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Efficience de la mémoire de travail chez des écoliers burundais entendant et non entendant: etude comparative

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par Reginas NDAYIRAGIJE
Université du Burundi - Licence( Bac+4) 2011
  

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CHAPITRE II. THEORIES PSYCHOLOGIQUES DE LA MEMOIRE

II.1. Introduction

Le concept de la mémoire est un concept que nous pouvons qualifier de fourre-tout, de passe-partout. En effet, il est utilisé dans plusieurs disciplines scientifiques ou domaines de la vie courante mais, généralement, avec des sens qui ne se recoupent que très partiellement. Il est utilisé notamment en sciences humaines et plus particulièrement en histoire, en neuroscience ou en psychologie, en informatique, etc. Dans le cadre de notre recherche, nous nous intéressons à la mémoire comme « pôle crucial de nos activités cognitives » (Matlin, 2001, p.101). Pour mieux comprendre la portée de notre sujet d'étude, il s'est imposé à nous de passer d'abord en revue certaines théories psychologiques relatives à la mémoire.

Ainsi, nous débattons dans le présent chapitre de certains aspects de la mémoire comme ses différentes formes, ses bases anatomiques, la notion de l'oubli, ainsi que ses possibles pathologies.

II.2. Différentes formes de la mémoire

La mémoire est, comme nous l'avons mis en évidence dans le premier chapitre, une fonction qui permet de capter, coder, conserver et restituer les stimulations et/ou les informations perçues par nos différents organes de sens. Cependant, derrière cette définition d'une simplicité suscitant peu de commentaires, se cache tout un débat nourri autour du fonctionnement de la mémoire. Il se dégage d'un bilan fait des grands courants de la psychologie sur la mémoire (Lieury, 1975, p.174) que l'associationnisme a conduit à voir la mémoire comme un ensemble de copies dont le code est l'association ; tandis que les théories d'inspiration cybernétique la considèrent comme un lieu d'enregistrement d'informations qui nécessitent des programmes pour être enregistrées ou récupérées. Les conséquences découlant de ces conceptions sont que, dans le premier cas, la mémoire est considérée comme fonctionnant de façon autonome avec ses lois propres, et dans le second cas, la mémoire est considérée comme fonction reliée à une logique (les programmes) mais existant indépendamment de celle-ci.

Des théories plus récentes (Matlin, 1998) appréhendent le fonctionnement de la mémoire en termes de modalités différentes : la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme connue aussi sous le nom de mémoire de travail et la mémoire à long terme. C'est cette approche que nous avons choisie d'adopter dans le cadre de notre recherche et ce, pour la simple raison que, par le fait qu'elle fait explicitement référence à la notion du temps pendant lequel l'individu peut rester en possession du matériel mémorisé, elle rend possible la méthode expérimentale susceptible de nous permettre de comparer les écoliers entendant et ceux non entendant. Ainsi, notre étude qui se veut comparative devient possible grâce aux tests de rappel libre et de reconnaissance après que nos sujets aient pris connaissance du matériel à mémoriser, un certain temps avant la tâche de remémoration.

II.2.1. La mémoire sensorielle

D'après une définition de Matlin (2001, p.103), la mémoire sensorielle se distingue par sa brièveté. Elle correspond généralement au temps de la perception des stimuli par les organes récepteurs. Il s'agit d'un système qui possède une grande capacité de stockage des informations qui sont enregistrées par les récepteurs sensoriels de manière suffisamment précise. Matlin (ibid.) en isole deux formes à savoir la mémoire iconique se rapportant à la mémoire sensorielle visuelle, et la mémoire échoïque, qui est synonyme de la mémoire sensorielle auditive. Sa persistance est variable et est comprise généralement entre 300 et 500 millisecondes pour la mémoire iconique, et elle est approximativement la même pour la mémoire échoïque.

II.2.2. La mémoire à court terme

La mémoire à court terme joue un rôle de premier plan dans la cognition et le processus d'apprentissage de nouvelles informations. Elle est caractérisée par son caractère éphémère et sa capacité limitée et porte sur un nombre réduit d'informations (l'empan) particulièrement sensibles à toute activité d'interférence (Houdé et al., 1998, p.257).

Faisant le bilan des recherches réalisées sur le fonctionnement de la mémoire à court terme
(Postman, 1975 ; Crowder, 1982b ; Baddeley et Gathercole, 1993), Matlin (2001, pp.172-182)
retient que la mémoire à court terme opère par un processus de codage acoustique

(principalement), visuel et sémantique. Elle se compose de trois structures à savoir le registre phonologique, la mémoire de travail visuo-spatiale et le système exécutif central. La première composante se charge de maintenir une information restreinte sous forme acoustique pendant quelques secondes, la seconde de stocker l'information visuelle et spatiale mais aussi l'information verbale sous forme d'images visuelles, et la troisième s'occuperait non seulement de l'intégration, la gestion et la régulation de l'information en provenance du registre phonologique et de la mémoire de travail visuo-spatiale mais aussi elle jouerait un rôle décisif dans l'attention, la planification et la coordination du comportement.

II.2.3. La mémoire à long terme

La mémoire à long terme, connue aussi sous le nom de mémoire tertiaire (Fontaine, 1999, p.142), est apte à conserver des données reçues pendant un moment plus long en comparaison à la mémoire à court terme ou à la mémoire sensorielle. Elle est en fait la dépositaire de nos expériences, de nos souvenirs et de nos apprentissages, bref de notre histoire. De là, la question qui se pose est celle de savoir comment justement les informations en mémoire à long terme sont organisées.

En effet, les informations en mémoire à long terme sont régies et structurées par des systèmes qui travaillent de manière à la fois distincte et synergique. Certaines sources (Matlin, 2001 ; Fontaine, 1999) font état de l'existence de deux systèmes mnésiques autonomes à savoir la mémoire épisodique et sémantique. En fait, la mémoire épisodique est la mémoire des épisodes de notre vie, des souvenirs d'événements ou d'expériences (Da Silva Neves, 1999, p.36) tandis que la mémoire sémantique contient les connaissances du sujet sur le monde qui l'entoure, les mots et les symboles et est mobilisée de façon inconsciente (Fontaine, 1999, p. 144). Mais Fontaine (ibid.) constate que les relations structurales entre ces deux systèmes font objet de débats théoriques car la mémoire sémantique semble malgré tout « perméable » à la conscience. D'où la théorie de Winograd (1975) reprise par Fontaine (1999, p.144) s'inspirant de l'intelligence artificielle faisant la distinction entre la mémoire déclarative se rapportant aux connaissances verbalisables et la mémoire procédurale concernant un savoir-faire perceptivo-moteur et cognitif, d'habituation ou de conditionnement. En clair, la différence fondamentale entre la

mémoire déclarative et la mémoire procédurale repose en ceci que la première est la mémoire du « savoir » alors que la seconde est la mémoire du « savoir-faire » (Da Silva Neves, 1999, p.37).

II.3. Les bases anatomiques de la mémoire

Après cette ébauche de catégorisation des différentes formes de mémoire impliquant aussi parfois la différence au niveau de la nature du matériel intéressant l'une ou l'autre forme de mémoire (cas par exemples de la mémoire procédurale et de la mémoire sémantique), il nous paraît judicieux de nous poser une question sur le fond anatomique qui sous-tend cette différenciation.

En effet, l'idée de la spécialisation des zones du cerveau voudrait que l'une ou l'autre région du cerveau soit en partie ou exclusivement responsable du contrôle de telle ou telle autre fonction sensorielle, motrice et/ou psychique. Cependant pour Lieury (1975, p. 214), l'étude des mécanismes cérébraux de la mémoire montre qu'il est vain de chercher un centre ou une zone unique qui serait le siège de la mémoire. Il poursuit en disant que la mémoire est étroitement liée aux autres fonctions de même que ses mécanismes sont divers. En effet, précise-t-il, même si l'unité de base, l'atome du système nerveux est le neurone, il n'en demeure pas moins que le système nerveux n'est pas une collection de neurones mais une organisation d'une grande complexité, composée de centre nerveux communiquant entre eux par de nombreuses voies (voir Lieury, 1975, p.230).

Concernant la localisation anatomique de la mémoire, des études montrent l'importance cruciale des lobes frontaux dans la programmation des stimulations, la régulation en fonction des signaux verbaux et aussi dans la mise en oeuvre des schèmes complexes du comportement. C'est l'activité des lobes frontaux qui est la base biologique des schèmes opératoires de l'organisation temporelle et peut-être aussi de la mémoire temporaire de travail. De plus, ajoute-t-il, la mémoire à court terme serait sous le contrôle du cortex préfrontal, la mémoire sémantique sous celui du néocortex. Le corps strié et le cervelet se chargeraient du contrôle de la mémoire procédurale alors que l'hippocampe coordonnerait le fonctionnement de la mémoire déclarative. C'est aussi le même hippocampe qui serait chargé de la coordination des informations stockées dans les différentes zones cérébrales. Son intervention serait capitale pour faire passer les souvenirs de la mémoire à

court terme vers la mémoire à long terme. Le système limbique- dont l'hippocampe et l'amygdale sont des centres primordiaux- joue le rôle de cerveau fondamental parce qu'il intéresse toutes les activités du comportement, le système hippocampe-amydale joue le rôle d'intégrateur cognitif en permettant, par ses relations avec le néo-cortex, la détection de la nouveauté et aussi le rôle d'intégrateur cognitif-affectif en donnant aux informations une valeur affective, c'est-à-dire bonne ou mauvaise du point de vue de l'organisme(voir Lieury, 1975, pp.226-230).

Nous réalisons, grâce à cette revue critique de la littérature, que la mémoire et son fonctionnement reposent sur un support anatomique. Connaître les bases anatomiques de la mémoire nous permet de comprendre les contours de son fonctionnement. Cependant, nous avons estimé que le débat sur la mémoire et ses capacités, dans le cadre de notre étude, serait incomplet si nous ne prenions pas un temps pour discuter d'un autre phénomène qui lui est forcément indissociable, à savoir l'oubli. La question que nous nous sommes posé est de savoir pourquoi certains éléments sont frappés par l'oubli méme en cas d'intégrité de tout le dispositif anatomique impliqué dans le fonctionnement mnésique. Cela nous a amené à envisager ci-dessous une nouvelle section relative au phénomène de l'oubli et aux mécanismes qui le sous-tendent.

II.4. Mémoire versus oubli

L'oubli est en quelque sorte l'antithèse de la mémoire. Autant la maladie constitue une source de renseignements sur le fonctionnement de l'organisme vivant, autant l'oubli peut nous éclairer tant sur les modalités de fonctionnement de la mémoire que sur ses caractéristiques. Comme nous avons eu l'occasion de le souligner dans le premier chapitre dédié à l'élucidation des concepts clés de notre étude, la matérialisation de la mémoire s'opère par la reproduction plus ou moins fidèle du matériel présenté alors que ce dernier s'est éclipsé du champ perceptuel de l'individu.

De fait, la performance du sujet dépend de ses capacités perceptives comme de ses capacités mnésiques (Colin, 1979, p.45). Il résulte de cette intrication réciproque qu'il est malaisé de séparer parfaitement ce qui revient à l'une comme à l'autre entre ces deux groupes de fonctions ; celles-ci ne sont que théoriquement indépendantes. C'est cette complexité qui est à la base de la

difficulté à cerner les facteurs qui sont à l'origine de la solidité ou de la fragilité de certains souvenirs. S'agissant justement de ces facteurs, Michaux (1974, pp.38-40) en a isolé trois à savoir le caractère utilitaire du matériel à mémoriser, son aspect sémantique ainsi que la motivation d'achèvement

Considérons en premier lieu le caractère utilitaire du matériel à mémoriser en tant que facteur à l'origine de la solidité des souvenirs. Michaux (1974, p.38) prévient, cependant, que l'influence favorisante de l'intérêt sur l'acquisition des souvenirs n'est pas illimitée et inconditionnelle. Elle serait même dommageable à la mémoire au-delà d'un certain seuil car une motivation trop intense mettrait l'individu sous une haute tension et déclencherait des troubles émotifs qui inhiberaient l'activité mnésique. Autrement dit, une attention trop accrue et trop passionnée porterait préjudice à l'enregistrement des souvenirs.

Considérons en deuxième lieu, à propos des facteurs qui sont à l'origine de la solidité ou de la fragilité des souvenirs, l'aspect sémantique du matériel à mémoriser. La mémoire aurait toute la peine du monde à retenir un matériel peu ou pas structuré (les mots ou les chiffres isolés).

Par ailleurs, la mémorisation serait tributaire du contexte affectif, conscient ou inconscient, auquel se rapporte le matériel à mémoriser. En effet, le matériel présentant une charge affective agréable serait plus mémorisable que le matériel à connotation affective négative et ce dernier le serait plus qu'un matériel neutre.

Néanmoins, pour Michaux (1974, p.39) cela est loin d'être un absolu. La notion de délai est aussi très déterminante. Et cela est d'autant plus vrai que les expériences agréables et désagréables sont également remémorées à court terme. Cependant, l'auteur considère que si l'évocation est plus tardive, les expériences agréables seraient plus remémorées que les expériences désagréables. En conclusion, sur ce facteur de la mémoire (versus l'oubli), il faut éviter des positions radicales car il existe des nuances qu'il importe d'émettre chaque fois.

conservation des acquis mnésiques. L'expérience ayant permis de dégager cette conclusion se serait basée sur une vingtaine de tâches dont la moitié était restée en suspens et l'autre moitié achevée. Les résultats furent surprenants. La fixation s'était portée curieusement sur les travaux non achevés. L'explication fournie est que l'exécution d'une tâche déclenche une tension qui ne cesse que lorsqu'elle est achevée. Ce serait justement cette tension qui favorise la fixation mnésique, tandis que la détente consécutive la défavorise. Mais, il existe aussi des cas où l'inverse se produit (Michaux, 1974, p.39).

Dans chacun de ces trois cas, la perte de souvenirs repose sur les trois mécanismes que sont : la détérioration, l'absence ou l'insuffisance des schèmes, les inhibitions pavloviennes (c'est-à-dire quand un stimulus conditionnel n'est plus accompagné d'un renforcement positif la réponse conditionnée ne se produit plus) et les interférences (cas d'analogie de réponses ou d'excitants conditionnels) (Michaux, 1974, p.40).

Le premier mécanisme est imputable à un processus psychophysiologique, mettant en cause une manière d'extinction du souvenir lorsque le rappel des stimuli originels ne l'entretient pas. Ce phénomène peut être comparé au phénomène de l'épuisement de l'immunité obtenue à la suite d'une vaccination lorsque celle-ci n'a pas été renouvelée. Il peut aussi être dû à un processus anatomique résultant d'une désagrégation progressive des systèmes de traces mnésiques.

Le deuxième mécanisme, en rapport avec l'absence de schèmes, est une inspiration de la conception piagétienne. En effet, pour cette icône de la psychologie, le souvenir a pour substrat un schème. Ce dernier est la figure abrégée représentant les traits essentiels, d'un objet, d'une personne (schèmes visuels) ou d'un mouvement (schème moteur). L'oubli peut résulter d'une absence de schème, cette absence s'opposant à la mémoire : c'est le cas de l'enfant. Dans d'autres cas, il ressort à l'incoordination des schèmes, c'est-à-dire à leur différenciation et fonctionnement insuffisant (Michaux, ibid.).

Enfin, le troisième mécanisme qui est celui relatif à la conception dite néo-associationniste fait état d'une inhibition pavlovienne et des possibles interférences. Sans pour autant conclure sans réserve à une assimilation, cette conception rapproche le mécanisme de l'oubli des processus de conditionnement pavlovien. Par ailleurs, elle empreinte à la physiologie inspirée des expériences

de Pavlov la notion d'inhibition. Autrement dit, l'oubli intervient quand la remémoration ne s'accompagne pas de la gratification (renforcement positif). Pour Michaux (1974, p.41), on retrouve dans la provocation de l'oubli un processus analogue d'extinction, d'inhibition, lorsque le stimulus conditionnel est depuis longtemps mis en oeuvre sans adjonction conséquente du stimulus absolu, inconditionnel. On remarque que l'inhibition est susceptible de prendre fin lorsque le stimulus conditionnel longtemps abandonné est de nouveau réinstauré. Il prévoit néanmoins la possibilité de l'intervention des interférences (à comprendre ici comme étant des erreurs de circuits). L'erreur de circuit peut être rétroactive quand elle aboutit à l'évocation d'un souvenir fixé antérieurement ou proactive dans la mesure où elle se rabat aux souvenirs postérieurs à celui recherché.

Après ce débat sur le phénomène de la mémoire (versus l'oubli), nous sommes en droit de nous interroger si ce phénomène ne pourrait pas être expliqué différemment selon les diverses formes de mémoire. Cette interrogation est fondée dans la mesure où méme notre étude ne s'intéresse pas sur la mémoire en général mais se focalise sur une de ces composantes, en l'occurrence la mémoire de travail.

En effet, concernant la mémoire sensorielle, le nombre de mots rappelés décroît rapidement lorsque le délai de rappel est augmenté. Quant aux informations en mémoire à court terme, trois mécanismes expliquent le phénomène de l'oubli à savoir celui de la taille limitée du tampon de mémoire, celui du déclin naturel de la trace mnésique à la suite de l'absence de l'entretien par autorépétition et celui de l'interférence. S'agissant de la sauvegarde ou non des informations conservées en mémoire à long terme, l'oubli ne correspond pas à l'effacement complet d'une trace mnésique, mais plutôt à sa détérioration en raison d'interférences provoquées par l'encodage postérieur ou antérieur d'autres informations et/ ou d'une usure naturelle de la force de la trace jusqu'à des seuils tels que son activation n'est pas suffisante pour permettre la récupération (voir Da Silva Neves, pp.26-41).

Nous réalisons, enfin de compte à propos de l'oubli, que celui-ci est un phénomène qui
s'explique par beaucoup de facteurs dont certains sont soit liés aux caractéristiques propres aux
objets à mémoriser, soit à l'individu concerné par l'activité de mémorisation. Par ailleurs,

l'expérience de la vie courante nous apprend que, qu'on le veuille ou non, l'oubli est incontournable; l'être humain est quotidiennement soumis à un si grand nombre de stimulations (informations) qu'il est pratiquement impossible de se remémorer de toutes. C'est la raison pour laquelle l'oubli est, à l'exception de certains cas extrêmes, considéré comme un phénomène normal. Toutefois, il reste incontestable que certaines situations d'excès ou de déficit de la mémoire renvoient à des cas de pathologies de la mémoire.

II.5. Les pathologies de la mémoire

Notre intérêt de débattre sur les pathologies de la mémoire dans le cadre d'une étude portant sur la comparaison de l'efficience de la mémoire de travail entre des écoliers non entendant et écoliers entendant repose sur le fait que certains écarts peuvent être expliqués par l'une ou l'autre des pathologies de la mémoire plutôt que par le simple fait d'être entendant ou non. Autrement dit, notre souci est ici de comprendre les pathologies de la mémoire afin de nous éviter de sombrer éventuellement dans des inférences erronées par rapport au sujet traité.

Qui plus est, les cas de pathologies constituent des opportunités d'observations spontanées auxquelles le psychologue fait très souvent recours suite à l'impossibilité de procéder à des expériences provoquées pour des raisons d'éthique. Cela étant dit, faire abstraction de cette réalité dans notre revue critique de la littérature serait synonyme de nous priver délibérément d'une fructueuse source d'informations.

Les troubles de la mémoire dont il est question sont respectivement les hypermnésies, les amnésies et les distorsions de la notion du temps vécu. D'un point de vue étymologique, il apparaît que ce sont aussi bien des pathologies par défaut que par excès et dont l'étiologie peut se situer soit au niveau organique, soit à celui affectif (voir Pélicier, 1981, p.362).

II.5.1. Les hypermnésies

Les hypermnésies, comme le laisse transparaître la morphologie du mot, renvoient à des situations de capacités excessives de la mémoire. Ces pathologies traduisent une suractivité fonctionnelle de la mémoire d'évocation, car elles ne portent pas sur l'acquisition des souvenirs mais sur leur fixation. On en distingue de deux ordres à savoir les hypermnésies diffuses et les hypermnésies partielles. Les hypermnésies diffuses sont très fréquentes dans l'excitation maniaque où elles s'associent à l'euphorie ; le sujet se montrant bizarrement très dégourdi, expansif. On les observe aussi à la phase du début de la paralysie générale, dans l'ivresse alcoolique et après l'absorption de substances psychodysleptiques. Elles se distinguent des hypermnésies partielles par le fait qu'elles sont libres de toute prédilection particulière (Michaux, 1974, p.57).

Quant aux hypermnésies partielles, elles sont systématisées sur des souvenirs liés à des préoccupations affectives intenses. Ces hypermnésies affectives sont l'opposé des amnésies sous-- tendues par une genèse affective due au refoulement. Il en existe trois tableaux cliniques : l'hypermnésie délirante courante chez les délirants passionnels (les érotomanes vont par exemple exploiter un fait non porteur de grande signification en soi mais simplement parce qu'il permet d'alimenter leur illusion délirante d'être aimé et cela s'observe également chez les paranoïaques qui ne manquent aucune occasion pour grossir les moindres détails dans le sens d'une persécution sans merci), les hypermnésies partielles rencontrées chez les obsédés dont l'exaltation mnésique serait orientée dans le sens d'une obsession, d'une phobie et prend les allures d'une véritable torture, et enfin, le syndrome d'hypermnésie émotionnelle paroxystique tardif fréquent chez les sujets ayant fait l'expérience d'un passé particulièrement terrifiant comme celui de déportés, de rescapés de génocide ou de catastrophes naturelles de grande envergure (Michaux,1974, p. 58).

Nous tirons également de notre source d'information (Michaux, ibid.) que les hypermnésies partielles sont en quelque sorte l'opposé et le symétrique des amnésies de genèse affective. En effet, précise l'auteur, si ces dernières dépendent du refoulement de souvenirs désagréables, les hypermnésies affectives ressortissent à la dilection passionnée des faits plus ou moins anciens soigneusement conservés et parfois déformés.

Il convient par ailleurs de noter que la complexité des hypermnésies est telle qu'il est possible de
distinguer l'hypermnésie authentique (pure remémoration) des fausses hypermnésies oniriques
qui sont l'expression des hallucinations trouvant leur origine dans le passé (Michaux, 1974, p.59).

II.5.2. Les amnésies

Les amnésies traduisent une suspension plus ou moins longue de la mémoire, impliquant ses principales fonctions qui sont notamment la fixation, la conservation, l'évocation et la reconnaissance. Aussi, distingue-t-on les amnésies de fixation, les amnésies de remémoration et les ecmnésies (Pélicier, 1981, p.313).

Les amnésies de fixation sont antérogrades. Dans ce cas, l'évocation des souvenirs anciens reste intacte. C'est dire alors que « le nuage mnésique s'étend en avant aussi longtemps que dure le trouble de l'acquisition mnésique » (Pélicier, ibid.). On ne peut donc pas parler d'amnésie de fixation si les perceptions sont abolies par un trouble sensoriel ou suspendues par le coma. Les amnésies de remémoration, par leur essence même rétrogrades, sont détectables par évocation. Et elles sont de cinq ordres : les amnésies d'évocation rendant impossible l'accès aux souvenirs pourtant bien conservés, les amnésies résiduelles de fixation (amnésies lacunaires ou crépusculaires), les amnésies de conservation, les amnésies de reconnaissance et les amnésies sélectives d'origine affective (voir Pélicier, ibid.).

Il est clair que les troubles ci-dessus repris sont pour l'essentiel quantitatifs, mais notons avec Pélicier (1981, p.314) qu'il existe d'autres troubles qualitatifs surtout ceux touchant le rapport que le sujet entretient avec la notion de temps.

II. 5.3. Les distorsions de la notion du temps

Concernant les distorsions de la notion du temps, Pélicier (1981, p.314) isole deux grands ensembles en l'occurrence les troubles de la synthèse mnésique immédiate et les troubles de la remémoration du passé. Les troubles de la remémoration se présentent sous quatre aspects à savoir la fabulation, la falsification rétrospective délirante, l'ecmnésie et les visions panoramiques du passé.

Premièrement, la fabulation se traduit chez l'adulte par une dissolution de la mémoire sociale et est considérée comme normale chez l'enfant non encore socialisé. La fabulation se révèle être un cocktail imprécis de souvenirs et de constatations présentes. En plus, elle se distingue du mensonge par le fait que le menteur est mystificateur, conscient, au moment où le fabulateur est « à la fois élaborateur et la dupe » (Pélicier, 1981, p.314). Deuxièmement, quant à falsification rétrospective délirante, elle se démarque par le fait que le délirant imprime ses propres déformations, de bonne foi, à des événements antérieurs à son délire, les harmonisant avec les thèmes délirant ultérieurs. Troisièmement, l'ecmnésie, de son côté, est surtout rencontrée dans des cas de démences séniles, mais peut exceptionnellement être causée par une tumeur du quatrième ventricule. Le malade se cramponne à une époque précise de sa vie comme si toutes les autres acquisitions postérieures avaient été entièrement élaguées. Quatrièmement et enfin, le délirant qui souffre de visions panoramiques a comme impression que son passé se débobine en un seul coup.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein