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La chronique de Philippe Mousket

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par Thibault Montbazet
Université Paris-IV Sorbonne - Master dà¢â‚¬â„¢histoire médiévale 2011
  

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1) Présentation de la chronique

La Chronique rimée, ainsi baptisée un peu arbitrairement par l'auteur moderne1, se veut une histoire des rois de France qui commence, conformément à la tradition chère aux historiens médiévaux, au siège de Troie pour s'arrêter brusquement, inachevée, en 1243. Elle se compose de 31 287 vers2, octosyllabes à rimes plates, qui est la forme traditionnelle du roman. Elle est pour sa première partie une compilation faite d'emprunts à de multiples sources et récits légendaires, miracles, croyances, chansons de geste et agencée parfois sans grand souci d'ordre chronologique. Après la période carolingienne, largement marquée par la matière épique, elle se fait plus précise et historique, devenant une source narrative de premier ordre à partir du règne de Philippe Auguste et jusqu'à l'époque contemporaine de l'auteur. Charlemagne est clairement la figure dominante du récit, puisque l'histoire de son règne occupe quasiment un tiers de l'oeuvre. Après les Carolingiens, les rois de France s'effacent et laissent la place aux grands feudataires et surtout aux Normands, jusqu'à Louis VII. La rivalité avec les Plantagenêt tient le haut du pavé. C'est ensuite Philippe Auguste et la bataille de Bouvines qui forment le second pivot principal de la chronique, suivi par le récit des règnes de ses deux successeurs, avant tout marqués par la croisade contre les Albigeois, les affaires de Flandres et les évènements de l'Empire latin de Constantinople.

Le terme de chronique est peut-être erroné. Si l'on devait se conformer à la distinction classique faite par Eusèbe de Césarée entre histoire et chronique, il faudrait sans douter parler d'histoire. La chronique, en effet, est avant tout un effort de reconstruction chronologique du passé, elle est la succession datée des évènements et son style doit être caractérisé par sa brevitas. Il en va tout autrement de l'histoire qui est un récit, à l'écriture enflée (prolixitas) et dégagée du cadre rigide de la chronologie. Le récit historique est là plus marqué par les

1 F. Reiffenberg (éd.), Chronique rimée de Philippe Mouskés, évêque de Tournay au treizième siècle, 3 t., Hayez, Collection des chroniques belges inédites, Bruxelles, 1836-1845.

2 Reiffenberg n'en compte que 31 286, car il en saute un dans le prologue. De multiples erreurs parsèment son édition.

5

exempla, par la volonté d'édification ou de plaisir littéraire. L'oeuvre de Philippe Mousket, en plus de 30 000 vers, ne contient que sept dates, dont une seulement concerne les temps anciens (814, la mort de Charlemagne), les autres se répartissant entre 1223 et 1242, période strictement contemporaine de l'auteur. Il écarte volontairement les années quand il suit ses sources pour ne garder comme repères temporels que la rhétorique classique des chansons de geste ou de la poésie lyrique (« Un été », « Au temps où l'on récolte le blé », « Au temps où les bourgeons éclosent »...). Enfin, l'agencement narratif, surtout jusqu'aux premiers Capétiens, est largement marqué par l'atemporalité mythique de l'épopée, par la succession touffue de miracles, de batailles ou de légendes. Mousket lui-même ne prononce pas le mot de chronique, mais se revendique du genre de l'historia :

Phelippres Mouskes s'entremet, Ensi que point de faus n'i met, Tout sans douner et sans proumetre, Des Rois de Franche en rime mettre Toute l'estorie et la lignie.1

Philipp Bennett a ainsi pertinemment proposé de parler d'Histoire généalogique des rois de France2. Le titre s'est cependant imposé aujourd'hui dans l'historiographie et, ces questions soulevées, nous parlerons dorénavant par commodité de la chronique de Philippe Mousket.

Le récit est une collection de sources diverses, marquée par des phases de ralentissement et d'accélération. Par souci de clarté, et afin que de rendre compte des différentes parties de la chronique et de leurs proportions, nous proposons ici une brève table analytique.

De la guerre de Troie à la mort de Pépin le Bref (768). 2341 vers, 7,5 % De la guerre de Troie à Clovis. 337 vers.

De Clovis au couronnement de Pépin. 1 673 vers.

Le règne de Pépin le Bref. 281 vers.

Le règne de Charlemagne (768-814). 9791 vers, 31 % Vie et règne de Charlemagne. 2385 vers.

1 Reiffenberg, op. cit., v. 1-5.

2 P. Bennet, « Epopée, histoire, généalogie », Les chansons de geste. Actes du XVIe congrès international de la société Rencesvals, Grenade, 2003, p. 9-38.

6

Campagnes d'Espagne et Roncevaux. 5086 vers.

Les quatre fils Aymon et guerre contre les Saxons. 207 vers.

Pèlerinage de Charlemagne, description des lieux saints et énumération

des reliques rapportées. 1478 vers.

Fin du règne, testament, mort et éloges. 634 vers.

De Louis le Pieux à Philippe Auguste (814-1180). 7019 vers, 22,5 %

Règne de Louis le Pieux. 329 vers.

De Charles le Chauve à Charles le Simple. 390 vers.

Histoire des Normands, des origines jusqu'à Guillaume le Conquérant

(les derniers Carolingiens et les premiers capétiens s'effacent, mais leur

histoire reste présente). 3481 vers.

Guillaume le Conquérant et les guerres de succession en Angleterre. 2321

vers.

Règne de Louis VII. 494 vers.

Le règne de Philippe Auguste (1180-1223). 5026 vers, 16 %

Débuts du règne jusqu'à la croisade. 364 vers.

Troisième croisade. 321 vers.

Capture de Richard Coeur-de-Lion et conquêtes de Philippe Auguste. 213

vers.

Affaires de succession dans l'Empire. 307 vers.

Guerres contre les Plantagenêt et Bouvines. 1969 vers.

Début de la croisade Albigeoise. 143 vers.

Expédition d'Angleterre. 265 vers.

Croisade contre les Albigeois et croisade d'Egypte. 215 vers.

Quatrième croisade. 249 vers.

Fin du règne, éloge et testament. 737 vers.

De Louis VIII à la fin de la chronique (1223-1243). 7105 vers, 23 % Début du règne. 517 vers.

Episode du Faux Baudouin. 861 vers.

Croisade contre les Albigeois, siège d'Avignon et mort de Louis VIII. 2163 vers.

De 1226 à 1243 (récit plus dense qui oscille entre les révoltes des barons

contre Louis IX, les affaires de Frédéric II en Sicile et les règnes des empereurs latins de Constantinople). 3546 vers.

7

On voit déjà ici apparaître les évènements et les règnes qui comptent pour Philippe Mousket. On remarque aussi sa tendance à dépasser le seul règne des rois de France pour relater les actions de ses contemporains qu'il regarde depuis la Flandre.

De cette chronique ornementée, alourdie aussi, de chansons, de romans et de vies de saint, émane parfois une certaine impression de désordre. Le canevas est, en tous les cas, clairement chronologique. Si Philippe Mousket ne fait pas de la distinctio temporum une priorité de son travail, il a une certaine connaissance de l'ordre et de la succession des évènements du passé. On le voit quand il intègre des résumés de chansons de geste à la trame historique : il ne les insère pas au hasard, mais à une époque précise à laquelle est réputée appartenir l'épopée. C'est ainsi le cas de la chanson de Gormont et Isembard : il aurait été facile de confondre, comme d'autres auteurs, le roi Louis avec Louis le Pieux. Mais Mousket, qui a une certaine idée de la chronologie des invasions normandes, place au Xème siècle cette chanson, sous le règne de Louis IV. Il aurait certes fallu la placer sous celui de Louis III, mais du moins discerne-t-on un effort pour dater les poèmes épiques.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote