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Syrie: d'une révolte populaire à  un conflit armé

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par Sophia El Horri
Université Paris VIII - Master 2 Géopolitique 2012
  

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II.1.2. Le premier trimestre de la révolte : l'échiquier syrien se met en place

La seconde moitié du mois de mars 2011 sonna le début de la révolte : le 15, le site d'opposition basé à Dubaï, All4Syria37, indique qu'une centaine de Syriens manifestent au coeur de Damas pour appeler à plus de libertés, 32 personnes sont arrêtés pour « atteinte au prestige de l'Etat ». Mais la surenchère sécuritaire se gâte à Deraa le 20 mars : on ouvre le feu et une personne meurt. La foule incendie le siège du parti Baas et le palais de justice de la ville, bâtiments officiels du pouvoir. Les manifestants crient des slogans particulièrement hostiles à Rami Makhlouf, cousin germain du président El Assad, actionnaire majoritaire de Syriatel, et considéré comme l'homme d'affaires le plus puissant de Syrie.

37 http://all4syria.info/web/

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La grande ville de Deraa, sur le plateau du Hauran, se retrouve vite encerclée38 par les blindés de fin mars à début mai, avant de se diriger vers Banyas. Il n'était plus possible pour les ambulances, d'entrer dans cette localité.

D'abord critiques de la réaction extrêmement violente du régime à la crise, des habitants de la région druze d'as Suweida commencent à se soulever. Là encore, c'est la brutalité du régime et ses dysfonctionnements qui sont à l'origine de la colère druze : Mountaha Al Atrach, fille du sultan Pacha El Atrach, figure célèbre de la lutte syrienne contre les mandataires français, est emprisonnée.

Quant à Baniyas, ville côtière mixte, la situation était pré-insurrectionnelle : la police aurait déserté les rues. Le 15 mars, un cheikh de cette localité s'est même exprimé depuis un balcon d'un bâtiment public, demandant notamment la fin de l'état d'urgence décrété il y a quarante neuf ans. Le bilan des morts s'alourdit, les manifestations sont hebdomadaires, et les premières instabilités se font ressentir. Le gouvernement est limogé, et le 19 avril, alors que les nouveaux ministres de Adel Safar viennent tout juste d'être nommés, l'état d'urgence est levé, soit une des revendications principales des manifestants.

A partir du mois d'avril, les cases de l'échiquier syrien commencent à bouger : le pouvoir politique tente de réagir pour calmer le rythme et l'intensité des manifestations et les foules commencent à s'armer contre l'armée syrienne ou la police. Les affrontements à Baniyas ont fait 15 morts parmi les forces spéciales et la 4ème division. Du côté des opposants, dix personnes sont mortes et 400 arrêtées. L'équilibre entre les pertes d'un camp à l'autre laisse penser que les opposants étaient armés. Sur le plan international, le ton monte contre le régime syrien. La France, les Etats Unis, la Ligue arabe et l'ONU commencent à exercer des pressions pour calmer la répression contre les civils.

Les printemps arabes ont démontré la force de propagation du phénomène révolutionnaire à tous les pays de la région arabo-musulmane. En s'appuyant sur des médias de transmission plus libre, les révolutions ont été assistées par les ordinateurs. En effet, les médias et le Web 2.0 ont permis à des voix souvent étouffées par les régimes en place de se révéler, de se rassembler et d'agir contre le pouvoir : Facebook, Twitter, Télécomix et d'autres supports permettent la transmission d'informations immédiates (« News from the ground ») pour créer une forme de mémoire vive de la révolution. Ces vidéos forment aussi la

38 http://www.liberation.fr/monde/01012335591-syrie-l-armee-promet-la-fin-du-siege-de-deraa-a-partir-d-aujourd-hui

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base de données principale des grandes chaines d'information comme Al Jazeera. Pourtant, au départ de l'insurrection à Daraa puis ensuite à Hama et à Homs, la chaine Al Jazeera ne joue pas le même rôle qu'auparavant pour encourager la révolte, le Qatar ne sachant pas encore quelle ligne diplomatique et donc éditoriale adopter concernant la Syrie.

Pour ce qui est des raisons de cette révolte, l'histoire, la fragmentation socio spatiale, les disparités économiques, en plus d'un manque de libertés et de droits fondamentaux peuvent dresser un portait des motifs des soulèvements et de la crise syrienne. En mars, les manifestants demandaient la fin de l'état d'urgence, la libération des prisonniers politiques, la fin de la corruption et des réformes démocratiques. Ils s'en prenaient aux emblèmes du clientélisme, de la prédation, de l'absence de Droit égal pour tous : à Deraa, les manifestants ont dénoncé le richissime magnat des télécommunications Rami Makhloof, cousin de Bachar, dont la corruption est bien connue-- il a d'ailleurs été placé sous le régime des sanctions par l'administration américaine-- et dont les compagnies emploient des milliers de Syriens. «Dégage Makhloof, nous ne voulons plus de voleurs», est d'ailleurs un des slogans préférés des manifestants. Depuis le mois d'avril, les manifestants s'en prennent directement au régime.

Les slogans syriens sont inspirés des contestataires des rues égyptiennes pendant les vendredis de « défi » ou de « colère ». Les vendredi 1er et 8 Avril, en Syrie, les soulèvements s'étendent aux villes de Baniyas, Tartous, Homs et à des communes du grand Damas. Les revendications sont homogénéisées dans toutes les villes de la contestation : la fin de l'État d'urgence, la dissolution du Baath, la libération des prisonniers politiques, et l'organisation d'élections libres et transparentes. Ils scandent : « A cha`b yourid isqat an nidham » « Le peuple veut faire chuter le régime », ou encore « `irhal `irhal ya bachar » « Dégage, Dégage Bachar ! ».Remarquons que jusqu'à maintenant, la foule ne demandait pas encore le départ du président. A présent, la guerre est bien déclarée entre l'opposition, vivifiée par la répression de Deraa, et le régime. Cette opposition sera à son azimut à partir de la fin du mois de juin, période pendant laquelle les opposants refuseront le « dialogue national » proposé par Bachar El Assad.

De son côté, la communauté syrienne de l'étranger s'organise et adopte les mêmes slogans et les mêmes revendications. Les manifestations se font dans la même forme et sont pacifiques. A l'étranger, des collectifs spontanés en soutien au peuple syrien s'organisent autour d'évènements destinés à noyer le discours de propagande du pouvoir

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syrien, en faisant la promotion de la culture syrienne, en se faisant entourer de forces collectives et syndicales étrangères pour mobiliser le plus de monde dans leur manifestation. Ainsi à Lyon, ville dans laquelle j'étudiais l'année dernière, j'ai pu pendre part à l'organisation avec le Collectif de Citoyens Syriens de Lyon de nombreux rassemblements culturels visant à diffuser un message politique : concerts, conférences avec d'anciens prisonniers politiques, déambulations avec chandelles à la main pour chaque victime de la répression. En Europe, plusieurs déambulations pacifiques sont organisées pour sensibiliser la population et les médias sur les massacres des populations civiles. Ce sera, plus tard, aussi le principal argument de rassemblement du Conseil National Syrien, qui organise quant à lui la chute du régime de Bachar El Assad sur la scène internationale.

C'est en Avril également, que les ambassades syriennes en Europe décident de communiquer contre l'opposition: une guerre intercommunautaire est le spectre brandi par le pouvoir pour présenter la situation en Syrie comme une guerre civile interconfessionnelle, commanditée par les intégristes sunnites contre Alaouites et chrétiens. A Paris et à Lyon, les drapeaux syriens ainsi que des objets à l'effigie de Bachar El-Assad sont donnés aux manifestants pro régime. Ces mobilisations sont filmées et diffusées. Des sites sur la Toile voient aussi le jour : comme « souria houria39 ». Tous les moyens et stratégies de communication visent à dénoncer et riposter contre les discours syriens officiels. L'objectif est clair-- le discours officiel étant celui-ci : il existe un complot contre la Syrie visant à déstabiliser le régime pour s'emparer du pays et imposer un nouvel ordre-- les opposants de l'intérieur comme de l'extérieur dénoncent ce mensonge dont la fin est de légitimer la violence. L'opposition légitime sa rébellion en utilisant l'argument de la violence et de la tyrannie.

De la mi-avril à la fin du mois, la propagation des soulèvements dans les milieux urbains contraint le président à prononcer un nouveau discours devant le nouveau gouvernement, dans lequel il met fin à l'État d'urgence, en vigueur depuis 1963. Mais sur le terrain, la répression continue. Chaque vendredi, les forces de sécurité tirent sur la foule, qui demande désormais le départ du président. Cette mutation de la critique, qui dénonce à présent le plus haut niveau de l'Etat, ne manque pas d'intéresser les médias qui captent à chaque témoignage d'habitant sinistré ou d'opposant des éléments de langage qui personnifient les actes de barbarie et les bavures militaires en Bachar El Assad lui-même.

39 http://souriahouria.com/

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Le 29 avril, Barack Obama, président des Etats Unis, promulgue de nouvelles sanctions ciblées contre les services de renseignement et deux proches d'Assad; la Maison blanche appelle le président syrien à "changer de cap et tenir compte des appels de son propre peuple". Le dossier syrien semble avoir atteint une autre échelle, cette fois-ci internationale.

La répression ne faiblit pas, le 30 Avril : les chars sont déployés sur Deraa. De Mars jusqu'à fin avril, la Syrie des villes devient la scène d'affrontements de plus en plus violents avec les forces de sécurité. Comme on le voit sur la carte, le nombre de morts cumulés depuis le début de la révolte à Deraa atteint plus de neuf cent personnes selon l'ONU ou l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, basé à Londres40. Les grandes agglomérations de l'axe Idlib/Deraa et Lattaquié/Tartous sont plus ou moins touchés par les manifestations et les répressions. La carte ci dessous, qui provient de la chronologie du Monde, fait état du nombre de morts par ville. Incontestablement, Homs et Deraa sont les épicentres de la révolte.

(c) http://www.lemonde.fr/international/infographie/2012/03/01/chronologie-une-annee-de-repression-
en-syrie_1650425_3210.html

Il faudra que je me penche plus attentivement sur les caractéristiques des villes qui se sont soulevées car Deraa et Homs possèdent certainement des points communs qui permettraient de comprendre les causes structurelles de la révolte, inhérentes à la crise du système économique agricole, administratif et politique. Cependant, un autre problème subsiste : comment expliquer le soulèvement de villes côtières comme Lattaquié alors qu'elles

40 http://www.syriahr.com/articels.html

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ont été annexées par l'expansion territoriale et régionale alaouite. La réponse réside elle-même dans les clivages et représentations qui existent au sein de la société syrienne, en plus d'être inscrites dans les rapports de dominant/dominé qui subsistent et sont vivifiés entre communautés. Nous verrons tout cela plus tard.

A la fin du premier trimestre de la révolte, en juin, Bachar El Assad et la répression deviennent les cibles des ONG et des Organisations internationales, aussi décrète-t-il une amnistie générale aux détenus politiques, y compris des Frères musulmans. Le mois de juin est aussi la période de confusion et de doute au sein de l'opposition. Les médias se font les relais d'informations non vérifiées, fausses et qui portent un coup à la crédibilité de l'opposition : l'affaire de la bloggeuse lesbienne, Amina abdallâh, qui avait été enlevée par le régime selon des militants est en fait un étudiant américain installé en Ecosse.

Alors que les manifestations se poursuivent et s'étalent dans la semaine (ne sont plus à l'occasion des vendredis thématiques), à Antalya, différents pans de l'opposition syrienne se retrouvent pour exiger la chute du régime. Il est déclaré que ce régime a perdu de fait toute sa souveraineté et sa légitimité, et qu'il ne peut y avoir de dialogue possible ni de foi en les promesses d'un pouvoir qui tue sa population. Sept jours après cette réunion, à Jisr al Choughour, des combats opposent les forces de sécurité à des déserteurs. Le 20 juin, le président s'exprime et lance un dialogue national qui n'aura aucune résonance et sera boycotté par l'opposition. Les flots de réfugiés, par ailleurs ne tarissent pas en Turquie. 27 juin, 200 opposants et intellectuels se sont réunis à Damas, discussions sur les meilleures stratégies à adopter pour la transition démocratique. On pouvait lire sur le post Facebook du groupe « Syrie Moderne Démocratique Laïque » : »Cette affaire risque de porter atteinte à la crédibilité de ceux qui soutiennent le soulèvement pour la liberté en Syrie. M. Tom MacMaster a agit d'une façon irresponsable. Mais, tout de même, quel dommage qu'Amina n'existe pas ! ». Dans une bataille qui se joue aussi sur le terrain de la désinformation et de la vérité, chaque contribution, chaque récit est une bataille décisive.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984