, des actes concrets et visibles doivent être appliqués principalement par les Etats à travers leurs responsables politiques. Un ancrage profond du projet d'intégration à travers la libre circulation n'est cependant envisageable qu'avec un approfondissement de l'ancrage démocratique dans les Etats membres. Le renforcement du processus d'intégration dépendra également de l'évolution politique, économique et sociale des Etats membres. Toute une série de conditions sont nécessaires tant au niveau national que communautaire pour assurer l'ancrage d'un projet d'intégration

La prise en compte de l'intégration régionale dans les plans de développement et les budgets nationaux est nécessaire pour créer le sentiment d'appropriation du processus et susciter un engagement en sa faveur. Il convient, à cet effet, de conformer systématiquement les politiques et les stratégies de développement national avec les plans, les objectifs et les instruments de l'intégration nationale.

« Pour y parvenir, les pays devront :


· Ratifier sans délai les traités, protocoles et décisions ;


· Fournir et mobiliser des ressources suffisantes pour faire fonctionner le ministère chargé de la coordination et l'exécution effective des programmes d'intégration ;


· Créer des comités nationaux comprenant l'ensemble des parties prenantes, notamment la société civile, le secteur privé, le secteur judicaire et le monde universitaire, pour susciter un consensus et un soutien en faveur du processus d'intégration ;


· Conformer les lois et règlements nationaux aux accords et programmes régionaux (soit en remplaçant les instruments nationaux par les instruments régionaux, soit en adoptant des instruments identiques pour tous les partenaires) ;


· Enfin, inclure l'intégration régionale dans les programmes scolaires à tous les niveaux »96(*).

Concrètement, il s'agit de consolider la bonne gouvernance par la mise en oeuvre des réformes institutionnelles et le renforcement des capacités des institutions communautaires (comme la sécurisation de la TCI) à travers l'amélioration de la gouvernance des organes et institutions communautaires (BEAC, BDEAC, COBAC, Cour de Justice, Parlement). Cela passe également par l'harmonisation des secteurs économiques stratégiques comme les marchés publics et la fiscalité à travers l'élaboration du cadre de mise en oeuvre de la réforme des marchés publics et la mise en oeuvre du programme d'harmonisation de la fiscalité. En outre, l'amélioration de l'environnement des affaires et la promotion de l'investissement est un autre penchant de cette nouvelle démarche. Aussi, plusieurs réformes sont appelés à être implémentées :

· Réforme et harmonisation des cadres institutionnel et réglementaire des services financiers et des secteurs publics marchands (énergie, transport, télécommunications) ;

· Mise en place d'un cadre institutionnel et réglementaire régional pour l'investissement et le partenariat public privé ;

· Mise en place d'un cadre juridique et réglementaire régional de référence pour l'harmonisation des différents codes sectoriels (mines, gaz, pétrole) ;

· Mise en place d'une Agence Régionale de Promotion des Investissements et des Infrastructures (ARPII) ;

· Définition d'une législation communautaire du travail des ressortissants étrangers de la CEMAC ;

· Renforcement du cadre réglementaire et de la transparence des transactions dans le secteur des Matières Premières en Afrique Centrale (REMAP-CEMAC) ;

· Renforcement de la transparence dans la gestion des matières premières par la politique régionale de suivi et d'évaluation de l'Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE).

Enfin, il convient également de développer les nouvelles technologies et la transformation des facteurs de compétitivité des Etats membres de la CEMAC.

« Les économies les plus riches ne sont plus celles qui possèdent le plus de matières premières. Ce sont, de plus en plus, celles qui possèdent le savoir faire et la technologie pour exploiter et transformer ces matières premières. 97(*)

Il en ressort qu'en tant pôle pétrolier de rang mondial, la CEMAC est confrontée au défi de diversifier ses sources de croissance, de se doter d'infrastructures économiques et sociales nationales et surtout régionales. Il s'agit également de bâtir progressivement une économie du savoir, d'améliorer son attractivité pour les investissements extérieurs. Bref, de se positionner durant ce siècle comme une région émergente et d'assurer ainsi à près de quarante (40) millions de citoyens un développement durable, en vue de lutter contre la pauvreté et d'atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Conclusion Générale

L

e présent travail visait le décryptage des enjeux liés à la mise en oeuvre de l'intégration sous-régionale en zone CEMAC à travers la libre circulation des biens et des personnes. Il s'agissait de comprendre pourquoi les Etats membres, précurseurs du processus d'intégration sous-régionale en Afrique dès 1954 avec l'union douanière équatoriale, tardent à rendre effectives, plus de cinquante (50) ans après, les échanges des facteurs de productions et de créations de richesses. Aujourd'hui encore, malgré la consécration d'un dispositif juridique et institutionnel favorable, et une volonté politique réelle longtemps décriée, l'état de la libre circulation des biens et des personnes suscite des interrogations. Aussi, pour nous, il a été question d'envisager une problématique de l'inadéquation entre la construction institutionnelle de la liberté de circulation des biens et des personnes, en zone CEMAC et mise en oeuvre de celle-ci.

Cette étude, à travers une analyse juridique et structuro-fonctionnaliste, a permis de comprendre que la zone CEMAC regorge plusieurs instruments d'opérationnalisation de la libre circulation des biens et des personnes matérialisés par l'institution du passeport communautaire et la signature de plusieurs accords privilégiés. De même, un appareil institutionnel inédit notamment à travers le FODEC et le PER, rend compte de la volonté des Etats de la sous-région d'aboutir de manière collective et harmonieuse à une intégration sous-régionale construite sur des bases solides de solidarité et de partage.

Pour autant, l'état d'opérationnalisation de la libre circulation des biens et des personnes en zone CEMAC, qui met en évidence un bilan mitigé à travers le faible taux d'échanges, les velléités protectionnistes et des querelles de leadership, permet de dégager plusieurs axes de réponses aux interrogations suscitées. Ainsi, dans un premier temps, les difficultés inhérentes au processus de mise en oeuvre de la liberté de circulation des biens et des personnes sont imputables à la faisabilité politique des reformes initiées au sein des Etats membres et de la communauté elle-même. Concrètement, dans un contexte de corruption généralisée, la faiblesse du réseau de transport et des infrastructures de productions, traduit des économies concurrentielles et un déficit de bonne gouvernance.

En deuxième lieu, la récente reconfiguration des forces en présence, due à la polarisation de l'économie mondiale autour des produits miniers et pétroliers favorables aux industries extractives, caractérielles de la majorité des pays de la sous-région, favorise l'augmentation nette des ressources de certains Etats. Cette manne contribue à alimenter les réticences des Etats « riches » à ouvrir leurs frontières et crée même une certaine « animosité » envers les autres Etats dépourvus de ces retombées. Aussi, l'instabilité sécuritaire de la sous-région du fait de la criminalité transfrontalière et de l'émergence des rebellions et groupes armés non identifiés, constituent la porte ouverte à la justification des politiques visant à réduire la mobilité des biens et des personnes. C'est ainsi, que l'on a assisté à la persistance des visas dans la zone durant le processus de mise en oeuvre de la libre circulation.

En réalité, ces pistes d'analyses qui ne sont pas propres aux Etats de la zone CEMAC, cachent un paramètre longtemps marginalisé. Le patrimoine commun ethnique et culturel des Etats de la zone CEMAC, jadis érigé en facteur d'intégration, s'est fragmenté aux prix des trajectoires politiques et socio-économiques différenciés. Ainsi, la mobilité des personnes et des biens s'est dégradée d'autant plus que les traits anthropologiques caractériels des peuples de la forêt équatoriale n'ont jamais été favorables aux échanges économiques. Ceci, conforté par l'émergence des préjugés ayant rendu la cohabitation difficile des différents peuples de la CEMAC.

Toutes ces pesanteurs structurelles, conjoncturelles et socio-anthropologiques qui entravent l'effectivité de la libre circulation des biens et des personnes en zone CEMAC corroborent parfaitement nos hypothèses initiales. Celles-ci rendent compte des défis que les Etats membres doivent relever dans l'optique de l'intégration sous-régionale et l'insertion à l'économie mondiale. Il en résulte que la multiplication des pratiques de bonne gouvernance à travers l'initiative des réformes probantes et le respect des engagements pris (notamment sur la TCI) est la première étape de ce chantier d'envergure. Ensuite, il convient d'intégrer les acteurs du secteur privé ainsi que la société civile, qui ont une vocation sous-régionale avérée, dans les projets intégrateurs et notamment le premier, celui de la libre circulation des facteurs de production. Cette démarche traduit le fait que pendant très longtemps, les populations ont été écartées de la dynamique communautaire au profit des sphères politico-administratives. D'où le constat d'échec de l'effectivité de la libre circulation. Il convient donc de replacer les peuples de la CEMAC au coeur du processus d'intégration sous-régionale. Aussi, dans la même logique la réhabilitation de l'esprit communautaire s'impose comme un impératif catégorique de façon à inciter les peuples à vouloir se connaitre et à cohabiter. Ce la passe par le partage des valeurs et la définition d'une identité communautaire.

Dans cette optique, les perspectives de la libre circulation en zone CEMAC sont vastes et dépendent entièrement de l'effort de concertation et de mobilisation des ressources de la part des pays membres de l'institution sous-régionale. Ainsi, l'émergence des projets fédérateurs, matérialisés par des acquis solides, visibles et irréversibles va contribuer à la mise en oeuvre progressive de la libre circulation des biens et des personnes.

Bien plus, l'état de à la mise en oeuvre de la liberté de circulation des biens et des personnes en zone CEMAC est symptomatique des difficultés liées à la construction de l'intégration sous-régionale en Afrique centrale. Peut être a t- on très vite conclu que les pays membres de la CEMAC étaient voués à cohabiter de manière harmonieuse du simple fait de leur proximité géographique et du partage des frontières. Quoiqu'il en soit, notre étude, telle qu'elle a été menée, participe à une meilleure compréhension d'un domaine relativement épargné par les développements de la communauté scientifique. Ainsi, elle contribuera, sans doute à alimenter les réflexions visant à décrypter les processus d'intégration régionale en Afrique en général, et en Afrique centrale en particulier.

Bibliographie

I. Manuels, traités, recueils, lexiques et cours

BOUKONGOU Jean Didier, Techniques et méthodes de recherche, professeur titulaire de droit international, cours dispensé en Master I gouvernance et politiques publiques, Institut catholique de Yaoundé, décembre 2008, 26 pages.

CAPUL Jean Yves, GARNIER Olivier, Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Paris : Hatier, juin 2002, 542 pages.

Collectif, Lexique de politique, 5e édition, Paris : Dalloz, 1980, 440 pages.

II. Ouvrages

BACH Daniel (sous la dir), Régionalisation, mondialisation et fragmentation en Afrique subsaharienne, Paris : Karthala, 1998, 368 pages.

BAYART Jean François, Itinéraires d'accumulation au Cameroun, Paris : Karthala, 1989, 128 pages.

COLLECTIF, Dynamiques d'intégration régionale en Afrique centrale, Tome 1, Yaoundé : Presses universitaires de Yaoundé, novembre 2001, 467 pages

COUSSY Jean, HUGON Philippe (sous L dir. de), Intégration régionale et ajustement structurel en Afrique subsaharienne, Paris : La Documentation française 1991. 307 pages

DELAGE Alain et MASSIERA Alain, le franc Cfa, bilan et perspectives, Paris : l'Harmattan 1994, 187 pages.

GRAWITZ Madeleine, Méthodes des sciences sociales, 8e édition, Paris : Dalloz, 1990, 1139 pages.

SCHULDERS Guy, S'unir, le défi des Etats de l'Afrique centrale, Paris : l'Harmattan, 1990, 269 pages.

III. Thèses, mémoires et études

BOGUIKOUMA Martin, L'intégration régionale en Afrique Centrale comme stratégie d'insertion dans le nouveau contexte de mondialisation, thèse de sciences politiques, Université d'Ottawa, octobre 1999, 117 pages.

MIGNAMISSI Michel Dieudonné, Reformes macroéconomique et intégration par le marché dans la CEMAC, Université Yaoundé II, in www.mémoireonline.com

PERFORMANCES MANAGEMENT CONSULTING - ECDPM, Diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC, Tome 1, février 2006, 139 pages.

IV. Articles

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Anonyme, « Le structuro fonctionnalisme », http://fr.wikipedia.org (consulté le 29 décembre 2008 à 12h40).

BACH Daniel, VALLEE Olivier, « L'intégration régionale : espaces politiques et marchés parallèles », Centre des Etudes d'Afrique Noire, 1992, 11 pages.

BEKOLO-EBE Bruno, « L'intégration régionale en Afrique : caractéristiques, contraintes et perspectives», XVIIème journées de l'Association Tiers-Monde, mai 2001, 4 pages.

CHOUALA Yves-Alexandre, « Puissance, résolution des conflits et sécurité collective à l'ère de l'Union africaine. Théorie et pratique », AFRI 2005, volume VI. Bruxelles : Editions Bruylant, 20 pages.

CHOUALA Yves-Alexandre, « La prise d'otages aux confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad une : nouvelle modalité du banditisme transfrontalier », in Polis. Vol. 13, Numéros 1 - 2, 2006 pp.9-12.

HIBOU Béatrice, « Contradictions de l'intégration régionale en Afrique centrale », Université de Versailles, 1994, 8 pages.

HUGON Philippe, « L'intégration régionale dans les économies en développement au regard des nouvelles théories de la régionalisation », CERED/FORUM, Université Paris X Nanterre, 2001.

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MOKAM David, « Les peuples traits d'union et l'intégration régionale en Afrique centrale : le cas des Gbaya et des Moundang », in Dynamiques d'intégration régionale en Afrique centrale, Tome 1, Yaoundé : Presses universitaires de Yaoundé, novembre 2001, pp 125-141.

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PRISO-ESSAWE Samuel-Jacques, « L'intégration économique en Afrique centrale est-elle otage des querelles de leadership ? », in Enjeux n°22, janvier-mars 2005, pp 27-31.

ROPIVIA Marc louis, « Institutions déliquescentes et espace éclaté : quelle intégration en Afrique centrale ? », in BACH Daniel (sous la dir), Régionalisation, mondialisation et fragmentation en Afrique subsaharienne, Paris : Karthala, 1999, pp175-185.

SAMNICK Emmanuel Gustave« De la difficulté de circuler librement en Afrique Centrale », in Enjeux n°24, juillet-septembre 2005, pp. 20-23.

SAMSON Didier, « Pourquoi Air CEMAC ne volera pas », www.rfi.fr, article publié le 16/06/05 à 10h49.

SOUDAN François, « Où va l'Afrique centrale ?», in Jeune Afrique n°2518, du 12 au 19 avril 2009, pp.24-31.

WILLY Jackson, « La marche contrariée vers l'Union économique », le Monde diplomatique, mars 1996.

V. documents

A. Textes officiels

Traité instituant la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale, Ndjamena, le 16 Mars 1994, 2 pages.

Traité révisé de Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale, Yaoundé, 25 juin 2008, 19 pages.

Additif au traite de la CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la communauté, Yaoundé, 25 juin 2008, 10 pages.

Acte additionnel n°05/CEMAC portant adoption du 3ème rapport d'étape du PRI de la CEMAC (2006-2008) et adoption d'une deuxième phase dudit PRI (2009-2010)dédiée à la mise en oeuvre des conclusions et recommandations issues du 3ème rapport d'étape, 20 février 2009, 2 pages.

Acte additionnel n°08/CEMAC relatif à la libre circulation des personnes en zone CEMAC. 29 juin 2005, 2 pages.

Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 modifiant le règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC, Yaoundé, 20 juin 2008, 5 pages.

Convention régissant le parlement communautaire CEMAC, Yaoundé, 25 juin 2008, 12 pages.

Convention régissant l'union économique de l'Afrique centrale CEMAC, Yaoundé, 25 juin 2008, 37 pages.

Convention régissant l'union monétaire de l'Afrique centrale CEMAC, Yaoundé, 25 juin 2008, 15 pages

Convention régissant la cour de justice CEMAC, Libreville, 05 Juillet 1996, 9 pages.

Décision n°12/06-UEAC-160-CM-14 de juin 2006 relatif à la création du comité de suivi de la mise en oeuvre du programme régional de facilitation des transports et du transit.

Décision n°99/07-UEAC-070 U+42-CM-16 portant création du comité de suivi-évaluation de la libre circulation en zone CEMAC, Yaoundé, 18 décembre 2007, 2 pages.

Règlement N° 17/99/CEMAC-020-CM-03 du 17 décembre 1999 relatif à la Charte des Investissements de la CEMAC, 9 pages.

Règlement portant harmonisation de la réglementation des changes dans les Etats de la CEMAC, Douala, 29 avril 2000, 53 pages.

B. Rapports et communications

Commission économique pour l'Afrique, bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, « rapport sur l'Etat de l'intégration régionale en Afrique centrale », 2003, 53 pages.

Commission économique pour l'Afrique, bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, « rapport sur l'Etat de l'intégration régionale en Afrique centrale », 2004, 48 pages.

Commission économique pour l'Afrique, bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, « prospectus intégration régionale », 25ème session du comité inter-état, Libreville 2007, 8 pages.

Commission économique pour l'Afrique, bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, sixième session du Comité du commerce, de la coopération et de l'intégration régionales, « prise en compte de l'intégration au niveau national », Addis-Abeba, 13-15 octobre 2009, 21 pages.

LIMAO N. et VENABLES A. « Infrastructure, geographical disadvantage and transport costs », Document de travail n°2257, Recherche sur les politiques, Banque Mondiale, Washington DC, 1999.

C. Autres documents

http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/afri2005_chouala.pdf http://www.gaboneco.com/show_article.php?IDActu=15579

ANNEXES

I. Guide d'entretien

Les avancées de la CEMAC par rapport à l'UDEAC dans le cadre de la libre circulation

La comparaison de la libre circulation entre la CEMAC et d'autres organisations sous-régionales

Les obstacles à l'effectivité de la libre circulation

Les opportunités économiques et sociales de la mise en oeuvre de la libre circulation des biens et des personnes en CEMAC 

Les projets en cours et leur impact sur le développement de la sous-région 

Les solutions qui s'imposent dans la mise en oeuvre de la libre circulation des biens et des personnes

Les perspectives d'évolution de la libre circulation en zone CEMAC

II. Administrations ressources

· La sous-préfecture de KYE OSSI ;

· La sous-préfecture d'AMBAM ;

· Bureau principal des douanes de KYE OSSI ;

· Commandement de brigade de KYE OSSI ;

· Commandement de brigade d'AMBAM ;

· Mairie de KYE OSSI ;

· Service des traités du Ministère des Relations extérieures ;

· Direction Logistique, Etat Major des Armées.

III. Carte géographique des Etats de la zone CEMAC

III. Kye Ossi : Notre zone d'enquête

GABON

G. Equatoriale

CAMEROUN

IV. Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 modifiant le règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC

Table des matières

Dédicace i

Remerciements ii

Liste des sigles et abréviations iii

Liste des tableaux, graphiques et encadrés iv

Sommaire v

Résumé vi

Abstract vii

Introduction Générale 1

1. Contexte 2

a. Contexte politique 2

b. Contexte socio-économique 4

2. Délimitation de l'étude 6

a. Délimitation spatiale 6

b. Délimitation temporelle 7

c. Délimitation matérielle 7

3. Définition des concepts 8

a. Intégration sous-régionale 8

b. Libre circulation 10

4. Intérêt de l'étude 10

a. Intérêt scientifique 11

b. Intérêt social 11

5. Revue de littérature 11

6. Problématique du sujet 13

7. hypothèses 14

8. Cadre méthodologique 15

9. Techniques de collecte de données 16

10. Articulation et justification du plan 16

PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE ET L'ETAT DE L'OPERATIONNALISATION DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES BIENS ET DES PERSONNES EN ZONE CEMAC 17

Chapitre 1. Le cadre juridico-institutionnel de la libre circulation en zone CEMAC : des avancées tangibles 19

Section I. Le renforcement du dispositif juridico-institutionnel de la CEMAC pour la libre circulation 21

Paragraphe 1. Le développement de la réglementation communautaire sur la libre circulation 21

A. l'adoption des accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes et des biens 21

B. La libéralisation du passeport communautaire 23

Paragraphe 2. Densification du panorama institutionnel pour la libre circulation : la consécration de la nouvelle philosophie de la CEMAC 24

A. Création des institutions « spécialisées » 24

B. Assignation d'objectifs ciblés 25

Section II. Le développement de la coopération entre Etats membres de la CEMAC 26

Paragraphe 1. La mise en place des bases d'un marché commun 26

A. Le renforcement de l'union douanière : l'adoption du Tarif Extérieur Commun 26

B. Valorisation des produits CEMAC et amorce d'un marché financier 28

Paragraphe 2. L'institution d'un mécanisme autonome de financement 28

A. La Taxe Communautaire d'Intégration : un mécanisme de financement simple 29

B. l'impact de la TCI dans le processus de mise en oeuvre de la libre circulation 30

Chapitre II. L'opérationnalisation de la libre circulation en zone CEMAC à l'épreuve des défaillances avérées. 32

Section I. La non réalisation des objectifs fondamentaux de la CEMAC 34

Paragraphe 1. Le plan d'action de Malabo dévoyé 34

A. Echec de la première étape du plan d'action 34

B. l'implémentation d'un Programme de Réformes Institutionnelles 35

Paragraphe 2. La non application des décisions communautaires 36

A. L'infertilité des instruments d'intégration 36

B. Les carences institutionnelles de la CEMAC 37

Section II. La faiblesse de l'esprit communautaire 38

Paragraphe 1. De l'existence des velléités protectionnistes 39

A. Persistance des visas en zone CEMAC 39

B. Apparition de querelles de leadership 40

Paragraphe 2. Des dysfonctionnements du mécanisme de financement de la CEMAC 41

A. Un principe de collecte inadapté 41

B. Le reversement partiel et tardif des contributions des Etats membres 42

C. La dotation de l'essentiel des contributions au fonctionnement des institutions 44

DEUXIEME PARTIE : PESANTEURS ET PERSPECTIVES DE LA MISE EN OEUVRE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION DES PERSONNES ETDES BIENS, EN ZONE CEMAC 45

Chapitre 3. Les pesanteurs de la libre circulation en zone CEMAC : prééminence des obstacles majeurs 47

Section I. La faisabilité politique des réformes en Zone CEMAC 49

Paragraphe 1. Un déficit de bonne gouvernance 49

A. L'initiation des réformes sans résultats probants 50

B. Un contexte de corruption généralisée 51

Paragraphe 2. Des économies concurrentielles plutôt que complémentaires 53

A. Absence d'infrastructures ou structures de productions identiques 53

B. Un réseau de transport communautaire en total déliquescence 56

Section II. La conjoncture en Afrique centrale, une source de déstabilisation du processus d'intégration sous-régionale en CEMAC. 59

Paragraphe 1. De la fragilité des Etats en Afrique centrale à la neutralisation des initiatives communautaires 59

A. Ancrage démocratique et légitimité des dirigeants des Etats de la zone CEMAC 60

B. Les instabilités sécuritaires et simplification des échanges économiques en zone CEMAC 60

Paragraphe 2. Nouveaux gisements miniers/pétroliers en zone CEMAC : pomme de discorde et reconfiguration des forces en présence 62

A. La multiplication des crises diplomatiques entre Etats : le règne de la philosophie du soupçon 62

B. Echanges de bons procédés et dissémination des projets intégrateurs 65

Section III. Les entraves socio anthropologiques à la libre circulation en zone CEMAC 66

Paragraphe 1. Espace géographique et sédentarisation des populations en zone CEMAC 66

A. Une faible culture de mobilité des peuples de la forêt équatoriale. 67

B. Un nomadisme culturel plutôt qu'économique 68

Paragraphe 2. Emergence des préjugés en zone CEMAC : une cohabitation devenue difficile 69

A. Le paradoxe de l'hospitalité camerounaise 69

B. Les cultures en apparence semblables aux structures mentales différentes 70

Chapitre 4. Les perspectives d'évolution de la libre circulation en Zone CEMAC 72

Section I. Les scénarios possibles de l'intégration sous-régionale en Zone CEMAC 73

Paragraphe 1. Le scénario pessimiste : La libre circulation « en panne » 74

A. Persistance de l'infertilité des mécanismes intégrateurs 74

B. Peur de l'envahissement et éloignement des populations 75

Paragraphe 2. Le scénario réaliste : mise en oeuvre progressive de la libre circulation 76

A. Prise de conscience et émergence des projets fédérateurs 76

B. Acquis solides, visibles et irréversibles 77

Paragraphe 3. Le scénario optimiste : effectivité de la libre circulation 77

A. Changements profonds et initiation de projets ambitieux 78

B. Harmonisation des politiques et diversifications des acteurs 78

Section II. Les défis à relever en vue de la libre circulation en zone CEMAC 79

Paragraphe 1. La réhabilitation de l'esprit communautaire 79

Paragraphe 2. Replacer les peuples au coeur de la dynamique d'intégration sous-régionale 81

Paragraphe 3. La multiplication des pratiques de bonne gouvernance 82

Conclusion Générale 85

Bibliographie 88

I. Manuels, traités, recueils, lexiques et cours 88

II. Ouvrages 88

III. Thèses, mémoires et études 88

IV. Articles 89

V. documents 91

A. Textes officiels 91

B. Rapports et communications 92

C. Autres documents 92

ANNEXES 93

I. Guide d'entretien A

II. Administrations ressources A

III. Carte géographique des Etats de la zone CEMAC B

III. Kye Ossi : Notre zone d'enquête B

IV. Règlement n°01/08-UEAC-042-CM-17 modifiant le règlement n°1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du passeport CEMAC C

Table des matières a

* 1 Par la suite, les 22 et 23 novembre 1972, ces États paraphent deux conventions de coopération monétaire, l'une entre eux, l'autre avec la France. A travers la première convention, ces Etats se dotent d'une monnaie commune : le FCFA (franc de la coopération financière en Afrique) à ne pas confondre avec le Franc des Colonies Françaises en Afrique, vestige de la colonisation. La seconde convention à pour effet d'attribuer au FCFA une parité fixe par rapport au Franc Français, lui confiant ainsi une valeur internationale.

* 2 Les Chefs d'État et de gouvernement des pays membres, ont lancé officiellement les activités de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale le 25 juin 1999, avec la nomination des responsables des divers organes créés et l'adoption d'un plan d'action dit « Déclaration de Malabo ».

* 3 Il s'agit de plusieurs mouvements de rebellions [le Front Uni pour le Changement (FUC), le Mouvement pour la Démocratie et la Justice au Tchad (MDJT)] et les milices ZAGHAWAS réputés proches du pouvoir.

* 4 Le pays a connu plusieurs coups d'Etats ou tentatives : mai 2001 par le général KOLINGBA, octobre 2002 et le 15 mars 2003 par François BOZIZE. L'élection de ce dernier à la présidence de la république en mai 2005 avec 64.6% des voies a été source de conflits et a contribué à l'émergence de mouvements de rebelles. Source : « BOZIZE, François » Microsoft Encarta 2009. Microsoft Corporation, 2008

* 5 La Force Multinationale d'Afrique Centrale (FOMAC) s`est installée en fin juin 2008 avec pour mandat de désarmer, démobiliser et réinsérer les forces rebelles.

* 6 DOLOGUELE Anicet Georges, ancien président de la Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale, in Jeune Afrique n°2518, du 12 au 19 avril 2009, p.25.

* 7 Source : RAMSES IFRI 2004 in www.IZF.com consulté le 16 juin 2009 à 19h40.

* 8 Avec un PIB (2006) de 9 546 millions de dollars soit 7 283 dollars par habitant. Source BEAC

* 9 Avec un PIB (2006) de18 323 millions de dollars soit 1 008 dollars par habitant. Source BEAC

* 10 Avec un PIB (2006) de 7 385 millions de dollars soit 2 002 dollars par habitant. Source BEAC

* 11 Avec un PIB (2006) de12.8 milliards de dollars soit 324 dollars par habitant. Source BEAC

* 12 Avec un PIB (2006) de1 500 millions de dollars soit 350 dollars par habitant. Source BEAC

* 13 Avec un PIB (2006) de 8 565 millions de dollars soit 17 281 dollars par habitant. Source BEAC

* 14 Avant l'entrée en vigueur du passeport communautaire le 16 mars 2010.

* 15 SOUDAN François, « où va l'Afrique centrale ? » in Jeune Afrique, op.cit, p. 25

* 16 Cet accord, qui porte l'ancien nom de la capitale tchadienne où il fut adopté en 1973, fixait les règles de répartition des postes au sein de l'ensemble sous-régional. Il a du s'adapter dès 1985 avec l'entrée de la Guinée Equatoriale en UDEAC. Sous forme de « gentlemen's agreement », c'est-à-dire, engageant la volonté de ceux qui l'ont conclu et n'impliquant aucune responsabilité juridique, cet accord prévoyait notamment que le gouvernorat de l'institut d'émission revienne au Gabon, et le vice-gouvernorat au Congo ou au Tchad. En contrepartie, le siège se trouverait à Yaoundé. De la même manière, la répartition des institutions sur le territoire communautaire était censée respecter des critères d'équité.

* 17 COUSSY Jean, HUGON Philippe (sous la dir. de), Intégration régionale et ajustement structurel en Afrique subsaharienne, Paris : La Documentation française, 1991, p.47.

* 18 BOGUIKOUMA Martin, L'intégration régionale en Afrique Centrale comme stratégie d'insertion dans le nouveau contexte de mondialisation, thèse de sciences politiques, Université d'Ottawa, octobre 1999, p.50.

* 19 Développée par BOGUIKOUMA Martin, op.cit.

* 20 BOGUIKOUMA Martin, op.cit. p.52.

* 21 Idem.

* 22 La mise en place d'un véritable marché commun implique également une intégration monétaire et une intégration financière. L'intégration monétaire qui correspond à la circulation parfaite des devises, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser n'importe quelle devise d'un pays membre à un autre, exige un système de change fixe. L'intégration financière correspond à la mobilité parfaite des capitaux et peut se mesurer par l'égalité des taux d'intérêts réels.

* 23 La France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, le Luxembourg, et les Pays Bas ont créé en 1951, une union douanière pour le charbon et les produits sidérurgiques, la communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). En mars 1957, le traité de Rome instaure la communauté économique européenne et la communauté de l'énergie atomique (Euratom) entre ces pays. La disparition progressive des droits de douanes entre les pays membres et la mise en place d'un tarif douanier unique (le tarif extérieur commun) conduit à la réalisation de l'union douanière européenne le 1er juillet 1968.

* 24 QUESNAY François, (1694-1774), Economiste français, principal fondateur de l'école physiocratique. Dans son Tableau économique (1758), François Quesnay expose ce qu'il nomme l'ordre naturel de l'économie. Sa théorie, est fondée sur l'idée que le commerce et l'industrie sont essentiellement improductifs. Seule l'agriculture est, selon lui, source de richesse.

* 25 SCHULDERS Guy, S'unir, le défi des Etats de l'Afrique centrale, Paris : l'Harmattan, 1990 pp. 87-88

* 26 ROPIVIA, Marc louis « Institutions déliquescentes et espace éclaté : quelle intégration en Afrique centrale ? », in BACH Daniel, Régionalisation, mondialisation et fragmentation en Afrique subsaharienne, Paris : Karthala, 1998, p 178.

* 27 La CEMAC a le même dispositif juridico-institutionnel que l'UEMOA et à quelques exceptions près, de l'UE.

* 28 HIBOU Béatrice, « Contradictions de l'intégration régionale en Afrique centrale », Université de Versailles, 8pages 1994.

* 29 Avec une population estimée en 2008 à 68 000 000 d'habitants. Source : www.IZF.net consulté le 14 avril 2010 (17h50)

* 30 Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale

* 31 Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

* 32 Anonyme, Le structuro fonctionnalisme, http://fr.wikipedia.org/wiki/structuro-fonctionnalisme, consulté le 29 décembre 2008 à 12h40.

* 33 GRAWITZ Madeleine, Méthodes des sciences sociales, 8e édition, Paris : Dalloz, 1990, p. 493.

* 34Performances Management Consulting - ECDPM, Diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC, tome 1, février 2006, p. 7.

* 35 Sur la base des conclusions des différents audits réalisés sur la CEMAC, et pour donner une dynamique nouvelle à l'intégration sous-régionale dans la zone, les Chefs d'Etats ont décidé lors de leur conférence de Bata de 2005 de réformer les institutions de la CEMAC dans le cadre d'un Programme de Réformes Institutionnelles (PRI).

* 36 La mise en place du FODEC a été prévue par l'article 77 de la convention de l'UEAC du 05 juillet 1996.

* 37 Source : Secrétariat exécutif de la CEMAC, comptes BDEAC.

* 38 La zone de libre échange vise l'abolition des obstacles tarifaires dans les échanges commerciaux, c'est-à-dire la suppression des restrictions quantitatives et des droits de douane, mais chaque pays membre demeure maître de sa politique douanière avec les pays tiers

* 39 Source : commission économique pour l'Afrique, bureau sous-régional pour l'Afrique centrale, prospectus intégration régionale, 25ème session du comité inter-état, Libreville, 2007, p.7.

* 40 Les contingents tarifaires instituent des droits réduits ou nuls pour des quantités déterminées. Ils ne sont pas des restrictions quantitatives ; les Etats membres peuvent importer des produits excédant le contingent mais les produits excédant le contingent sont alors soumis aux droits normaux du TEC.

* 41 Adoptée le 17 Décembre 1999 à N'djamena.

* 42 Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.

* 43 Est considéré comme « Produit CEMAC », tout produit fini ou matière première entièrement obtenu dans les Etats membres de l'Union, les produits du cru et les produits fabriqués dans le territoire. Précisément, il s'agit des biens industriels dans la fabrication desquels sont incorporées des matières premières communautaires représentant en valeur au moins 40% de l'ensemble des intrants utilisés ; des produits industriels dont la valeur ajoutée obtenue localement est au moins égale à 30% du prix sortie usine.

* 44 Selon l'article 24 de la charte des investissements de la CEMAC, son rôle est de veiller au respect des normes prudentielles par les banques.

* 45 Avant l'adoption du mécanisme de la TCI, les pays budgétisaient les dépenses au titre du fonctionnement des institutions communautaires. Ensuite, le versement des contributions des Etats se faisait via leur Trésor public. Ce système s'est révélé inadapté, les pays membres n'ayant pas toujours honoré leurs engagements. Il en a résulté de sérieuses difficultés qui ont contribué à paralyser l'UDEAC.

* 46 Sous l'UDEAC, les fonctionnaires ont pu rester près de quatorze mois sans salaire, ce qui ne s'est plus vu depuis le démarrage de la CEMAC.

* 47 Performances Management Consulting - ECDPM, op cit. p.15.

* 48 Les indices d'intégration ont été estimés à partir de l'intégration dans huit secteurs, à savoir le commerce, la monnaie et les finances, le transport, les communications, l'énergie, l'agriculture, l'industrie, le développement humain et les marchés du travail. Une certaine attention a également été accordée aux dossiers de l'eau et des mines ainsi qu'aux questions transversales que sont la paix et la sécurité, le VIH/sida et les inégalités entre les sexes.

* 49 Performances Management Consulting - ECDPM, op.cit, p. 21.

* 50 Décision n°12/06-UEAC-160-CM-14 de juin 2006.

* 51 A l'origine, c'est-à-dire au début du 20eme siècle, le protectionnisme est un système consistant à protéger l'économie d'un pays contre la concurrence étrangère. Aujourd'hui, le protectionnisme se conçoit plus comme toute politique, pratique ou mesure visant à sauvegarder des intérêts et considérée comme individualiste, prises dans une communauté.

* 52 Source : diagnostic organisationnel et institutionnel de la CEMAC, op.cit, p. 30.

* 53 Idem, p.30.

* 54 Les échanges entre pays membres dépassent à peine 3% à la faveur de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. De même la circulation des services et des capitaux est quasi inexistante. A ce jour, l'unification des deux bourses régionales révélera seulement cinq (05) entreprises cotées.

* 55 BEKOLO-EBE Bruno, « L'intégration régionale en Afrique : caractéristiques, contraintes et perspectives», XVIIème journées de l'Association Tiers-Monde  mai 2001.

* 56 Commission Economique pour l'Afrique, op.cit, p.1.

* 57 MIGNAMISSI Michel Dieudonné, « Reformes macroéconomiques et intégration par le marché dans la CEMAC », Université Yaoundé II, in www.mémoireonline.com

* 58 Indice publié chaque année dans un rapport nommé baromètre mondial de la corruption par l'ONG Transparency International sur des avis recueillis auprès des populations.

* 59 Après avoir été classé 1er mondial en 1998 et en 1999, au Cameroun cette enquête révèle que plus de 50 % des sondés affirment avoir versé un bakchich sur les douze mois écoulés.

* 60 Source : http://www.gaboneco.com/show_article.php?IDActu=15579, (consulté le 30 Octobre 2009 - 09h59).

* 61NKOA François Colin, « Interconnexion des territoires en zone CEMAC et conditions d'une croissance endogène sur le plan régional... » www.ici-cemac.net, consulté le 18 avril 2010 à 16h10.

* 62Au Cameroun, la fourniture de l'énergie s'est dégradée alors que le potentiel hydroélectrique est insuffisamment exploité. Il est en effet estimé à 800MW. Ce pays n'est cependant pas membre du Pool Energétique de l'Afrique centrale qui a été créé le 12 avril 2003 et qui regroupe le Gabon, la RCA, la RDC, la Guinée équatoriale, Sao-Tomé et Principe, le Congo et le Tchad.

* 63 NKOA François Colin, op cit.

* 64HUGON Philippe, « L'intégration régionale dans les économies en développement au regard des nouvelles théories de la régionalisation », CERED/FORUM, Université Paris X Nanterre, 2001.

* 65KOULAKOUMOUNA Etienne, « Transport routier et effectivité de l'intégration régionale dans l'espace CEMAC : enjeux et contraintes pour le développement durable du Congo », Centre d'Etudes et de Recherche en Analyse et Politiques Economiques (CERAPE), 2005, p.9.

* 66 « Il n'existe pas à l'heure actuelle de couple de pays, au sein de la Cemac, dont les capitales sont reliées par une route bitumée même si de nombreux projets allant dans ce sens existent. Ainsi, il faut encore entre 7 et 10 jours pour aller de Douala à Bangui (1450 km), avec près d'une vingtaine de points de contrôle de divers services administratifs (police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes, municipalités) », François Colin NKOA, « Le leadership économique du Cameroun en zone CEMAC : obstacle ou atout à l'intégration régionale ? » in Enjeux n°22, janvier-mars 2005, p.26.

* 67 KOULAKOUMOUNA Etienne, op.cit., p. 14

* 68 NKOA François Colin, op.cit

* 69 La Camair, compagnie nationale détenue à plus de 96% par l'Etat camerounais croulait sous une dette estimée à plus de 50 milliards de francs CFA. La compagnie nationale Air Gabon n'était pas mieux lotie avec une dette d'à peu près 60 milliards de francs CFA. Source. www.rfi.fr, Didier Samson, « pourquoi Air CEMAC ne volera pas », article publié le 16/06/05 à 10h49.

* 70 Aéroport à fort trafic aérien qui aménage les horaires des avions pour optimiser les correspondances.

* 71 LIMAO N. et VENABLES A. « Infrastructure, geographical disadvantage and transport costs », Document de travail n°2257, (1999), Recherche sur les politiques, Banque Mondiale, Washington DC.

* 72 CEA, op cit. p.3.

* 73 Yves-Alexandre CHOUALA, « Puissance, résolution des conflits et sécurité collective à l'ère de l'Union africaine. Théorie et pratique », in AFRI 2005, volume VI. P, 300.

* 74 Au Congo par exemple, les conflits civils ont occasionné entre autre une destruction importante des infrastructures portuaires, de transport ferroviaire et routier.

* 75 SAMNICK Emmanuel Gustave« De la difficulté de circuler librement en Afrique Centrale », in Enjeux n°24, juillet-septembre 2005, p. 20.

* 76 En ce sens, la Guinée fait figure d'épouvantail parce qu'elle a entrepris la construction d'une autre capitale, siège des institutions politiques, et des parlements dans chaque grande ville du pays.

* 77 KOUFAN MENKENE Jean, TCHUDJING Casimir, « Un exemple de blocage du processus d'intégration en Afrique centrale : la persistance des facteurs conflictuels entre la Guinée équatoriale et ses voisins francophones depuis 1979 ». in Dynamique d'intégration régionale en Afrique centrale, p. 337.

* 78 Dans une enquête exclusive de l'hebdomadaire Jeune Afrique, publiée lundi 14 septembre 2009, on apprend que trente millions d'euros (dix-neuf milliards de francs Cfa) au minimum ont été détournés au sein du bureau de la Banque des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) à Paris entre 2004 et 2008. De 2004 à juillet 2008, 2400 chèques frauduleux ou suspects ont été émis, 38 virements suspects ont été repérés, 1298 retraits en liquides non reversés et non enregistrés dans le livre de caisse ont été effectués.

* 79 KOULAKOUMOUNA Etienne, op. cit, p.16

* 80 Son architecture est impressionnante par sa taille et la superposition de strates multiples constituées d'arbres de différentes tailles -- jusqu'à 50 m de haut -- de buissons, d'herbes et de champignons. Parmi ses traits physionomiques majeurs, les plus caractéristiques sont l'absence de lumière, la profusion des lianes et des épiphytes, les cimes seulement visibles depuis des observatoires élevés.

* 81 Concept fondamental de la sociologie de Pierre Bourdieu, l'habitus est le système de dispositions durables et transposables dont sont dotés les agents sociaux : c'est donc la façon dont l'extériorité s'intériorise, c'est-à-dire la manière dont les structures sociales s'inscrivent dans les esprits et dans les corps des personnes. Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft Corporation.

* 82 Au bord du Lac Tchad et du Niger.

* 83 Fondé par Ousman DAN FODJO dans le nord du Nigéria.

* 84 Passage à l'âge adulte

* 85 MOKAM David, « Les peuples traits d'union et l'intégration régionale en Afrique centrale : le cas des Gbaya et des Moundang », in Dynamique d'intégration régionale en Afrique centrale, p.125.

* 86 Entre mai 1967 et janvier 1970, la guerre du Biafra oppose le Nigeria au peuple Ibo, après que celui-ci ait proclamé la république du Biafra à l'est du pays. Cette guerre civile, qui se termine avec l'écrasement des sécessionnistes par l'armée fédérale nigériane, provoque la mort d'un million de personnes, victimes pour la plupart de la famine et de la malnutrition.

* 87 Au Cameroun signifie escroc, arnaqueur.

* 88 NIZESETE Bienvenu Denis, « patrimoine culturel de l'Afrique centrale : fondement d'une intégration régionale véritable », In dynamique d'intégration régionale en Afrique centrale, p. 31.

* 89 Évaluation monétaire de la somme des valeurs ajoutées créées en une année par toutes les entreprises nationales et étrangères, implantées sur le territoire d'un pays Le niveau de vie dans un pays a souvent pour indicateur le PIB par habitant, qui est calculé en divisant le PIB du pays par le nombre d'habitants. Source, Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft Corporation.

* 90 Publié par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), cet indice tente de rendre compte du « bien-être » des populations ; l'IDH englobe donc le PIB par habitant, mais également le degré d'alphabétisation, l'accès à l'enseignement, le taux de mortalité infantile et l'espérance de vie à la naissance.

* 91 Conférence de paix et de sécurité en Afrique Centrale

* 92 Performances Management Consulting - ECDPM, op.cit. p.48

* 93 Performances Management Consulting - ECDPM, op.cit. P.45.

* 94 Commission Economique pour l'Afrique, Sixième session du Comité du commerce, de la coopération et de l'intégration régionale, op.cit p.14

* 95 Commission Economique pour l'Afrique, Sixième session du Comité du commerce, de la coopération et de l'intégration régionale, op.cit p.15

* 96 Commission Economique pour l'Afrique, op.cit p.15

* 97 Diagnostic organisationnel et institutionnel, op.cit. P.45.






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