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Les droits de l'homme et les difficultes de leur application en Haiti

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par Clement Noel
Faculte de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince, Haiti - Licence 2013
  

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CONCLUSION GENERALE

Dans l'ensemble, ce travail de recherche peut paraitre très ambitieux de part la nature de la thématique abordée : les difficultés d'applicabilité des Droits de l'Homme en Haïti. Les difficultés peuvent ne pas pouvoir s'analyser de la même manière, dépendamment du courant théorique dans lequel on se situe. Mais, un fait est certain, c'est que l'application des Droits de l'Homme en Haïti ne se porte pas trop bien. Elle reste aujourd'hui encore un défi de taille. C'est d'ailleurs notre principal intérêt en voulant démontrer qu'il se pose un redoutable problème d'applicabilité de ces droits dans la réalité sociale haïtienne. Cet état de fait nait du fait qu'il y a une relation de consubstantialité entre les Droits de l'Homme et la réalité sociopolitique du pays. Cela sous-entend que les Droits de l'Homme ne sauraient se penser en faisant l'économie d'un ensemble de conditions socioculturelles. Cela dit, les mécanismes de protection des Droits de l'Homme tant sur le plan national qu'international mis en place par les institution internationales et les organisations non gouvernementales et surtout par les différents systèmes de protection internationale de ces droits n'impliquent pas la résolution du problème. Car les conditions de développement du pays ne doivent pas être négligées quand on aborde la question des Droits de l'Homme. Les contraintes d'application auxquelles sont en butte ces droits en Haïti s'expliquent par cette absence : la non prise en considération des dimensions sociales, politiques et culturelles des Droits de l'Homme. Ces éléments sont indispensables, puisque ce sont les conditions dont dépend l'efficacité de l'application de ces droits en Haïti. Pour que les citoyens haïtiens puissent jouir intégralement de leurs droits, il faut qu'ils soient en mesure non seulement d'avoir la conscience de l'existence de ces droits, mais aussi de pouvoir les revendiquer. Pour ce faire, l'Etat doit, par la mise en oeuvre des structures y relatives, créer des conditions afin de pouvoir favoriser véritablement l'efficacité réelle des Droits de l'Homme.

Par ailleurs, la nature de l'Etat est aussi une condition essentielle pour la cristallisation de l'idéal des Droits de l'Homme. Par contre, il se trouve que l'on a un Etat dont la faiblesse répugne la conscience des citoyens haïtiens, c'est-à-dire un Etat qui est non seulement incapable de créer les conditions d'application des Droits de l'Homme, mais également incapable de diminuer la souffrance des haïtiens face à la situation de misère absolue dans laquelle ils s'installent depuis notre indépendance en 1804. Cette misère atroce est tellement présente dans la vie des gens que Colomé Anne-Marie a fait remarquer que : «  une portion de la population entassée dans les bidonvilles et dans les faubourgs (faux bourgs) haïtiens vit littéralement dans un état de deshumanisation caractérisé notamment par l'absence de vie privée97(*) ». La défaillance de l'Etat haïtien ne date d'hier. Dans le même esprit, Laennec Hurbon avance que : « L'une des caractéristiques principales de l'Etat haïtien est son impuissance à répondre à un certain nombre de revendications qui lui sont toutes adressées directement depuis 1986 : eau potable, électricité pour tous, scolarisation universelle, (environ 15% seulement des écoles publiques primaires et secondaires sont prises en charge par l'Etat), voies de communication, sécurité des citoyens et de la propriété, protection de l'environnement98(*) ». Le pays est ancré dans un système politique traditionnel marqué profondément par les séquelles du colonialisme. Il se caractérise particulièrement par l'autoritarisme, la corruption, l'enrichissement illicite, la marginalisation de la masse, la monopolisation de la vie politique, et l'injustice sociale. Ces caractéristiques correspondent à ce qu'André Corten appelle « le mal politique 99(*)», c'est-à-dire l'acceptabilité de la deshumanisation de la masse. De surcroît, il s'agit d'un système politique qui s'est révélé incapable de prendre en compte la question du développement national, car il est revêtu d'une grande importance pour favoriser le respect des Droits de l'Homme, et ceci est historiquement prouvé. Le Chef de l'Etat se veut l'incarnation de l'autorité. Il a tendance à personnaliser l'Etat, à l'instar de Louis XIV qui disait que : «  l'Etat, c'est moi100(*) ». Il a une influence sur presque tous les pouvoirs de l'Etat. Ce qui est, d'ailleurs une hypothèque, voire une entrave à la réalisation des Droits de l'Homme.

En effet, une telle situation est de nature à causer aux citoyens haïtiens de très grandes frustrations. Ils sont totalement écartés de la gestion de la chose publique (Res publica). Un pays où il y a une réticence systématique à la discussion rationnelle. Les citoyens ont certaines fois une peur bleue à exprimer leurs opinions. Participer dans la politique haïtienne est un vrai sacrifice ou un vrai moyen d'hypothéquer non pas votre liberté, mais un moyen quasiment sûr de vous voir tuer, de voir votre femme violée et vos enfants torturés. Les détenteurs du pouvoir politique se comportent comme des maitres à l'égard des citoyens, assimilés, dans l'immensité des cas, à des esclaves. Certes, l'esclavage est aboli dans la constitution haïtienne, mais on a comme l'impression que l'on se retrouve, face à nos dirigeants, dans des situations où nous sommes pris comme des purs esclaves. Parfois, ils les réduisent comme des instruments pour atteindre leurs buts. Qui pis est, c'est qu'ils pensent qu'ils ont droit de vie et de mort sur elle, en particulier sur ceux qui s'y opposent. Cette situation est scandaleusement inacceptable et ne fait qu'aggraver la fragilité et l'inapplication des Droits de l'Homme en Haïti.

A la lumière de ces considérations, il importe de mettre l'accent sur un système politique pour assurer le respect des Droits de l'Homme. Car le respect de ces derniers est fonction aussi de la rationalité du régime politique du pays. En outre, les Droits de l'Homme, la démocratie, l'instauration d'un Etat de Droit et le niveau de développement social du pays ne sauraient se réaliser en dehors d'une prise en compte du système politique, c'est-à-dire la manière on organise la société sur le plan politique. Le mauvais fonctionnement de la justice haïtienne constitue également un obstacle majeur à la réalisation des Droits de l'Homme et à l'instauration d'un véritable Etat de Droit. Donc, il faut réformer la justice haïtienne, et créer également d'autres tribunaux dans les régions du pays. Cela répond à la nécessite de la démocratisation de la justice haïtienne, car la justice est une dette sociale. Tout individu doit absolument y avoir accès sans encombre.

Comme cela a été démontré précédemment, la démocratie sur laquelle il convient de mettre l'emphase dans le cadre de la construction des stratégies à mettre en oeuvre en faveur de l'application des Droits de l'Homme en Haïti, est celle qui doit tendre vers le réveil de la conscience haïtienne, et ce à seule fin de créer des conditions essentielles d'émergence de sa dignité. Ce réveil de la conscience citoyenne va provoquer un sentiment d'appartenance à une communauté. Car c'est une exigence morale et une responsabilité civique, pour paraphraser Hanna Arrent, philosophe américaine du 20e siècle, pour le citoyen de la cité. Il faut construire notre propre stratégie pour instaurer une démocratie à l'haïtienne. Dès lors qu'il s'agit d'une démocratie prônée en Amérique, ou celle prônée en Europe, elle peut se heurter à de grands obstacles, car la réalité socioculturelle haïtienne est tout autrement. Néanmoins, pour pouvoir implanter cette démocratie, il importe d'accorder la primauté à l'éducation des citoyens, puisque l'effectivité d'une vraie démocratie ressort à des conditions sociales et psychologiques nécessaires qui doivent beaucoup à la sagacité et à la finesse intellectuelle des citoyens. Et cela ne reste sans incidence sur les Droits de l'Homme dont l'efficacité se cristallise en prenant en considération tout un ensemble de conditions socioculturelles des gens.

Dès lors qu'un pays est sous-développé, c'est-à-dire qu'il est dans l'incapacité de résoudre un certain nombre de problèmes, l'application réelle des Droits de l'Homme se révèle problématique et fragile, car ces derniers ne sont pas quelque chose d'abstrait, mais liés à un ensemble de conditions sociopolitiques spécifiques. Donc, il faut réduire la situation de pauvreté et de misère absolue dans laquelle est plongée la grande partie de la population haïtienne depuis bien des temps. Il est absolument nécessaire de placer l'intérêt de la collectivité au premier plan. Et ce pour arriver à la création d'une société équilibrée, une société de justice sociale. C'est l'une des premières conditions de commencement de la réalisation de la dignité de la personne humaine.

Il faut lutter pour le respect des Droits de l'Homme. Cette lutte est perpétuelle. Lutter pour la prise en compte réelle des Droits de l'Homme n'implique pas de se circonscrire dans une vision angélique, voire utopique de ces droits immanents à la nature humaine, mais ils font partie essentielle d'un projet politique, social réaliste s'inscrivant dans la dynamique même de la vie de l'homme en société. Pour répéter cette maxime latine : «  sol lucet, omnibus », qui signifie que le soleil luit pour tout le monde. Autrement dit, tout le monde a le droit de jouir de certains avantages naturels. Travaillons dans cette logique pour la démocratisation des conditions d'une vie meilleure pour tous les membres de la société dans une perspective de l'établissement d'un véritable Etat de Droit en Haïti.

* 97 - Cité par André Corten, in Misère, religion et politique en Haïti. Diabolisation et mal politique, Karthala, Paris, 2001, p. 19.

* 98 - Laennec Hurbon, in Michel Hector et Laennec Hurbon(dir), Genèse de l'Etat haïtien(1804- 1859), Presses nationales, Port-au-Prince, 2009, p.11-12.

* 99 - André Corten, Op.cit. p. 18.

* 100 - Cité par Dominique Turpin, Droit constitutionnel, Puf, Paris, 1992, p. 13.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon