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La reconnaissance des mouvements rebelles dans la pratique internationale contemporaine

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par Gabriel MUGISHO Dunia
Université Catholique de Bukavu - Licence en droit public interne et international 2012
  

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§2. Problème de licéité

Ces nouvelles formes de reconnaissance infléchissent des normes traditionnelles. Nous avons défini la reconnaissance comme une procédure d'identification de l'État sur la scène internationale. On le sait, l'État de droit est apparu comme une notion légitimant la reconnaissance des mouvements rebelles. Cette notion a été la justification de la guerre à la Libye mais demeure jusqu'en ce jour une notion de droit interne.41(*)

D'où le problème de licéité de la reconnaissance soutenue sur cette base. Nous démontrerons dans le paragraphe suivant que cette base est erronée et ne saurait nous convaincre amplement. Après KADHAFFI, la situation s'étant empirée, nous sommes d'avis que la compétence étant uniquement basée sur le fait de la détention de la plus grande force ne saurait être garantie. SCELLE a dit qu'elle est à la merci de la force comme elle est fondée sur la force.42(*)

Pourtant, il peut en être autrement, lorsque le vice originaire se trouve purgé. Une telle purge peut passer soit par le procédé de la constitutionnalisation, soit par celui de la prescription. La première hypothèse semble avoir été suivie par la Libye. Mais de quelle manière ? En analysant le contexte dans lequel intervint l'action en Libye, telle que la présentation des faits ci-haut le démontre, on se rend compte de l'illicéité de la reconnaissance y consécutive. Le gouvernement de KADHAFIétait limité à la région de Tripoli. En ce sens,il ne pouvait plus poser de menace à la population civile. Néanmoins, l'opération militaire de l'OTAN se poursuivit. Sur un plan technique, l'appréciation de la pratique internationale contemporaine est bien plus complexe. L'insuffisance des capacités militaires des rebelles pour battre les troupes de KADHAFI, même en recevant de l'aide internationale, avait poussé l'OTAN à intensifier les bombardements, parfois d'une façon exagérée. D'où la nécessité de se poser la question si l'OTAN s'avérait incapable d'effectuer une distinction entre les deux camps de combattants, était-elle en mesure de ne viser que des cibles militaires, en épargnant toute la population civile comme le suggère les principes cardinaux du droit international humanitaire. La réponse est qu'elle n'a rien décidé : Cela révèle les crimes de guerre commis par l'OTAN. Ce qui constitue également une violation du principe de distinction connu en droit international humanitaire et selon lequel : « Toute personne impliquée dans un conflit armé doit distinguer les personnes civiles et militaires. »43(*)

Pourquoi reconnaître de tels mouvements s'ils veulent acquérir le pouvoir par la force ? Les obligations internationales (établies par les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et sur les relations consulaires par exemple) de protéger les ambassades étrangères ou de fournir un accès consulaire aux ressortissants étrangers capturés, sont reconnus à quel pouvoir ? Alors que l'on sait l'indéniable interdépendance entre l'établissement des relations diplomatiques et la reconnaissance, l'on se demande le bienfondé de cette dernière quand l'effectivité du gouvernement joue encore sur une partie du territoire. Alors qu'une déclaration unilatérale en conflit avec une norme impérative du droit international est nulle44(*), les États se sont empressés à reconnaître le CNT. Une telle déclaration viole en substance ce huitième principe directeur applicable aux déclarations unilatérales.

La reconnaissance du CNT a dans ce sens entravé le gouvernement dans l'exercice de son devoir de protection. Le seul critère en droit pour la reconnaissance d'une autorité ou d'un groupe en tant que gouvernement d'un État, est l'exercice d'un contrôle efficace sur le territoire de l'État. La France avait reconnu le CNT en plein début du conflit. Presque cinq mois après cette reconnaissance, le CNT ne possédait pas un «contrôle efficace» sur la Libye. La capitale du pays, Tripoli, restait encore sous le contrôle de KADHAFI. Il en découle qu'une telle reconnaissance intervient en violation du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures. L'illicéité d'une telle mesure se fait clairement voir au regard de la théorie évoquée dans le premier chapitre.

La reconnaissance d'un groupe belligérant en tant que gouvernement alors qu'un autre gouvernement exerce ses fonctions dans la capitale du pays est, selon le droit international, une ingérence illégale dans les affaires intérieures d'un pays. Au demeurant, de cette diversité définitionnelle, l'on retient que la reconnaissance peut porter sur un nouvel État ou un gouvernement nouveau parvenu au pouvoir par voies inconstitutionnelles. Dans ce dernier cas, il s'agit d'un État déjà existant et reconnue comme État, mais dont l'ordre politique a connu des changements fondamentaux: coups d'État, révolution, etc. Il lui faudra alors l'imperium. C'est ainsi que l'institution de droit international (IDI) avait défini cette forme de reconnaissance comme étant « l'acte par lequel un ou plusieurs États constatent qu'une personne ou un groupe de personnes sont en mesure d'engager l'État qu'elles prétendent représenter en témoignant de leur volonté d'entretenir avec elles des relations. »45(*) Le fait que cette définition est muette quant à la nature du gouvernement ou à la manière avec laquelle il est arrivé au pouvoir malgré les doctrines de refus de reconnaissance qui ont été développées, ne nous aide pas à démontrer que les mouvements rebelles ne doivent pas être reconnus suivant en cela la manière avec laquelle ils se constituent et se lancent dans des opérations militaires en vue du renversement d'un gouvernement légitime ou non.

Le devoir d'intervention humanitaire reconnu parfois en lieu et place de l'obligation de non-ingérence, peut-il donner force à cette reconnaissance ? Il existe c'est vraie, une tension réelle entre cette nouvelle pratique consistant à reconnaître des mouvements sans personnalité juridique internationale et le principe fondamental de la souveraineté de l'État. Mais, est-ce qu'on doit dénier à un État qui estime qu'il est dans son obligation de reconnaître ces mouvements une telle prérogative ? Aliis verbis, ne serait-il pas une façon de l'empêcher d'exercer ses obligations conformément au droit international ?

D'après WESTMORELAND-TRAORÉ : « Les principes de la souveraineté de l'État et d'égalité entre les États sont invoqués comme moyens de protection contre un exercice abusif du droit d'intervention. Dans la foulée d'interventions étatiques de différentes natures, les intéressés recherchent les fondements juridiques de telles interventions ainsi que les moyens d'encadrement efficaces pour prévenir leur détournement de l'objectif humanitaire. »46(*)

Est-il alors encore légitime de jeter les pierres aux États qui reconnaissent les mouvements rebelles alors qu'il est dans leur devoir de le faire ? Le principe de souveraineté qui fonderait cette attitude n'est plus étanche. Le principe d'égalité est théorique. Les fondements juridiques ne manquent pas d'ampleur. Alors, pourquoi le débat ? Nous restons persuadé que perdre de vue sur la nature des choses serait compromettre même la substance du droit international. Celui-ci, lorsque pris classiquement, considère la reconnaissance qui ne porterait pas sur l'État ou le gouvernement comme une violation et que les conséquences seraient de nature à compromettre les relations internationales.

La reconnaissance par la France du CNT en tant que gouvernement de la Libye en 2011, au-delà d'une violation du droit international, présente donc des conséquences drastiques eu égard à ce qui précède. La conséquence de la reconnaissance du CNT est d'entrée de jeu l'entrée de l'OTAN dans le conflit afin d'écarter KADHAFI du pouvoir. Il s'agit de l'intervention dans une guerre civile. Celle-ci est d'après le droit international une affaire intérieure. En effet, le principe de non intervention dans les affaires intérieures d'un autre État est prolongé par celui de non intervention dans une guerre qui l'oppose avec ses ressortissants. La reconnaissance qui intervient au mépris de ce principe est alors vue comme une violation du droit international.

Au-delà de toutes ces considérations, on peut également se pencher du côté des États qui ont reconnu le CNT, pour savoir exactement la raison d'être d'une telle reconnaissance. Il est admis que les gouvernements des pays dits « démocratiques » sont hostiles aujourd'hui à tout gouvernement qui ne le serait pas. Ils chercheraient alors à tout prix à se débarrasser de lui en vue de se conformer aux exigences de la vie internationale en usant de tous les moyens possibles comme ce fut le cas pour les peuples coloniaux luttant pour l'indépendance.

Mais Serge HALIMI s'inquiète. Il dit : « Qui croit (...) que des États, quels qu'ils soient, consacrent leurs ressources et leurs armées à l'accomplissement d'objectifs démocratiques ? »47(*) Conscient que cette assertion est en phase de tout ce qui se déroule aujourd'hui dans le monde et qu'on tente de légitimer ; nous estimons que de tels intérêts pourraient faire naître de nouveau l'impérialisme exacerbé.Si les États qui ont reconnu le CNT après la France n'étaient pas totalement encouragés par des objectifs poursuivis par la France dans le conflit, ils ont été néanmoins submergés par de nombreux autres intérêts. D'après DELAGELA, le Livre Blanc de Défense et de Sécurité Nationale (LBDSN) rédigé en 2008 et indiquant les priorités stratégiques françaises pour les 15 ans à venir précisait bien qu'il s'agissait de concentrer les capacités de prévention et d'intervention françaises sur l'axe Méditerranée / Golfe Arabo-persique / Océan Indien. Cette zone y est vue d'après l'auteur, comme un arc de crise, espace prioritaire où les risques impliquant les intérêts stratégiques de la France et de l'Europe sont les plus élevés.48(*)

L'action en Libye a été vue dans cette perspective comme une stratégie personnelle de Nicolas SARKOZY. La reconnaissance par la France du CNT, loin de consister à l'instauration d'un État de droit en Libye, a conservé l'initiative politique, diplomatique et stratégique pour renforcer son statut de puissance stratégique à vocation mondiale. Les rudiments des informations de la presse qui ne nous intéresse pas totalement, ni ne nous emporte, dénote également une attitude similaire. Il convient donc de se poser la question suivante : Y a-t-il eu amitié entre le pays qui reconnaît et le pays dont le gouvernement est renversé ? Ou au contraire, il ne s'agit que d'un règlement de compte ?

Il est évident que la défense des intérêts français peut supposer l'entrée en concurrence avec les intérêts des autres. Dans ce cas, le choix de la France a été de « continuer la politique par d'autres moyens »49(*), avec les armes. Certes sous mandat international, mais l'usage des armes en plus de l'action diplomatique, constituent une violation du principe de non recours à la force. Face à des mouvements structurés avec un même commandement civil, un même commandement militaire, les actes ne doivent plus tendre vers une sécession avons-nous dit. Face à la règle initiale selon laquelle l'on ne pouvait reconnaître qu'un nouvel État ou un gouvernement, l'on constate immédiatement les démarcations de cette reconnaissance particulièrement au problème posé par celle-ci. La lecture par échelle permet de tenter de clarifier l'ensemble des intérêts imbriqués les uns aux autres. Il manque cependant une échelle à étudier, et sur laquelle l'engagement en Libye aurait forcément un impact, car la nature exacte de l'échelle française semble s'orienter vers des intérêts autres que ceux de protéger la population. Ce qui nous pousse à dire que cette reconnaissance est vraiment illicite. La forme elle-même dans laquelle elle est intervenue prouve à suffisance que les intérêts l'ont emporté sur la volonté d'instaurer en Libye un régime respectueux des libertés publiques. Cela étant, il est impérieux de s'interroger sur cette forme dans le point suivant.

Il est difficile cependant d'emblée de préciser les conditions auxquelles le droit international général subordonne l'octroi de la reconnaissance. Est-ce à dire que sa légitimité tombe ? Ou encore, est-ce à dire que cette notion peut légitimer des situations anormales ? D'où une forme quasi dérogatoire.

* 41 J.-Y. MORIN, L'État de droit : émergence d'un principe du droit international, Londres, Present and Future, 1995,

p. 447.

* 42 G. SCELLE, op.cit., p. 111.

* 43 M. SASSOLI, A. BOUVIER, A. QUETIN, Un Droit dans la guerre ? Cas, documents et support d'enseignement relatifs à la pratique contemporaine du droit international humanitaire, volume 1, 2 ème édition, Genève, CICR, 2003,

p. 91.

* 44 E. DAVID, C. VAN ASSCHE, op.cit., p. 492.

* 45 D. NGUYEN QUOC, (et alii),Droit international public, 8 ème édition, Paris, L.G.D.J., 2009, p. 556.

* 46 J. WESTMORELAND-TRAORÉ, Droit humanitaire et droit d'intervention, xx, 2003, p.193.

* 47S. HALIMI, « Les Pièges d'une guerre », in Monde Diplomatique, n°685, 2011, p. xx.

* 48 C. DELAGELA, Libye, France et OTAN : Un triangle complexe aux enjeux multi scalaires, Narbonne, Lycée

Docteur LACROIX, 2011, p. 14.

* 49C. DELAGELA, op.cit., p. 14.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote