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Femme et politique au tchad: cas des parlementaires et des membres du gouvernement(1962-2018)


par Nadjilem Ribar CHRYSSEL
Université de Yaoundé 1 - Master 2024
  

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I- LA POLITIQUE DU QUOTA

Le quota selon le dictionnaire Larousse est un pourcentage ou un contingent (limite quantitative fixée par une autorité publique pour l'exercice d'un droit ou la participation à une charge) déterminé, imposé ou autorisé. La conception et l'application des systèmes de quotas et de sièges réservés influent sur la légitimité perçue des femmes tchadiennes politiques qui les occupent. Elles peuvent également affecter la relation entre les femmes politiques et les organisations et mouvements féminins, ainsi que la volonté ou la capacité des acteurs politiques de promouvoir les objectifs d'égalité hommes-femmes sur la scène politique5.

Il n'y a pas de moyen plus efficace et plus direct que les partis politiques pour permettre aux femmes tchadiennes d'accéder à des fonctions électives et aux postes de pouvoir au sein des partis. Leurs structures, leurs politiques, leurs pratiques et leurs valeurs ont donc un impact important sur le niveau de participation des femmes à la vie politique de leur pays6.

1 M. Tremblay (Dir.), Femme et parlements : un regard international, Montréal, Les éditions du remue-ménage, 2005, p.23.

2 M. d'Almeida, «Pour promouvoir la participation politique des femmes, pourquoi certains pays optent-ils pour le quota ou la parité ?», [AFARD Togo], [en ligne] RESSOURCES, no 76, Genre en Action, 2015, www.genreenaction.net,consulté le 20 septembre 2022 à 12h36.

3 Lombardo et M. Bustelo, «Promotion de l'égalité de genre», p.119.

4 Ibid.

5 UNRISD Info, «Égalité des sexes», p.171.

6 AMGSNT, «Promouvoir le rôle des femmes», Rapport d'activité sur PNUD, Avril 2010, p.3.

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Le principe du quota de femmes repose sur l'idée que les femmes tchadiennes doivent être présentes selon un certain pourcentage, dans les divers organes de l'État, que ce soit sur les listes de candidatures, dans les assemblées parlementaires et le gouvernement. Avec le système du quota, ce ne sont pas les femmes elles-mêmes qui ont la charge du recrutement. L'objectif fondamental d'un quota est de recruter des femmes aux postes politiques, de manière à assurer leur présence effective dans la vie politique7. Raison pour laquelle, il est nécessaire d'instaurer un quota pour les femmes au sein des partis politiques permettant de tendre vers l'équité de genre.

1- La nécessité du quota au sein des partis politiques

L'égalité des sexes et l'émancipation des femmes tchadiennes ne sont pas seulement des droits humains. Ils sont indispensables à un développement inclusif, équitable et durable. Pour atteindre ces objectifs, il est fondamental d'améliorer et d'encourager la participation politique des femmes tchadiennes. Parmi les institutions les plus à même de le faire, les partis politiques sont très bien placés8. La faible représentation des femmes tchadiennes est l'une des principales caractéristiques des partis politiques.

Elle révèle une carence dans le fonctionnement interne des partis ou, pour le moins, un désintérêt évident pour la promotion de l'élément féminin en leur sein, réduisant son rôle à celui d'un simple appui pour les partis9. Il est essentiel que des femmes tchadiennes soient présentées dans les structures internes du parti pour y faire avancer la cause de l'égalité des sexes. Des mesures comme les quotas doivent cependant s'accompagner d'autres initiatives, notamment le renforcement des capacités à long terme et le développement des compétences, pour que les femmes puissent se retrouver à des postes de responsabilité même en l'absence de quotas.

Les partis politiques doivent explorer d'autres façons de nommer les femmes motivées et qualifiées à des postes de responsabilités et sensibiliser leurs adhérents à l'importance du soutien apporté aux femmes en leur sein, ainsi que dans la direction ou les structures internes de l'organisation10. Les rôles multiples et accrus joués par les femmes dans la vie politique dépendent dans une certaine mesure des idéologies, en particulier de l'adhésion des partis

7 M. d'Almeida, «Pour promouvoir la participation politique des femmes, pourquoi certains pays optent-ils pour le quota ou la parité ?», [AFARD Togo], RESSOURCES, no 76, Genre en Action, 2015, www.genreenaction.net, consulté le 20 septembre 2022 à 14h50.

8 AMGSNT, «Promouvoir le rôle des femmes», Rapport d'activité, Avril 2010, p.3.

9 P. Maria Angeles Lopez, «Les femmes sur la scène politique», Confluences Méditerranée, N0 31, 1999, p.112.

10 B. Llanos et al, «From Words to Action: Best Practices for Women's Participation», in Latin American Political Parties, IDEA, 2009, p.32.

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politique aux points de vue féministes ou antiféministes11. Les quotas peuvent être une mesure effective, mais ne suffisent pas à eux seuls à garantir une représentation équitable des femmes tchadiennes dans la vie politique.

Tout d'abord, une bonne application des législations sur les quotas est essentielle pour assurer leur efficacité. Les quotas ne fonctionnent que si les femmes occupent une place en haut des listes électorales, sur des sièges, où elles ont de réelles chances de succès. Les partis politiques doivent s'impliquer dans le recrutement de politiciennes qualifiées en nombre suffisant, plutôt que de se cantonner à quelques membres alibis. Il est également recommandé de prévoir des sanctions en cas de manquement à la loi12.

Les partis politiques qui prennent au sérieux la participation des femmes tchadiennes à la politique voient leur base électorale se renforcer, attirent de nouveaux groupes d'électeurs et développement des liens plus solide avec leur électorat. S'ils peuvent afficher en outre de nouveau visages et de nouvelles idées, ils entretiennent l'image d'un parti dynamique et énergétique à une époque, où la participation électorale est en déclin.

Les résultats sont parfois spectaculaires, parfois plus progressifs ou difficiles à discerner, mais dans tous les cas, les partis politiques enregistrent au final des gains réels13. Khadidja Hassaballah disait que :

«Une fois qu'une fille est instruite, elle saura sa personnalité, elle sera populaire sur le terrain et qu'elle ne se cache pas, elle impose ses opinions elle ne peut que faire partie d'une organisation politique et militer activement pour ses idéaux, mener des négociations pour des actions en faveur de la population. Et là, elle affirme et se rend responsable dans son parti politique. Elle ne peut qu'être promue par les premiers responsables du parti. Je dirai à mes petites soeurs, les filles, qu'elles ont le devoir de nous faire honneur en réussissant comme les garçons. A l'Assemblée Nationale, nous les femmes de la majorité présidentielle ne sommes pas restées les bras croisés nous n'avons pas démérité, nous avons fait autant que nous le pouvions pour atteindre nos objectifs et satisfaire au mieux nos population»14.

Le nombre de femmes engagées dans des organisations féminines actives dans un pays donné, renseignent bien davantage sur le niveau de participation des femmes à la vie politique que le niveau de représentation féminine officielle dans les organes composés de membre élus. La participation des femmes à la vie politique doit se concevoir en des termes plus généraux que ne le laisserait supposer de tels chiffres, s'ils existaient : de nombreuses femmes

11 UNRISD Info, «Égalité des sexes», p.172.

12 Banque Mondiale (2014), Voice and Agency.Empowering Women and Girls for Shared Prosperity, Banque Mondial Washington, www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/Gender (2012),consulté le 18 décembre 2022 à 16h20.

13 AMGSNT, «Promouvoir le rôle des femmes», Rapport d'activité, Avril 2010, p.3.

14 Mahamat Saleh Bahar, La participation des femmes, p.41.

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expriment leurs intérêts et leurs points de vue à travers leur activité dans un vaste éventail d'associations politiques et civiques15.

L'analphabétisme de la population féminine, spécialement en milieu rural, a été l'élément moteur de la prise de conscience de la nécessité de rechercher des solutions pour améliorer la condition et le statut de la femme16. Ce sont là les principaux aspects que l'on retrouve dans les programmes électoraux des partis qui abordent le thème. Pour la majorité d'entre eux, la problématique de la femme est perçue exclusivement à partir d'une optique sociale, ce qui signifie que l'on ne s'engage pas dans une vision globale du problème. En outre, les partis les plus conservateurs soulignent l'importance de la famille comme structure de base de la société et le rôle de la femme comme éducatrice et formatrice des nouvelles générations17.

Parmi les mesures de discrimination positive, l'adoption volontaire de quotas de candidatures féminines pour les partis a probablement été la plus efficace pour normaliser l'engagement d'un parti à la cause de l'égalité hommes-femmes et à forger des relations entre les femmes politiques et les organisations féminines présentes dans la société18. A cela s'ajoute la candidature féminine au poste d'éligibilité au sein des partis comme élément favorisant l'équité genre.

2- La candidature féminine au poste d'éligibilité au sein des partis comme élément favorisant l'équité genre

On s'attend à ce que les femmes tchadiennes bénéficient de la responsabilité des autorités et de la meilleure prestation de services qui devraient aller de pair avec la décentralisation. En fait, on escompte que les postes de responsabilité locaux sont particulièrement accessibles aux femmes, qui ne se heurtent pas, au niveau local, aux mêmes problèmes de mobilité et de finances que lorsqu'elles briguent une fonction publique au niveau national19. La participation politique des femmes au Tchad est une question d'équité qui relève de l'égalité homme-femme. Elle permet de prendre part à la gouvernance et de peser sur les décisions qui affectent leur vie, leur famille et leur communauté. C'est aussi une question de bonne gouvernance.

15 N. Djesada, 45 ans, Vice-président Transformateur chargé de la diaspora, N'Djamena, le 20 août 2022.

16 M. Abdelkerim, 40 ans, enseignant-chercheur à l'Université de N'Djamena, N'Djamena, le 03 septembre 2022.

17 Lopez, «Les femmes sur la scène politique», p.112.

18 UNRISD Info, «Égalité des sexes», p.171.

19 A. Goetz, «L'influence des femmes sur la politique publique et la gouvernance» in UNRISD Info, «Égalité des sexes : En quête de justice dans un monde d'inégalités», Bulletin de l'UNNRISD, No 27, Mars 2005, p.5.

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Les femmes représentent la moitié de la population du monde, la moitié de la population dans la plupart des pays et en particulier le Tchad, et elles éduquent, de surcroit l'autre moitié. Elles doivent être présentes en nombre égal dans la vie publique ou dans la sphère privée et prendre part équitablement au pouvoir et aux décisions, qui d'une manière ou d'une autre, les concernent 20. Il est toujours difficile de promouvoir efficacement des candidatures féminines tchadiennes à des fonctions officielles quand les appareils des partis pensent que les femmes n'ont aucune chance d'être élues. Il semble que les réticences vis-à-vis de candidatures féminines soient moins importantes chez les électeurs qu'au sein des appareils de parti 21 . D'autre soutiennent que des élues plus nombreuses n'agiront pas nécessairement en faveur des femmes, notamment parce qu'elles se sentent moins interpellées individuellement à agir spécifiquement en faveur de ce groupe22.

De tous les partis politiques existant depuis 1962 à 1989, il n'y a aucun parti politique dirigé par une femme. Avec la venue du multipartisme et de la démocratie que le Tchad a pu avoir quelques partis politiques dirigés par des femmes23. A cela, il convient de présenter quelques partis politiques dirigés par les femmes de 1990 à 2018.

Tableau 5: Quelques partis politiques dirigés par les femmes de 1990 à 2018

N

Nom et Prénoms

Année

Partis politiques

01

Amine Oumara

1992

Union pour la Paix et la Démocratie (UPD)

02

Hadje Mariam Moussa Abdallah

1993

Parti pour l'Unité Nationale, la Démocratie, le Dialogue et le Développement du Tchad (PUND/DDT)

03

BourkouLouise Kabo

1996

Rassemblement pour le Progrès et la Justice Sociale (RPJS)

04

Fatimé Naguid Boumie

2005

Alliance Nationale pour le Progrès (ANP)

05

NdjelarKoumadji Mariam

2006

Union Nationale pour l'Alternance au Tchad (UNAT)

06

Ildimma koumatou

2006

Parti pour le Développement Démocratique et les Libertés (PDDL)

20 H. Zirari, «Femme du Maroc entre hier et aujourd'hui : quels changements ?», revue Recherches internationales, n° 77, 2006, p. 80.

21 UNRISD Info, «Égalité des sexes», p.171.

22 C. Susan, The impact of women in public office, Bloomington, Indiana University Press, 2001, p.288.

23 B. Haggar, Tchad : les partis politiques et les mouvements d'opposition armés de 1990 à 2012 : le multipartisme ou les fractures sociales, Paris, L'harmattan, 2014, p.29.

103

07

Mariam Denemadji

2014

Mouvement des Citoyens Unis au Tchad

 
 
 

(MCUT)

08

Lydie Beassemda

2018

Parti pour la Démocratie et l'Indépendance

 
 
 

Intégrale (PDI)

Source : Archives de l'Assemblée Nationale du Tchad.

A l'ère démocratique, le Tchad connait plus de 100 partis politiques reconnus, qui concourent au suffrage universel, tant pour les élections (présidentielle et législatives) que administratives (municipales)24. Cependant, l'avènement du multipartisme a le plus souvent relégué les groupes des femmes dans des statuts et des rôles de «militantes de base» qui excellent dans la mobilisation des partisans sans pour autant qu'elles occupent des positions élevées dans la hiérarchie des postes politiques.

Un tel cheminement du changement du statut des femmes en politique, au lieu de contribuer à l'effritement, voire à la suppression des inégalités et des injustices, contribue à leur alignement sur le rang des hommes et les conduits à une solidarité de classe au détriment d'une solidarité autour du statut des femmes à promouvoir25. Il y a parfois plus de femmes en politique au niveau national qu'au niveau local.

Cela alerte à l'importance de la résistance que peuvent opposer aux femmes les systèmes patriarcaux traditionnels au niveau local et aussi à l'importance d'institutions sensibles aux inégalités entre les sexes, qui améliorent l'accès des femmes aux services et aux instances politique locales26. Le faible taux des femmes dans l'exécutif des partis politiques tchadiens influence considérablement leur investiture dans les postes électifs. Autrement dit, les femmes sont minoritaires et ne peuvent pas s'imposer au sein de leurs partis respectifs pour pouvoir obtenir de places en nombre important.

Après la politique du quota, l'on aborde ultérieurement la politique de la parité dans les fonctions nominatives et électives : un souhait à réaliser.

24 Abdelkerim, Le leadership féminin, p. 88.

25 Association des Femmes Juriste de Niger (AFJN), «Guide participation des femmes à la politique au Niger», FIIAPP, 2016, p.10.

26 Goetz, «L'influence des femmes», p.5.

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II- LA POLITIQUE DE LA PARITE DANS LES FONCTIONS NOMINATIVES ET ELECTIVES : UN SOUHAIT A REALISER

Appliquée dans les différentes sphères de la vie citoyenne (politique, professionnelle et sociale), la parité est un outil autant qu'une fin visant le partage à égalité du pouvoir de représentation et de décision entre les femmes et les hommes. Elle est une exigence de justice et de démocratie27. Le chef de l'État français, Emmanuel Macron, au cours de sa visite officielle au Tchadien 2018, a rencontré les femmes leaders du CONAF pour discuter de leur bien-être. Visiblement, les politiques tchadiennes pour l'épanouissement de la femme portent son écho plus loin. De 30% dans les instances de prise de décision, le Tchad progresse, vers la parité dans les postes nominatifs, de quoi attirer les soutiens des pays occidentaux28.

Alors que le nombre des femmes parlementaires et ministres commence à augmenter, leur participation au processus de prise de décisions demeure limitée car, elles ont peu de chances d'accéder à des postes de direction. De ce fait, elles sont minoritaires dans le processus de décision29. L'on présente d'abord, du quota à la parité : vers une innovation politique et ensuite, la traduction du discours sur le quota vers la parité au Tchad : une priorité de l'Objectif de Développement Durable (ODD) des Nations Unies.

1- Du quota à la parité : vers une innovation politique

La parité peut être définie comme l'égalité quantitative garantie pour l'accès à certaines fonctions électives30. Le concept, qui se présente comme une «demande d'égalité'' et comme «la reconnaissance d'une altérité socialement construite''31, permet d'échapper au dilemme classique que soulève la citoyenneté des femmes en démocratie, notamment choisir entre l'égalité et la prise en compte de la différence sexuelle. Il a obligé à repenser le contenu de l'universalisme abstrait et à analyser autrement la question de la représentation politique des femmes32. Le protocole de Maputo adopté, le 11 juillet 2003 sur les droits des femmes en Afrique. L'article 9 intitulé Droit de la participation au processus politique et à la prise de décision stipule :

27 HCE/fh, «Parité en politique : entre progrès et stagnations. Évaluation de la mise en oeuvre des lois dites de parité dans le cadre des élections de 2014 : municipales et communautaires'', européennes, sénatoriales, Rapport no 2015-02-26-PAR--015 publié le 26 février 2015, p.7.

28 W. Achitela, «Diplomatie : Macron à la rencontre des femmes du Tchad'', Tchad infos, no 1300, 22 décembre 2018, p.2.

29 UNRISD Info, «Égalité des sexes'', p.174.

30 Abdelkerim, Le leadership féminin, p. 90.

31 F. Gaspard, «De la parité : genèse d'un concept, naissance d'un mouvement'', Nouvelles Questions Féministes. Vol. 15, no 4. 1994, p.31.

32 M. d'Almeida, «Pour promouvoir la participation politique des femmes, pourquoi certains pays optent-ils pour le quota ou la parité ?'', [AFARD Togo] RESSOURCES, No 76, Genre en Action, www.genreenaction.net, consulté le 30 novembre 2022 à 11h30.

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«1. Les États entreprennent des actions positives spécifiques pour promouvoir la gouvernance participative et la participation paritaire des femmes dans la vie politique de leurs pays, à travers une action affirmative et une législation nationale et d'autres mesures de nature à garantir que : a) les femmes participent à toute les élections sans aucune discrimination ; b) les femmes soient représentée à parité avec les hommes et à tous les niveaux dans les processus électoraux ; c) les femmes soient des partenaires égales des hommes à tous les niveaux de l'élaboration et de la mise en oeuvre des politiques et des programmes de développement de l'État. 2. Les États assurent une représentation et une participation accrues, significatives et efficaces des femmes à tous les niveaux de la prise des décisions33».

Face à la faible participation des femmes en politique, des pays ont mis en place des mesures pour favoriser la candidature et l'élection des femmes à différents niveaux. Les quotas obligatoires sont l'un des dispositifs institutionnels qui ont permis d'accélérer la progression de l'accès des femmes aux postes politiques, en vue d'une représentation paritaire.

L'on constate au Tchad que les dispositifs d'ordre légal et réglementaire n'ont pas débouché sur des niveaux de participation plus égalitaire des femmes dans l'arène politique. Le cas notamment de l'ordonnance signée le 22 mai 2018 par le Président Idriss Deby Itno, il est institué la parité dans les fonctions nominatives et électives en République du Tchad. Selon l'article 2 de ladite ordonnance, «un quota d'au moins 30% est affecté aux femmes dans toutes les fonctions nominatives». Ce quota doit évoluer progressivement vers la parité. Aussi, sous peines d'irrecevabilité, les listes de candidatures aux élections législatives et locales sont composées d'au moins 30% de femmes.

Une grande cérémonie marquant la signature de cette ordonnance a été organisée le 23 mai 2018 à la Maison de la femme34. C'est par 135 voix pour, 5 contre 8 abstentions que le projet de loi portant ratification de l'ordonnance No 12/PR/2018 instituant la parité dans les fonctions électives et nominatives a été adopté par l'assemblé national le 19 octobre 201835.

Un quota d'au moins 30% est accordé aux femmes dans les fonctions nominatives et électives. Sauf les nominations dans les chefferies traditionnelles. Ce quota évoluera progressivement vers la parité. L'ordonnance dispose par ailleurs que «sous peine d'irrecevabilité», les listes de candidatures aux élections législatives et locales doivent être composées d'au moins 30% de femmes. La ministre secrétaire générale du gouvernement, Mariam Mahamat Nour, qui préside par ailleurs le CONAF, a salué la signature de cette ordonnance de «moment historique». A cela s'ajoute la traduction du discours sur le quota

33 Abdelkerim, Le leadership féminin, p. 87.

34 Abdelkerim, Le leadership féminin, p.88.

35 Ibid, p. 89.

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vers la parité au Tchad comme une priorité de l'Objectif du Développement Durable des Nations Unies.

2- La traduction du discours sur le quota vers la parité au Tchad : une priorité de l'ODD des Nations Unies

En 2011, l'Assemblée générale des Nations Unies adopte la résolution No A/RES/66/130. Cette résolution appelle les États membres à renforcer la participation des femmes à la vie politique, à accélérer l'instauration de l'égalité entre les hommes et les femmes dans toutes les situations, y compris en période de transition politique, de promouvoir et de protéger le droit fondamental des femmes36.

La participation des femmes en politique est également mentionnée dans la cible 5.5 des Objectifs de développement durable (ODD) «Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique''37. Les femmes sont massivement représentées dans les fonctions tertiaires d'assistantes maternelles, d'employées administratives, dans l'enseignement, etc. Contre toute attente, le gouvernement ne jouant pas au respect de ses engagements quant-à la traduction dans les faits des discours politique et politicien, la femme tchadienne est encore à la traine38.

L'expérience des systèmes électoraux et de l'action positive a démontré que la conception du cadre institutionnel peut déterminer les perspectives qu'ont les femmes d'influencer sur les décisions conseils. Cela dit, faciliter l'accès des femmes à des fonctions publiques n'est qu'une première étape de la lutte pour la parité hommes-femmes dans le partage des responsabilités publiques voulu par la communauté internationale39.

S'agissant de défendre la cause des femmes, de veiller à ce que les nouvelles politiques aboutissent à un réaménagement des services ou d'établir de nouvelles normes sur la base desquelles seront jugées les actions des fonctionnaires et des responsables politiques40. Mais de nombreux obstacles empêchent les femmes tchadiennes d'accéder facilement à la vie

36 Texte de la Résolution adoptée par l'Assemblée général des nations Unies, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/RES/66/130&refer=/english/&Lang=F,consulté le 20 septembre 2022 à 15h20.

37 Site Internet des Nations Unies sur les Objectifs de développement durable (ODD), http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/gender-equality/, consulté le 20 septembre 2022 à 12h50.

38 E. Golmem, «Ces rares chéries de la 4e République'', Le visionnaire, no 118, 5 au 11 mars 2019, p.2.

39 Abdelkerim, Le leadership féminin, p. 90.

40 UNRISD Info, «Égalité des sexes'' p.172.

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publique un projet suffisamment difficile en soi et entravent leur capacité à réfléchir les décisions dans quelques sens que ce soit, sans parler d'obtenir la parité entre les sexes.

Ces obstacles incluent notamment un machinisme bien ancré dans les partis politiques et au moins autant dans les institutions officielles de l'État, depuis les politiques et systèmes budgétaires qui déterminent les priorités à établir en matière de dépenses jusqu'aux mécanismes en place pour faire appliquer les lois, rendre la justice et demander des comptes. Il faudra bien plus que l'arrivée en force de femmes sur la scène politique pour lever des obstacles de cette nature41.

Pour les femmes du CONAF «nous devons absolument agir sur les mentalités pour changer la perception même des femmes dans notre société. Les lois seraient plus efficaces si ceux pour qui elles sont votées et ceux qui sont censés les faire appliquer leur trouvaient un sens, ou mieux, s'ils y croient. Malheureusement, le combat est encore long»42.

Après avoir démontré la politique de la parité dans les fonctions nominatives et électives : un souhait à réaliser, il convient de définir les processus d'implication de la femme tchadienne dans les instances de prise de décision.

III- LES PROCESSUS D'IMPLICATION DE LA FEMME TCHADIENNE DANS LES INSTANCES DE PRISE DE DECISION

Dans ce point, l'on présente les processus d'implication de la femme tchadienne dans les instances de prises de décision notamment les actions ; les propositions ; et les recommandations.

1- Les actions

Deux types d'actions pouvant être menées pour favoriser la participation politique des femmes en politique au Tchad. Il s'agit d'actions de sensibilisation d'une part, à l'endroit des femmes elles-mêmes, et d'actions de plaidoyer d'autre part, en direction des gouvernants et des bailleurs de fonds.

1.1- Actions de sensibilisation

Le Tchad est une société fortement traditionnelle. Il compte plus d'une centaine d'ethnies caractérisées d'une part, par un ensemble de pratique traditionnelles coutumières aussi tenaces les unes que les autres et, par des pratiques religieuses profondes d'autre part.

41 B. Sally, 60 ans, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, N'Djamena, le 20 septembre 2022.

42 Abdelkerim, «Le leadership féminin», p.91.

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Trois types de croyances se partagent l'espace national : l'islam, le christianisme et l'animisme. Le Nord et l'Est du pays tenu par le poids des royaumes notamment du Kanem Bornou (15ème et 18ème siècles), le royaume du Ouaddaï à l'Est dans le prolongement du Darfour Soudanais (16ème et 17ème siècle) et le royaume du Baguirmi situé sur la rive droite du Chari (15ème siècle) au centre-sud. Il s'agit entre autres des sultanats Toubou, Dar Zaghawa, Dar Bilala, Dar Ouaddaï, Baguirmi, Dar Sila, Guéréda (Dar Tama), Fitri, Derda, Kanem, N'Djamena urbain et rural. Sur le cendre de ces royaumes se sont installés des sultanats qui maintien la population sur des valeurs ancestrales43.

A ces royaumes se sont ajoutés d'une part des entités administratives plus modestes à savoir les chefferies Bilala dans le Batha, le Gong de Léré, le Lamido de Binder, le Mbang de Bedaya, les chefferies supérieures de Koumra, Kelo, Lai, Kyabé, Moundou, Sarh. Et d'autre part, il subsiste quelques vestiges, notamment quelques sultanats et chefferies moins étendu certes mais jouant actuellement un rôle de gardien de la mémoire culturelle et sociale des différentes communautés. Alors, la coexistence entre le droit moderne et les droits coutumiers prédominent et fortement ancrés dans les pratiques institutionnelles créent un environnement peu propice à la mise en oeuvre des lois et politique favorables à l'égalité des sexes, notamment dans le domaine de l'éducation, de la santé de la reproduction et en matière de jouissance des droits humains.

En effet, cette forme d'organisation établit la «patriarcalité», et assigne des rôles différents aux filles et aux garçon et ce, dès leur bas âge (division sexuelle du travail, une perception réductrice du statut de la femme). Ces pratiques socioculturelles ont notamment pour conséquence l'inégalité dans l'accès au savoir et aux opportunités économique et politique en défaveur de la femme. Les multiples rôles des femmes sont invisibles et leur fort potentiel sous exploité. Or le développement dans un pas ne peut se faire sans la pleine et égale représentation des femmes et des hommes. Ce faisant, il est nécessaire pour le gouvernement meneur du politique de genre de négocier et de sensibiliser les détenteurs de ces pouvoirs moral et spirituel. Puisque ces derniers, de par leurs rôles et statuts, ont une grande capacité d'influence sur les attitudes et comportement de la population sous leur autorité morale et spirituelle.

Les organisations féminines devraient beaucoup plus s'investir dans la défense des droits politiques des femmes. Pour cela, elles devraient s'intéresser à la participation des femmes aux élections et à tous les débats politiques nationaux. Il est nécessaire qu'elles

43 N. Djesada, 45 ans, Vice-président Transformateur chargé de la diaspora, N'Djamena, le 20 août 2022.

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sensibilisent les populations sur la place et le rôle de la femme tchadienne dans la société moderne, notamment sur les capacités communes aux filles et aux garçons, qui leur ouvrent de manière égale l'accès à l'école et dans tous les domaines de développement du pays, y compris aux postes politiques44.

Au sein des partis politiques, les femmes devraient oeuvrer pour l'adhésion du plus grand nombre de femmes, et exiger leur prise en compte dans les instances décisionnelles du parti et lors de la présentation des candidatures aux élections45. Il faudrait également que les femmes tchadiennes aient le courage d'exprimer leurs ambitions politiques, notamment par leur visibilité au sein de leurs partis politiques et dans le débat politique national46.

Elles devraient aussi songer à créer des partis politiques pour lesquels elles occuperaient la position de leader. Toutes ces actions nécessitent évidemment des programmes et des stratégies bien ficelés. Parmi les stratégies qui pourraient être mises en place, il y a :

- La création de groupes de pressions pour la promotion de la participation politique des femmes tchadiennes ;

- L'émergence de synergies entre les femmes occupant des hautes fonctions, pour oeuvrer à l'éducation des filles, à la défense des droits des femmes et au soutien moral et financier des candidates aux élections ;

- L'éducation civique des femmes, afin qu'elles prennent part aux élections, par

l'inscription sur les listes électorales et en élisant de préférence des femmes ou alors des hommes développant des discours d'égalité ;

- L'encouragement et la formation des femmes à se présenter aux élections ;

- La sensibilisation des filles et des femmes à cultiver l'effort personnel et la

dignité, en refusant les rôles de «femmes- objets», et en revendiquant la reconnaissance de leurs propres compétences ;

1.2- Actions de plaidoyer

Les réseaux d'organisations féminines et autres groupes de pression devraient oeuvrer au dialogue avec les pouvoirs publics, afin de porter le débat de la participation politique des

44 N. Djesada, 45 ans, Vice-président Transformateur chargé de la diaspora, N'Djamena, le 20 août 2022.

45 Idem.

46 B. Sally, 60 ans, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, N'Djamena, le 20 septembre 2022.

110

femmes à l'ordre du jour des préoccupations nationales. Des activités de plaidoyer devraient être menées en direction du parlement qu'au gouvernement, afin que ceux- ci encouragent les partis politiques à promouvoir plus de femmes dans leurs instances décisionnelles et à les faire figurer en plus grand nombre parmi leurs candidats aux différentes élections47. Ainsi, le plaidoyer pourrait consister à solliciter la mise en place de mécanismes favorisant la présence des femmes aux postes de prise de décisions. Notamment :

- Le système des quotas notamment 30 à 50% de femmes au Parlement qu'au Gouvernement, parmi les candidatures présentées par chaque parti aux élections, dans les institutions, où il doit être exigé à chaque groupe de respecter ledit quota ;

- La prise en compte du concept genre dans les programmes politiques du Gouvernement et dans l'élaboration des budgets de l'État ;

- A l'endroit des bailleurs de fonds, des démarches devraient être menées pour les encourager à financer des actions en faveur de la participation politique des femmes ;

- Ainsi, des fonds peuvent être créés pour venir en aide aux femmes candidates, notamment pour leur formation48.

Après avoir démontré les actions, il conviendrait de présenter les recommandations. 2- Les recommandations

Les recommandations seront adressées tour à tour sur le plan socioculturel, politique et institutionnel, au niveau des partis politiques, les associations féminines, aux femmes ainsi qu'aux hommes.

2.1- Sur le plan socioculturel

- Soutenir les médias engagés dans les efforts de lutte contre les préjugés et les

inégalités liées au genre, à travers la diffusion des émissions qui mettent en avant les femmes et leurs réalisations ;

- Introduire, dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 12-1-b et du Protocole de

Maputo, l'analyse des questions de genre dans les programmes scolaires ;

- Solliciter les partenaires au développement, en écho à l'article 7 de la résolution

1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour la mise en place d'un programme qui

47 S. Sylla, «Femme et politique au Sénégal. Contribution à la réflexion sur la participation des femmes sénégalaises à la vie politique de 1945 à 2001», Mémoire de DEA, Université de Paris-Panthéon-Sorbonne, 2001, p.123.

48 N. Djesada, 45 ans, Vice-président Transformateur chargé de la diaspora, N'Djamena, le 20 août 2022

111

permettrait d'accorder des primes et aides supplémentaires aux communes rurales qui enregistrent les plus forts taux d'inscription et de réussite des filles dans leurs structures scolaires49. Cela aiderait également ces pays à mettre en application leurs engagements pris aux termes des articles 12-2-C du Protocole de Maputo et pour les pays membres de la CEDEAO, l'article 30-4 du Protocole additionnel de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance50 ;

- Multiplier des initiatives et programmes d'attribution de bourses d'études

spécifiquement destinées aux jeunes filles et en particulier dans les domaines où elles sont sous-représentées ;

- Encourager la création des Instituts et centres de recherche sur le genre, à l'image

du Laboratoire de Recherche sur le Genre de l'Université Cheick Anita Diop de Dakar, pour contribuer à l'enrichissement et au renouvellement de la réflexion sur les thématiques liées au genre51 ;

- Accompagner davantage les initiatives de création des bases de données sur les comportements politiques des femmes et en particulier sur l'ampleur, les motivations et orientations de leurs votes, pour faciliter l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques ciblées en faveur de leur autonomisation politique52 ;

2.2- Sur le plan politique et institutionnel

Attirer l'attention des responsables politiques sur la nécessité d'une meilleure prise en compte des principes de la laïcité, de coexistence pacifique et de tolérance religieuse ;

- Encourager la ratification de conventions internationales relatives aux droits des

femmes et l'adoption au niveau national de lois favorables à l'autonomisation socioéconomique et politique des femmes ;

- Renforcer les capacités de la justice dans le domaine de la défense des droits de la femme et garantir son accessibilité aux femmes désireuses de faire valoir leurs droits en cas de leur violation, conformément à l'article 7-1 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ;

49 AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.12.

50 B. Sally, 60 ans, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, N'Djamena, le 20 septembre 2022.

51 AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.14

52 Sherif, «La participation politique», p. 11.

112

- Multiplier les campagnes de sensibilisation des femmes sur l'importance de garantir une représentation équitable des femmes dans les instances décisionnelles et de leur vote ;

- Encourager le développement au sein des structures de la société civile et des

associations féminines, de cellules permanentes, spécifiquement consacrées à l'accompagnement des femmes dans les démarches d'inscription sur les listes électorales, afin qu'un maximum de femmes en âge de voter puissent exercer leur droit de vote53 ;

- Inviter les organismes et les partenaires au développement engagés dans la coopération décentralisée, à réorienter une partie de leurs financements à destination des groupements féminins des villages, quartiers et villes et notamment à ceux qui enregistrent les plus forts taux de participation électorale des femmes54 ;

- Prendre des mesures allant dans le sens du plafonnement des dépenses électorales ; de la lutte contre la marchandisation des votes, afin de favoriser l'égalité des candidats dans la compétition et l'émergence d'un vote d'opinion, plus axé sur les propositions et les bilans des candidats que sur leurs ressources financières55 ;

- Encourager l'application du principe de la parité intégrale dans les missions

d'observation électorale des organisations régionales et internationales et nommer des femmes à la tête de ces missions de haut niveau56 ;

- Mise sur pied de la politique du «gender» au sein de toutes les administrations. C'est-à- dire que dans tous les cercles de décisions notamment au parlement qu'au gouvernement en particulier, le principe de parité hommes- femmes doit être respecté. Les femmes doivent être représentées de la même manière que les hommes57.

- Protéger et promouvoir l'égalité des droits entre les hommes et les femmes engagées dans les activités politiques. Ainsi ; l'État doit tout mettre en oeuvre pour que les hommes et les femmes aient les mêmes chances pour participer aux consultations électorales ou pour accéder aux grands postes de décisions58 ;

53AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.16

54 B. Sally, 60 ans, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, N'Djamena, le 20 septembre 2022.

55AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.20.

56 Sherif, «La participation politique», p. 17.

57 N. Djesada, 45 ans, Vice-président Transformateur chargé de la diaspora, N'Djamena, le 20 août 2022.

58 Sherif, «La participation politique», p. 18.

113

- Confier la gestion des ministères stratégiques aux femmes puisqu'elles ont aussi le

potentiel pour diriger ces ministères. Elles ne doivent plus être considérées comme le «sexe faible» ;

- Adopter une disposition dans la constitution qui instaure un système de quota au sein du parlement et du gouvernement ;

- Application de la politique du gender en cas de proposition des candidats des femmes tchadiennes pour des hautes fonctions au sein des organisations internationales tels que l'ONU, la CEMAC, l'Union Africaine59.

- Réviser le cadre juridique national pour une promotion de la femme tchadienne en politique ;

- Amélioration du dispositif constitutionnel relatif à l'égalité de sexe et le respect

des conventions et traités internationaux ;

- Mise sur pied d'un fonds spécial qui participe au financement et au soutien des campagnes des femmes.

2.3- Les partis politiques

Les partis politiques sont le lieu, où doit s'incarner le principe d'égalité presque unanimement proclamé. C'est là que tout se joue, qu'il s'agisse de l'élaboration de programmes, de la prise en compte des besoins des femmes et de l'impact de toutes mesures sur leur situation. De plus au Tchad, pour être candidat aux élections, il faut être investi par un parti politique. Quelques recommandations sont formulées à l'intention de ceux-ci. Il faut :

- Supprimer toutes les barrières pouvant entraver directement ou indirectement la

participation politique des femmes ;

- Instaurer le concept de genre au sein de toutes les formations politiques. C'est à

dire qu'un système de quota doit être adopté. Par exemple, les partis peuvent s'arranger à assurer que ni les femmes, ni les hommes ne puissent avoir plus de 60 % de candidatures60 ;

- Promouvoir le rôle des femmes au sein des partis politiques pour la représentativité des femmes au parlement qu'au gouvernement ;

59AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.22.

60 B. Sally, 60 ans, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, N'Djamena, le 20 septembre 2022.

114

- Une réforme de l'organisation interne des partis politiques, favorable au

recrutement et la sélection des candidates aux élections législatives et présidentielles ;

- Une réforme profonde de l'organisation interne des partis politiques ;

- Favoriser le recrutement et la sélection des candidates aux élections législatives et

présidentielles ;

- Accompagner la gent féminine dans la bataille électorale ;

- Un soutien financier inconditionnel aux candidatures féminines en période électorale ;

- Prévoir des sanctions à l'endroit des partis politiques qui ne respecteraient pas les

règles en vigueur dans le code électoral à l'exemple du quota

- Promouvoir le rôle des femmes au sein des partis politiques pour renforcer la représentativité des femmes au parlement ;

- Une réforme de l'organisation interne des partis politiques, favorable au

recrutement et la sélection des candidates aux élections législatives ;

- Contribuer l'efficacité de l'action des élues.

2.4- Les associations féminines

Les associations féminines doivent à leur tour :

- Promouvoir le leadership féminin à travers le développement de l'estime en soi et l'encouragement à la prise d'initiatives ;

- Encourager les femmes politiques à se constituer en réseau pour influencer les

décisions. Lorsque dans le bureau de l'assemblée nationale est constituée de plusieurs femmes, les mesures législatives prenant en compte les besoins spécifiques des femmes seront facilement adopter61 ;

- Faciliter l'accès à l'information politique des femmes et aux actes d'état civil ;

- Sensibiliser les responsables des partis politiques pour permettre une intégration

des femmes aux grands postes au sein du parti ;

61 AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.15.

115

- Former les femmes en leadership politique en organisant des campagnes d'information publiques sur la nécessité et l'importance de la participation de la femme à la vie politique pour la consolidation de la démocratie62.

- La mise en place et extension des mécanismes de solidarité e protection sociale au niveau nationale pour prendre en charge et améliorer l'accès aux services sociaux de base des couches vulnérables et de catégories sociales en situation de précarité ;

- Octroyer des prêts aux femmes battantes, c'est-à-dire les femmes qui se sont engagées dans la vie politique, et qui luttent pour opérer un changement et une amélioration de la vie des femmes en général, et celles dans le milieu politique en particulier ;

- Faciliter la collaboration entre les organisations de la société civile et étatiques.

Car elle sert de courroie de transmission entre la société et l'Etat.

2.5- Aux femmes

Elles doivent :

- Prendre conscience de leur devoir de citoyen prescrit par les textes. Avoir

confiance en soi, c'est-à-dire que les femmes ne doivent pas avoir peur d'être incompétentes ou peu combatives ;

- Être motivées, montrer leur intéressement pour les questions politiques qui est une

affaire de tous et non seulement celles des hommes ;

- Elles doivent avoir la foi dans le travail politique. Elles doivent développer des

ambitions et rêves pour l'accession aux grands postes de décisions. Elles doivent rejeter cette idée selon laquelle la politique est une série de mauvaises pratiques ;

- Défendre les intérêts spécifiques des femmes en faisant la promotion sur le plan social, économique et culturel, par la formation, l'information et l'écoute ;

- Les femmes doivent développer des réseaux de solidarité au sein d'une mouvance communautaire et familiale de laquelle elles peuvent tirer un certain pouvoir ;

- Défendre et promouvoir les droits des femmes, puis les protéger contre les pratiques malsaines telles que la discrimination et les injustices sociales criardes ;

- Et qu'il est préférable pour elles de se concentrer plutôt dans le domaine

associatif. Chercher à s'éduquer car l'alphabétisation, l'insuffisance de scolarisation, de

62 Abdelkerim, «Le leadership féminin», p.98.

116

formation à la culture politique sont des sérieux problèmes rencontrés par les femmes63. Avoir une solidarité entre les femmes. On constate généralement que les femmes ne votent pas les unes pour les autres, soit arrivées au pouvoir, elles jalousent et ne désirent guère de concurrence. Soit qu'elles n'encouragent pas les nouvelles venues.

2.6- Aux hommes Les hommes doivent :

- Encourager leurs épouses à s'intéresser aux questions politiques ;

- Permettre aux femmes d'exercer librement leur droit de voter, en les laissant aller

aux urnes choisir les représentants du peuple ;

- Accompagner les femmes dans l'accomplissement des responsabilités familiales. La politique nécessite beaucoup de temps. Et la pratique montre que beaucoup de femmes sont entrés en politique à un stade avancé de leur carrière, après avoir élevé leurs enfants. Ou pire encore, certaines femmes politiques n'ont pas d'enfants. Ainsi, pour celles qui sont mères, leurs maris doivent les aider dans le suivi et l'éducation des enfants64.

Ce chapitre a été consacré sur le quota et la parité : deux stratégies de résolution de la sous-représentation des femmes tchadiennes en politique. Le constat est clair. Que ce se soit sur le plan national ou international, la participation politique de la femme est très faible malgré tous les efforts déployés depuis 1975, année de l'``émancipation de la femme». Il est donc temps de comprendre que des mesures doivent être entreprises pour encourager les femmes à s'intéresser aux questions politiques. Il était question de savoir que la participation politique de la femme peut avoir plusieurs impacts sur la vie politique. Tout d'abord, le principe d'égalité qui est le socle de toute démocratie sera véritablement respecté. Ensuite, lorsque les femmes font partie de législatif et l'exécutif, l'élaboration d'un plan national du programme de Beijing est plus aisée à réaliser. Enfin, les mesures législatives et exécutives prenant en compte les besoins des femmes seront plus adoptées.

63 AMSPASSNT, «Rapport national d'évaluation», p.23.

64 B. Sally, 60 ans, enseignant-chercheur à l'École Normale Supérieure de N'Djamena, N'Djamena, le 20 septembre 2022.

CONCLUSION

117

118

Ce travail portait sur «femme et la politique : cas du parlement et du gouvernement (1962-2018)». Il en ressort que la présence de la femme politique tchadienne remonte depuis 1962. Mais cette présence est discontinue compte tenue de l'enlisement politique du Tchad. L'éclipse de la femme tchadienne dans la scène politique s'explique, entre autres, par le poids de la tradition et la politique peu favorable. En effet, la femme est considérée comme un être inférieur. Cette situation est au fondement de l'orientation de son éducation qui s'est faite dans le sens de son rôle de gestionnaire du foyer et agente économique. Ayant reçu une éducation qui inhibe toute prétention à être au-devant de la scène publique en général et politique en particulier, la femme n'a pas le droit de disposer de la terre et d'exercer librement une activité lucrative. Cela réduit son pouvoir économique, la rendant ainsi indéfiniment sous tutelle masculine.

Outre cette situation, le contexte politico-institutionnel marqué par les guerres et les violences politiques n'a guère favorisé l'émergence des femmes en politique. La vie politique était fortement militarisée. Peu scolarisées, victimes du sous-emploi et des règles coutumières, les femmes ont été pendant longtemps mises à l'écart de la gestion politique. L'enjeu pour le Tchad est de donner de nouvelles orientations aux politiques nationales afin de permettre à la femme tchadienne d'être un agent responsable du développement politique de son pays. Et depuis, avec l'amorce de la démocratisation qui a conduit à la libéralisation de l'espace public, la femme se manifeste de plus en plus publiquement. Cette émergence politique se justifie par des conditions favorables notamment une nouvelle orientation de l'éducation, l'accès à l'emploi, l'édiction des législations plus favorables à la femme, l'amélioration du statut socio-économique et politique, etc. Contrairement à la voie classique d'entrée dans la vie politique, c'est-à-dire à travers les formations politiques, l'émergence féminine en politique est beaucoup plus l'oeuvre des organisations de la société civile.

Force est de souligner que même dans l'exercice de l'activité politique, les femmes continuent d'être victimes des discriminations. Ces discriminations s'articulent autour de la survivance des considérations traditionnelles d'un côté et du comportement parfois complice de la femme elle-même de l'autre. Malgré les engagement externes et internes du gouvernement tchadien à respecter et appliquer des mécanismes de protection de la femme, des zones d'ombres demeurent encore vivantes dans l'arène politique au Tchad. Sur le plan économico-institutionnel, la situation de la femme ne change pas beaucoup et ne favorise pas l'émergence politique de la femme tchadienne en vertu du système politique faonné par les

119

différents dirigeants qui se sont succédé à la tête de l'Etat tchadien, à travers la dictature des régimes politiques des partis uniques, des guerres civiles, des mouvements de la rébellion, des coup d'Etat, etc.

La démocratie implique la participation de tous les citoyens à la gestion des affaires de la cité. L'intégration de la femme est nécessaire pour l'humanisation de la vie politique. Dans ce sens, la femme tchadienne a beaucoup à apporter. Cette intégration est non seulement nécessaire et impérative, mais elle constitue également un défi pour une vraie démocratie sans laquelle aucun développement harmonieux, libre et durable ne sera possible. D'où l'impérieuse nécessité de soutenir l'action politique féminine en institutionnalisant le système de quota dans les listes électorales, en finançant les femmes, ou encore les aidant à organiser leur campagne politique. C'est dans cette optique que l'on pourra donner force à l'assertion qui est entre autres, «la femme est l'avenir de l'humanité». Elle est à ce titre incontournable pour la survie de cette humanité. L'équilibre humain ne peut donc être atteint que dans la parfaite symbiose entre l'homme et la femme pour l'unité de la nation. La promotion politique de la femme paraît comme une voie obligée pour le développement de la société tchadienne. Dès lors, la participation de la femme tchadienne à la vie politique est une nécessité démocratique. Plus qu'une formation de base, les femmes gagneront à investir, en masse, les lieux d'enseignement pour renforcer leurs capacités intellectuelles, si elles veulent assumer des postes de responsabilités en politique.

Le passage d'une présence accrue des femmes en politique a des progrès réels sur les questions de l'égalité entre les sexes et à des politiques de promotion de la femme dépend de la capacité des mouvements féminins à demander des comptes aux gouvernements et à l'aptitude des institutions du secteur public à mettre effectivement en pratique des programmes ambitieux d'équité entre les sexes. Autrement dit, tout dépend d'une bonne gouvernance en faveur des femmes tchadiennes. Ce n'est qu'au terme d'une évaluation de leurs capacités et de l'effet qu'aura la vie politique sur la vie personnelle et professionnelle, ainsi qu'après avoir été sollicitée par un parti que la majorité des femmes rencontrées ont décidé de faire le saut en politique active. Cette différence dans la façon d'envisager une carrière politique puisse ses racines dans un processus de socialisation politique genré. Les répercussions de la vie politique sur la vie familiale et parentale ne sont par ailleurs pas les mêmes pour les femmes que pour les hommes.

120

Lorsque les femmes pourront réellement se faire entendre au niveau du parlement et au gouvernement, elles pourront participer aux débats publics aux mêmes titres que les hommes et peser sur les décisions qui décident de leur avenir, de celui de leur famille, de leur communauté et de leur nation. Pour faire progresser la gouvernance démocratique, il est nécessaire de créer et pérenniser un environnement favorable aux processus politique qui renforcent la participation des femmes à la vie politique sont des conditions sine qua non du développement démocratique et contribuent à la bonne gouvernance. Aucun développement au monde ne peut se faire sans la participation équitable des femmes à la gestion de la chose publique.

ANNEXES

121

122

ANNEXE 1 : ATTESTATION DE RECHERCHE DE L'UNIVERSITE DE YAOUND I, 2022

123

ANNEXE 2 : FICHE D'ENTRETIEN AUX ADMINISTRATEURS, AUX FEMMES AU PARLEMENT QU'AU GOUVERNEMENT

I. POUR LES ADMINISTRATEURS

Votre présence aujourd'hui dans les instances décisionnelles de l'État avec la femme tchadienne peut-elle s'analyser comme une évolution de la vie politique de la période du monopartisme et à l'avènement du multipartisme ?

La femme tchadienne a-elle toujours été valablement représentée aussi bien au parlement qu'au gouvernement de son pays depuis l'indépendance ?

Vous arrive-t-il de vous concerter en dépit de l'appartenance politique de la femme tchadienne pour faire passer une décision touchant la femme au parlement et au gouvernement à l'ère du monopartisme et multipartisme ?

Quels sont les opportunités pour l'expression politique de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ?

Quels sont les obstacles de la femme tchadienne en politique de son pays depuis l'indépendance ?

Quels sont les voies d'entrée de la femme tchadienne dans la vie politique au Tchad ? Quels sont les défis de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ?

Comment a été la représentativité de la femme tchadienne au niveau du parlement et du gouvernement à l'ère du monopartisme et de multipartisme ?

Quelles sont les actions de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ? Pourquoi le quota a été signé officiellement en 2018 ?

Quels sont les perspectives pour une forte participation de la femme tchadienne au parlement et au gouvernement ?

II. 124

La femme tchadienne a-t-elle toujours été valablement représentée aussi bien au parlement de son pays depuis l'indépendance ?

POUR LES FEMMES AU GOUVERNEMENT

Votre présence aujourd'hui dans les instances décisionnelles de l'État peut-elle s'analyser comme une évolution de la vie politique de la période du monopartisme et à l'avènement du multipartisme ?

La femme tchadienne a-elle toujours été valablement représentée aussi bien au gouvernement de son pays depuis l'indépendance ?

Pourquoi attendre en 1984 pour que la femme intègre le gouvernement ?

Vous arrive-t-il de vous concerter en dépit de l'appartenance politique de la femme tchadienne pour faire passer une décision vous touchant au gouvernement à l'ère du monopartisme et multipartisme ?

Quels sont les défis de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ?

Comment a été la représentativité de la femme tchadienne au gouvernement à l'ère du monopartisme et de multipartisme ?

Quelles sont les actions de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ? Pourquoi le quota a été signé officiellement en 2018 ?

Quels sont les perspectives pour une forte participation de la femme tchadienne au gouvernement ?

III. POUR LES FEMMES AU PARLEMENT

Votre présence aujourd'hui dans les instances décisionnelles de l'État peut-elle s'analyser comme une évolution de la vie politique de la période du monopartisme et à l'avènement du multipartisme ?

125

Vous arrive-t-il de vous concerter en dépit de l'appartenance politique de la femme tchadienne pour faire passer une décision vous touchant au parlement à l'ère du monopartisme et multipartisme ?

Quels sont les défis de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ?

Comment a été la représentativité de la femme tchadienne au parlement à l'ère du monopartisme et de multipartisme ?

Quelles sont les actions de la femme tchadienne à l'ère du multipartisme ? Pourquoi le quota a été signé officiellement en 2018 ?

Quels sont les perspectives pour une forte participation de la femme tchadienne au parlement ?

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