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Les droits de l'homme et les difficultes de leur application en Haiti

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par Clement Noel
Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince, Haiti - Licence 2013
  

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INTRODUCTION GENERALE

L'homme est un «  animal politique1(*) », dit Aristote. Ce qui équivaut à dire qu'il est sociable ; et c'est cette sociabilité qui lui permet de pouvoir s'intégrer dans une société, ce pour pouvoir travailler à son organisation. A ce titre, cela est possible grâce à une capacité de rationalité dont il est doté et qui, du même coup, lui permet de pouvoir se différencier de l'animal qui, lui, est soumis à ses instincts. Cette capacité de rationalité permet à l'homme d'accéder à ce que Rousseau appelle « la perfectibilité2(*) », qui s'explique par le fait qu'il a, dans sa manière de penser le social, une possibilité de remettre en question son animalité, d'améliorer de jour en jour sa condition de vie dans l'espace où il évolue et de pouvoir prendre en considération ses droits ; en d'autres termes, cette capacité de perfectibilité lui donne le pouvoir de s'élever au-dessus de sa condition originelle. C'est, en effet, ce désir d'amélioration des conditions de vie dans la société qui pousse certains philosophes contractualistes comme Thomas Hobbes dans « Léviathan », John Locke dans « Traité sur le gouvernement civil »  et Jean Jacques Rousseau dans son « Du contrat social » , qui se sont révélés comme de véritables « vir bonus, dicendi peritus 3(*)», à initier, dans leur rhétorique, un ensemble de réflexions philosophico-politiques sur la nécessité d'un contrat social, c'est-à-dire la nécessité d'établir un modèle de structuration sociale susceptible d'assurer une combinaison harmonieuse entre les valeurs de l'état de nature avec celles imposées par la société. Mais cette question de contrat social n'est pas capable de résoudre définitivement la problématique de la complexité de la relation des hommes dans la société. L'adoption du contrat est l'objet de grandes controverses.

Ainsi, si pour certains il s'agit d'un instrument de pouvoir améliorer rationnellement la relation des hommes en société, pour d'autres, la question du contrat social est une mesure, dans une certaine mesure, de réduction de la liberté de l'homme dans la société, d'autant qu'il ne pourra pas agir en fonction de ses désirs, de sa volonté, mais en fonction des desiderata des autres membres de la société à laquelle il appartient. Car c'est à l'état de nature, d'après la « philosophie rousseauiste », que l'homme jouit pleinement et parfaitement de toute sa liberté. C'est l'exercice par chacun de celle-ci qui conduit purement et simplement à l'égalité. Contrairement à Rousseau, Hobbes pense qu'à l'état de nature l'homme est traversé par un instinct de domination et de conservation. Cela signifie que la société n'implique pas la corruption de l'homme. De ce point de vue, il faut mettre en place une entité morale neutre appelée à arbitrer la relation des hommes entre eux et à garantir la cohérence de la société, à prendre des décisions. Cette entité n'est autre que l'Etat. En revanche, ces décisions prises par ce dernier doivent refléter les aspirations de la conscience collective. Ce processus de la prise de décisions par l'Etat relève, d'une part, d'une manière d'endosser ses responsabilités en établissant un environnement propice à la prise en compte du bien-être collectif ; d'autre part, cela est lié aussi à une dimension d'institutionnalisation d'un certain nombre de principes lui permettant non seulement de pouvoir assurer la cristallisation de certains objectifs d'intérêt commun, mais surtout d'instituer une ère de bien-être, et un climat de protection en vue de contribuer à la construction d'un édifice de confort pour la vraie manifestation de la dignité de la personne humaine dans la société. D'où l'idée de l'instauration d'un véritable climat propice à la prise en considération des Droits de l'Homme.

L'idée des Droits de l'Homme, bien que problématique tant sur le plan politique que philosophique, est devenue un pôle d'attraction de la pensée intellectuelle moderne et une référence presque incontournable pour toute société qui se veut démocratique et libérale. En effet, le souci de contribuer à la propagation et à l'évangélisation de cette idée est une réponse logico-rationnelle à la situation de violence dont les individus sont l'objet, malgré la présence de l'Etat détenant, aux dires de Max Webber « le monopole de la contrainte physique légitime4(*) », dans la société de la part des groupes, des organismes politiques. Dans cette même logique, Georges Morel avance en disant qu'il faut : « supprimer dans toute la réalité publique les discriminations et les dominations, travailler à rendre tous les hommes libres, égaux et fraternels5(*) ». Cependant, de l'avis de Jean-Marie Domenach, l'idée des Droits de l'Homme est l'expression de la non acceptation de « l'individualisme égoïste, destructeur de la vie civique6(*) », dans la mesure où celle-ci est caractérisée par le sens du bien commun, et la prise en compte des besoins et des aspirations de la collectivité. D'ailleurs, cela est à l'origine même de la création de l'Etat qui doit incorporer, dans ses buts et revendications, les Droits de l'Homme, invoqués pour assurer la défense de l'humanité dont l'homme est porteur contre les agressions de l'Etat ou tout autre groupe.

Devenue une grande préoccupation pour la pensée politique moderne, la question de protection et de prise en compte de manière effective de la personne humaine semble ne pas relever de la responsabilité d'une catégorie de gens déterminée, d'une société donnée ou d'un pays spécifique, mais de la responsabilité morale de toutes les sociétés humaines, de tous les pays qu'ils soient développés ou sous -développés. Cette prise en compte de la dignité de la personne humaine en prônant la question des Droits de l'Homme, comprise comme possibilité certaine d'accessibilité à une meilleure condition de vie, se révèle surtout comme une garantie contre les risques que peuvent engendrer les inégalités sociales. En effet, cette idée de la prise en compte de la valeur du citoyen dans la société se manifeste dans de nombreux textes internationaux. C'est le cas de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 en France. Cette Déclaration est porteuse d'une revendication sociale susceptible de vouloir réorganiser rationnellement la société française à cette époque. Sans doute constitue-t-elle, par l'émission de ses rayons de lumière, l'un des symboles annonçant la fin de l'asservissement de l'homme. Elle a été renforcée, par la suite, par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 qui a marqué non seulement une nouvelle étape dans l'histoire des Droits de l'Homme en leur conférant une dimension universelle, mais encore elle a donné le « coup d'envoi » de la juridicisation des Droits de l'Homme. En outre, elle favorise la prise en charge par la communauté internationale de ces derniers à travers la mise en place d'un certain nombre d'institutions qui doivent présider à la préservation des principes émis par cette déclaration. Parmi ces institutions se trouvent, entre autres, le Conseil des Droits de l'Homme, le Haut commissariat aux Droits de l'Homme et la Cour Pénale Internationale.

Il faut souligner, toutefois, que les Droits de l'Homme sont devenus un terrain de disputes et de contradictions, et aussi menacés de discrédits. Car leur concrétisation requiert non seulement l'établissement d'un Etat de Droit, mais aussi une prise en compte de certaines différenciations culturelles. Par contre, l'Etat de Droit, pour son plein établissement et surtout son respect, exige la force. Ce qui ne fait qu'allumer la flamme, qui ne fait que surgir le problème, d'autant que tout recours à une force entraine des violations. De ce fait, la notion des Droits de l'Homme est une notion d'une fragilité extrême dans son application d'un pays à un autre dépendamment de la politique, ou de la stratégie qu'on met en place.

En effet, la Convention Européenne des Droits de l'Homme en 1950, dans le cadre du Conseil de l'Europe, établie par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, reconnait à tout individu, quand ses droits sont piétinés par un Etat ayant ratifié la convention, le droit de porter plainte par devant cette cour contre cet Etat. Ainsi, Haïti, éprouvée ce même désir de protection de la dignité de ses filles et fils, et ayant ratifié un certain nombre de traités et de conventions dans le domaine des Droits de l'Homme, ne saurait pouvoir échapper au respect de ces derniers, voire les fouler au pied. A ce titre, elle doit faire en sorte que ses sujets soient protégés contre un ensemble de pratiques dans la société haïtienne.

Toutefois, en observant avec une attention soutenue l'évolution de la situation des Droits de l'Homme en Haïti, compte tenu de l'intention manifeste de la part des organismes des droits humains tant sur le plan national qu'international présents dans ce pays pour assurer le respect de ces droits, on voit qu'il y a une sorte d'incohérence conjuguée d'une cassure déconcertante entre les discours construits autour du concept des Droits de l'Homme et la réalité de la situation des conditions de vie de la grande majorité de la population haïtienne. En clair, la question des Droits de l'Homme en Haïti s'inscrit dans une dynamique de violations fréquentes. L'Etat est incapable non seulement de respecter la dignité morale de l'être haïtien, c'est-à-dire la rationalité et la liberté de ce dernier, mais surtout l'Etat haïtien n'est pas en mesure de construire des stratégies devant lui permettre de freiner cette dynamique de violence dans laquelle évoluent les Droits de l'Homme.

Cette situation de violation des droits des citoyens haïtiens est due à un problème d'application réelle des Droits de l'Homme en Haïti. Attiré par un souci de recherche d'une explication cohérente et rationnelle de ce problème, on a jeté le dévolu sur ce sujet : « Les Droits de l'Homme et les difficultés de leur application en Haïti ». Et cette situation nous pousse aussi à poser certaines questions : sur quoi se fondent les difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti ? Pourquoi l'Etat, signataire d'un ensemble d'instruments internationaux relatifs aux Droits de l'Homme, n'arrive pas à garantir ou protéger les prescrits incorporés dans les textes ? La question des Droits de l'Homme peut-elle se réaliser sans une prise en compte du fonctionnement de la société ? Y-a-t-il un problème de structures ou de volonté politique ?

En vue de répondre à de telles interrogations, nous avons formulé l'hypothèse qui suit : «  Les difficultés d'application des droits de l'homme en Haïti se fondent sur des facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels ».

En traitant ce sujet, nous poursuivons les objectifs suivants :

- Dépister les problèmes qui font obstacle à une concrétisation réelle de l'application des Droits de l'Homme en Haïti ;

- Montrer que les cas de violation grave des Droits de l'Homme en Haïti sont fonction de la vulnérabilité de l'organisation de la société, des structures étatiques et de notre situation de sous-développement caractérisé par une misère absolue à laquelle fait face la grande partie de la population haïtienne, par voie de conséquence, handicap majeur à l'instauration d'un environnement propice aux Droits de l'Homme, à la démocratie et à l'Etat de droit ;

- Proposer des mesures palliatives en vue de colmater les brèches qui sont de nature à fragiliser une mise en application réelle des Droits de l'Homme en Haïti.

A la recherche d'une confirmation non seulement de l'hypothèse, mais aussi d'atteindre les objectifs de notre mémoire, nous avons privilégié, dans le cadre de notre travail, tout un ensemble de méthodes en vue de pouvoir mieux cerner la portée du sujet. Car la méthode, elle est saisie par Grawitz comme « est un moyen de parvenir à un aspect de la vérité, de répondre plus particulièrement à la question comment7(*) ». Vu que l'une ou l'autre méthode n'est pas suffisante par elle-même, c'est-à-dire l'une complète l'autre, nous avons envisagé : l'approche historique, celle qui nous a permis de saisir le contexte d'émergence dans lequel les Droits de l'Homme sont apparus. En outre, on a adoptée la méthode analytique, laquelle nous offre la possibilité de confronter les Droits de l'Homme par rapport à la réalité sociopolitique en Haïti. La méthode comparative a été également mise en valeur pour dresser une comparaison tant sur le plan international que national au niveau de l'application des Droits de l'Homme. Enfin, a été utilisée, dans notre travail, la méthode dialectique. En effet, selon Madeleine Grawitz la dialectique est  « la plus complète, la plus riche, la plus achevée des méthodes conduisant à l'explication en sociologie. Elle part des contradictions qui nous entourent8(*) ». Cette méthode nous permet de saisir dialectiquement la dynamique dans laquelle s'inscrit l'évolution des Droits de l'Homme en Haïti par rapport à la réalité sociopolitique.

Ce travail, à la recherche d'une compréhension rationnelle et logique des difficultés d'application des Droits de l'Homme en Haïti, et en vue de proposer des mesures susceptibles de favoriser l'application de ces derniers, nous l'avons élaboré en deux grandes parties, quatre chapitres, huit sections et seize sous-sections. La première partie, se subdivisant en deux chapitres, s'attache, d'une part à faire un tour d'horizon de l'histoire des Droits de l'Homme dans le temps et dans l'espace, et à saisir les Droits de l'Homme dans leur dimension épistémologique ; d'autre part, à faire aussi une mise au point relative aux mécanismes qui concourent à la protection des Droits de l'Homme. Pourtant, la deuxième partie, comportant elle aussi deux chapitres, s'inscrit dans une dynamique rationnelle d'explication et de compréhension des difficultés liées à l'application des Droits de l'Homme en Haïti. Elle vise également à faire état de la situation de violation des Droits de l'Homme en Haïti, et à proposer des mesures à adopter pour favoriser une application efficace et cohérente de ces derniers.

PREMIERE PARTIE

LES FONDEMENTS EPISTEMOLOGIQUES ET THEORIQUES DES DROITS DE L'HOMME

Les Droits de l'Homme, concept d'une singularité nuancée de part son extensibilité sémantique, constituent l'achèvement d'un système de valeurs, de principes généreux et l'aboutissement d'une évolution inscrite dans le frontispice de l'histoire de la philosophie où ils puisent leur véritable point d'ancrage. Cela équivaut à dire que la question des Droits de l'Homme est l'émanation d'un processus politique et historique et d'une prise de conscience de l'homme en sa dignité. Dans l'objectif de pouvoir opérationnaliser et préserver cette philosophie articulée autour de la prise de conscience de la dignité de l'homme, on a procédé à la mise en évidence de tout un ensemble de mécanismes.

* 1- Cité par Jacques Mourgeon, Les droits de l'homme, Puf, Paris, 1978, p.11.

* 2 - Saloua ADLI dans son mémoire de master 2 : La perfectibilité chez Rousseau, Université Pierre Mendès France, 2006-2007, p.1.

* 3 - Cette expression latine signifie: homme de bien qui sait parler.

* 4 - Cité par Bernard CHANTEBOUT in Droit constitutionnel, Armand Colin, Paris, 2006, p.8.

* 5 - Georges Morel, Les droits de l'homme en question, in Commission consultative des droits de l'homme, 1989. Les droits de l'homme en question, La documentation française, Paris, 1989, p.36.

* 6 - Jen Marie-Domenach, Interrogations in droits de l'homme en question, La documentation française, Paris, 1989, p. 21.

* 7 - Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Dalloz, Paris, 1993, p.383.

* 8 - Ibid.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld