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L'identité en débat - Représentations et idéologies dans les discours sur l'immigration au sein de l'espace public

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par Jean-Marie GIRIER
Université Lyon II - Université Lyon III - ENS-Lsh Lyon - Master 2 recherche en Sciences de l'information et de la communication 2007
  

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Chapitre 2

Les représentations de l'immigré,

symboles d'une xénophobie inconsciente.

L'espace public du débat sur l'immigration n'est pas seulement l'agora, le lieu réel de la prise de décision. Il s'agit aussi et surtout d'un espace symbolique où les acteurs confrontent et échangent leurs représentations à travers leurs discours et leurs productions esthétiques. Selon Bernard Lamizet, « la dimension politique de la sociabilité consiste justement dans la reconnaissance d'une signification et d'une consistance symbolique de l'espace public ».

Nous postulons que la façon dont les acteurs parlent de l'immigration est significative de la place à partir de laquelle ils l'envisagent. Dès lors, il apparaît intéressant de s'attarder sur les vocables mobilisés lors de ce débat public. Les députés sont très rigoureux sur le champ sémantique, mais nous allons montrer que transparaissent parfois des raccourcis, des éléments de langage révélateurs d'un certain inconscient.

Nous commencerons par traiter le lien entre imaginaire et immigration avant de discuter son lien avec la vérité, puis nous balayerons l'évolution récente des représentations de l'immigré en nous appuyant sur les interventions dans le débat public.

I. Imaginaire et fantasme

Représentations de l'immigration et imaginaire

Le traitement de la question de l'immigration lors du débat est fondamentalement lié à la question de l'identité. De ce fait, il nous apparaît nécessaire de commencer par développer l'articulation du symbolique et de l'imaginaire autour de la question centrale de l'identité. L'identité représente la convergence de ces deux niveaux. L'ordre symbolique articule un signifiant, ce que Lacan nommait le lieu de l'Autre38(*), avec le « ça » freudien, alors même que l'imaginaire projette le sujet vers l'idéal de son « autre-moi ». Avec la thématique migratoire, cette double articulation de l'identité nous conduit à la reformuler pour mieux envisager le concept d'altérité et la médiation entre singulier et collectif. En articulant notre questionnement sur les représentations avec la notion d'imaginaire, nous pourrons par la suite montrer en quoi l'élaboration des significations est à l'origine des fantasmes sur la question migratoire.

Rapport à soi, à l'Autre, au monde, le thème de l'immigration nous conduit à aborder les questions de l'identité et de l'altérité. Nous allons présenter en quoi le je conduit à articuler le sujet dans sa dimension singulière et collective à travers ces deux concepts.

L'altérité, c'est la reconnaissance de l'autre dans sa différence. L'altérité psychique se joue dans le lieu de la communication intersubjective, dans l'espace du miroir39(*). Ce stade formateur du je ne peut se mettre en place qu'en présence de l'autre, et c'est plus précisément dans la relation à l'autre, à un autre je, que se développe l'altérité du sujet. En effet, le sujet étant social, il lui est impossible de prendre conscience de son je seul. Cependant, il n'y a pas de relation réelle mais une relation entre deux images, le rapport d'un moi à un autre moi relève de l'imaginaire. Et c'est donc par l'identification à « l'imago du semblable » que se joue la dialectique « qui dès lors lie le je à des situations sociales élaborée ». Dans sa théorie du sujet et de l'identité, Jacques Lacan souligne également qu'il n'y a pas d'inconscient sans langage. Il met en place l'instance de l'Autre, lieu du signifiant qui structure l'inconscient dans l'ordre symbolique, en soulignant que cette représentation fonde alors une relation de manque dans la transaction de son propre message entre le Sujet et ce grand Autre.

A l'altérité psychique, il importe d'ajouter une altérité politique. Bien évidemment, nous sortons dès lors de l'intersubjectivité pour retrouver un processus reposant sur l'identité politique. L'altérité politique doit en effet être considérée comme la reconnaissance sociale d'une autre identité collective dans sa différence. C'est cette altérité qui est en jeu dans le phénomène migratoire, et qualifiée par ce « Nous et les autres », une dialectique entre endogroupe et exogroupe40(*).

Il faut désormais que nous traitions de l'identité. Comme pour l'altérité, elle comporte plusieurs paliers. Ainsi, il existe tout d'abord l'identité personnelle, individuelle. Elle repose dans une médiation entre la singularité du sujet et le politique présent dans l'espace public. Cette identité renvoie l'image de son prochain, et le professeur Féline souligne que dans ce niveau imaginaire, le rapport à autrui repose sur « une compétition dans le fait de savoir de quel côté se situe l'idéal41(*) ». Enfin, l'identité politique doit se penser comme une dialectique entre une vérité singulière et le politique qui apporte ses lois, ses normes, ses représentations car le sujet a sa vérité propre, mais aussi son identité collective.

On place dans la dimension collective de l'identité politique ce que certains nomment l'identité sociale et l'identité culturelle. Dans une dimension de dialogue, elle implique l'ensemble des traits communs qui s'imposent au sujet, mais qui sont également partagés par les membres des groupes d'appartenance du sujet. Ainsi, une association regroupe des individus qui partagent certains traits et un même projet politique. Cette identité symbolique permet d'identifier le sujet de l'extérieur et « fonde la permanence de son être » : règles, normes, valeurs, mais aussi les éléments de l'histoire, de la famille, de la religion... L'identité sociale se construit donc dans ce qu'il y a de plus collectif : la langue. Une telle identité politique nous permet plus facilement de comprendre une altérité politique en tant que reconnaissance de la différence des caractéristiques qui ne sont pas communes aux groupes de vie du sujet.

Dans leur théorie de l'identité sociale42(*), Tajfel et Turner présentent des mécanismes de l'identité sociale consistant à maintenir une représentation positive de cette identité symbolique en la basant sur la comparaison avec les autres groupes. Cette théorie a été récemment développée dans les travaux de Marie-Françoise Lacassagne43(*). Bien évidemment, c'est avec une approche langagière qu'ont été étudiés les biais de catégorisation dans la représentation de la communauté maghrébine, un exemple que nous réinvestirons dans plus tard dans ce chapitre. Trois mécanismes ont été mis à jour : un biais de contraste, qui entraîne une appréhension de l'autre en le situant par rapport à sa propre communauté ; un biais d'assimilation qui revient à « maximiser les ressemblances entre les membres d'une même catégorie » ; et un biais de discrimination qui consiste à favoriser les membres de sa propre catégorie au détriment de ceux des autres catégories. Dans la même perspective, Maria Jarymowicz44(*) considère la référence à l'endogroupe (le Nous) comme la capacité du sujet à produire des représentations de Soi et des Autres. Elle parle d'un Soi social qui relèverait du sentiment lié à une catégorisation sociale. Mais elle fait surtout remarquer que le Nous, identification au groupe, conduit au rejet de l'exogroupe. On voit donc bien dans cette vue collective le lien existant entre identité et altérité.

Les cas précédents montrent qu'il existe des dérives identitaires possibles, et c'est par exemple le fondement du multiculturalisme. Dans sa théorie de l'ethnicité réactionnelle, Fredrick Barth avance que « ce n'est pas l'isolement, mais l'intensification des échanges (en particuliers urbains) qui est la condition de la réaffirmation identitaire45(*) ». Cette remarque est acceptable dans la mesure où l'identité politique se développe par rapport aux identités voisines. Cependant, sans pour autant rejoindre Laplantine, pour qui Barth vide de sens le concept d'ethnicité, il nous semble que le processus « réactionnel » présente certaines limites dans le cadre d'un questionnement identitaire. Pour Laplantine, la revendication identitaire met en jeu l'histoire et la mémoire. Cette proclamation d' « authenticité » repose sur la question de l'origine, c'est-à-dire sur l'élément stable et permanent du collectif. Il introduit ici l'idée fondamentale selon laquelle, dans ce cadre, « c'est le passé qui commande au présent, qui lui attribue sa légitimité rétroactive46(*) ».

* 38 LACAN, Jacques, Écrits, 1966.

* 39 LACAN, Jacques, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction Je », Écrits, 1966, p 93-100.

* 40 SABATIER, Colette (dir.), et al., Identités, acculturation et altérité, 2002, p 40.

* 41 FELINE, André, « Les quatre composantes de l'identité », Conférence prononcée le 27 octobre 1990 à l'Hôpital Bicêtre.

* 42 TAJFEL et TURNER, « Social identity and intergroup behaviour », Social Science Information, n°13, 1974.

* 43 LACASAGNE, Marie-Françoise, et al., « Les biais de catégorisation dans la représentation des maghrébins en France », in SABATIER, Colette (dir.) et al., Identités, acculturation et altérité, 2002, p 151-161.

* 44 JARYMOWICZ, Maria, « Soi social, différentiation soi/nous/autres et coexistence interculturelle », SABATIER Colette (dir.) et al., Identités, acculturation et altérité, 2002, p 33-40.

* 45 BARTH, Fredrik, « Ethnic groups and boundaries », cité par Laplantine, François, Je, nous et les autres : être humain au-delà des appartenances, 1999.

* 46 LAPLANTINE, François, Je, nous et les autres : être humain au-delà des appartenances, 1999, p 41.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry